Chapitre 3.

Nathan

- Joyeux anniversaire, princesse ! s'exclament les garçons en entrant dans la maison.

Sami tient une grosse boite en carton et tout deux sourient fièrement.

- Merci ! s'écrit la reine du jour lorsque Romain la porte dans ses bras pour embrasser sa joue. C'est mon cadeau ?

- Oui, c'est ton cadeau. De notre part à tous les deux, affirme mon second ami.

Elya retrouve la terre ferme et sautille sur place.

- Je peux l'ouvrir ? Hein Papa, je peux ? Juste celui-là. Les autres, je les ouvrirai quand Mamie sera là. S'il te plait, s'il te plait !

- Oui, bien sûr, lui ris-je en la voyant surexcitée.

C'est elle qui m'a réveillé ce matin en sautant sur mon lit pour me prévenir que c'était son anniversaire. Comme si je n'étais pas au courant ! Elle a couru partout toute la matinée, impatiente que ses amis arrivent, et les miens aussi.

Du coin de l'œil je vois ces deux-là jubiler. Je me méfie ; quelle connerie ont-ils encore acheté ? L'année dernière, c'était un piano électrique qui fait un vacarme monstrueux lorsqu'Elya se proclame compositrice. A Noël dernier, ils ont choisit un énorme ours en peluche d'un mètre soixante de haut qui encombre sa chambre, mais qu'elle adore. Donc j'ai raison d'avoir peur, aujourd'hui. Je les avais prévenu de ne pas faire de conneries, mais au vu de leur sourire complice, je doute qu'ils aient pris en compte mon avertissement.

Le brun pose la boite au sol et le rouquin s'accroupit près de lui. Ma fille soulève le battant du carton et hurle de joie en tapant dans ses mains. Qu'est-ce qu'ils ont encore fait ? Je n'ose pas baisser les yeux.

- Papa regarde comme il est beau !

Ils n'ont pas fait ça ? Dites-moi qu'ils n'ont pas acheté un animal !

- Il est trop mignon ! Merci merci merci ! Vous êtes les meilleurs !

Elya soulève avec précaution une petite boule de poils noire, grise et blanche. Elle embrasse le sommet de sa tête tout en caressant son corps minuscule, pendant que je me retiens de sauter à la gorge de mes soi-disant amis.

- C'est une fille ou un garçon ? demande-t-elle joyeusement.

- Une fille, répond Sami.

- Comment elle s'appelle ?

- C'est toi qui choisit ! déclare Romain.

Elya prend un air des plus sérieux pour réfléchir à un nom qui lui irait bien.

- Tu t'appelleras... Polly ! Fais-lui un bisou, Papa, m'ordonne-t-elle.

Je m'accroupis près d'elle et fais ce qu'elle me demande, puis elle avance jusqu'au canapé pour faire connaissance avec sa nouvelle amie alors que je me tourne vers les deux envahisseurs.

- C'est une blague !

- Regarde, elle l'adore ! s'écrit Romain.

- Forcément qu'elle l'adore, imbécile. Elle aime tous les animaux. Ça ne vous est pas venu à l'esprit de me demander mon avis ?

- Espèce de rabat-joie ! proteste Sami.

J'ouvre la bouche pour les insulter de tous les noms mais ils ressortent aussitôt de la maison. Ils vont jusqu'à la voiture du frère de Romain qui les a déposé chez moi pour en sortir plusieurs sacs qu'ils me rapportent. Je comprends alors que le chat ne leur a rien couté puisque le voisin de Sami donnait plusieurs chatons. Ils ont donc acheté toute la nourriture nécessaire pour plusieurs mois, une caisse à chat ainsi que des graviers, des jouets qui font du bruit et enfin, un arbre à chat d'un mètre de haut.

- Ça vous a couté une fortune tout ça ! comprends-je alors.

- Ton frère s'est mis avec nous pour les achats, déclare le rouquin en haussant les épaules.

Je soupire de lassitude et suis à deux doigts de les virer à coups de pied au cul en leur demandant de rapporter ce chaton, mais ma fille intervient et m'en dissuade indirectement.

- Papa ! Viens voir Polly, elle est trop marrante.

Ces deux idiots me font un grand sourire qui veut dire « Et voilà ! Maintenant, essaie de lui retirer son cadeau ! ». Ils savent que je ne peux pas lui faire ça.

Je vais donc vers elle et la regarde chatouiller le chat.

- Vas-y doucement ma puce, c'est encore un bébé, la préviens-je en caressant cette petite boule de poils.

- D'accord. Elle pourra dormir avec moi ?

- Pas pour le moment, elle est trop petite. Et puis, c'est elle qui choisira où elle voudra dormir. Tu me promets que tu vas bien t'occuper d'elle, si elle reste ici ?

- Oui ! Promis, Papa ! s'exclame-t-elle en me souriant. Elle reste avec nous, hein ?

Ses petits yeux bleus me supplient d'accepter alors je hoche la tête.

- Bien sûr, lui souris-je.

- Merci !

- Mais il faut que tu commences à t'occuper d'elle dès maintenant.

- C'est ce que je fais.

Je ris doucement.

- S'occuper d'un chaton, ce n'est pas seulement le caresser et jouer avec. Il faut lui donner à manger et surtout nettoyer sa caisse quand il fera ses besoins.

- C'est dégoutant, grimace-t-elle.

- C'est la condition si tu veux que Polly reste à la maison. Mais je t'aiderai, ne t'inquiète pas. Tu es encore petite, alors je serai là.

- D'accord ! Merci Papa, t'es le meilleur.

Elle me serre dans ses bras et part ensuite avec Sami pour préparer la litière du chat pendant que je m'occupe de notre nouvelle colocataire. Elle me mordille le bout du doigt tout en s'emparant de ma main avec ses petites pattes. C'est vrai qu'ils ont bien choisit ; elle est très mignonne. Mais je ne voulais pas d'animal avant qu'elle ait grandi un peu ! Elle est trop jeune et c'est moi qui vais me charger de tout, à tout les coups. J'ai déjà beaucoup à faire sans avoir un animal dans les pattes.

Plus tard dans la journée, Polly est enfermée dans la cuisine. Ce ne serait pas très bon pour elle que quatre enfants lui tournent autour. Lorsque j'ai accueilli les parents des camarades de ma fille, j'ai senti leur moment d'hésitation en leur disant que j'étais le père d'Elya. La maman de Timéo m'a même demandé où était la grand-mère de ma fille. Elle a été réticente à me laisser son gamin. A tort, puisque j'ai parfaitement su m'occuper de tout ces enfants. Même quand la petite Mia s'est cognée le genou et qu'elle a pleuré.

Lorsque ma mère rentre du bureau, ma fille s'empresse de déballer ses cadeaux. Elle est heureuse de découvrir une nouvelle poupée, deux cahiers de coloriage avec des feutres, ainsi que deux DVD de dessins animés Disney - qu'elle a déjà en sa possession - sans compter sur le livre de contes que sa grand-mère lui a acheté et le petit bureau que je lui ai trouvé. Je l'ai installé dans sa chambre ce matin à son réveil. C'est elle qui a insisté pour l'avoir et comme j'en ai trouvé un pas trop cher, j'en ai profité. Ce n'était pas son seul cadeau de ma part puisque je lui ai enfin acheté ses trois peluches du Roi Lion qu'elle me réclamait depuis des mois.

Quand Elya est allée montrer Polly à ma mère, cette dernière n'a même pas été surprise. Donc elle aussi était dans le coup ? Les gars lui ont probablement demandé l'autorisation avant de prendre ce chaton.

- Tu t'es bien amusée aujourd'hui ? lui demandé-je après le diner.

- Oui, trop bien ! C'était trop génial ! s'exclame-t-elle en gardant les yeux rivés sur Polly.

Nous sommes tous les deux assis face à face, en tailleur dans la cuisine, et nous jouons avec le bébé chat. Nous faisons rouler de l'un à l'autre la petite balle rose à grelots pour que la petite boule de poils court entre nous. J'admets qu'elle est très mignonne et cette petite tâche blanche autour de son museau fait beaucoup rire Elya.

- Pourquoi elle doit dormir ici ? gémit-elle.

- Ce n'est que pour quelques nuits, je te l'ai expliqué. Elle pourra sortir et courir dans toute la maison demain, mais la nuit, elle reste dans la cuisine.

- Pour qu'elle ne fasse pas pipi partout ?

- C'est ça. Ce n'est qu'un petit bébé, il faut qu'elle apprenne à savoir où est sa caisse pour faire ses besoins.

Elya gonfle ses joues et soupire longuement.

- Moi, quand j'étais un bébé, tu m'enfermais pas dans la cuisine, me défie-t-elle.

- Heureusement, ris-je en attrapant la boule de poils. Mais quand tu étais bébé, tu avais une couche, et maintenant, tu n'en as plus besoin puisque tu as grandi. Elle aussi va grandir.

- Mais Papa...

- J'ai dit non, c'est comme ça.

Elle fait la moue en faisant ressortir sa lèvre inférieure. Elle est trop mignonne comme ça et même si ça ne le devrait pas, ça m'amuse. Je me retiens tout de même de rire pour ne pas la contrarier et pose le chaton près d'elle.

- Tu boudes ?

- Non. Je suis un petit peu déçue, c'est tout.

Elle relâche la balle et grimpe sur mes genoux pour venir se blottir contre moi en baillant.

- Tu es fatiguée, ma puce, murmuré-je en embrassant le sommet de sa tête. On va aller se coucher.

- Je peux faire dodo avec toi cette nuit ? Ça fait longtemps.

- D'accord. Tu dis bonne nuit à Polly ?

Elle caresse le chaton puis dépose un bisou entre ses deux oreilles avant de lui faire un signe de la main et de fermer la porte. Nous passons par le salon pour embrasser ma mère et en arrivant dans ma chambre, Elya grimpe sur mon grand lit. Elle parait minuscule sous le drap blanc, entourée de plusieurs oreillers. Je sors de la pièce le temps de me mettre en pyjama et la rejoins. Elle dort déjà à moitié lorsque je m'allonge près d'elle.

- Papa ? m'appelle-t-elle en me fixant de ses yeux endormis.

- Oui ?

- Tu crois que ma maman pense à moi quelques fois ?

Mon cœur se serre immédiatement. Il y a longtemps qu'elle n'avait pas abordé le sujet de sa mère et ça ne m'avait pas manqué. Je déteste lui parler de ça parce que j'ai toujours peur de la faire souffrir. Néanmoins, je me suis toujours promis de répondre honnêtement à la moindre de ses questions, dans la limite du raisonnable, bien entendu. Il y a des choses qu'elle ne doit pas savoir pour le moment. Pas avant de nombreuses années.

- J'espère. Je l'espère vraiment.

- Pourquoi elle n'est pas venue aujourd'hui, pour mon anniversaire ? Elle ne sait peut-être pas que c'est mon anniversaire.

Si, elle le sait, c'est certain. Même si elle se fiche de notre fille, elle connait cette date. Peut-être même que ce jour la hante, peut-être regrette-t-elle de l'avoir abandonnée, peut-être se déteste-t-elle chaque seize septembre de chaque année.

- On pourra aller la voir, un jour ?

- Je ne sais pas où elle est, réponds-je honnêtement en caressant sa joue de mon pouce. Si je le savais, je t'emmènerais la voir, mais je n'en sais rien.

- Elle ne m'aime pas, chuchote-t-elle en laissant couler deux petites larmes.

- Tu n'en sais rien, dis-je en essuyant ses yeux. Je t'avais expliqué un jour que ta maman t'avait laissée avec moi, mais ce n'était pas parce qu'elle ne t'aimait pas. Elle ne savait pas comme s'occuper d'un bébé.

A chaque explication que je donne à ma fille à propos de sa mère, je la défends toujours. Je ne peux pas dire l'entière vérité à une enfant de quatre ans. Je ne peux pas lui avouer que sa mère n'était qu'une fille que je n'ai connu qu'une soirée et qu'elle a préféré laisser son bébé. J'ai déjà la sensation d'être cruel dans mes réponses et beaucoup trop sincère.

- Mais tu pouvais l'aider, geint-elle en reniflant.

- Elle avait peur de ne pas réussir à s'occuper de toi et de te faire du mal.

Mes yeux s'embrument rapidement et je continue.

- Je sais que tu aimerais la voir, la connaitre, sauf que je ne sais pas où elle est, mon ange. Mais moi, je ne t'abandonnerai pas. Je suis là, et je ne m'en irai jamais.

Elle essuie son nez et ses petits yeux bleus semblent me supplier.

- Promis ?

- Oui promis, mon bébé. Viens là.

Elle s'approche de moi pour que je la serre dans mes bras.

- Je t'aime plus haut que les étoiles.

- Moi aussi, Papa. Je t'aime.

***

Le lendemain, après une nuit sans sommeil de ma part à ressasser les paroles de ma fille, nous restons tous les trois à la maison. Elya ne touche même pas aux jouets que ses copains lui ont offerts et passe sa journée avec Polly. Quand la boule de poils s'est enfin assoupie, c'est l'heure de la sieste aussi pour Elya.

Pendant ce temps-là, j'en profite pour parler avec ma mère de la conversation que j'ai eu la veille. Ça me déchire le cœur d'avouer à une enfant de quatre ans que sa mère n'a pas voulu d'elle mais ma génitrice me rassure en me disant qu'elle comprendra plus tard et que malgré son jeune âge, elle est forte. Mais peut-on vraiment être fort à quatre ans ? Je ne pense pas qu'elle saisisse vraiment ce que je veux lui faire comprendre. C'est bien trop compliqué. Moi-même je ne connais pas les vraies motivations qu'avait Manon en abandonnant notre bébé et ça me dépasse totalement.

Dans l'après-midi, elle me pose une question qui me surprend. Comme la plupart des questions qu'elle me pose d'ailleurs.

- C'est quoi une belle-mère ?

- Où est-ce que tu as entendu ça ?

- C'est la belle-mère de Mia qui est venue la chercher hier, m'apprend-elle avant de croquer dans sa tartine de Nutella. Ça veut dire quoi ?

Je soupire tout en réfléchissant à une façon simple de lui expliquer.

- Parfois, le papa et la maman ne sont plus amoureux, et ils décident de se séparer. Mais il se peut que le papa retombe amoureux d'une autre femme. Et pareil pour la maman.

- Et l'autre femme, c'est la belle-mère ?

- Oui.

- D'accord, dit-elle en hochant la tête. Je crois que j'ai compris.

Bien sûr qu'elle a compris, elle comprend toujours beaucoup de choses.

Elle termine son verre de lait au moment où ma mère entre dans la cuisine pour faire couler du café.

- Tu es toujours amoureux de ma maman ?

Je manque de m'étouffer avec mon café mais lui réponds honnêtement.

- Non mon cœur, lui souris-je tristement.

Elle, elle m'offre un sourire sublime et plein de joie.

- Donc tu peux avoir une autre amoureuse ?

Ma mère écarquille les yeux en grand, tout comme moi d'ailleurs. Elya pleurait hier soir parce que sa maman n'était pas là, et elle trouve déjà une solution de repli ?

- Mia a dit que sa belle-mère était très gentille.

- Tu es en train de me dire que tu... que tu veux une belle-mère ?

Elle hausse les épaules en souriant.

- Comme ça, tu auras une amoureuse et tu seras content. Et puis j'aurai une maman qui m'aimera peut-être.

Je déglutis difficilement. Elle veut seulement quelqu'un qui l'aime comme je l'aime. C'est totalement légitime mais je ne peux lui avouer que j'ignore si un jour, une femme l'aimera comme sa propre fille. Je ne suis même pas capable de m'imaginer en couple aujourd'hui.

- Ma chérie, va voir où est Polly s'il te plait, lui demande ma mère.

Elle saute au sol et trottine pour sortir de la cuisine pendant que ma mère tire la chaise près de moi pour s'installer.

- Elle pense qu'elle n'est pas aimée, murmuré-je.

- Non, c'est faux Nathan. Elle sait qu'elle est aimée.

- Oui, mais pas par sa mère. Elle veut que je la retrouve.

- C'est ce que tu veux, toi ?

- Non ! Elle n'a aucun droit sur Elya ! m'exclamé-je. Je ne veux pas qu'elle se retrouve face à la femme qui l'a abandonnée.

Elle me sourit en me prenant la main.

- Tu as entendu ce qu'elle a dit tout à l'heure ? Elle veut que tu aies une amoureuse pour que tu puisses être heureux. Ta fille de quatre ans pense à ton bonheur pour toi, puisque tu ne le fais pas. Tu devrais l'écouter un peu plus, me dit-elle sur le ton de la confidence.

- Je n'ai pas d'amoureuse, lui souris-je. Peut-être un jour, mais pas pour le moment.

Elle s'adosse à la chaise en croisant les bras sur sa poitrine.

- Et cette fille, alors ?

- Quelle fille ?

- Tu sais de qui je parle, me taquine-t-elle. Celle que tu as ramené chez elle après les cours toute la semaine et qui a même retardé ton arrivée à la maison. Tu ne rentres jamais en retard habituellement.

- Dix minutes, ce n'est rien ! m'esclaffé-je. Il n'y a rien entre Gaëlle et moi.

- Gaëlle, répète-t-elle d'un ton moqueur. Cette fille a donc un nom.

J'éclate de rire, soulagé de la tournure qu'a pris cette conversation. On ne parle plus de Manon, c'est déjà ça.

- Évidemment qu'elle a un nom. Mais je t'arrête toute suite : je l'a connais à peine. On est dans la même classe depuis deux semaines et ça ne fait que cinq jours que je lui parle. Alors te t'enflamme pas trop vite, s'il te plait.

- Et elle est comment cette fille ?

Je me lève et débarrasse le goûter d'Elya.

- Tu es trop curieuse.

- Si tu ne veux pas me répondre, c'est qu'il y a plus que rien du tout, s'amuse-t-elle.

- N'importe quoi.

Elle s'empare de l'éponge que je viens de prendre pour la poser sur la table et me fixe avec attention. Il n'y a plus aucune trace d'humour.

- Je sais que tu fais tout pour qu'Elya soit heureuse. Tu le fais depuis quatre ans. Mais pense un peu à toi de temps en temps. Je ne te parle pas forcément de cette fille et je sais que je te l'ai déjà dit plusieurs fois, mais je préfère me répéter.

- Et tu sais à quel point je suis têtu.

- Oh oui ! soupire-t-elle.

Elle dépose un baiser sur ma joue et me rend l'éponge.

- Essaie seulement de prendre en compte ce que je viens de te dire.

- D'accord, capitulé-je.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top