Chapitre 26.

Gaëlle

Une légère caresse sur ma joue me tire de mon sommeil mais je n'ouvre pas encore les yeux. Je sais déjà que les rayons du soleil filtrent à travers mes volets et je n'ai pas envie d'avoir mal aux yeux. Alors je garde les paupières closes et savoure ces caresses qui me sont familières.

Familières ? Ma mère ne me réveille jamais avec ces gestes tendres. Elle est plutôt du genre à me secouer légèrement en prononçant mon prénom. Ce n'est donc pas elle qui est dans ma chambre.

Je me redresse alors vivement sur mon lit, papillonant vivement des paupières afin de constater qui est l'auteur de cet agréable réveil.

- Nathan ? m'exclamé-je complètement perdue. Mais...

Je frotte mes yeux pour être certaine de ne pas avoir affaire à une vision ou quelque chose du genre mais ce n'est pas le cas. Il est bien ici. Dans ma chambre.

Je relève pudiquement la couverture sur ma poitrine pour me cacher de lui et tente de réfréner mon cœur encore meurtri de notre rupture.

De son côté, il détaille chacun de mes gestes avec attention et retient un sourire amusé de me voir réagir de la sorte. Je n'ai jamais été pudique avec lui, mais c'était lorsque nous étions ensemble. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

- Qu'est-ce que tu fais là ? lui demandé-je après avoir retrouvé la faculté de parler.

- J'avais envie de te voir, annonce-t-il depuis la chaise de mon bureau qu'il a rapprochée près de mon lit. Tu me manques.

Je ferme les yeux pour savourer l'impact de ses mots sur mon petit cœur, toujours éperdument amoureux de lui. J'ai l'impression que ça fait une éternité que je n'ai pas eu de vraie conversation avec lui et tout en lui me manque aussi. Le voir dans ma chambre, ce matin, me réchauffe le cœur tout comme je me dis que c'est une très mauvaise idée. Je fais tout pour le garder loin de moi, pour ne pas flancher et courir me réfugier dans ses bras malgré le fait qu'il ne m'aime pas. Pourquoi fait-il en sorte de ramener cette tentation jusque dans ma chambre, à mon réveil ?

Je soupire puis laisse un long bâillement sortir de ma bouche avant de frotter mon visage afin de me réveiller plus rapidement - en vain, évidemment - et m'installe plus confortablement, m'adossant contre la tête du lit, et ramenant mes genoux contre ma poitrine. Je prends garde à ce que la couverture dissimule mon petit débardeur qui m'a servi de pyjama cette nuit et regarde enfin celui que j'aime, qui attend patiemment ma réponse.

- Tu ne peux pas être là, Nathan, dis-je à voix basse comme pour retenir mes mots de sortir.

Bien sûr que je suis heureuse qu'il soit là, mais pas dans ces circonstances. J'aurais préféré le voir dans ma chambre lorsque nous étions encore ensemble, et non maintenant que tout est terminé. J'ai déjà du mal à supporter de le voir au lycée sans pouvoir être avec lui, alors dans ma chambre, seuls, c'est d'autant plus douloureux.

- Mais j'en avais envie, avoue-t-il en gardant ses jolis yeux bleus rivés aux miens.

Puis il me tend une feuille de papier blanc pliée en quatre.

- Qu'est-ce que c'est ?

- C'est de la part d'Elya.

Je m'empare de cette feuille, la déplie et ne peut retenir un sourire de naître sur mon visage. Je reconnais facilement trois personnages : une femme, un homme, et un enfant, tout trois se tenant par la main, l'enfant au milieu, et arborant chacun un immense sourire sur leur visage rond. Une énorme cœur rouge est colorié au dessus d'eux et des dizaines d'autocollants en forme d'étoile décorent toute la feuille. C'est tellement mignon que ça me fait rire doucement.

Lorsque je le redonne à Nathan, il secoue négativement la tête.

- C'est pour toi. Elle m'a dit de te le donner.

- Oh. C'est gentil, tu la remercieras.

- J'ai eu exactement le même. Je veux te le donner depuis mardi mais je n'ai jamais eu le courage de venir te voir.

- Pourquoi elle m'a fait ce dessin ?

- Lundi, elle m'a demandé pourquoi tu ne venais plus à la maison.

Je détourne les yeux et les garde rivés sur le dessin, lorsqu'il continue.

- Je lui dit qu'on s'était disputé et que tu ne reviendrais pas. Elle était tellement triste, ça m'a fait mal au cœur. D'avantage encore lorsqu'elle m'a demandé si c'était de sa faute.

Je relève immédiatement la tête vers Nathan, les larmes aux yeux.

- Ce n'est pas à cause d'elle ! m'écrié-je. C'est pour elle que je ne reviens pas.

- Je le sais. Et je ne te remercierai jamais assez de prendre soin d'elle comme tu le fais alors que ce n'est pas ton rôle. Mais c'est très difficile d'expliquer ça à une enfant. Je lui ai dit que ça n'avait rien à voir avec elle mais elle ne m'a pas cru. Elle s'est rendue compte que tu ne venais plus depuis ce qu'elle t'avait dit.

J'essuie les larmes qui coulent déjà sur mes joues avec ma couverture et ne sait pas quoi répondre à ça.

- Elle a beaucoup pleuré ce jour-là et...

- Arrête Nathan, le coupé-je. Je ne veux pas entendre tout ça.

- Tu lui manques beaucoup, ajoute-t-il sans prendre en compte ma demande.

- Pourquoi tu me dit tout ça ?

- Parce que c'est la vérité. Je ne sais pas si tu l'as remarqué mais c'est nous sur le dessin.

Il redéplie la feuille et me dit que je suis la femme aux cheveux jaunes et qu'Elya se trouve entre son père et moi. Aux pieds de la fillette se trouve un petit gribouillage noir et j'éclate de rire lorsque j'apprends que ça représente Polly, son chat.

- Elle me manque aussi, Nathan. Tout comme toi d'ailleurs. Mais tu sais comme moi que c'est impossible que je revienne.

- Peut-être pas.

- Je refuse de me demander si je ne la blesse pas en passant du temps avec toi. Je ne pourrai pas le supporter.

- J'ai parlé avec elle. Longuement, très longuement. Elle m'a avoué avoir été un peu jalouse, exactement comme tu m'as dit l'être parfois. Mais elle m'a aussi dit qu'elle préférait quand tu étais là.

- C'est faux ! m'écrié-je en pleurant de plus belle. Elle craint que je lui vole son père, tu comprends ce que ça fait de ressentir ça ? Moi je l'ai ressenti pendant longtemps avec mon propre père, je ne veux pas qu'elle se sente délaissée à cause de moi. J'en ai trop souffert étant petite, je sais ce que ça fait d'être mise de côté.

- Ce n'est pas le cas ! Et ça ne le sera jamais, ajoute-t-il en attrapant une de mes mains que je m'empresse de retirer malgré la chaleur agréable furtivement ressentie.

Il ne s'en offusque pas et continue en collant sa chaise au lit afin de se rapprocher davantage de moi :

- Elle comprend ! Tu as réussi à la rassurer, elle sait que jamais tu ne me voleras à elle. Elle sait que même quand tu seras à la maison avec nous, elle ne sera pas seule. Que même si on a des moments juste tous les deux, elle aura le droit de venir nous déranger.

- C'est une enfant. Elle ne sait pas ce qu'elle dit.

- Si, elle...

- Non, Nathan. Non. On a la preuve sous les yeux ! Elle voulait que je vienne dormir chez vous, elle en était même très impatiente. Mais il y a une différence entre vouloir quelque chose et se rendre compte de ce que cela engendre.

Il sait que j'ai raison et soupire en se passant les mains sur le visage. Puis il se lève et s'assied sur le lit près de moi, au niveau de mes pieds.

- Oui, c'est une enfant. Mais elle comprend beaucoup de choses.

- Pas ça.

- Laisse moi parler, s'il te plaît, m'arrête-t-il. Elle comprend beaucoup de choses, parfois il lui faut un peu plus de temps, mais elle finit par comprendre.

Il inspire longuement avant de reprendre.

- Hier soir, je parlais avec ma mère dans le salon, après avoir couché Elya. On parlait de toi.

Je baisse la tête, ne voulant pas soutenir son regard mais il n'est pas de mon avis puisqu'il me fait relever le menton.

- Je lui ai avoué à quel point tu me manquais et comme c'était douloureux de te voir sans jamais pouvoir t'approcher. Je tiens beaucoup à toi, Gaëlle et tu me manques énormément. Quand tu m'as quitté, j'ai mis longtemps à encaisser et à comprendre que tu ne reviendrais pas. Tes mots repassent en boucle dans ma tête depuis deux semaines. Je t'entends encore me dire que tu es amoureuse de moi et je me vois te laisser t'en aller, sans rien faire, sans rien dire pour te retenir. Tu m'as sorti l'argument de ma fille, et je me suis dit que tu avais raison alors j'ai baissé les bras. Mais c'est faux.

Des larmes roulent à nouveau sur mes joues et je le laisse les essuyer de son pouce. Si j'ai droit à encore un peu de tendresse aujourd'hui, je décide de l'accueillir à bras ouverts.

- Ma fille t'a acceptée et elle t'adore. Je sais que c'est réciproque et ça me touche énormément.

Nathan me sourit en se rapprochant encore de moi et je le laisse prendre ma main. Je baisse les armes, totalement.

- Hier soir, Elya est venue nous rejoindre dans le salon. Elle voulait rester un peu avec nous et a avoué avoir espionné notre conversation alors elle a voulu parler avec nous, rit-il amusé. C'est peut-être une enfant, mais sa naïveté a du bon. C'est grâce à elle que je suis là aujourd'hui et je n'ai pas honte de l'avouer. Elle n'est pas dupe. Elle a bien vu que ton absence m'effectait et que notre rupture m'avait rendu triste.

J'ai moi-même remarqué qu'il n'était pas très bien les jours qui ont suivi notre séparation mais je ne pouvais pas le consoler alors que j'étais moi aussi très mal.

- J'ai dit à ma mère que tu étais amoureuse de moi.

Je rougis à ces mots et il sourit de ma réaction.

- Elle m'a alors demandé si je t'avais dit que c'était réciproque mais j'ai secoué négativement la tête.

Je me prends à nouveau un coup dans le cœur. Je suis au courant qu'il ne m'a rien répondu ce jour-là, pas besoin de remuer le couteau dans la plaie...

- Elya m'a surpris. Elle était sur mes genoux, blottie contre moi et elle s'est redressée d'un seul coup en proclamant que j'étais bête.

Je fronce les sourcils, septique.

- Et elle a raison, ricane-t-il. Comment tu peux savoir que je t'aime si je ne te le dis pas ?

J'écarquille les yeux de stupeur. Ai-je bien entendu ? C'est insensé. Il a vraiment dit... ça ?

- Je m'en suis rendu compte très tard et je te demande pardon, Gaëlle mais j'espère que ce n'est pas trop tard. Tu te rends compte ? Il a fallu que ce soit ma fille de quatre ans qui m'ouvre les yeux.

Ses doigts se resserrent autour des miens et je crois que mon cœur a cessé de battre.

- J'avais peur de ce que je ressentais pour toi. Je pensais que c'était seulement de l'attachement, mais c'est faux. J'ai eu beaucoup de mal à l'admettre parce que je craignais l'impact que ça pouvait avoir sur ma relation avec Elya. Je ne sais pas comment gérer tout ce que je ressens, mais je veux essayer. Pour toi, et pour elle, je veux veux essayer, mais j'aurai peut-être besoin de ton aide. Et je sais que je vais y arriver avec les trois femmes que j'aime à mes côtes.

Trois ? Je pleure encore à ces mots et la suite n'arrange rien.

- Je t'aime, Gaëlle. Tu me manques et je veux que tu reviennes. Je sais que je ne me suis pas battu pour que tu restes à mes côtés, mais comprend que j'ai eu peur. J'ai cru bien faire, mais je me suis trompé. Tout se passera bien cette fois. Si on se parle tous les trois, il n'y aura pas de problèmes. Je sais que j'aurais dû te le dire depuis longtemps mais j'avais peur de constater que j'étais bel et bien tombé amoureux de toi. Je craignais de délaisser ma fille comme tu l'as si bien dit, mais c'est faux. Et maintenant je suis prêt, et j'ai besoin de toi. Elya a raison, tu sais ; une amoureuse c'est chouette, ricane-t-il en reprenant les mots de sa fille qui me font sourire. Et tu me rends heureux. Vraiment très heureux.

J'éclate en sanglots en détournant la tête. Ses mots me touchent à un point que je n'aurais jamais imaginé. Tout ce que je voulais entendre deux semaines auparavant, il me le dit aujourd'hui, et ça fait tellement de bien.

- Gaëlle, murmure-t-il en prenant mon visage en coupe pour me ramener face à lui. Je t'aime.

C'est trop. Tout est trop. Je baisse totalement ma garde et me réfugie dans ses bras pour pleurer les dernières larmes qui me reste. Il me serre fort contre lui et je sens son cœur battre la chamade près de mon oreille.

Il attend patiemment que mes sanglots s'interrompent et embrasse mon front.

- Reviens s'il te plaît, chuchote-t-il presque désespérément.

Je me redresse, toujours aussi perdue qu'au début malgré ses aveux.

- Mais si Elya ne se sent pas bien avec moi ?

- Je ne vois pas pourquoi ce serait le cas. Ses doutes ont disparu. Tu as réussi à la rassurer et moi aussi par la suite.

- Oui mais si un jour elle ne veut plus de moi ?

- Si un jour, elle me dit qu'elle ne veut plus de toi, je ne te dirai pas de dégager. Je chercherai à comprendre ce qui se passe et j'arrangerai les choses. Je ne veux plus jamais que tu t'en ailles.

- Oui mais si...

- Tu ne veux plus de moi ? me coupe-t-il en me souriant tendrement.

- Bien sûr que si, mais...

- Alors laisse tes hypothèses de côté. S'il y a un quelconque problème, on le réglera. Tous les trois. La seule chose qui pourra nous séparer, c'est si tu me dis que tu ne m'aimes plus. Ou que tu ne veux plus de ma fille.

- Ce n'est pas le cas, m'écrié-je offusquée. J'adore Elya et je t'aime toujours mais...

- Alors embrasse moi, m'interrompt-il encore.

Mon corps est le premier à réagir. Je n'ai pas le temps de comprendre quoique ce soit que je suis dans les bras de l'homme que j'aime, et nous nous embrassons fougueusement et amoureusement. Un baiser de retrouvailles digne de ce nom qui me fait perdre la tête et exploser mon cœur face à tant de sensations, délaissées et oubliées durant ces deux dernières semaines.

Je m'étais résolue à ne plus revenir auprès de cette famille que j'adore, mais comment ne pas changer d'avis après ces aveux ? J'ai peur, ça n'a pas changé. Mais savoir qu'il m'aime et que sa fille l'a invité à venir me voir, ça change tout mon ressenti.

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