Chapitre 24.

Nathan

Deux jours après ma rupture avec Gaëlle, ma mère ignore toujours la raison de mon air maussade et je m'arrange chaque fois pour être avec ma fille afin de ne pas aborder le sujet qui fâche. Oui, je suis lâche, et alors ?

Ce soir, je termine de lire Aladdin à Elya et elle s'endort peu avant la fin. J'embrasse son front, lui souhaite une bonne nuit, avant de lui dire que je l'aime et pars m'enfermer dans ma chambre. L'écran de mon téléphone allumé m'indique l'arrivée d'un message. Je m'en empare et le nom de mon ex petite-amie s'affiche. Je n'ai pas envie de le lire, mais je m'y résoud tout de même.

Gaëlle : Salut. Excuse moi de te déranger mais tu n'aurais pas retrouvé mon bracelet en argent ? Tu sais, celui que mon père m'avait offert, avec les petites perles bleues ? Je l'ai peut-être laissé dans le tiroir de ta table de nuit.

C'est plus fort que moi : je souris en lisant ces quelques mots. Elle a beau détester son père au plus haut point, ce bijou, le seul cadeau que son père lui a offert, lui tient beaucoup à cœur. Elle le porte souvent autour de son poignet mais je découvre que ce n'est pas le cas aujourd'hui puisqu'il est bel et bien près de moi. Même si je n'ai pas la moindre envie de lui parler, je réponds à son message.

Moi : Je l'ai. Je te l'apporte demain.

Sa réponse est immédiate.

Gaëlle : Merci beaucoup ! J'ai eu peur de l'avoir perdu, merci ! Et j'ai autre chose à te demander. Désolée. C'est largement moins important mais est-ce que tu pourrais me rapporter en même temps, mon tube de crème pour le visage qui doit être dans ta salle de bain ? Je suis désolée d'être aussi tête-en-l'air...

Je soupire longuement et me lève de mon lit pour aller chercher cette crème. Je la trouve, en effet, près du lavabo. Je débouche le tube et hume l'odeur qui me rappelle instantanément Gaëlle. J'aime ce parfum, son parfum, qui rend sa peau si douce à embrasser et à caresser. Ce parfum qu'elle m'interdit désormais de sentir et de goûter et ce, pour toujours, malgré son amour pour moi. Je réalise aujourd'hui, qu'elle ne reviendra pas. Qu'elle m'a réellement quitté.

Elle m'aime, mais elle s'est tirée. Pour le bien de ma fille. C'est adorable de sa part, mais putain ce que ça fait mal ! Pourquoi je n'ai pas ressentis cette douleur ces deux derniers jours ? Pourquoi c'est un putain de tube de crème qui me fait prendre conscience que cette rupture était réelle ?

Je balance soudainement ce tube de crème contre le mur au moment où je sens des larmes me monter aux yeux. Pourquoi je ne peux pas avoir et ma fille, et Gaëlle ? Pourquoi j'ai rencontré cette fille ? Elle n'aurait pas déménagé près de chez moi, je n'aurais pas eu ce problème. Je n'aurais pas eu besoin de briser son cœur pour préserver celui de ma fille. Mais c'est inévitable : mon bébé est tout pour moi. Jamais je ne lui imposerais une fille, si cela provoque en elle tristesse et solitude.

Gaëlle a parfaitement compris tout ça. C'est pour cette raison qu'elle s'est effacée pour laisser place à ma fille.

- Nathan ?

Je sursaute en entendant la voix de ma mère et me tourne dos à la porte pour cacher mes larmes qui menacent de couler.

- Oui ?

- Tout va bien ?

- Oui maman. J'ai seulement fait tomber quelque chose, bafouillé-je lamentablement.

Je l'entends faire quelques pas mais ce n'est pas vers le couloir qu'elle avance ; c'est vers moi. Je sens sa main se poser sur mon bras et sa voix rassurante me parvient à nouveau.

- Nathan, que se passe-t-il ? Je vois que tu n'es pas bien depuis deux jours. La preuve en est que tu t'énerves même contre ta fille.

- Je suis un peu à cran en ce moment, c'est tout.

Ne me croyant pas, elle me contourne pour être face à moi, pose sa main sur ma joue et souhaite à nouveau savoir ce qui m'arrive. Je garde les yeux rivés aux siens et reste silencieux alors que les larmes affluent à nouveau dans mes yeux. Sa main sur ma joue glisse jusqu'à ma nuque et elle ramène de force mon visage contre son cou, puis me serre dans ses bras.

- Tu as le droit de craquer de temps en temps, me murmure-t-elle à l'oreille.

Il ne m'en faut pas plus pour me mettre à sangloter dans les bras de ma mère. Je pleure comme un enfant parce que ça me fait mal. Tellement mal, putain. Je ne savais pas que je tenais autant à Gaëlle et elle manque horriblement. Moi qui pensais seulement ressentir une forte affection pour elle, je me suis bien trompé. Ce n'est ni de l'affection, ni de l'attirance : c'est bien plus fort. Tout comme la douleur qui m'étreint le cœur en ce moment.

Pour ne pas arranger la situation, je vais la voir tous les jours au lycée, je devrai lui parler, sans plus jamais la prendre dans mes bras, ou l'embrasser. Pour Elya, je ne le peux pas. Je ne le peux plus.

- Parle moi, Nathan, m'ordonne ma mère, presque en me suppliant, lorsque je suis enfin calmé.

Je me redresse, renifle, essuie mes joues et embrasse ma mère avant de m'asperger le visage d'eau fraiche. Je m'essuie avec une serviette et lui fais signe de me suivre dans ma chambre, où je m'installe sur mon lit, prenant le fin bracelet argenté entre me doigts.

- Elle m'a quitté, avoué-je à voix basse.

- Pourquoi ferait-elle ça ? Ça se voit qu'elle est amoureuse de toi.

Je souris tristement à ces mots. Même ma mère s'est rendue compte de ça.

- Elle est partie pour qu'Elya m'ait pour elle seule.

- Je ne comprends pas.

Je lui explique alors la conversion qu'elles ont eu toutes les deux sans moi et elle me dit que je dois arranger les choses. Mais je ne le peux pas. Gaëlle a raison. Ma fille est trop jeune pour comprendre alors je patienterai encore quelques années pour entreprendre d'avoir une quelconque relation. Même si c'est douloureux.

- Est-ce que tu en as parlé avec ta fille, quand même ?

- Non. Mais ça ne sert à rien. Elle est trop petite pour comprendre.

- Je ne pense pas, rétorque ma mère. Réfléchis bien, Nathan. Est-ce que ce que tu ressens pour Gaëlle ne mérite pas que tu te battes un petit peu ? Que tu essaies, au moins ? Je ne t'ai jamais vu aussi insouciant que lorsque tu étais avec elle et je dois te dire que ça fait beaucoup de bien de voir enfin un jeune homme de dix-huit ans, au lieu du Papa à qui j'ai affaire habituellement. Tu as le droit d'être heureux et de faire tes propres choix.

Ses mots tournent en boucles dans ma tête et je ne sais pas si elle a raison ou non. Lorsque je me dis que je pourrais essayer d'arranger les choses, je revois mon bébé et son attitude de ce weekend. Elle était triste de me voir avec quelqu'un d'autre qu'elle. Et ça, ça me déchire le cœur.

Toutefois, c'est presque aussi douloureux d'imaginer Gaëlle, seule chez elle, en train de pleurer.

Je suis perdu.

***

Pendant le weekend qui suit, Gaëlle n'est évidemment pas venue chez nous, ce qui ne manque pas d'interpeller ma fille. Lundi, Elya me demande si Gaëlle viendra dormir chez nous. Ma réponse négative la surprend mais elle se reprend.

- Alors elle va venir un petit peu à la maison bientôt ? s'enquiert-elle.

- Non plus, ma puce.

- Quand alors ? Elle n'est pas venue mercredi alors que d'habitude elle vient le mercredi et pareil pour le weekend. Elle est malade ?

- Non.

Je jette un coup d'œil à ma mère mais elle ne me vient pas en aide et me laisse me débrouiller. Oui, je sais, je dois assumer mes responsabilités et mes actes...

- On s'est un peu... Disputés, tous les deux.

- Pourquoi ? s'exclame-t-elle horrifiée.

- C'est... Ce sont des histoires d'adultes, mon cœur. On s'est disputé, alors elle ne viendra plus.

Ça me coûte tellement de prononcer ces mots. Ça rend tout cela si réel, si vrai. C'est toutefois une moitié de vérité puisque aucune dispute n'est la cause de cette rupture, mais elle ne reviendra plus à la maison. Et ça, c'est véridique.

- Tu lui dis pardon et c'est tout ! m'explique-t-elle sérieusement.

- Ça ne marche pas comme ça, Elya, lui souris-je tendrement.

Sa naïveté me réchauffe le cœur mais je vois qu'elle est peinée de mes aveux. Ça lui fait quelque chose, c'est indéniable.

- Mais si, Papa ! Quand je fais une bêtise, je te dis pardon, et tu me fais toujours un bisou. Tu fais pareil avec Gaëlle. Tu lui dis pardon, elle te dit pardon, et c'est toujours ton amoureuse. S'il te plait, Papa !

Si seulement c'était si simple...

Je vois qu'elle tient à mon ancienne copine. C'est le cas depuis le début, mais durant un weekend, elle a réussi à ressentir de la solitude à cause de moi et de mon couple. Alors je ne prendrai plus de risque.

- Je ne peux pas, commencé-je avant qu'elle ne m'interrompe.

- Si tu peux ! T'es plus amoureux d'elle ? demande-t-elle les larmes aux yeux.

Comment expliquer quelque chose à une enfant que j'ai moi-même du mal à comprendre ?

- Ça veut dire que tu ne seras plus heureux ?

- Tu le sais que je suis heureux, mon cœur.

- Oui mais t'aimes plus Gaëlle. Est-ce qu'elle a été méchante avec toi ?

Elle est prête à fondre en larmes et je n'arrive pas à trouver les mots pour l'apaiser. Si elle continue, je vais me mettre à pleurer, moi aussi.

- Est-ce que c'est de ma faute ?

- Pourquoi ce serait de ta faute ? la questionné-je terrifié.

- A cause de ce que je lui ai dit dimanche, annonce-t-elle timidement en commençant à pleurer. J'ai cru qu'elle était en train de me voler mon papa mais c'était pas vrai parce qu'elle m'a dit que jamais elle me volerait mon papa. J'avais peur, mais je la crois et j'ai plus peur maintenant. Je suis désolée Papa ! Tu peux lui dire ? Dis lui pardon, s'il te plaît, Papa !

Je l'attrape immédiatement par la taille pour la porter sur mes genoux et la bercer doucement afin de la calmer. Ça me déchire littéralement le cœur de la voir dans cet état.

Je déteste lui mentir mais il m'est impossible de confirmer que c'est en effet de sa faute si Gaëlle ne viendra plus. C'est de sa faute, mais je ne lui en veux pas. Peut-être une part de moi lui en veut-elle - une infime et ridicule petite part - mais ce n'est rien comparé à mon amour pour elle.

Je ne peux que lui mentir.

- Non ma chérie, ce n'est pas de ta faute. Rien n'est de ta faute. Gaëlle t'adore, tu le sais, pas vrai ?

- Moi aussi je l'aime beaucoup mais pourquoi elle vient plus alors ?

- Je te l'ai dit, on est fâché tous les deux.

Elle essuie ses larmes de ses petits poings et me regarde tristement en faisant ressortir sa lèvre inférieure.

- Mais t'es triste depuis qu'elle est partie...

- Non c'est faux.

- Si Papa, tes yeux sont tristes. Tu rigoles plus comme avant.

Parfois, je regrette qu'elle soit si intelligente et qu'elle se rende compte de petites choses, de détails comme celui-ci. Elle est bien trop observatrice pour que je parvienne à me dérober.

- Je suis désolé, mon petit coeur. Je te promet que ça va aller mieux très bientôt. Ne t'inquiète pas pour moi, tout va bien.

Elle affiche une moue septique et je sais qu'elle ne me croit pas, mais peu importe. Elle vient se blottir contre moi, et cette fois, c'est elle qui me cajole et me réconforte.

- Tu voudras que je te lise une histoire ce soir ? me propose-t-elle gentiment.

Je ricane doucement et accepte volontier.

- On lira une histoire tous les deux, d'accord ?

- Je pourrai choisir ? me demande-t-elle joyeusement.

- Bien sûr. Tu vas dire bonne nuit à mamie et on y va ?

- D'accord !

Nous partons tous les deux dans la cuisine pour embrasser ma mère puis nous allons dans ma chambre. Elle dormira avec moi cette nuit, parce que j'ai besoin d'elle. Encore.

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