Chapitre 11.

Gaëlle

Comme pour la semaine dernière, Nathan ne donne pas de signe de vie après m'avoir embrassée. Je ne le contacte pas le lendemain et lui non plus, ce qui me consterne un peu. Aujourd'hui, c'est la reprise des cours après ces deux semaines de vacances alors je vais pouvoir exiger une réponse de sa part. J'aimerais savoir à quoi il joue, s'il se contente de s'amuser avec moi ou si ses actes sont aussi sincères qu'ils le sont pour moi.

Si je l'ai embrassé la première, c'est parce que j'en mourrais d'envie depuis quelques temps mais lui, je ne connais pas les raisons qui l'ont poussé à recommencer. À deux reprises. Et par deux fois, il a choisit de m'ignorer, ne faisant qu'accroître ma déception déjà bien présente.

J'en ai parlé avec les filles après la soirée chez Sami, et selon Alice, Nathan n'est pas du genre à sortir avec des filles. C'est Romain qui lui a avoué. Peut-être est-ce pour cette raison qu'il ne m'a pas recontactée de la semaine, mais ce qui s'est passé samedi me prouve le contraire. Je vais donc tout faire pour le faire parler. Ou alors, je lui ferai part des sentiments naissants que je commence à éprouver pour lui. Peut-être que ça le fera parler.

Nous mangeons tous ensemble à la pause de midi mais je n'ai pas envie de lui parler devant tout le monde. En sortant de la cafétéria, je le retiens par le bras.

- Est-ce qu'on peut parler s'il te plait ?

- A la pause de quatre heure, me promet-il précipitamment.

Je soupire lorsqu'il part vers Romain et Sami. Il leur fait signe de les suivre et s'en vont loin de nous.

- Qu'est-ce qui leur prend ? demande Alice surprise.

- Aucune idée, répond Malia. J'ai l'impression que Nathan avait quelque chose d'urgent à leur dire.

Les trois filles se tournent alors vers moi et je pique immédiatement un fard. Elles exigent des réponses - elles ne savent pas que j'ai vu Nathan il y a deux jours - mais je n'ai pas envie de leur en parler alors je me défile en leur annonçant que je dois aller aux toilettes.

Dans le couloirs qui mène aux sanitaires, des voix que je connais m'interpellent. Je m'arrête à l'angle de deux murs en entendant Sami.

- Tu l'as embrassée et alors ? C'est la deuxième fois donc ça prouve quelque chose, non ?

- Ça prouve seulement que j'ai merdé deux fois, rétorque durement Nathan.

La curiosité est un vilain défaut. Je voulais des réponses, j'en ai déjà obtenu. Si je reste ici, je saurai tout ce qu'ils se diront. Ça me fera certainement plus de mal que ce que je viens d'entendre mais j'ignorais que j'avais ces tendances masochistes qui m'obligent à rester ici.

- N'importe quoi ! soupire Romain. T'as pas merdé. Tu as embrassé Gaëlle, t'as pas commis un meurtre, putain.

- Tu sais que tu nous prends la tête avec cette histoire ? ajoute son pote. Tu crèves d'envie de sortir avec elle alors lâche toi.

- Je ne peux pas être avec elle, répond mon ami.

- A cause d'Elya, souffle le petit-ami d'Alice.

- Oui, j'ai déjà Elya dans ma vie. Je ne peux pas l'avoir elle et être avec Gaëlle.

Elya ? C'est qui ? Il a déjà une copine ? C'est une blague ! Pourquoi il a fait ça ?

- Tu peux gérer les deux, affirme Romain.

J'en reste bouche bée.

- Non, je n'y arriverai jamais. Comment veux-tu que je leur cache à chacune l'existence de l'autre ?

Je n'en peux plus de l'entendre parler comme ça, alors je sors de ma cachette et fais face à l'homme que je ne connais pas du tout. Je comprends maintenant ce que sont ses secrets. Il se moquait de moi la dernière fois en m'écoutant lui énoncer toutes mes hypothèses et je comprends pourquoi maintenant. Il a quelqu'un et se fiche ouvertement de moi. Cette fille devait être absente pendant toute la première semaine des vacances puisqu'on s'est vu tous les jours.

Je pensais avoir appris à le connaitre, mais je ne sais rien finalement. Ce que je comprends, c'est qu'il n'est pas quelqu'un de bien à jouer sur deux tableaux de la sorte. Je me suis bien trompée à son sujet.

- Tu n'as pas besoin de leur cacher quoique ce soit ! s'exclame Sami.

Il allait ajouter autre chose, mais il a été forcé de s'interrompre en me voyant. Les deux autres garçons se retournent pour voir ce que leur ami regarde et le visage de Nathan perd toutes ses couleurs. Il comprend que j'ai tout entendu.

Je fais demi-tour lorsqu'il prononce mon nom et marche le plus rapidement possible mais il me rattrape.

- Gaëlle, attend !

J'esquive son regard parce que des larmes commencent à se pointer dans mes yeux et je ne veux pas qu'il voit ça.

- Gaëlle regarde moi, s'il te plait, me supplie-t-il en tentant de me faire relever la tête.

- Arrête, c'est bon. J'ai compris.

- Non ! s'écrit-il. Tu n'as rien compris. Je peux tout t'expliquer.

Je me recule d'un pas pour rompre le contact entre nous deux. C'est trop douloureux.

- Il n'y a rien à expliquer, Nathan. J'ai tout entendu et je ne pensais vraiment pas que tu étais comme ça.

- Comme ça ? répète-t-il perdu. C'est-à-dire ?

- Pourquoi tu m'as embrassée si tu as déjà quelqu'un ? Ça ne se fait pas.

- Ce n'est pas...

- Ce que je crois ? complété-je en haussant la voix. Si, bien sûr ! C'est pas grave si tu es déjà avec quelqu'un, mais tu aurais dû me le dire et ne jamais m'embrasser. Cette fille ne mérite pas que tu lui fasses ça et tu n'as pas le droit de jouer avec mes sentiments comme ça. Je pensais que tu étais quelqu'un de bien, mais je me suis lourdement trompée. On a passé d'excellents moments tous les deux mais ça n'aurait jamais dû arriver et ça n'arrivera plus.

Ses yeux s'écarquillent en grand et il semble comprendre quelque chose.

- Tu... Tu as des sentiments... pour moi ?

Je lève les yeux au ciel avant de baisser la tête. Ça ne sert à rien de revenir sur mes mots, il l'a très bien compris.

Nathan soupire longuement devant mon absence de réponse et se gratte la nuque.

- Laisse-moi t'expliquer, je t'en prie. Je ne suis pas ce genre de mec, je peux te l'assurer.

- Ne me fais pas croire ça, dis-je en secouant la tête, désabusée.

J'essaie de passer à côté de lui mais il me retient.

- Il faut que tu me crois.

- Ce n'est pas le cas. Laisse-moi passer, s'il te plait.

- Non, attends.

Il pose ses deux mains sur mes épaules et me demande de l'écouter. Cette situation m'agace de plus en plus et cet agacement commence même à masquer mon immense déception.

- Ok alors parle moi, lui ordonné-je. Dis moi qui est Elya si ce n'est pas ta copine.

Il ouvre la bouche et la referme, hésitant. J'entends sa réponse avant même qu'il ne la prononce.

- Je ne peux pas te parler d'elle.

- Tes secrets, c'est ça ? dis-je en souriant ironiquement.

- Oui.

- Je comprends. C'est normal qu'une petite-amie soit un secret si tu t'amuses avec une autre. C'est à elle que tu téléphones pendant plusieurs minutes à chaque fois qu'on sort ?

- Oui mais ce n'est pas...

- Arrête Nathan ! C'est bon, je m'en fiche de tout ça. Garde tes secrets et surtout : cesse de m'embrasser et de jouer avec moi.

Il n'essaie même pas de m'arrêter lorsque je quitte le couloir et je n'entends que son long soupir derrière moi.

***

Les filles me bombardent de questions en tout genre toute la journée mais je les ignore. Je n'ai vraiment pas envie d'y répondre. En fin de journée, nous avons TP de chimie, et Nathan tente de me parler et de vouloir m'expliquer, sans rien ajouter de plus. Il se contente de me dire que c'est compliqué et qu'Elya n'est pas sa copine mais je ne l'écoute que d'une oreille.

Il insiste même pour me ramener mais quand je refuse, il me laisse aller à l'arrêt de bus sans rien ajouter. Je suis surprise mais comprends la raison lorsque je le vois garé devant la maison. Il sort de la voiture quand il me voit arriver au bout de la rue et se place devant le portail.

- Je vais tout t'expliquer, déclare-t-il.

- Trop tard. Je peux rentrer chez moi ?

- Je vais te parler de mes secrets, continue-t-il en ignorant ma réponse. Je te dirai ce que je fais de mon temps libre et pourquoi je ne sors pratiquement pas. Tu sauras pourquoi on a tout de même passé une semaine à se voir tous les jours. Et je te dirai qui est Elya. Et quand tu auras tout entendu, tu comprendras. Je l'espère.

Je ne cache pas ma surprise en l'entendant me dire tout ça. Depuis le temps qu'il me dit qu'il ne parlera jamais de ses secrets avec moi, le voilà prêt à m'expliquer les détails cachés de sa vie ? Je me pose alors des questions. Et si Elya n'était vraiment pas sa copine ? Je commence déjà à douter.

- Est-ce que tu veux bien entendre tout ce que j'ai à te dire ?

Je hoche lentement la tête et il soupire de soulagement en me remerciant. Il me sourit mais ne dit toujours rien.

- Je t'écoute.

- Pas aujourd'hui.

J'expire, totalement lasse. C'était trop beau pour être vrai.

- Je peux passer ?

- Je te promet que je vais t'expliquer, mais pas aujourd'hui, répète-t-il. Viens chez moi mercredi, à quinze heure. Je t'envoie mon adresse par message, tu prendras le même bus que lorsque tu rentres du lycée et tu descendras au terminus. Tu sauras tout. Mercredi, tu me poseras toutes les questions que tu voudras, et je répondrai honnêtement à chacune d'entre elles. Tu veux bien ?

Je vois de l'espoir et de la peur émaner de lui. Il est anxieux par rapport à ma réponse alors je la lui donne malgré l'immense doute présent en moi. J'espère que ça en vaut la peine.

- D'accord.

- Merci ! Je te remercie vraiment, Gaëlle. Tu sauras tout mercredi.

- D'accord, répété-je.

Il m'offre un sourire complice avant de me laisser passer. Cette conversation inattendue m'a un peu rassurée. Pas entièrement mais juste un peu, sans pour autant enlever doutes et incertitudes. Tout dépendra de la conversation de mercredi et je l'appréhende beaucoup. Ces explications semblent importantes pour lui et je dois dire que ma curiosité l'a emporté cette fois.

Et peut-être que mes sentiments pour lui m'ont un peu influencée. Un tout petit peu.

Nathan

Je suis le plus grand abruti que la Terre n'ait jamais connu. C'est insensé, pourquoi je lui ai dit tout ça ? Pourquoi je lui ai promis de me confier, bordel ? J'en ai pas envie !

Je ne pourrai pas. Je n'y arriverai pas. Comment le pourrais-je ? Comment pourrais-je présenter ma fille, celle que j'ai protégé de tout, celle pour qui j'ai tout donné, celle que j'aime par dessus tout, à quelqu'un que je ne connais que depuis deux mois ? Je vais avouer à une fille dont je ne sais rien que je suis papa. Mais qu'est-ce qui m'est passé par la tête ?

- Papa, tu rentres encore en retard, m'apprend Elya lorsque je rentre à la maison.

- Oui je sais, pardon. J'avais... des choses à faire.

- Quelles choses à faire ? insiste-t-elle. C'était long, Mamie vient de terminer de faire à manger.

Je me baisse pour la porter dans mes bras et embrasse sa joue.

- Eh bien, on va aller manger, lui souris-je en éludant sa question. Tu as bien travaillé à l'école ?

- Oui. J'ai eu tout juste ! s'écrit-elle fièrement. Et toi, tu as bien travaillé ?

Je hoche la tête en riant et ma mère apporte le diner pendant qu'Elya me raconte sa journée. L'écouter me permet de penser à autre chose, mais pas assez longtemps, puisque deux heures plus tard, je l'emmène se coucher. Je termine de lire La petite Sirène et vais voir ma mère, dans le salon. Je me laisse tomber sur le canapé en soupirant, totalement las, ce qui interpelle ma génitrice.

- Quelque chose ne va pas ou je me trompe ?

Je soupire longuement avant de cracher le morceau, sans prendre la peine de réfléchir.

- J'ai encore embrassé Gaëlle samedi soir et aujourd'hui, elle m'a entendu parlé d'Elya avec les gars. On n'a pas mentionné qu'elle était ma fille donc elle a immédiatement pensé que j'avais une copine. Ce qui ne m'étonne pas puisque j'ai clairement dit que je ne me pensais pas capable de gérer deux filles en même temps. C'est normal qu'elle ait tout compris de travers. J'ai essayé de lui expliquer qu'elle n'était pas ma copine mais elle ne m'a pas cru et quand elle m'a demandé qui était Elya, j'ai répondu que je ne pouvais pas lui dire. Donc elle l'a mal pris et m'a dit que je n'étais qu'un connard qui jouait avec ses sentiments. Sans employer ces termes, bien sûr, mais ça voulait dire la même chose. Et donc, comme elle ne voulait plus me parler et qu'elle a refusé que je la ramène, je l'ai attendu devant chez elle. Et je lui promis de tout lui raconter mercredi et de lui dire qui est Elya.

J'expire longuement, très très longuement après cet aveux. J'ai tout prononcé d'une traite et pouvoir respirer enfin me fait du bien. Je me suis obstiné à regarder fixement l'écran noir de la télévision et lorsque je me risque enfin à jeter un oeil à ma mère suite à ce monologue, je la vois sourire. Elle est en train de se moquer de moi.

- Quoi ? lancé-je contrarié.

- Cette fille doit vraiment être exceptionnelle, dit-elle toujours avec ce sourire plein d'ironie.

- Non c'est faux ! Elle est juste...

Je cherche les mots pour la décrire mais m'interrompt. Ma mère m'incite à continuer.

- Elle est adorable, admets-je honnêtement. Et elle semble sincère, mais... J'ai peur. Je ne la connais pas tant que ça.

- Mais suffisamment pour qu'elle te plaise.

Il y a plusieurs semaines, je l'ai furieusement contredit en lui affirmant que Gaëlle n'avait rien pour me plaire, mais je comprends que c'est entièrement faux aujourd'hui. Je dois l'admettre, elle me plait beaucoup. Je ne cesse de me dire que je regrette ces baisers entre nous, mais c'est faux. Avec elle, j'ai tendance à ne plus penser à mon rôle de père. Ça me terrifie autant que ça me ravit.

C'est terrifiant parce que si Gaëlle me fait oublier ma paternité, j'ai peur de délaisser ma fille. Mais c'est tellement bon de m'amuser et de profiter de ma vie de lycéen. Non pas que je considère cette jolie blonde comme une distraction, bien au contraire. Elle me plait de plus en plus et l'avoir entendu me dire qu'elle avait des sentiments pour moi m'a poussé à vouloir lui avouer la vérité. Je l'admet.

- Tu crois que je peux lui faire confiance ?

- Je ne peux pas te dire, je ne l'ai jamais vue et tu ne m'as pas beaucoup parlé d'elle. Toutes les fois où j'ai abordé le sujet, tu t'es défilé.

Elle a raison. Tout ce que je me contentais de lui dire était qu'elle n'était qu'une amie, qu'elle était sympa, et très bavarde. Ma mère ne sait rien d'elle donc c'est normal qu'elle ne puisse pas m'aider. Je vais donc faire en sorte qu'elle puisse me venir en aide.

- Alors je vais te parler d'elle, décidé-je sûr de moi.

- Je t'écoute, annonce-t-elle en souriant sincèrement.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top