Chapitre 1.

Nathan

Quatre ans plus tard

Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit. Elya a fait un gros cauchemar et est venue se réfugier dans mon lit, me racontant toute une histoire de fantômes dans une forêt lugubre et ténébreuse. Je lui ai lu l'histoire de Hansel et Gretel hier soir pour l'endormir, mais je n'ai pas pu la terminer étant donné qu'elle était trop longue. Je me suis donc arrêté au moment où les enfants étaient seuls dans la forêt. Je vais faire attention maintenant aux histoires que je choisis et où je m'arrête !

Une fois dans ma chambre, elle s'est rendormie dans mes bras et j'ai eu beaucoup de mal à faire de même. C'est pourquoi, elle, elle est partie à l'école en sautillant alors que de mon côté, j'ai trainé des pieds jusqu'à ma voiture.

Les cours ont repris depuis une semaine seulement et Elya adore ça. Elle est vraiment heureuse d'être avec ses copains et copines à l'école alors que je préfèrerais cent fois rester à la maison et m'occuper d'elle. Mais comme je dois avoir mon bac cette année et que ma fille raffole littéralement de l'apprentissage scolaire depuis son entrée à la maternelle l'année dernière, il me serait impossible de la garder chez moi.

Donc je n'ai pas le choix. J'ai beau être père et majeur, je vis toujours avec ma mère et je continue de l'écouter et de respecter ses choix. Elle veut que j'obtienne mon bac, alors je ferai tout pour l'obtenir. Heureusement, je me suis retrouvé dans la même classe que mes deux meilleurs amis.

Il y a aussi une nouvelle élève au lycée cette année, dans ma classe. Elle semble un peu timide mais a parfaitement su s'intégrer. Un petit groupe de trois filles, Alice, Malia et Flory l'ont accueillie immédiatement et je vais apparemment apprendre à la connaitre puisque nous sommes ensemble en TP de chimie. C'est notre professeur qui a fait les binômes et ça ne me dérange pas pour le moment. Si Gaëlle est amie avec Alice et Malia - que je connais très bien - depuis une semaine, c'est qu'elle n'est pas une mauvaise fille.

Lorsqu'elle s'installe à côté de moi, elle m'offre un joli sourire. Elle est très belle, c'est indéniable ; une longue chevelure blonde ondulée et de grands yeux gris, des joues pleines parsemées de tâches de rousseur avec une fossette sur celle de gauche. Elle a beaucoup de charme, c'est certain.

- Nathan, c'est ça ? me demande-t-elle en sortant ses affaires.

- Oui. Et toi c'est Gaëlle, il me semble, ajouté-je ironiquement puisque j'ai déjà retenu son nom.

- En effet ! rit-elle. Désolée de te poser la question mais je n'ai pas encore mémorisé tous les prénoms de cette classe.

- Mais le mien, si, souris-je en haussant les sourcils.

- Je vais passer mon année avec mon binôme, alors c'est mieux que je connaisse son nom, pas vrai ?

Effectivement ! Je l'aime bien. Elle est spontanée et joyeuse, alors je sens que je vais beaucoup rire avec elle.

- En tout cas, tu as intérêt de bien travailler. Dans mon ancien lycée, j'étais avec une fille qui ne faisait absolument rien. Sauf si on prend en compte ses grandes discussions avec ses copines. Elles étaient insupportables, elles ne faisaient que parler et...

Elle s'interrompt subitement et me regarde en souriant, puis elle continue :

- ... et je suis en train de faire la même chose. Désolée.

- Ne t'inquiète pas, ce n'est rien. On n'a pas encore commencé à travailler, alors ça ne pose pas de problème.

- Tant mieux alors ! Je te préviens tout de suite, je suis très bavarde, mais quand il s'agit de bosser, je fais les choses bien.

- J'avais à peine remarqué que tu étais bavarde. Moi qui pensais que tu étais plutôt timide, je me suis trompé.

Nous rions en chœur au moment où la professeur demande le silence. Je remarque que les binômes n'ont pas l'air de se plaire autour de moi. Mes deux potes, Sami et Romain, ne sont pas ensemble, tout comme les amies de Gaëlle qui sont éparpillées un peu partout.

Nous commençons rapidement ce premier TP, chiant, inutile et donc très rapide à faire. C'est seulement pour apprendre à utiliser les nouveaux microscopes, mais il se trouve que ma binôme utilisait le même matériel dans son ancien lycée. Elle m'a donc expliqué comment faire les réglages et comment il faut manipuler l'objet.

- Tu vivais où ? lui demandé-je après avoir terminé notre travail.

- En Bretagne.

De la Bretagne à Narbonne ? C'est un changement brutal de température !

- Ça doit te changer alors ! m'exclamé-je.

- C'est exact ! Il fait beaucoup trop chaud ici.

- Pourquoi tu as déménagé si loin ?

Elle perd son sourire et ça me fait de la peine de lui avoir posé cette question. Elle y répond tout de même d'une voix triste.

- Mes parents viennent de se séparer et ma mère nous a emmenées, ma petite sœur et moi, le plus loin possible de mon père.

J'ai envie de lui demander pourquoi, mais je me retiens. Ça me parait beaucoup trop personnel et sa mélancolie me gêne. Si sa mère a éloigné ses filles de leur père, c'est qu'il y a une raison. Je change immédiatement de sujet.

- Et tu vis où désormais ?

- Derrière la gare, dit-elle en retrouvant le sourire. Ma mère a trouvé une petite maison très jolie. Et toi ?

- A la sortie de la ville, pas très loin de la gare d'ailleurs.

Je ne mentionne pas le fait que tout comme elle, je ne vis plus avec mon père, et encore moins que j'ai une fille de quatre ans. Sami et Romain sont les seuls au courant et ça ne la regarde en rien. Je me vois mal lui dire « Hé ! J'ai une fille. C'est cool, non ? ». Elle n'en aurait rien à faire de toute façon.

- Tu prends le même bus que moi alors ?

- Non, j'ai ma voiture.

- Oh ! Tu as ton permis ? Ça veut dire que tu as déjà dix-huit ans, comprend-elle surprise.

- Logiquement, oui, ris-je. J'ai redoublé ma troisième.

Pour m'occuper d'Elya, j'ai arrêté les cours pendant une année. Ma mère n'était pas d'accord, elle m'avait affirmé pouvoir prendre soin de ce petit bébé pendant que j'étais en cours mais j'ai refusé. C'est ma fille. Sa mère l'a abandonnée, alors je voulais m'occuper d'elle. Pas seulement par devoir, mais aussi parce que je voulais passer le plus de temps possible avec elle pour la voir grandir et s'épanouir.

Ma mère m'a accordé une seule année sabbatique, alors j'ai repris les cours en septembre de l'année suivante, alors qu'Elya n'avait même pas encore un an. Ça a été très difficile de la laisser mais j'y suis arrivé.

- Tu te plais ici ? demandé-je soudainement.

- Oui beaucoup. Je suis allée à la plage plusieurs fois et c'est magnifique, j'adore.

- C'est très différent de chez toi !

- Brest et Narbonne sont pratiquement similaires, pas vrai ?

- Le seul point commun, c'est la mer.

- Ça fait déjà un point commun, rit-elle.

Je lui donne quelques noms de lieux magnifiques comme elle semble apprécier, et elle me remercie. Je connais cette ville pratiquement par cœur étant donné que je vis ici depuis toujours

A la fin du cours, Gaëlle rejoint ses nouvelles amies et les gars me retrouvent.

- Alors, tu dragues la nouvelle ? se moque Sami.

- Donc pour toi, discuter et draguer, c'est la même chose ?

- Quelques fois, oui.

- Donc tu draguais Matthieu ? le questionné-je sérieusement.

Je gagne un coup de coude dans le bras pendant que le rouquin se marre. Lui, draguait réellement. Il est en binôme avec Alice et déjà l'année dernière, il voulait sortir avec elle alors il doit probablement jubiler de se retrouver avec elle.

- Je vous ramène ?

- Non, on va au sport, répond Romain. Je ne te demande pas de venir.

Je secoue la tête et les salue d'un signe de la main, avant de rejoindre le parking. Je démarre et en passant devant l'arrêt de bus, je vois Gaëlle en train de patienter. Un groupe de six mecs qui sont en première, il me semble, sont près d'elle et l'un d'eux la regarde de haut en bas, de son air joyeux peint sur son visage, à sa jupe rouge plissée descendant jusqu'en haut de ses genoux, en passant par son tee-shirt blanc ample et léger. Je décide de m'arrêter à sa hauteur en baissant la vitre passager.

- Je te dépose ? demandé-je en me penchant vers elle pour qu'elle me voit.

- Non, ne te dérange pas pour moi, me sourit-elle. Le bus arrive dans dix minutes.

- C'est sur mon chemin, monte, insisté-je.

Une voiture klaxonne derrière moi alors elle s'empresse de grimper, certainement pour éviter de déranger la file qui se forme progressivement.

- Je t'assure que ça ne me dérange pas. Je passe vers la gare pour rentrer chez moi.

- Ce n'est pas une raison, rit-elle.

- Ah, tu préfères le bus et la foule de personnes en sueur , qui ne savent pas parler autrement qu'en hurlant ?

- Tu vends du rêve, Nathan ! s'esclaffe-t-elle.

- C'est la réalité. Je prends le bus depuis la sixième alors je peux te dire que j'y connais quelque chose, avoué-je amusé. Je suis soulagé d'avoir enfin ma voiture !

Elle me confirme qu'elle n'aime pas prendre le bus et qu'elle n'a jamais eu à le prendre puisqu'elle vivait près du lycée et du collège dans son ancienne ville. Quelle chance !

- Je pourrais t'emmener si tu veux.

- Je ne me suis pas plains dans l'idée que tu culpabilises, répond-elle.

Gaëlle m'indique de tourner à droite au croisement, ce que je fais tous les jours.

- Je me doute. Mais je culpabilise quand même, plaisanté-je.

- Je fais si pitié que ça ?

- Franchement ? Oui.

Un éclat de rire empli la voiture et nous débattons des inconvénients des transports en commun le reste du trajet. Je me gare ensuite devant une maison devant laquelle je passe tous les jours. Lorsque je le lui dis, elle me confirme que c'était bien sur ma route. J'étais au courant !

Avant qu'elle descende, je lui donne mon numéro de téléphone, au cas où elle ait envie d'aller au lycée en voiture et non en prenant un bus blindé de monde.

Cinq minutes plus tard, j'arrive chez moi. Une petite tête brune d'un mètre de haut se précipite vers moi en courant.

- Papa ! Regarde ce que j'ai fait aujourd'hui à l'école !

Je m'accroupis près d'elle et lui prends la feuille des mains. Elle a dessiné ce qui a l'air d'être un bonhomme, avec un second plus petit à côté. Au dessus est écrit « PAPA ET ELYA » en lettres capitales. Ce sont donc bien deux personnages : un papa et sa fille.

- C'est super ! Tu as demandé à la maitresse de te montrer comment écrire ? lui demandé-je en la portant sur un bras.

- Non, je l'ai fait toute seule, m'apprend-elle en me fixant de ses yeux bleus brillants de fierté. Je me suis rappelée comment écrire « ET » avec le livre de la dernière fois et celui d'hier aussi.

Hier soir, c'était Hansel et Gretel mais avant-hier soir, j'ai terminé La Belle et la Bête. J'avais eu droit à « Pourquoi ça s'écrit comme ça ? Et pourquoi il y a un chapeau sur le " E " ? ». Elle pose toujours énormément de questions tout en s'intéressant à beaucoup de choses. Elle retient aussi tout ce qu'on lui dit avec une facilité parfois déconcertante.

- C'est très bien, ma puce.

- Tu l'accroches sur le frigo ? me demande-t-elle lorsque nous arrivons dans la cuisine.

- Oui, mais il faut en enlever un alors. Il n'y a plus de place.

Elle me montre un de ses dessins que je retire et le remplace par le nouveau. Je pose Elya au sol et lui donne la feuille que j'ai décroché pour qu'elle aille le ranger dans le classeur à dessins numéro deux. Elle a décidé, l'année dernière, de ranger toutes ses oeuvres d'arts pour ne pas les perdre. Alors à chaque nouveau dessins qu'on accroche sur le réfrigérateur, elle choisit celui qui doit être retiré pour qu'il puisse rejoindre la collection.

- Elle est intelligente ma fille, pas vrai ? déclaré-je fièrement.

Ma mère acquiesce en riant. Je vais l'embrasser pendant qu'elle fait à manger et continue de vanter les mérites de mon petit ange.

- Sa mémoire visuelle est impressionnante.

- Je sais ! Sa maitresse veut te parler, d'ailleurs.

- Pourquoi ? m'étonné-je en attrapant un morceau de poulet dans la poêle.

Ma mère frappe ma main avec la cuillère qu'elle tenait en me grondant comme un gamin.

- Elle n'a pas voulu me dire.

- Elle n'est toujours pas au courant que tu es de la famille et que tu as le droit de savoir ? soupiré-je.

- Seulement les parents ou les tuteurs, récite-t-elle.

- Une grand-mère c'est une tutrice, non ?

- Tu sais bien que non, rit ma mère.

Oui je le sais. Mais personne de s'occuperait aussi bien de ma fille que le fait ma mère. Si cette vieille folle estime que la mère biologique d'Elya serait plus à même de prendre soin d'elle, c'est qu'elle ne connait absolument rien de la vie réelle.

- Papa ?

- Oui ?

- La maitresse veut te voir.

- Oui je sais, Mamie me l'a dit.

- Elle veut te parler de moi, me dit-elle hésitante.

Je fronce les sourcils en me tournant vers elle. Elle est en train de regarder fixement son cahier qui me permet d'échanger avec sa maitresse, puis elle lève la tête vers moi, dubitative.

- J'ai fait une bêtise ?

Je prends le cahier pour lire les deux lignes rédigées par cette femme. « Je souhaiterais m'entretenir avec vous pour vous parler d'Elya. Quand seriez-vous libre pour un rendez-vous ? »

- Papa j'ai rien fait. C'est promis, murmure-t-elle timidement.

Quand je la regarde, ses yeux sont humides de larmes. Je la prends immédiatement sur mes genoux et la serre contre moi.

- Je te crois, mon bébé.

J'embrasse ses cheveux et la berce doucement. Lorsqu'elle va mieux, je lui montre le cahier.

- Tu as réussi à lire ça ?

- Oui, mais pas tout. Il y a des mots bizarres, ajoute-t-elle en reniflant.

- Tu as lu quelque chose aujourd'hui à l'école ?

- Oui. C'est grave ?

Je lève les yeux vers ma mère qui nous écoute avant d'embrasser la joue d'Elya.

- Non, ce n'est pas grave. Tu as lu quoi ?

- On devait faire un exercice où il fallait entourer les lettres de notre prénom et comme j'avais fini, j'ai fait l'exercice d'après. J'ai lu qu'il fallait entourer des groupes de trois fleurs alors je l'ai fait.

Voilà donc pourquoi sa maitresse veut me parler ; elle veut me dire que ma fille sait déjà lire.

- La maitresse t'a disputée ?

- Non. Mais elle m'a dit que je devais pas le faire avant qu'elle le dise.

-Tu t'ennuyais ? lui demandé-je en souriant.

- Un petit peu, répond-elle en haussant les épaules.

Je ris doucement en la prenant à nouveau dans mes bras. Cette vieille folle n'a pas intérêt de me prendre la tête seulement parce qu'elle sait lire. Elle est juste un peu en avance et a une très bonne mémoire. Où est le problème ?

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