Chapitre 29.

Gaëlle

Le vibreur de mon téléphone me réveille et je grogne en attrapant l'appareil. Je ne sais pas ce qui me surprend le plus : l'heure affichée sur l'écran ou le fait que ce soit mon petit ami qui ose me réveiller à sept heure cinquante-deux ? Il sait que je déteste qu'on me dérange un samedi matin !

Je décroche tout de même, encore endormie :

- Mmh.

- Gaëlle ?

Je sursaute au son de cette voix féminine que je ne reconnais pas. Une femme ? Avec le téléphone de mon copain ?

Je me redresse vivement, désormais parfaitement réveillée.

- C'est qui ?

- C'est Myriam.

Je soupire de soulagement ; ce n'est que sa mère. Mais le soulagement est de courte durée puisque je commence déjà à m'inquiéter. Pourquoi sa mère me téléphone ? Elle répond à ma question avant même que je ne la pose.

- Excuse moi de te déranger si tôt, mais j'ai un petit problème. Je dois absolument aller travailler aujourd'hui mais Nathan n'est pas bien du tout. Il a été malade toute la nuit et il a de la fièvre. Il s'est même levé vers deux heures du matin pour aller boire un coup mais je l'ai entendu tomber dans le couloir. J'aimerais vraiment qu'il se repose aujourd'hui donc je voudrais savoir si tu étais libre aujourd'hui pour garder Elya ? Je n'ai personne d'autre à qui demander, je suis vraiment désolée. Si tu ne peux pas, ce n'est pas grave. Je me débrouillerai autrement. J'appellerai mon patron et...

- C'est d'accord ! réponds-je immédiatement sans même prendre un temps de réflexion. Je me prépare rapidement et j'arrive.

- C'est vrai ? Ça ne te dérange pas ? s'écrit-elle étonnée.

- Absolument pas ! lui certifié-je.

Je suis déjà debout, en train de chercher activement des vêtements à me mettre.

- Merci beaucoup ! soupire-t-elle soulagée. Nathan m'en voudra certainement de t'avoir appelée mais il a besoin de repos.

- Ça ne lui fera pas de mal pour une fois, souris-je tout en étant tout de même inquiète pour lui.

J'annonce ensuite à Myriam que je me dépêche et, étonnement, je suis prête en seulement neuf minutes ! Je me surprends moi-même. Et ma mère sera d'autant plus choquée lorsqu'elle verra le mot que je lui ai laissé dans la cuisine.

À huit heures vingt-quatre, je frappe à la porte et la mère de mon petit-ami m'ouvre, prête à partir. Elle me laisse entrer et attrape son sac à main.

- Elya est en train de terminer son petit déjeuner. Si tu as faim, tu te sers. Fais comme chez toi, d'accord ?

Je hoche la tête, un peu perdue.

- Vous partez maintenant ?

- Oui. Je commence le travail dans cinq minutes, je suis déjà en retard, ricane-t-elle. Si tu as le moindre problème, appelle moi. Mon numéro est dans le téléphone de Nathan, n'hésite surtout pas, d'accord ?

- Ok. Je ne vois pas pourquoi il y aurait un problème, lui souris-je.

Elle me remercie une dernière fois et sors de la maison pour prendre sa voiture. Je dépose mes affaires dans le salon et rejoins Elya dans la cuisine.

- Papa est malade, annonce-t-elle tristement en faisant tourner ses céréales dans son bol.

- Ce n'est qu'un petit rhume, lui expliqué-je en m'installant près d'elle. Il ira mieux très bientôt, j'en suis sûre.

Je dépose un baiser sur sa joue et elle fait de même, me laissant une jolie trace de chocolat.

- Ça ne te dérange pas qu'on passe la journée juste toutes les deux pendant que ton papa se repose ?

- Non, me sourit-elle sincèrement. On pourra faire des gâteaux pour lui quand il se réveillera ?

- Oui, pourquoi pas, ris-je tout en appréhendant cette séance de pâtisserie.

Je n'ai jamais été très douée en cuisine alors je me contenterai de ne pas déclancher l'alarme incendie...

Soudain, Elya éclate de rire.

- Tu veux des céréales ? Ton ventre grogne. Il a faim je crois.

J'acquiesce vivement, amusée de sa réaction, et met en application les recommandations de sa grand-mère, à savoir, de faire comme chez moi. Je me dirige vers les placards et me sers un petit-déjeuner, fait de tartines de confiture et de céréales.

La fillette mange goulûment tout en m'expliquant qu'elle compte faire des dessins pour son père et qu'elle veut même faire la vaisselle aujourd'hui, pour qu'il soit fier d'elle et pas trop fatigué.

- J'aime pas quand papa est malade.

- Moi non plus. Mais il ira mieux demain puisqu'il va se reposer toute la journée.

- Oui ! On doit pas faire de bruit pour pas le réveiller ! décrète-t-elle avec sérieux.

Ce n'est pas cette règle qu'elle vient d'imposer qui l'empêche de se taire. Au contraire. Elle continue de parler, parfois la bouche pleine, mais je ne la reprends pas et réponds à ses questions tout en lui en posant moi-même. Dans des moments comme celui-là, je n'ai pas l'impression d'être avec une enfant de quatre ans, mais plutôt du double de son âge.

- Papa m'a appris à faire des additions ! s'exclame-t-elle fièrement lorsque nous débarrassons la table.

- Ah oui ?

Je le savais déjà, Nathan m'en a parlé la semaine dernière. Elya apprend très vite, d'ailleurs ! Ce qui n'a rien d'étonnant venant d'elle.

- Oui. Je m'ennuie à l'école. On fait du coloriage, du découpage et on compte jusqu'à cinq. C'est trop nul. Alors j'ai demandé à papa de m'apprendre des trucs de grands.

Je souris sincèrement et décide de tester ses connaissances.

- Cinq plus trois ?

Elya fronce les sourcils, très concentrée et répond juste après quelques secondes de réflexion en s'aidant de ses doigts.

- C'est trop facile aussi ? rigolé-je.

- Moyen, répond-elle en grimaçant. Des fois, papa me donne des calculs trop dur ! La dernière fois, il m'a dit de faire deux plus quatre plus un plus trois.

- Et tu n'as pas réussi ?

- Si, mais c'était long de calculer.

J'éclate de rire face à cet air sérieux qu'elle affiche. Elle est adorable.

- On peut faire des gâteaux maintenant ?

- Euh... Oui. Si tu veux, réponds-je avec hésitation. Tu veux faire quoi ?

- Des cupcakes au chocolat ! Papa adore ça !

Sans attendre ma réponse, elle attrape une chaise, la pousse en la faisant racler sur le sol pour l'amener contre l'évier. Elle grimpe dessus, se met debout et ouvre le placard pour me montrer un classeur bleu foncé.

- Tu peux me le donner s'il te plaît ?

Je m'en empare mais demande à Elya de descendre de la chaise pour le lui donner. Elle le pose brusquement sur la table et l'ouvre pour chercher activement ce qu'elle souhaite. Elle retire ensuite la feuille du classeur, protégée par une pochette transparente, et me la tend. Je lis alors le titre à haute voix.

- « Cupcakes tout chocolat ».

J'énonce ensuite la liste des ingrédients tandis qu'Elya s'active pour récupérer chacun d'entre eux au fur et à mesure. Bols, fouets, batteur électrique, cuillères et balance se joignent à la nourriture et nous nous activons en cuisine pour préparer ces fameux gâteaux.

Une heure et demi plus tard, après avoir passé notre temps à rire ou à manger du chocolat, les cupcakes sont dans le four et la crème qui les recouvrira est dans le frigidaire.  Je redoute déjà le moment où nous devrons décorer les gâteaux alors qu'Elya trépigne d'impatience.

- Mais il faut attendre que la crème soit trop trop froide pour que ça marche, m'apprend-elle en faisant la moue.

En patientant durant la cuisson, nous faisons toutes les deux la vaisselle. Je me retrouve à lui étaler de la mousse sur les joues et le menton et la regarde se balader dans la cuisine en prenant une voix grave pour imiter le Père-Noël.

Lorsque nous sortons de la cuisine, après avoir retirer les gâteaux du four et en avoir goûter un, je suis obligée d'emmener la fillette dans sa chambre pour la changer. Son pyjama Blanche-Neige est trempé, taché de chocolat et de pâte à gâteau. Je l'aide à se débarbouiller le visage et elle décide de mettre un autre pyjama, refusant de s'habiller, « parce qu'on est samedi et que le samedi on peut rester en pyjama toute la journée ».

Quelques minutes plus tard, nous nous installons autour de la table basse du salon, elle avec des feutres et des feuilles blanches et moi avec mes devoirs que j'ai apporté. Ayant tout de même oublié mon livre de physique-chimie pour faire mes exercices, je me dirige à l'étage pour aller prendre celui de Nathan. Dans sa chambre, je tente de faire le moins de bruit possible afin de trouver ce que je chercher et, au moment où je prends le chemin du retour pour sortir de la pièce, une voix retentit dans la chambre.

- Gaëlle ?

Je me tourne vers le lit et vois que Nathan me regarde, les yeux à demi clos. Son visage est rouge et il semble mal en point. Ce n'est pas un petit rhume qu'il a et je vois parfaitement qu'il ne fait pas semblant.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je suis venue voir comment tu allais, lui souris-je en m'approchant de lui.

Je m'installe sur le rebord du lit et pose ma main sur son front brûlant. Sa mère n'avait pas menti ; il a beaucoup de fièvre !

- T'es venue jouer les infirmières ? plaisante-t-il laborieusement.

Plutôt la baby-sitter. Mais je garde ça pour moi, parce que le connaissant, il va me dire qu'il peut s'occuper de sa fille seul.

- Tu regrettes d'avoir fait l'idiot avec les gars pour aller te baigner dans la mer par ce temps-là, pas vrai ?

Hier, après les cours, nous sommes tous allés nous balader sur la plage. Sami, Romain et Nathan ont décidé d'aller se baigner malgré la fraicheur printanière. Trois imbéciles en caleçon, dans l'eau gelée, sous douze degrés et un vent plutôt fort ! Nous avons bien rit avec les filles mais j'ai l'impression que mon petit-ami s'en mords un peu les doigts.

- Je ne vois pas de quoi tu parles, me sourit-il.

J'embrasse son front et caresse sa joue.

- Repose toi.

- Bien, m'dame.

Il se retourne sur le côté et lorsque je vais pour franchir la porte, il m'interpelle à nouveau.

- Oui ?

- Ma mère est là ?

- Oui, t'inquiète pas. Je reste un petit peu avec Elya, ça ne te dérange pas ?

- Du tout. Je t'aime.

- Je t'aime. Dors bien.

J'étais obligée de lui mentir, ou il serait descendu s'occuper de sa fille. Il m'en voudra peut-être, mais peu importe. Au moins, il sera reposé !

Lorsque je rejoins la fillette dans le salon, celle-ci a troqué ses feutres et coloriages par une feuille blanche et un stylo.

- Tu peux me donner des additions à faire, s'il te plaît ?

- Tu ne veux pas continuer les coloriages ?

- Non, je veux faire comme toi !

Je souris, amusée, et prends sa feuille pour lui inscrire quelques calculs simples. Je commence ensuite mes exercices, et une dizaines de minutes plus tard, Elya me demande de corriger. Je lis ce qu'elle a écrit à la fois fière et stupéfaite.

- Tu as une seule faute, déclaré-je en lui montrant le cinquième et dernier calcul.

- Il est difficile celui-là, bougonne-t-elle en reprenant son stylo pour recommencer.

Je lui montre alors un autre astuce que de compter sur ses doigts. Je lui fais dessiner des petits cœurs à chaque chiffre ajouté, puis lui demande de tous les compter. Elle trouve alors le bon résultats et je la félicite.

À sa demande, je lui redonne cinq autres calculs, qu'elle me rend juste, puis elle se lasse et décide de regarder les dessins animés le temps que je termine mes devoirs.

Nous allons ensuite dans la cuisine pour déjeuner, puis nous passons à la décoration des fameux cupcakes. C'est une véritable catastrophe, pour elle, comme pour moi, mais nous rions de bon cœur et nous amusons beaucoup.

- On peut manger le reste de la crème ? me demande-t-elle lorsque les gâteaux sont terminés.

Il ne reste qu'un fond de bol, alors je m'empare de deux cuillères, lui en tend une et nous dégustons goulûment cette crème au chocolat.

Lorsque je demande à Elya ce qu'elle souhaite faire désormais, elle ne me répond pas et me prend la main pour m'emmener dans le garage. Elle pointe du doigt un jeu de société posé sur une étagère, alors je l'attrape et nous allons jouer dans le salon.

Ce n'est qu'à quatre heure et demi que Nathan descend les escaliers en trainant des pieds. Il porte un sweat épais et un pantalon de survêtement, ce qui me fait comprendre qu'il doit encore avoir froid, et son visage est toujours un peu rouge, tout comme ses yeux.

Elya, en le voyant arriver, repose ses cartes sur la table basse et se précipite vers lui. Elle lui rentre dedans, entourant ses jambes de ses deux bras.

- Ça va mieux, Papa ? T'as bien dormi ? On t'a pas réveillé quand même ?

Il lui répond qu'il va mieux, et se baisse pour la porter jusqu'au canapé.

- Vous avez dévalisé le garage, on dirait ! constate-t-il amusé en voyant la pile de jeu de société près de moi.

- Oui ! On s'amuse trop bien ! Et on a fait des cupcakes pour toi. Ils sont pas très jolis mais ils sont trop bons. On a déjà goûté, c'est pas grave ?

- Non, c'est pas grave.

- Je vais t'en chercher un ! s'exclame-t-elle en descend des genoux de son père pour aller dans la cuisine.

Il me sourit et je le rejoins sur le canapé lorsqu'Elya lui rapporte deux gâteaux.

- Ça c'est Gaëlle, et ça c'est moi, annonce-t-elle en lui montrant nos chefs-d'œuvre un par un.

Nathan éclate de rire en voyant la catastrophe mais goûte tout de même, affirmant par la suite qu'ils sont aussi bons l'un que l'autre. Elya lui raconte ensuite tout ce que nous avons fait cet après-midi et parle de longues minutes sans s'arrêter. Son père comprend alors quelque chose.

- Mamie n'est pas là ?

- Non, elle est au travail. Elle a téléphoné à Gaëlle pour qu'elle vienne me garder aujourd'hui comme t'étais malade. Ça va mieux maintenant ?

J'évite soigneusement le regard de Nathan, certainement plein de reproches et souris à sa fille.

- Oui, ça va un peu mieux. Tu as été gentille, j'espère ?

- Oui ! J'étais gentille, hein Gaëlle ?

- Oui, ne t'inquiètes pas. Elle est adorable.

Nathan demande ensuite à Elya d'aller lui chercher un autre gâteau et elle s'exécute joyeusement.

- Tu m'as menti, dit-il immédiatement.

- Je sais. Mais c'était pour que tu te reposes.

Il soupire au moment où son gâteau arrive.

- Tu veux du jus d'orange aussi ?

- Oui, s'il te plaît. Tu fais attention avec la bouteille. Et si c'est trop lourd, tu m'appelles ! s'écrit-il alors qu'elle a déjà disparu.

Je m'approche de lui pour venir me blottir contre lui.

- Ta mère m'a téléphoné ce matin, et je t'assure que ça ne m'a pas tout dérangé. Tu sais que j'adore Elya.

- Mais c'est à moi de m'occuper d'elle.

Je relève la tête pour être à hauteur de ses yeux.

- Tu as le droit de te reposer de temps en temps. Et en plus, tu es malade aujourd'hui. C'est exceptionnel.

Il soupire et ferme les paupières, vaincu.

- Tu te rends compte que j'étais chez toi à huit heure et demi ? C'est un exploit ! plaisanté-je.

- Un évènement, tu veux dire, ricane-t-il. Tu dois vraiment aimer ma fille alors !

- C'est le cas.

Il ancre son regard amoureux dans le mien, semblable au sien et me remercie.

- Ne me remercie pas, c'est normal.

J'ai adoré cette journée avec sa fille et j'espère que Nathan comprend que je ne me force pas. Jamais je n'aurais fait tout ça aujourd'hui si je n'aimais pas son bébé.

- Je ne te remercierai jamais assez pour tout ce que tu fais. T'es parfaite.

J'entoure son cou de mes bras et lui murmure que je l'aime lorsqu'un bruit provenant de la cuisine nous fait sursauter.

- Papaaaa ! hurle Elya depuis la cuisine.

Nathan s'extrait rapidement de mes bras et se précipite pour rejoindre sa fille. Je fais de même, un peu inquiète, mais éclate de rire en même temps que mon petit-ami lorsque nous voyons ce qu'il s'est passé. La fillette est au milieu d'une flaque orange devant le réfrigérateur, recouverte de la tête aux pieds de cette même substance collante.

- J'ai pas fait exprès, grimace-t-elle, les cheveux collés sur son visage empreint d'excuses, mais surtout d'espièglerie.

Voyant que son père n'est pas fâché, elle se met à rire à son tour.

Comment ne pas aimer cette petite ?

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