Chapitre 8 - Lia

Quand j'aperçus Roxane, excitée à l'idée de notre discussion à venir, le sourire radieux que j'avais arboré toute la matinée se transforma en grimace.

Elle était mal en point.

Elle boitait fortement, à moitié avachie sur une jeune femme qui lui ressemblait énormément et qui la soutenait pour qu'elle puisse marcher. Ses bras étaient compressés par d'épais bandages tachés de sang. Sa jambe droite en était également recouverte et le sang en coulait en flot continu. Une large coupure béait sur sa joue. Celle-ci ne saignait même plus, et l'on pouvait voir son os, à peine recouvert par quelques lambeaux de chair déchiquetés.

Fidèle à ses habitudes, sa longue frange cachait ses yeux, que je devinais braqués sur moi, et sa casquette était pratiquement clouée à ses longs cheveux marron-roux. Je pris une inspiration tremblante et détournai les yeux, incapable de soutenir son regard perçant.

Elle claudiqua vers Jessica, une fille dans sa classe, qui la prit dans ses bras et commença à pleurer. Je m'approchai timidement d'elles et la vue du dos de son T-shirt me coupa la respiration. Du sang et du pus mêlés suintaient à travers le tissu fin, et je pouvais distinguer clairement les bleus presque noirs qui avaient éclaté sur sa peau claire.

Au bout de quelques minutes, elle se dégagea de l'étreinte de Jessica et se tourna vers moi.

«Ça va? elle s'inquiéta d'une voix éraillée, ayant vu le choc étalé sur mes traits.

- C'est toi qui me demandes si ça va? je répétai, incrédule. Qu'est-ce qui t'est arrivé? Qui t'a fait ça? je finis dans un murmure.

- Rien de grave, répondit-elle, évitant ma question.

- C'est sa mère, cracha Jessica.

- Sa mère? je m'étouffai, alors que Roxane lui jetait un regard d'avertissement.

- Tout à fait, elle continua, faisant la sourde oreille aux protestations de Roxane. Quand son père est mort, Madame est devenu complètement barjo. Elle est convaincue que c'est Roxane qui lui a porté malheur.

- Et il est mort quand? je soufflai, terrifiée par la réponse.

- Quand Roxane avait 6 ans et demi,» Jessica lâcha lugubrement, des larmes s'accumulant dans ses yeux noisette.

Voilà ce qui expliquait les cicatrices découvertes sur son dos lorsque je l'avais ramenée. Je m'écroulai sur le banc, essayant de digérer ce que je venais d'entendre. Pour moi, tant de violence était inimaginable. J'avais grandi protégée de tout problème familial: ma mère m'adorait et mon père habitait loin de nous, mais je ne l'avais jamais vraiment connu. Mais qu'une mère frappe sa fille, ou pire, découpe sa fille... je n'arrivais pas à le concevoir.

Je laissai rouler une grosse larme lorsque je sentis la grosse main chaude de Roxane se poser sur mon épaule. Pourquoi nétait-ce elle qui me réconfortait? Elle s'assit silencieusement à côté de moi et attendis que je la regarde. 

«Ne t'inquiète pas, Émile et Annabelle l'ont éloignée de nous,» me rassura-t-elle.

Je me tournai vers la jeune femme, probablement Annabelle, et elle hocha tristement la tête en réponse à ma question muette. Je me plongeai dans les yeux de Roxane. Ils étaient magnifiques, d'un bleu sombre comme un ciel d'orage, leur pupille dilatée par la douleur encerclée de doré. Je ne comprenais pas comment quelque chose de si pur puisse amener tant de haine, de douleur et de violence.

Un silence pesant s'éternisait entre nous 4, jusqu'à ce que Roxane ne nous chuchote d'un ton urgent:

«L'infirmière arrive, cachez-moi!»

Je compris immédiatement.  L'infirmière effectuait régulièrement des rondes dans la cour pour vérifier la santé des élèves, prévenant ainsi tout risque d'épidémie non déclarée. Elle en profitait pour vérifier les yeux, le nez, les oreilles... Ma mère avait précisé la couleur de MES yeux sur le formulaire d'inscription, mais pas ceux de Roxane, elle me l'avait expliqué.

J'aidai Annabelle et Jessica à l'allonger délicatement sous la table car elle était incapable de le faire toute seule, veillant à ce qu'elle ne heurte pas le sol trop violemment. Je m'étalai sur le banc et Jessica s'allongea par terre pour cacher Roxane, les bras croisés sous sa tête dans l'effort de paraître naturelle. Annabelle était allée au devant de l'infirmière pour la distraire. Celle-ci n'y vit que du feu.

Quand ses yeux se posèrent sur moi, elle dût refréner l'impulsion de vomir. Je fis semblant de ne pas  avoir remarqué son haut-le-cœur et fixai mes chaussures, mal à l'aise. Elle vérifia Annabelle et Jessica, m'ignorant délibéramment. J'attendis qu'elle s'en aille, calme et composée en apparence mais bouillante à l'intérieur.

«Euh... quelqu'un peut m'aider à me relever s'il vous plaît? demanda Roxane d'une petite voix depuis le sol où elle s'était écroulée, trop faible pour le faire toute seule.

- Bien sûr!» s'esclaffa Jessica en la hissant sur ses pieds, passant un bras dans son dos de sorte qu'elle ne puisse pas tomber.

Elle avait le teint cireux et  dégoulinait de sueur, ce qui me semblait inquiétant vu la température ambiante de 15°C. Je posai ma paume sur son front. Il était brûlant. Elle tenta péniblement d'avaler sa salive, et fut prise d'une quinte de toux qui la plia en deux. Visiblement, son état avait encore empiré.

Elle tenta de nous dire quelque chose, mais sa gorge ne laissa passer qu'un miaulement rauque. Je me rapprochai, inquiète, et, soudainement, ses yeux se révulsèrent et elle perdit connaissance dans les bras de Jessica. Quelques secondes plus tard, ses paupières papillonèrent et elle braqua ses yeux sur nous, nous suppliant silencieusement de l'aider, avant de perdre de nouveau connaissance.

Elle alterna ainsi pendant que nous la transportions tant bien que mal jusqu'à chez elle, prises d'une angoisse indescriptible. Nous courions presque, le corps secoué de convulsions de Roxane calé entre nous 3, sur le dos robuste d'Annabelle.

Arrivées chez elle, Jessica enfonça la porte d'un coup d'épaule, et Annabelle déposa Roxane délicatement sur son lit avant d'appeler son frère au téléphone d'un ton urgent.

«Émile, ramène-moi mon matériel, vite... oui, c'est une urgence... non, c'est Roxane... tu arrives bientôt? Super»

En l'attendant, elle sortit de ses placards des bandages propres pansa de nouveau les plaies de Roxane. Je ne pouvais pas regarder, donc je me contentai de pleurer silencieusement. Elle ne pouvait pas mourir!

Je sursautai, tirée de mes réflexions morbides par un hurlement de douleur de Roxane, qui se convulsait sur le lit comme un poisson sorti de l'eau.

(....)
NDA: Et voilà le chapitre 8, publié un peu tard, je sais, mais je vous avais prévenus.
Cette deuxième moitié, je ne l'avais pas vue venir! Roxane va-t-elle mourir? En réalité, je n'en sais rien...
Je vous souhaite énormément de courage pour demain jeudi, et la fin de la semaine.
Je ne publierais sûrement pas la semaine prochaine car j'ai mon brevet blanc, mais peut-être que j'arriverai à caler un chapitre d'ici là.
Dites-moi ce que vous en pensez, s'il vous plaît !!!
À la prochaine ❤️

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