Chapitre 11 - Jessica

Je la regardai attentivement empaler ses pauvres légumes fatigués à coups de fourchette violents. Je m'inquiétais pour elle, et je savais qu'elle me cachait quelque chose.

«Roxane... Roxane tu m'écoutes? je m'inquiétai face à l'air préoccupé qui dominait ses traits.

- Quoi? Euh... oui, bien sûr, elle hésita, évitant mon regard.

Je me rapprochai de son visage pour la regarder dans les yeux et soufflai:

- Si il y avait un problème, tu me le dirais?

- Oui, oui, t'inquiète,» elle répondit après une courte hésitation, forçant un petit rire, mais j'avais vu un air de détresse passer dans le ciel tourmenté de ses yeux.

Je posai ma main sur son épaule pour la réconforter et la retirai aussitôt quand je vis sa réaction. Ses yeux se plissèrent malgré elle et ses poings se fermèrent par pur réflexe. J'avais l'impression qu'elle tentait de se contrôler, de s'empêcher de me bondir dessus. L'air sauvage qui imprégnait ses traits délicats me déconcerta, car il n'avait pas sa place sur une personne si tendre et affectionnée.

Il m'était impossible de ne pas avoir remarqué sa musculature en développement. Ses bras avaient doublé de volume, et arrivaient presque au niveau des miens quand elle contractait ses biceps, alors que pour ma part, je faisais régulièrement de l'escrime, de la course sur de longues distances et de la natation depuis mon plus jeune âge. Ses jambes avaient pris de l'assurance et son endurance s'était améliorée: elle n'était plus à bout de souffle au bout de quelques minutes de promenade rapide.

Ce changement brusque m'affolait, mais comment pouvais-je l'aider si elle ne se confiait pas en moi? Ce n'était pas sa musculature grandissante qui m'avait alarmé, au contraire, je lui avais toujours conseillé de faire plus de sport. C'était son attitude renfermée, sombre, dénuée d'émotion et d'intérêt, sa chute brutale académique et ses déplacements brusques. 

Alors que je la fixais hébétée de son rejet sans précédent, elle se dégagea et détala vers la porte de sortie. Je lui criai de m'attendre mais elle fit la sourde oreille et accéléra en traversant la cour, passant entre les portes de sortie du lycée comme une flèche. Je m'élançai derrière elle, me contorsionnant au dernier moment pour éviter les bras tendus du garde. Je réussis de justesse à sortir du lycée, juste à temps pour la voir tourner à droite, puis à gauche. Je la suivis, et en accélérant, j'arrivai chez elle en même temps que Roxane.

Elle ouvrit la porte d'entrée et disparut de ma vue, sans la fermer derrière elle. Je pris mon temps pour enlever mes chaussures et mon sac d'école et fermer la porte, et la rejoignis dans sa chambre où elle était affalée sur le lit, haletante. Je me tus et attendis qu'elle démarre la conversation. Souvent, c'était la meilleure approche avec cette tête de mule, de la laisser parler quand elle était prête, sans la brusquer. Je la connaissais assez pour savoir cela.

Cependant elle resta muette, les yeux rivés sur le plafonnier éteint comme s'il s'agissait d'un article de journal passionnant mais difficile à analyser. Perdant patience, je la forçai à orienter son visage vers moi, une main sur sa mâchoire et l'autre derrière sa tête, et elle se laissa faire. Elle changeait constamment de point de fixation, regardant partout autour de moi sans croiser mon regard.

«Regarde-moi, je murmurai.

Cela me blessait qu'elle m'évite comme cela, c'était la première fois qu'elle me cachait quelque chose de nos 10 ans d'amitié.

- Je ne peux pas, elle chuchota, ses yeux bleus braqués sur le dos du lit derrière ma tête.

- Roxane, qu'est-ce qui ne va pas? je m'inquiétai de nouveau, et relâchai sa tête maintenant que j'avais son attention.

- Rien, j'avais juste envie de continuer à chercher,» elle me répondit.

Je savais qu'elle m'avait menti, mais je décidai de la laisser en paix pour l'instant car je sent que mes questions et mon insistance augmentaient sa détresse. Elle me dirait tôt ou tard... à son rythme.

Je sortis alors de mon sac de cours qui n'avait pas quitté mon dos un carnet marron usé et l'ouvris à la dernière page, déjà à moitié remplie par des suggestions, des propositions, des hypothèses.

À son tour, Roxane sortit de son sac un carnet noir plein à craquer, autant d'écriture sur ses pages que de feuilles volantes enfournées ça et là, tant qu'elles en débordaient. Elle l'ouvrit vers la fin et sortit sa trousse de son sac. Elle prit son stylo plume dans sa main et me lança un feutre fin que je lui empruntais dès que je le pouvais.

Sans un mot, nous nous plongeâmes chacune dans nos carnets, échangeant occasionnellement des opinions mais travaillant surtout dans le silence et la complicité qui caractérisaient nos échanges.

Vers 17.30, une Lia fort décoiffée fit irruption dans la chambre de Roxane. Elle trébucha sur mon sac et nous tomba dessus avant de s'écrouler sur le sol, le corps secoué de tremblements comme des sanglots de douleur. Je la relevai rapidement et vis que ses joues étaient baignées de larmes, mais qu'elle était en réalité morte de rire. Elle éclata de rire de plus belle en voyant ma mine catastrophée, pliée en deux.

«C'était - trop - trop - DRÔLE! T'aurais - dû voir - ta TÊTE! elle rigola avec l'incohérence de quelqu'un qui essaie de parler en plein fou rire.

Je la laissai reprendre son souffle et elle continua:

- Il s'est passé quoi en vrai? Pourquoi vous ne m'avez pas prévenue?

- Roxane a tout d'un coup décidé qu'il fallait absolument qu'elle continue à chercher,» je blaguai pour détendre l'atmosphère qui s'était considérablement alourdie suite à la question de Lia.

Cela dût réussir car j'entendis Roxane tenter de réprimer son rire et je vis Lia rouler les yeux au ciel. Elle vint alors s'allonger à plat ventre sur le lit et sortit son propre carnet de son sac, celui-là très bien organisé, contrairement aux nôtres.

Nous passâmes le reste de la soirée à nous creuser les méninges avec un bol de chips, jusqu'à ce que je m'exclame:

«Eurêka... j'ai trouvé.»

(....)
NDA: Et re-coucou! Je suis vraiment désolée si cette histoire avance beaucoup plus lentement maintenant, mais pour ma défense le point de vue de Jessica était beaucoup plus difficile à réaliser que ce à quoi je m'attendais. J'espère qu'il vous a convaincus, et je ne pense pas que je vais en refaire bientôt, donc on retrouvera Lia au chapitre prochain.
C'est vraiment fou, j'ai l'impression qu'hier j'avais 96 vues, car je me rappelle si bien du jour où j'ai atteint ce chiffre, et maintenant j'en ai 396!!!!!
Merci énormément de me lire vous ne vous imaginez vraiment pas ce que ça me fait, parfois je passe toute la journée en mode hyperactif et de bonne humeur, seulement grâce à vous! Je sais que par rapport à d'autres histoires le chiffre de 396 est ridicule et dérisoire mais pour moi c'est énorme alors merci beaucoup!
Commentez s'il vous plaît je ne veux rater aucune occasion de m'améliorer.
À la prochaine ❤️

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top