Chapitre 48
Point de vue de Lee:
Faire son deuil c'est comme affronter la pire des tempêtes en pleine mer.
Soit on résiste, se débattant contre les vagues, contre l'impossible.
Soit on se laisse couler dans la noirceur des océans.
Mais dans tout les cas on finit par se noyer.
***
Le soleil brillait.
Le soleil brillait le jour de son enterrement.
Ça n'aurait pas dû me choquer: En Californie, le soleil brille, c'est normal. Pourtant, moi, je m'étais attendue à autre chose. Je m'étais imaginée qu'en me réveillant ce matin là: le ciel serait noir alors qu'un vent violent frapperait les arbres et que personnes n'oserait se balader dans les parcs.
Mais il a fait beau: Le ciel était d'un bleu éclatant, une légère brise faisait voleter les feuilles des arbres et les parcs étaient pleins à craquer.
Je m'attendais à ce que tout soit différent.
Mais je devais me rendre à l'évidence: le monde était le même, c'était moi qui avait changé.
La plupart des gens de notre ville étaient présents, attendant patiemment de rentrer dans l'église. L'ambiance était tendue, lourde, pesante. Certaines personnes pleuraient, d'autres affichaient des mines désolées, on pouvait presque lire de la pitié quand leurs yeux se posaient sur moi.
Mais ça n'avait plus aucune importance, aucun interêt.
Quand ce fut l'heure de rentrer dans la cathédrale, une masse de personne vêtue de noir prirent respectivement place sur les bancs dans un silence impressionnant alors que je fixai le cercueil d'acajou, les yeux écarquillés.
Vous savez ce que sait quand quelque chose fait tellement mal que vous n'arrivez même pas à pleurer...? Quand c'est tellement douloureux, tellement affreux que ça vous coupe le souffle et vous empêche de respirer. Quand vous en êtes à vous demandez si la mort ne serait pas plus facile à supporter que la vie, plus simple...
C'est exactement ce que je ressentais à cet instant quand Ryan attrapa ma main pour me faire asseoir à ses cotés.
La cérémonie débuta par une chanson, puis s'enchaînèrent discours sur discours, hommage sur hommage, prière sur prière.
Je n'écoutais pas, je n'y arrivais pas. Alors je me contentais de fixer le cercueil, encore et encore, sans le quitter des yeux.
Tout était fini. Pourtant qu'est-ce que je n'aurais pas donné pour que les choses soient différentes? Pour quelles se soient terminées d'une autres manière?
-Et voici maintenant Leah Sharpin, m'interpella le prêtre en me faisant signe de venir alors que Ryan me disait de me lever d'un coup de coude.
Je me dirigeai alors prudemment vers l'autel veillant à ne pas tomber de mes talons. Ma mains, mes jambes, tout mon corps tremblaient quand je dépliai en quatre la petite feuille de papier pendant qu'une centaine de paires yeux était braqué sur moi.
Je respirai un grand coup, je pouvais... Je devais le faire
-J'aimerai dire que ça ira mieux, commençai-je tremblotante, Qu'avec le temps ça finira par devenir plus facile, moins horrible. J'aimerai penser que la peine finira par s'effacer, que ce trou béant dans ma poitrine finira par se refermer.... Mais je ne peux pas.
Je me stoppais une seconde afin de relever les yeux de ma feuille.
-J'ai rencontré Liam dans un parc, alors que je pleurais, seule sur un banc. Oui, c'était moi, cette petite fille qui pleurait sur un banc car sa mère est morte, quelques mois auparavant. Liam aurait pu faire comme toute le monde, faisant semblant de ne pas me voir, de ne pas m'entendre, comme si j'étais invisible. Mais Liam n'a jamais été tout le monde... Et voilà la promesse qu'il m'a fait ce jour là, qu'il a fait a une pauvre inconnue: «Tu recommencera à sourire».
Je respirai un grand coup et continuais difficilement en retenant mes larmes.
-Juste ça, juste quatre mots, quatre petit mots, vingt deux lettre aussi insignifiantes les unes que les autres qui ont fait tout simplement basculé ma vie dans la plus merveilleuse des aventures. Et cette aventure, c'était Liam. Il était tout pour moi; pas seulement un simple amis comme on en trouve tant d'autre, pas uniquement comme un frère ou comme une famille. Ce n'était pas juste une personne comme ça, c'était La personne, c'était Ma personne, celle qui change tout. Celle à coté de qui vous savez que quoi qu'il arrive, ça ira... Parce qu'elle est là. C'était mon équilibre, la meilleure et la plus mauvaise partie de moi, c'était la personne que... Que j'aimais.
Mes yeux se posèrent sur l'assemblée.
-On m'a dit un jour: « Aimer c'est prendre un risque». Et c'est vrai, aimer c'est prendre le risque de voir la personne qu'on aime s'en aller. Aimer c'est risquer de tout perdre, de tout détruire.Pourtant, je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est la plus belle chose qui puisse nous arriver, je ne peux pas m'empêcher de remercier le ciel de m'avoir permis d'aimer Liam, ne serai-ce qu'une seconde. Et ce que je regrette par dessus tout; c'est de ne pas avoir eu assez de temps, de ne pas avoir eu la chance de pouvoir lui dire qu'il était le Seul. Qu'aimer sans lui, ça n'avait plus aucun intérêt.
Je fis une pause avant de reprendre.
-Alors, non, je ne peux pas dire que ça ira mieux; cependant je peux dire ceci: J'ai eu la chance de côtoyer dans ma vie une amitié hors-pair, faîtes de rire, de sourire, de larmes, de cris, de blagues, de verres brisés, d'objet lancé à travers la pièce, de taquineries, de douleur, de baiser, de photos déchirées... Mais surtout d'amour, d'amour et d'espoir. L'espoir de croire, encore un instant, que tout est possible. Et je peux vous faire une promesse, aujourd'hui, à mon tour: Malgré les disputes, les pleurs, la souffrance... Si c'était à refaire, je le referais sans hésiter.
Je sentis mes larmes se tracer un chemin le long de mon visage et s'écraser sur l'autel.
-Vous savez Liam aurait été outré de nous voir dans un tel état, pleurant sa perte. Il faut dire aussi que c'était toujours lui, celui qui remontait le morale. Qui affichait un sourire sur nos lèvres. Si il avait été là il aurait probablement dit quelque chose comme: « Ne faits pas tant de drame, c'est pas un feuilleton.» C'était son truc à lui de dédramatiser ce qui était pourtant affreux, de nous faire rire même dans les pires moments. Puis ensuite, il m'aurait dit qu'il avait beau partir dans un autre monde, un monde meilleur, il ne cesserait jamais d'être présent... Dans nos coeurs. Car au fond, c'est vrai, nos proches disparus continuent d'être la, continuent de vivre. Ils vivent à travers les gens qui se souviennent, qui les aimaient. Alors je sais que ça ne remplacera pas la peine, mais peut-être, cependant, que ça l'atténuera, la rendra moins difficile à supporter... De se souvenir, ne serait-ce qu'instant, que Liam est là, en chacun d'entre nous.
La mère de Liam laissa échapper un sanglot alors que je chassais mes pleures.
-Je t'aime, Liam... Au revoir.
Puis je regardais enfin l'assemblée qui me fixait, bouche bée, sans un mot, sans une respiration, sans un soupir. Je regardai leur larmes couler silencieusement sur leur visage, le cercueil, le prêtre et son regard compatissant. Et s'en fut trop. Je quittai l'autel et sortait de l'église en courant.
***
Assise contre un pommier, je me concentrai sur les deux enfants qui jouaient au loup en courant sur l'herbe fraîche.
Il y a dix ans, j'étais à leur place. C'était une autre époque, plus simple, plus belle, peut-être parce qu'on ne savait pas encore ce que c'était que de vivre. Tout ce qui comptait c'était d'être heureux, juste heureux.
Je sentis une présence, quelqu'un s'asseoir à mes cotés et appuyer son épaule contre la mienne.
-Est-ce que ça va? m'interrogea Ryan en plantant ses yeux dans les miens.
Je méditais quelques instant à sa question, les yeux perdus dans le vide.
-Tu te souviens de ce que tu m'as dit à l'hôpital quelque jours après la mort de Liam. Tu m'as demandé si je me souvenais comment c'était avant de me faire frapper par un éclair, avant que tout bascule. Je ne t'ai pas répondu mais je vais le faire maintenant... Car oui, je me souviens et c'est ça le pire. Je me souviens de tout, de chaque instants. Je me souviens les heures qu'on passait à jouer à la Xbox, Liam, John, toi et moi et que je criais pendant les jeux d'horreur alors que vous vous foutiez de ma gueule. Je me souviens de cette ambiance fantastique qu'il y avait lors des entraînement de foot ou encore quand l'équipe venait chez moi pour manger des tortillas. Tu ne te rappelle pas toi quand vous faisiez des batailles navales avec John en cour pendant que Liam et moi construisions la plus grande tour possible avec nos marqueur? Quand on avait joué à Justdance et que tu avais tout déchirés en nous avouant que tu adorais ce jeux? Quand on jouait au cartes pendant des soirs entiers avant de s'endormir sur le plancher... Je me souviens même de ce jour où je me suis fais frappé par un éclair, je me souviens avoir embrassé Liam à cause du défit débile que tu m'avait lancé. Je n'ai rien oublié... Et c'est justement ce qui est horrible, c'est de savoir que plus rien ne sera jamais comme avant et que je ne peux rien y faire. Alors pour répondre à la question: « Est-ce que ça va?»...Et bien non, non ça ne va pas. Ça ne va pas parce que ça ne peux pas aller, parce que mon père biologique est mort, mes mères sont mortes, un de mes meilleurs amis m'a trahis en tuant mon meilleur ami. Tu sais, quand ma mère est morte j'ai eu tellement mal que j'ai cru que je ne pourrais jamais avoir aussi mal, je me rend compte maintenant à quel point j'avais tort. Et au fond, c'est qui est affreux, c'est que je n'arrive pas être triste pour la mort de mon père ou la trahison de John, parce que j'ai tellement souffert avec la mort de Liam que rien n'arrive à m'affecter, c'est comme si j'avais eu si mal que je ne pouvais plus ressentir la souffrance... Comme si la douleur m'avait anesthésié. Alors non, non ça ne va pas. Et je ne me réveillerai jamais un matin en me disant: « Aujourd'hui je vais bien».
Car au fond, peut-être qu'un jour ça ira mieux, mais plus jamais ça ira bien.
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