Chapitre 25.
Gaëlle
Il me manque et ça ne fait même pas deux semaines que je l'ai quitté. Deux semaines qui me paraissent pourtant interminables. Je l'aime tellement que c'en est terriblement douloureux. J'essaie de l'oublier, d'oublier ce que je ressens pour lui mais c'est impossible. Je le vois tous les jours, je suis installée à ses côtés pendant quelques heures par semaines, comment pourrais-je l'oublier ? Comment pourrais-je occulter le fait que mon cœur se met à battre à cent mille à l'heure lorsqu'il est près de moi ?
Impossible.
C'est égoïste de ma part, mais ça me rassure de voir cet air morose sur son visage. Ça me rassure parce que je comprends alors qu'il tenait à moi et que notre rupture l'affecte autant que moi. Néanmoins, j'éprouve un grand malaise de le voir si mal. Je n'aime pas qu'il soit si triste, et par ma faute, de surcroit.
Je le vois souvent le regard dans le vide, ou les yeux posés sur moi. Dans ces moments-là, j'ai envie de lui sourire, mais je ne dois pas. J'ai envie de lui courir dans les bras pour lui répéter à nouveau que je l'aime, mais je n'en ai plus le droit. Je me le suis interdit.
C'est avec un long soupir de désespoir que je descends du bus pour aller au lycée. Je ne vais pas rejoindre mon groupe d'amis, là où nous nous retrouvons tous les matins, et préfère me rendre immédiatement dans le couloir de langues, près de la salle où je vais avoir cours d'anglais dans une dizaine de minutes. Je viens ici directement pour éviter d'être face à Nathan et visiblement, il a eu la même idée que moi puisqu'il est là, face à moi, tenant une feuille de papier entre ses mains. Il sursaute en me voyant et repli précipitamment la feuille sur laquelle j'ai eu le temps d'appercevoir des couleurs vives. Peut-être est-ce un dessin d'Elya. Je ressens en lui une hésitation avant de ranger la feuille pliée en quatre dans son sac.
Je lui fais un mince sourire en guise d'excuses et baisse la tête en avançant encore un peu, dépassant la porte de notre salle de cours.
Le silence qui règne dans ce couloir est stressant et angoissant mais je ne fais rien pour le briser, et lui non plus. Nous sommes restés là, immobiles et silencieux pendant dix minutes, le temps que la sonnerie retentisse et que les élèves entrent à leur tour dans ce couloir avec un vacarme bienvenu. Lorsque nos amis arrivent à leur tour, Malia ne manque pas une remarque sarcastique.
- C'est navrant.
- Et tellement chiant ! continue Flory sur le même ton.
Je soupire en levant les yeux au ciel. Ça m'agace tellement qu'elles me reprochent notre séparation. Elle n'en connaissent toujours pas le motif, mais ce n'est pas une raison de m'en vouloir. Oui, je l'ai quitté. Je n'avais pas le choix, mais elles ne le comprennent pas puisque aucune de mes amies ne connait l'existence d'Elya. Du coup, tout est de ma faute, évidemment !
Lorsque j'avance pour entrer dans la salle de classe, Sami me retient par le bras et m'écarte de mes camarades.
- Elya m'a demandé de tes nouvelles hier, m'informe-t-il à voix basse.
A ces mots, mon cœur se comprime. Cette petite me touche beaucoup et qu'elle se soucie de moi à ce point me donne le sourire.
- J'ai dû lui mentir et lui dire que tu allais bien, ajoute-t-il.
- Je te remercie.
- Elle t'embrasse.
Mon sourire s'agrandit.
- Elle est adorable.
- Et tu lui manques, contre-t-il.
- Arrête Sami, le coupé-je en comprenant où il veut en venir. Tu sais que je ne peux pas revenir alors ne me fait pas culpabiliser s'il te plait, continué-je irritée.
- Tu pourrais revenir.
Je secoue la tête, agacée, et me détourne de lui pour entrer dans la salle. J'en ai assez d'êtres jugée de la sorte. C'est assez douloureux comme ça pour que chacun rajoute son grain de sel.
Nathan
J'ai hésité à lui donner le dessin qu'Elya a fait pour elle. Mardi soir, ma fille m'a demandé de lui donner, mais ça fait deux jours que j'hésite à le faire. Aujourd'hui, j'ai décidé que je ne le ferai pas. Tant pis. J'aurai menti à ma fille, une fois de plus.
Je ne fais que ça depuis ma séparation avec Gaëlle, mais je ne veux pas briser le cœur de mon ange. Il est déjà brisé depuis qu'elle s'est imaginé être la cause de notre rupture, alors c'est déjà beaucoup trop.
Je dors avec elle pratiquement toutes les nuits ces derniers temps. Elle ne me demande même plus la permission, elle vient immédiatement dans ma chambre quand c'est l'heure de dormir. Ça ne me dérange absolument pas, mais il va falloir qu'elle retrouve son lit.
Lorsqu'elle se glisse sous la couverture jeudi soir, elle vient, comme à son habitude, se blottir contre moi, me tendant un livre de son choix. Je m'en empare mais ne l'ouvre pas, ce qui semble l'interpeler.
- Tu veux que je lise en premier ? me demande-t-elle.
Je secoue la tête et repose le bouquin.
- Tu vas devoir retourner dans ton lit, Elya, lui dis-je doucement.
- Pourquoi ?
- Parce que tu ne peux pas dormir ici toutes les nuits. Tu as une chambre et un lit, non ?
- Oui mais je veux rester avec toi, geint-elle d'une toute petite voix. J'aime pas quand t'es triste, Papa.
Je caresse ses doux cheveux noirs et lui souris tendrement, tout en lui délivrant un énième mensonge.
- Je ne suis plus triste, mon ange. Ça va aller, je te le promet.
Ces derniers temps, c'est ma fille qui prend soin de moi, et non l'inverse. Alors je dois me reprendre et récupérer mon rôle de père. Je dois cesser de me lamenter. Non, je ne suis plus avec Gaëlle. Oui, je l'aime beaucoup. Oui, elle me manque. Mais c'est soit ma fille, soit elle. Le choix est fait, sans conteste.
- T'es plus amoureux de Gaëlle, alors ?
Je soupire, ne sachant quoi lui répondre. Si je lui réponds que c'est toujours le cas, elle se demandera pourquoi je ne suis plus avec elle, et si je lui dis que je ne l'aime plus, ça va me faire mal au cœur. Je n'ai pas envie de le dire à voix haute, de l'admettre réellement.
- Tu sais qui est-ce que j'aime le plus au monde ? lui demandé-je afin de me dérober piteusement.
- Qui ?
- Tu ne sais pas ? souris-je. C'est quelqu'un que j'aime plus haut que les étoiles et pour toujours.
- C'est moi ! s'écrit-elle joyeusement en riant.
- Oui, c'est toi, affirmé-je en la portant pour l'installer sur mes genoux. C'est toi et uniquement toi. Je t'aimerai toujours plus haut que les étoiles et tu sais pourquoi ?
Elle secoue la tête négativement.
- Parce que tu es ma princesse et tu me rends le plus heureux du monde, rien que grâce à ton sourire.
Soudain, elle fronce les sourcils créant un petit creux juste au dessus de son nez, et croise les bras sur sa poitrine. L'aurais-je vexée ? Je ne comprends pas.
- Alors pourquoi tu ne veux plus que je fasse dodo avec toi ?
J'éclate de rire et embrasse sa joue.
- Parce que tu es une grande fille de quatre ans et demi. Et les grandes filles de quatre ans et demi font dodo toute seule.
- Juste cette nuit Papa, s'il te plait.
Elle fait ressortir sa lèvre inférieure, pour m'attendrir et me supplier à la fois. Comment puis-je refuser dans ces conditions ?
- Une seule. Et demain...
- Je retourne dans ma chambre, promis Papa ! complète-t-elle.
Je lui tends la main en haussant un sourcils et elle tape dedans en signe d'accord mutuel.
- Bon, on la lit ton histoire ? lui demandé-je en la reposant sur le lit.
- Oui ! J'ai choisi Mulan. Je peux commencer ?
- Vas-y.
Et elle débute sa lecture. C'est hésitant, haché et difficilement compréhensible mais elle lit de mieux en mieux. Elle bute sur certains mots et me demande de l'aider mais cela se produit de moins en moins souvent. Dans quelques mois, elle lira encore mieux. Encore un an ou deux, et ce sera pratiquement parfait.
Sa maitresse est d'accord avec moi et souhaite qu'elle saute une classe l'année prochaine. Elle veut la faire passer de la petite section à la grande section de maternelle, sans passer par la moyenne. J'ai refusé.
Mais je continue tout de même d'y réfléchir. Elya s'ennuie de plus en plus à l'école, elle me le répète jour après jour. « C'était trop facile aujourd'hui, Papa ! ». « C'est trop nul le coloriage, Papa ! ». « Je veux apprendre les additions, Papa ! ».
Elle aime l'école mais sait déjà tout faire. Elle veut apprendre de nouvelles choses alors peut-être vais-je lui enseigner une ou deux choses moi-même, afin qu'elle ne s'ennuie pas trop.
***
Le lendemain, je ressens un pincement au cœur lorsque je vois et entends un éclat de rire provenir du couloir de sciences, là où je me dirige. Je reconnais ce rire sincère et franc et je l'adore. Ça faisait longtemps que je ne l'avais pas entendu si distinctement.
Je vois ensuite Gaëlle avec nos amis, ainsi que Tommy et Damien. Mon ex petite-amie est face à ce dernier et c'est lui qui l'a fait rire, visiblement. En ce moment, elle sourit encore et je n'ose plus avancer. Que lui a-t-il dit pour la faire réagir ainsi ? Et qu'est-ce qu'elle lui trouve ? Est-ce qu'il lui plait ? Est-ce que Gaëlle plait à Damien ? Gaëlle m'a-t-elle déjà oublié ? Est-elle déjà passée à autre chose ? Elle a dit qu'elle m'aimait, est-ce déjà du passé ? A-t-elle menti ? Je me sens trahi, perdu et terriblement jaloux.
Lorsqu'elle tourne la tête et me voit, son sourire disparait soudainement et elle baisse les yeux pour ne plus me regarder. Ma vision la gêne à ce point pour qu'elle revienne à Damien si rapidement ? Celui-ci continue de lui parler mais Gaëlle n'est plus si réceptive. Ma présence la dérange. Elle ne se laisse jamais aller de la sorte lorsque je suis dans les parages, et moi non plus, d'ailleurs. Mais Damien a l'air de la faire rire, et je n'ai plus ce privilège.
Comment vais-je pouvoir tenir le reste de l'année comme ça ? Sans compter que nos amis commencent à en avoir assez de notre silence. Ça provoque toujours d'horribles malaises, à tel point que je prends de plus en plus de distance avec le groupe ces derniers temps. Sami m'a appris que Gaëlle faisait de même. J'aimerais que la situation s'améliore mais j'ignore quoi faire pour que ce soit le cas.
Selon quatre-vingt dix-neuf pourcent de notre entourage à tous les deux, nous n'avons qu'un seule solution : c'est de nous remettre ensemble. Je serais de cet avis si Elya n'était pas essentielle à ma vie.
Depuis quatre ans et demi, je comprends chaque jour à quel point c'est difficile d'être papa. Aujourd'hui ne fait pas exception à la règle.
J'attrape Sami par le bras et l'entraine à l'écart des autres.
- Elle sort avec lui ? lancé-je d'emblée.
- Quoi ? s'écrit-il perdu. Qui ?
- Gaëlle et Damien, ils sont ensemble ?
Mon meilleur ami éclate d'un rire moqueur affreux. J'ai honte d'exposer ma jalousie au grand jour, mais je dois savoir.
- T'es sérieux, Nathan ? Tu me poses vraiment cette question ?
- Réponds, ordonné-je agacé. Ils sont ensemble ou non ?
- Bien sûr que non, crétin ! Ils se parlent, c'est tout. Ce n'est pas interdit à ce que je sache ?
- T'en es sûr ?
- Va lui demander si tu veux être certain ! Mais je te préviens tout de suite que tu auras vraiment l'air con.
Je soupire, exaspéré. Il s'est foutu de ma gueule et j'ai eu l'air con, c'est vrai, mais je le crois. Elle ne sort pas avec lui. Mais peut-être que ça se fera un jour...
Je refuse d'être témoin d'un quelconque rapprochement entre eux. Entre eux ou avec n'importe qui d'autre. Je ne veux voir Gaëlle avec personne. Ma jalousie me rendrait totalement fou.
Je ne sais plus quoi faire. Quand je la vois face à moi, je ne peux m'empêcher de douter de mes choix. Ai-je vraiment eu raison de la laisser sans aller sans rien faire ? Sans même essayer ? Ma mère a peut-être raison ; je n'ai absolument rien tenter pour réparer la situation. Est-ce déjà trop tard ?
C'est avec un long soupir de désespoir que je me rends compte que je vais encore avoir besoin d'une discussion avec ma mère pour y voir un peu plus clair.
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