Chapitre 1 - Roxane

«Hé, la fille à la casquette! Fais gaffe à qui tu bouscules comme ça!» s'écria un bonhomme rougeaud qui, d'un revers de bras violent, jeta ma casquette au sol.

La foule qui s'était rassemblée autour de nous prit une inspiration choquée en choeur.

«Elle a les yeux bleus....» murmura une dame entre deux âges, prenant son petit garçon par le bras et le trainant prestement dans la direction opposée.

Sans demander mon reste, je ramassai ma casquette et détalai vers la maison, apeurée. J'avais déjà eu affaire à des foules, qui, ameutées par la couleur de mes yeux, s'étaient jetées sur moi. Arrivée dans le vestibule, je me débarrassai prestement de ma veste d'écolière, que je balançai sur le fauteuil ancien du salon, et avalai les marches 4 à 4 pour arriver à temps.

Je gardai ma casquette bien vissée à ma tête, de façon à ce que ma frange épaisse cache la malédiction de mes yeux, entrant tête basse dans la chambre de ma mère après avoir rapidement passé les doigts dans ma chevelure épaisse pour pas qu'elle ne se doute que je ne les avais pas brossés.

Elle m'accueillit avec une moue de mépris, comme d'habitude, et reprit sa conversation avec mon frère aîné. Puis, d'un coup, elle releva la tête, ayant remarqué une déchirure dans mon jean que j'avais oublié de changer en arrivant.

Elle me regardait d'un air sévère, ses yeux marron si différents des miens me transperçant et elle lâcha un mot, un seul, qui me fit trembler toute entière:

«Roxane.
- Oui maman, osai je, inquiète.
- Qu'as tu fait encore? me demanda-t-elle, amplifiant mon malaise. RÉPONDS MOI, QU'AS TU FAIT!» hurla-t-elle, constatant que je ne lui répondais pas.

Elle s'approcha lentement de moi et m'arracha ma casquette, pour la deuxième fois de la journée, repoussant ma frange en arrière pour mieux voir mes yeux. Elle resta un long moment à contempler mes yeux bleus avec dégoût, puis elle se détourna de moi et cracha:

«Pars. Je devine ce qui s'est passé, je le vois dans tes yeux. Des yeux bleus. Qui m'a donné une fille avec des yeux bleus? PARS! Je ne veux plus te voir jusqu'au repas.»

Je redescendis à toute allure, avant qu'elle ne puisse me priver de quelque chose. Je rentrai dans la salle de bain et me regardai longuement dans la glace. Au fond, on ne pouvait pas en vouloir à ma mère. Personne ne voulait d'une fille aux yeux bleus. C'était tabou, maudit. Partout où j'allais, j'entendais des insultes, certaines plus discrètes que d'autres. Étrangère. Terroriste. Diphékienne. Ça faisait mal, mais je m'y étais habituée. Bien sûr, je n'étais pas Diphékienne, mais normalement, en tant que Fluxelienne, je devrais avoir les yeux marron, ou verts. Personne de ma famille ne savait pourquoi j'avais les yeux bleus, et, bien sûr, impossible de changer leur couleur: comment faire sans déclarer la couleur de mes yeux au monde? Donc je me cachais derrière ma frange et ma casquette.

Impassible, j'observai des larmes de désespoir s'échapper de mes yeux de la couleur de l'océan. D'un geste rageur, je les essuyai et sortis sans un regard vers le miroir.

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«Roxane grouille tu vas être à la bourre! cria mon frère Emile du bas des escaliers.
- J'arrive !»

Je dévalai les marches, enfilant mon jean un peu plus sur chaque pas, et embrassai rapidement mon grand frère sur la joue avant de récupérer ma veste du fauteuil du salon.

Je sortis de la maison, une pomme dans la main et mon sac dans l'autre. Pile à l'heure. Le bus venait de s'arrêter devant chez moi. Je montai dedans, mon éternelle casquette toujours sur ma tête, et m'assis au fond à gauche, un écouteur branché dans mon oreille droite, couvert par mes longs cheveux marron roux épais. C'était un bus automatique, dépourvu de chauffeur. Si je l'avais raté, j'aurais dû faire 15km à pied pour arriver au lycée. Chaud.

«Terminus. Tout le monde descend.» annonça la voix horripilante qui était enregistrée dans le programme du bus et que l'on entendait tous les matins en arrivant.

Je descendis en traînant des pieds, sachant qu'en cours je devrais enlever ma casquette et garder la tête baissée pour que ma frange, qui m'arrivait au milieu des yeux, me les cache complètement. Je rentrai en cours d'anglais, après être passée par le détecteur d'empreintes digitales qui m'accueillit par un « Roxane Marchand, bienvenue au lycée Godot, passez une bonne journée. »

J'enlevai ma casquette quand je fus sûre que personne ne pouvait me voir, et me laissai tomber à ma place habituelle, à côté de Jessica. Elle m'assura d'un regard encourageant que mes yeux étaient bien cachés, selon notre routine. C'était la seule, avec Louis, à savoir que mes yeux étaient bleus. Les autres me trouvaient sûrement excentrique, avec ma casquette en toute saison, mais ils ne se doutaient de rien, heureusement pour moi.

Jessica l'avait découvert par accident, le jour de notre rencontre. Cela ne l'avait pas empêchée de venir me parler, et nous nous étions mutuellement appréciées tout de suite. Cela faisait maintenant 10 ans, depuis mes 5 ans.

« Ms. Marchand, are you paying attention or are you daydreaming, as usual? m'interrompit le professeur d'anglais.
- I'm paying attention, Sir. je mentis.
- Then can you give me an example of a metaphor in this poem and explain its meaning ?
- The metaphor in this poem is: « He was my moon ». This transmits the unconditional love that the poet is feeling towards his lover to the reader, as the moon has been the object of numerous cults in the past.» je lui répondis.

Après ça, il me laissa tranquille le reste du cours, car, évidemment, c'était juste.

Je sortis enfin de cette salle étouffante et rejoins Louis, qui avait l'air perdu. En effet, il venait d'arriver à l'école pour apprendre qu'aujourd'hui, la journée était banalisée après la première heure car il y avait la parade nationale. Nous rimes à son étourderie et partîmes ensemble à la place de la ville.

Il était obligatoire de regarder la parade tous les ans la même. Ils louaient le Fluxel, notre glorieuse patrie, et nous avertissaient des dangers du Diphékos et des Diphékiens, insistant que des gens originaires d'une dictature si extrême et si opposée à notre nation ne pouvaient être que des monstres, des terroristes. Ils nous disaient de se méfier d'individus aux yeux bleus. À chaque fois que le messager du gouvernement mentionnait le danger des yeux bleus, l'un de mes amis m'envoyait un petit sourire triste. Pourquoi avais-je les yeux bleus ?

Nous rentrâmes tous ensemble chez Jessica, pour prolonger le plaisir, sûrement, mais surtout parce que je redoutais de rentrer chez moi et elle le savait aussi bien que moi.

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NDA: Bonjour tout le monde! C'est ma deuxième histoire, première en français. Je n'ai pas du tout fini la première mais je voulais écrire celle-là car c'est une histoire que j'ai inventée avec mon amie Constance en voyage scolaire que j'avais très envie de raconter.
Tout d'abord, j'aimerais remercier that_alien_me, qui m'a servi d'inspiration pour une grande partie du personnage principal, et qui est toujours enthousiaste vis-à-vis de tout, merci beaucoup.
J'ai 14 ans, alors il ne faut pas s'attendre à un chef d'œuvre, je vous préviens.
J'espère que vous allez adorer!!!!
À la prochaine ❤️

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