Chapitre 12.
Gaëlle
Nathan est très tendu toute la matinée. Si c'est notre conversation de tout à l'heure qui l'angoisse à ce point, je commence moi aussi à avoir peur. Qu'est-ce qui pourrait le terrifier à ce point ? Les garçons ne m'ont pas parlé et je n'ai pas demandé d'explications. Ça n'aurait pas été juste envers Nathan qui souhaite enfin être honnête avec moi, mais je me suis retenue tant bien que mal de les questionner.
A la pause de dix heures, il demande à me parler en privé alors que nous sommes avec le groupe, ce qui nous vaut des rires et des sous-entendus, que j'ignore. Mon ami m'entraîne dans le couloir de sciences qui est toujours vide à cette heure et nous nous adossons chacun à un mur, l'un en face de l'autre. Comme il ne prend pas la parole dans l'immédiat, je le fais à sa place.
- Pourquoi j'ai l'impression que tu appréhendes ?
- Ce n'est pas qu'une impression, rit-il nerveusement.
- Pourquoi tu précipites tout alors ? Si tu n'as pas envie de me parler maintenant, ne le fais pas. Je ne t'en voudrai pas.
Il hoche doucement la tête.
- Tu m'en veux déjà. Je l'ai vu dans ton regard quand tu nous as entendu parler d'elle. D'Elya.
Quelque chose s'allume dans le bleu de ses yeux lorsqu'il mentionne ce prénom et j'ai un pincement au cœur. Cette fille est quelqu'un de très important pour lui, c'est certain.
- C'est parce que je pensais que c'était ta petite-amie, lui souris-je timidement. Ça m'a blessée de comprendre ça alors qu'on passait autant de temps ensemble et que... qu'on commençait à se rapprocher. Tous les deux.
- Alors tu me crois ? Tu le sais que je n'ai pas trompée ma soit-disant copine ? me questionne-t-il étonné.
- Oui, je te crois. Mais du coup, je me pose encore plus de questions sur cette fille.
C'est la vérité. Qui est-elle si elle n'est pas sa petite-amie ? Sa sœur ? Une amie ?
Il m'offre un sourire d'excuse et s'approche de moi.
- Ce que je te dirai tout à l'heure, je ne l'ai jamais dit à personne. Hormis Romain et Sami, bien sûr, mais c'est différent pour eux.
- Pourquoi me le dire à moi alors ? demandé-je en fronçant les sourcils.
Sa main se pose sur le mur près de ma tête et son visage est soudain très proche du mien.
- J'ai envie d'avoir confiance en toi.
- Si tu veux passer aux aveux, c'est que tu as déjà confiance en moi, non ?
Il rit doucement en baissant la tête puis ramène ses yeux face aux miens.
- Tes aveux à toi m'ont beaucoup aidé à te faire confiance.
- De quoi tu parles ?
Nathan retire sa main du mur et la place dans la poche de son jean, toujours aussi nerveux.
- Tu as vraiment des sentiments pour moi ? demande-t-il sans tourner autour du pot.
- Oh... Ok, je vois, bafouillé-je en me sentant rougir de la tête aux pieds. Ouais. Ouais je... On a passé pas mal de temps ensemble toi et moi et... Je t'apprécie vraiment Nathan, et il se trouve que tu me plais beaucoup alors... Oui, j'ai des sentiments pour toi. Ce n'est pas pour rien que je t'ai embrassé d'ailleurs. Le problème, c'est que j'avais l'impression que c'était réciproque étant donné que tu ne m'as pas repoussée et que tu as même continuer. Mais comme tu n'as plus donné de signe de vie pendant une semaine, j'ai vraiment douté. Mais si maintenant tu me dis que tu es prêt à tout m'expliquer c'est peut-être que...
Je m'interrompt subitement avant de me ridiculiser en disant de choses que j'imagine être vraies, comme le fait que mes sentiments pour lui seraient peut-être réciproques.
- Je vais commencer mes aveux maintenant, répond-il détendu. Si tu es d'accord, bien sûr.
Je hoche vivement la tête, surprise qu'il ait plutôt l'air amusé que stressé comme tout à l'heure.
- Je n'ai jamais eu de petite-amie.
- Très drôle, le défié-je en riant.
- C'est la vérité, affirme-t-il sérieusement. Je n'ai jamais eu de petite-amie alors je ne sais pas trop comment m'y prendre, tu vois ? Ça va peut-être te paraitre idiot ou puéril mais j'ai paniqué après la soirée de Sami. Je vais te répondre honnêtement ; oui je me suis enfui, et oui je t'ai évitée. Mais j'avais besoin de réfléchir à tout ça, à tout ce que ça impliquait et à ce que tu pourrais ressentir pour moi. J'avais peur de te blesser, c'est pour ça que je suis venu te voir l'autre soir. Celui où je t'ai encore embrassée. Je n'avais pas prévu ça. J'étais venu avec l'intention de m'excuser en te disant que c'était une erreur. Mais je me rends compte aujourd'hui que ce n'en était pas une.
Il n'a pas dévié son regard du mien durant toute sa prise de parole et il continue après avoir repris son souffle.
- Toi aussi tu me plais. Je ne ferais pas tout ça, dans le cas contraire. Tu dois t'en douter, je pense, rit-il. Pour être franc avec toi, j'ignore totalement ce que peut donner une relation plus qu'amicale entre nous, mais si ça te tente, j'aimerais essayer.
Mon sourire s'élargit davantage lorsque je comprends que ses intentions sont les mêmes que les miennes. Je ne m'attendais pas du tout à ça, mais je suis agréablement surprise.
- C'est vrai que ça pourrait être plutôt tentant, murmuré-je en le voyant s'approcher encore un peu.
Mon cœur se met à battre à une vitesse folle lorsque sa main s'empare de la mienne. Alors que je pense qu'il va m'embrasser, il se contente de chuchoter deux phrases à quelques centimètres de mes lèvres.
- Ce sera à toi d'en décider à quinze heure. Plutôt quinze heure trente, le temps que je puisse répondre à tes questions.
Je meurs d'envie de l'embrasser, comme ce fameux soir chez Sami, mais nous nous contentons de nous regarder fixement les yeux dans les yeux. La sonnerie annonçant le début du prochain cours résonne et nous fait sursauter vivement. Je profite de sa distraction pour déposer un chaste baiser sur ses lèvres qui le surprend grandement.
- Au cas où je décide de m'enfuir après t'avoir écouté, rigolé-je avant de m'éloigner de lui, un sourire sur mon visage et le même sur le sien.
Nathan
- Arrête d'angoisser, tu vas finir par me donner mal à tête ! m'ordonne ma mère.
- C'est quoi angoisser ? demande Elya avant d'enfourner sa dernière bouchée de pommes de terre.
- C'est pareil que paniquer, répond sa grand-mère avant de revenir à moi : tu assumes Nathan. Et je te préviens maintenant, tu n'as pas intérêt à te défiler.
Je me lève pour débarrasser mon assiette que j'ai à peine toucher et prends celle de ma fille, vide.
- Je sais, Maman. Je n'ai plus cinq ans je te rappelle.
- Moi j'ai bientôt cinq ans ! s'exclame à nouveau mon petit ange.
- Chérie, ton anniversaire est déjà passé, ricane ma mère.
- Oui mais ça revient tous les ans, donc c'est bientôt. Je peux aller jouer avec Polly ?
Oui, ça revient tous les ans et bien trop rapidement. Elya me dit qu'elle ne veut pas de dessert et part donc à la recherche de son chat qui est devenu son meilleur ami. Elle a même annoncé qu'elle ne souhaitait plus se marier avec Timéo, son amoureux, parce que ce petit prétentieux n'aime pas les chats. Selon lui, ces animaux sont trop moches et sentent mauvais. Quelle joie d'entendre ça ! Mon bébé ne se mariera pas !
- Elle doit venir à quelle heure ?
- Quinze heure. Tu pourras occuper Elya pendant qu'elle sera là ? Si elle reste écouter mes explications bien sûr, ajouté-je septique.
- Je suis certaine qu'elle restera. On fera des gâteaux entre filles, ça te va ?
- Ouais, c'est parfait. Mais ne fait pas de cookies, s'il te plait.
Elle m'en demande la raison, mais je ne peux que lui sourire. Je n'aime plus les cookies, désormais.
Je n'en reviens toujours pas de lui avoir avoué tout ce que je ressentais. Depuis peu, j'ai compris que ses sentiments envers moi étaient réciproques. Oui, j'éprouve quelque chose pour elle. Quelque chose de fort, de très fort, puisque je vais lui présenter ce que j'ai de plus cher à mes yeux. Je vais lui présenter ma fille et j'espère de tout cœur ne pas me tromper.
Si elle ne veut pas se compliquer la vie et refuse de sortir avec moi, je ne lui en voudrai absolument pas. C'est quelque chose de difficile à assumer et je le comprendrais parfaitement. Ce qui me poserait problème ce serait qu'elle ait des propos méchants envers ma fille ou qu'elle révèle la vérité à tout le monde alors que je ne souhaite pas le faire pour le moment.
Mes deux meilleurs amis ainsi que ma mère et mon frère, à qui elle en a parlé, sont extrêmement surpris que je me risque à faire confiance à une fille que je ne connais que depuis deux mois. Je ne dis pas que j'aime Gaëlle ou que je suis amoureux d'elle, mais ces sentiments que j'ai pour elle m'aveuglent certainement un peu. C'est pour cette raison que j'ai décidé de lui parler, mais j'appréhende grandement sa réaction. Pour ses questions, je peux déjà anticiper, mais ses émotions, non.
Un quart d'heure avant qu'elle n'arrive je préviens ma mère que je sors et elle part dans la cuisine avec Elya. Ma fille adore la pâtisserie et en parle même d'en faire son métier un jour. Mais entre vétérinaire et pâtissière, son cœur balance. Et elle continuera à changer d'avis tous les ans pendant encore une dizaine d'années, minimum. Voire plus.
Devant la porte de la maison, j'attends, impatient, sur la marche qui mène à la porte. Ma jambe gauche tressaute nerveusement et je commence à avoir froid. Lorsque je vois le bus passer, mon appréhension est à son maximum. Je me lève pour aller à l'entrée du jardin, d'où je peux voir l'arrêt de bus et vois cette jolie blonde en descendre à une centaine de mètre de moi et tourner la tête de droite à gauche. Puis elle baisse les yeux sur son téléphone et fronce les sourcils, avant de regarder autour d'elle. Quand elle m'apperçoit, elle sourit et avance dans ma direction.
Elle est comme ce matin, vêtue d'un jean serré gris clair et d'un pull en laine noir. Ses longs cheveux sont, comme d'habitude, ondulés et retombent sur ses épaules et sa poitrine de façon très armonieuse. Elle est très jolie, c'est indéniable.
- Salut ! s'exclame-t-elle en souriant sincèrement. Tu es prêt à subir un interrogatoire en bonne et due forme ?
- Je l'ignore totalement, mais je te l'ai promis, et je compte bien respecter ma promesse.
- Tu as intérêt ! me prévient-elle. Sinon j'emploierai n'importe quel moyen pour te faire parler.
- Ok, rigolé-je. On y va, alors ?
Elle hoche activement la tête et me suis jusqu'à la porte, mais je n'entre pas immédiatement. J'ouvre la bouche pour parler, mais elle me devance.
- Je vais rencontrer ta femme et tes cinq enfants, c'est ça ?
J'éclate de rire face à cette question, qui est en partie vraie. Elle va voir une femme, ma mère, et une seule des cinq enfants dont elle parle, mais c'est un début.
- Tu verras, réponds-je en souriant. J'ai besoin que tu me promettes quelque chose avant d'entrer.
- Je ne dirai rien de ton organisation secrète, promis.
- Je suis sérieux, la reprends-je, lui faisant perdre son sourire.
Elle ancre son regard dans le mien et m'invite à parler d'un signe de tête.
- Ne t'enfuis pas, s'il te plait. Pas avant d'avoir eu mes explications. Et bien entendu, tout ce que je vais te dire restera entre nous.
- Et les garçons, ajoute-t-elle.
- Oui, souris-je.
- Tu sais que tu commences à me faire peur avec tes recommandations ? lance-t-elle sérieuse.
- Ouais, pardon. On va y aller. Mais une toute dernière chose avant.
- Quoi ?
Je pose mes mains sur ses deux joues et embrasse rapidement ses lèvres.
- Au cas où tu décides de t'enfuir après m'avoir écouté, expliqué-je en reprenant ses mots de tout à l'heure, ce qui semble l'amuser.
Je prends une longue inspiration et appuie sur la poignée. Gaëlle me suis et me regarde attentivement. Je lui fais signe d'entrer dans le salon et elle s'exécute sans dire un mot.
- Elya ? crié-je assez fort pour qu'elle m'entende.
- Quoi ? s'exclame Gaëlle apeurée en parlant à voix basse. Tu m'as dis que tu m'expliquerais qui elle était, pas que...
- Arrête, lui ordonné-je avant de reprendre : Elya, viens voir s'il te plait.
- Nathan, je ne veux pas, c'est...
- Oui ? répond ma fille en sortant de la cuisine.
Gaëlle tourne la tête en direction de la voix et s'interrompt en voyant l'enfant de quatre ans qui avance vers nous.
- C'est qui ? me questionne Elya.
- C'est une de mes amies.
Gaëlle me sourit et s'accroupit face à ma fille pour la saluer, sans savoir qui elle est :
- Bonjour.
- Bonjour. Tu t'appelles comment ?
Sa curiosité habituelle refait surface et même si notre lien de parenté n'a pas encore été révélé, ça me rassure quelque peu.
- Gaëlle. Et toi, c'est Elya, c'est ça ?
- Oui.
- Tu fais la cuisine ? lui demande-t-elle en pointant son tablier décoré de cupcakes multicolores.
- Des muffins aux pépites de chocolat, lui apprend-elle fièrement.
Elle a déjà de la farine sur le front et je passe mon pouce dessus pour retirer la poudre. Lorsque Gaëlle se relève, je tente d'en savoir un peu plus sur ces gâteaux.
- Chocolat blanc ?
- Bah oui ! lance-t-elle en levant les yeux au ciel comme si c'était évident. Et chocolat au lait et chocolat noir.
- Tant mieux ! Tu m'appelles quand c'est prêt ?
- D'accord Papa !
Du coin de l'œil, je perçois Gaëlle se raidir et je pourrais parier que ses yeux ainsi que sa bouche sont grands ouverts de surprise.
Elya trottine gaiement jusqu'à la cuisine et nous nous retrouvons tous les deux dans le salon, dans un silence pesant et attroce. C'est elle qui le rompt en prononçant un seul mot sous forme interrogative.
- Papa ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top