16.




New-York.

- Table 19, Octavie !

La serveuse fit signe au cuisinier de patienter et reporta son attention sur le jeune couple, l'homme concentré sur le menu. La femme leva les yeux vers la dénommée Octavie et lui accorda un large sourire :

- C'est vraiment bien cette idée de restaurant à l'ancienne, lui confia-t-elle, on n'a pas idée de la façon dont les personnes mangeaient il y a une centaine d'années.

Octavie lui rendit un sourire gentil, elle aimait le contact avec les personnes qui découvraient l'endroit, mais elle se serait bien passée de tous les commentaires.

- Et donc, continua la femme, dans les années 2000, on embauchait des gens pour servir les clients ?

- Exactement, répondit la serveuse, c'est dans les années 2040 que les premières tables autonomes se sont développées.

La femme, impressionnée, hocha la tête tout en effleurant la table en bois devant.

- Fascinant, chuchota-t-elle.

- Octavie ! cria à nouveau le cuisinier derrière le comptoir. Table 19.

- Je reviens dans une seconde, leur indiqua-t-elle. Choisissez bien votre plat.

La cliente fronça les sourcils, se demandant sûrement ce qu'elle avait de si urgent à faire.

Octavie slaloma entre les tables, le concept de ce restaurant était si novateur que les gens s'y précipitaient un peu plus chaque jour. Elle arriva enfin jusqu'au comptoir de cuisine où le chef déposait les plats. Elle attrapa la commande de la table 19 avant de repartir aussitôt l'apporter.

Nombre de regards étaient posés sur elle, on l'admirait comme une artiste, on venait ici pour comprendre l'ancien métier de serveuse et glisser à son voisin des petites remarques du genre "C'est dommage que ce savoir-faire se perde." Ce qu'ils ne savaient pas, ce qu'eux aussi pouvaient faire le service, il fallait juste arrêter de penser que l'électronique était la réponse à tout.

Une fois la commande de la table 19 posée devant les clients, Octavie retourna auprès du comptoir pour souffler un peu. Daj, la seule autre serveuse du restaurant lui accorda une frappe légère sur le bras.

- Regarde qui est là, lui souffla-t-elle.

D'un signe de tête, Daj désigna un homme âgé de vingt-cinq ans, assis dans le coin de la salle. Pour se fondre dans le décor et l'ambiance, il lisait un journal écrit sur du papier : les nouvelles ne devaient pas être fraîches.

Octavie soupira en essayant malgré tout de dissimuler le rictus sur son visage. Daj insista :

- En ce moment, il vient tous les jours et se met toujours dans ta zone. Mercredi, tu ne travaillais pas, devine qui n'est pas venu ?

- Il y a rien, c'est juste... je ne sais même pas ce qu'il y a entre nous, je ne connais même pas son nom.

- Quelle menteuse ! Il s'appelle Lore Davis et tu as même une photo de lui dans ton téléphone.

Octavie esquissa un sourire qu'elle tenta immédiatement de réprimer. Daj la poussa vers l'avant :

- Va le voir, il va sûrement commander un chocolat viennois, comme tous les jours.

- Et après c'est moi qui le surveille, ironisa Octavie.

Cette dernière finit par soupirer et se dirigea vers la table où se trouvait son charmant inconnu.

Le couple lui fit un signe pour montrer qu'ils avaient choisi et elle se dit que l'homme au chocolat viennois pouvait bien attendre. Alors qu'elle notait la commande de la femme qui ne cessait les remarques sur l'inventivité du concept, le téléphone d'Octavie vibra dans sa poche. Elle le sortit, c'était son portable professionnel, elle était obligée de prendre l'appel.

Elle demanda au couple de patienter et décrocha, aussitôt, le son lui parvint grâce à une minuscule oreillette implantée à l'entrée de son oreille et elle s'éloigna pour ne pas gêner les clients.

- Mademoiselle... Octavie Linderman ? demanda une voix qui paraissait familière.

- Elle-même, répondit-elle en fronçant le nez, surprise.

En général, aucun inconnu ne l'appelait pendant ses heures de travail. Son patron, c'était tout et c'était rare. Elle poussa la porte de la chambre froide et s'isola, les bras croisés.

De l'autre côté du combiné, la voix soupira.

- Génial, j'avais peur de tomber sur quelqu'un d'autre. C'est Simon, Simon Reynolds.

Instinctivement,Octavie se redressa, paniquée. Elle chuchota :

- Je pensais avoir été claire : je ne veux plus me mêler des affaires de la Contre-ELIT, j'ai fait mes heures.

- Oui, oui, répondit l'informaticien d'un air détaché, tu as aussi dit que nous devions t'appeler si on trouvait un moyen de le faire sortir.

Une boule se forma dans la gorge de la jeune femme. Il n'y avait pas besoin de prénom, elle savait exactement de qui Simon parlait.

- Continue, implora-t-elle, tu m'intéresses.

- Récemment, ELIT est passé à une nouvelle phase. Ils ont séparé les participants à différents endroits. Nous faisons de notre mieux pour les localiser. On a réussi à en trouver un grâce au directeur norvégien qui s'est rangé de notre côté. Il a un de leurs gros Bunkers dans le nord de son territoire. Les participants en "E". Tu sais ce que ça implique.

Elle acquiesça, pour elle-même car Simon Reynolds ne pouvait pas la voir.

- Il est dedans, affirma Octavie.

- On espère en tout cas. Voilà comment ça va se passer : tu nous accompagnes pour libérer le Bunker des "E" et tu nous aides à localiser les trois autres. Tu as de l'expérience, tu sais comment ELIT pense, on a besoin de toi.

La serveuse ne répondit pas immédiatement. On frappa de grands coups secs contre la porte de la chambre froide. Elle cria à la personne derrière d'attendre avant de replonger dans son silence dubitatif.

Simon Reynolds commença à s'impatienter, il relança la conversation :

- C'est probablement ta seule chance de revoir Eoghan. Une fois qu'il sera libre, il retournera chez sa famille.

À la simple entente du prénom du garçon, le cœur d'Octavie se serra. Elle finit par répondre dans un souffle :

- D'accord, j'accepte.

Elle pouvait entendre l'informaticien sourire de l'autre côté du combiné.

- Je t'envoie un véhicule et... oups, on dirait qu'il est déjà sur place. Tu pars maintenant.

La serveuse leva les yeux au ciel, exaspérée par la confiance qu'avait eue Simon Reynolds. Si elle avait refusé, il se serait retrouvé comme un abruti.

Alors qu'elle allait raccrocher, la voix de l'homme grésilla de nouveau dans son oreille gauche :

- Content de t'avoir de nouveau à nos côtés, Lana.

Elle mit fin à l'appel sous la colère et les mauvais souvenirs de son ancienne vie à ELIT.

La serveuse sortit de la chambre froide, se rendit au comptoir et enleva son tablier sous le regard intrigué des clients et de sa collègue. Sans un mot, elle descendit dans la rue et grimpa dans le véhicule électrique qui l'attendait. Elle allait retrouver Eoghan, c'était la seule chose qui comptait pour l'instant.

**

Les portes s'ouvrirent pour la seconde fois en un peu plus d'une semaine. Tobin n'était pas de garde cette nuit-là, il n'avait donc rien vu. Mais l'alerte avait été donnée par un des membres de la patrouille : les portes s'étaient ouvertes sans faire de bruit, au moment précis où il n'y avait personne dans les parages. Elles avaient délaissé un flot de personnes aux mêmes caractéristiques que les participants : jeunes, de toutes nationalités et arborant l'uniforme d'ELIT. Puis les portes avaient dû se refermer puisque quand Tobin et le reste du Bunker débarquèrent dans le hall d'entrée, le pan du mur était de nouveau scellé. C'était le lendemain de sa conversation avec Tilya.

Celle-ci se fraya un chemin entre les premiers participants et les nouveaux. Une barrière naturelle s'était formée entre les deux groupes qui ne pouvaient s'empêcher de se jauger. La chef du Bunker fut la première à pénétrer dans l'espace qui s'était creusé entre les deux vagues de participants.

- Est-ce que vous avez un porte-parole ? questionna-t-elle.

Elle répéta sa question en espagnol et en chinois. La centaine de nouveaux s'observèrent. Finalement, ce fut une fille avec des jambes interminables qui s'avança. Ses cheveux étaient clairs à l'extrême, presque blancs. Tobin ne pouvait pas réfuter son charme évident.

En étendant un peu plus son regard, il remarqua que c'était le cas de la plupart des personnes du groupe d'en face. Il fronça les sourcils, déstabilisé.

L'inconnu s'avança jusqu'à Tilya et l'assemblée générale se tut. Elle lui tendit la main.

- Béatrisse, se présenta-t-elle avec un accent scandinave.

Tilya lui serra la main d'une poigne forte, comme pour signifier sa position dans le Bunker.

- Tilya, répondit-elle à son tour. C'est trop demandé de savoir qui vous êtes ?

- Nous sommes les participants d'ELIT : Branche Beauté.

Un murmure d'incompréhension général souleva le groupe des premiers participants. Tobin ne partagea pas sa surprise avec les autres ,principalement car il ne connaissait presque personne, mais il n'en était pas moins perplexe.

Un garçon dans leur groupe cria un prénom à l'attention des nouveaux arrivants. La personne, une fille, lui répondit et ils s'avancèrent l'un vers l'autre se sautant dans les bras. Ce fut à cet instant que les choses devinrent incontrôlables. Peu à peu, des participants commencèrent à se reconnaître. Certains retrouvaient d'anciens amis, d'autres non. Le hall se transforma vite en lieu de retrouvailles. Perdu au milieu de ses étreintes, Tobin hésita à s'éclipser pour retourner auprès de Timothy, c'était le moment rêvé pour l'interroger sans personne dans les parages.

Il sentit une présence derrière lui, on lui effleura l'épaule et Tobin se retourna en sursautant. Son cerveau se plaça en mode veille pendant plusieurs secondes, ayant du mal à assimiler ce qu'il se passait

- Airla ? interrogea-t-il pour s'assurer qu'il ne rêvait pas.

Elle l'enlaça et il posa ses mains sur son dos, ne sachant pas où les mettre autrement.

- Je suis désolée, lui chuchota-t-elle avant de desserrer son étreinte.

Tobin l'interrogea du regard, ce n'était pas les mots auxquels ils s'étaient attendus lors de leurs retrouvailles.

- Pourquoi ? questionna-t-il.

Airla baissa les yeux au sol d'un air coupable, elle releva la tête et jeta des regards inquiets autour d'elle.

- On devrait en parler dans un endroit plus calme, proposa-t-elle.

De plus en plus inquiet, Tobin acquiesça. Il lui attrapa le poignet et les deux anciens camarades se frayèrent un chemin entre la foule pour rejoindre les couloirs vides du Bunker. Quand enfin ils se sentirent assez éloignés de la civilisation, ils s'arrêtèrent. Airla vérifia une dernière fois que personne ne les écoutait.

- Je suis désolée de t'avoir vendu à ELIT, avoua-t-elle.

Tobin fronça d'abord les sourcils, ne comprenant pas ce qu'elle sous-entendait, elle développa :

- J'ai appelé ELIT quelques jours avant la fin des vacances. Mon père m'en avait parlé et je pensais que ça serait une bonne idée. Mais quand Cléo nous a trouvé il y a quelques semaines et qu'il m'a expliqué tout ce qu'on t'avait fait : les drogues, ce genre de choses... Je suis désolée, Sym, je pouvais pas savoir.

Le jeune homme l'arrêta d'un signe de main, tentant de mettre un peu d'ordre dans ce flot d'informations nouvelles. Il prit une longue inspiration avant de répliquer :

- Premièrement, ne m'appelle pas Sym. Ici, c'est Tobin. Ensuite, tu as vu Cléo, il va bien ? Il est parvenu à s'enfuir, il est où en ce moment ?

Son amie haussa les épaules.

- Il est parti du complexe d'ELIT Beauté la nuit dernière, expliqua-t-elle.

- OK, dit Tobin de façon à régler cette partie de l'histoire. Il savait que Cléo s'en sortirait de toute manière. Et toi, qu'est-ce que tu fais, ici ? Comment tu es entrée dans les rangs d'ELIT ?

À nouveau la jeune femme lança des coups d'œils méfiants autour d'elle, comme si les mots qu'elle prononçait pouvaient lui coûter la vie. En l'observant, Tobin se rendit compte qu'il n'éprouvait plus rien à son égard. Tous les sentiments qu'il avait refoulés pendant des années semblaient s'être envolés, il avait même l'impression qu'ils n'avaient jamais existé. Il se demanda si c'était la réalité de ses sentiments ou un tour de manipulation qu'on avait exercé sur lui.

Il reporta son attention sur Airla. Un groupe de participants passa devant eux pour rejoindre un dortoir et elle attendit.

- Il y a des contrats, murmura-t-elle une fois seuls. Ils prennent une personne dans l'entourage de chaque participant sauf quand ils ne le peuvent pas, alors ils prennent un inconnu et ils leur demandent de rejoindre ELIT. Cette personne doit correspondre à des critères de beauté particuliers qu'ils parviennent à extraire du cerveau du participant. Ensuite, ils font des paires et on est entraîné à séduire le participant qui nous est attribué. Le but est à long terme de créer une descendance parfaite : belle et intelligente. Sy... Tobin, si ELIT apprend que je te l'ai dit, je ne sais pas ce qu'ils nous feront, mais ça sera pas beau à voir. Ne dis rien à personne !

Perplexe, Tobin acquiesça néanmoins. Il fixa le sol, perdu dans ses pensées. Airla agita sa main devant ses yeux et il reprit ses esprits.

- Tu vas bien ? interrogea-t-elle.

- Ouais, c'est juste que, j'ai l'impression qu'au fond de moi, je savais déjà tout ça.

Alors il se remit à réfléchir à cette histoire de différentes personnalités. Il devait parler à Timothy, c'était le moment où jamais. Il prit une longue inspiration et déclara :

- Je dois y aller, tu ferais mieux de retourner dans l'entrée.

- Tobin, attends ! l'interpella-t-elle pendant qu'il s'éclipsait déjà. Encore désolée, tout ça c'est de ma faute.

- Crois-moi, répondit-il à travers le couloir, rien n'est de ta faute, tu n'es qu'un pion sur l'énorme échiquier de Sifrey.

Il se retourna hâtivement et courut jusqu'aux allées de l'hôpital, méditant sur ces propres paroles.

La chambre de Timothy était verrouillée. Tobin frappa contre la porte en aluminium aussi fort qu'il le pouvait pour forcer le garçon derrière à lui ouvrir.

- Tim, l'implora-t-il, tu dois m'ouvrir, je t'en prie.

Il attendit quelques secondes, le temps que ses cris fassent leur effet. Sous son torse, le panneau coulissa, il manqua de perdre son équilibre et tomber.

Timothy était toujours assis sur son lit, il ne semblait avoir jamais quitté l'endroit. Il ne s'était pas changé et son tee-shirt troué était tâché par la sueur. De larges cernes barraient son visage sous ses yeux ; même ses cheveux, auparavant blonds avaient ternis. Une pile de plateaux repas qui n'avaient même pas été déballés trônait à ses pieds. Tobin soupira et son premier réflexe fut d'en attraper un.

- Mec, tu dois manger, j'ai pas arrêté de te le répéter. Tu peux pas continuer ainsi. Tu peux pas mourir aussi bêtement, mange.

Il ôta l'emballage du plateau repas et saisit les couverts paquetés avec. Il lui présenta une fourchette de pâtes qui n'avaient plus l'air fraîches en réprimant une grimace.

Timothy l'observa mais ne cilla pas, sans ouvrir la bouche. Tobin posa le plateau sur le lit, désespéré de l'état de son ami.

- Je ne veux pas paraître égoïste mais tout de suite, j'ai vraiment besoin de toi et je refuse de te demander quoi que ce soit avant d'être sûr que tu vas bien. Alors dis juste un mot, donne moi juste un signe pour que je te comprenne et que j'arrive à savoir ce qui t'ait arrivé. Je veux t'aider Tim.

Tobin croisa les bras, décidé à ne plus reculer. Timothy se renfermait un peu plus sur lui-même chaque jour, il ne pouvait plus le laisser sombrer petit à petit.

Le malade déglutit et Tobin se redressa un peu, comprenant qu'ils allaient aboutir enfin à un résultat. Alors, Timothy ouvrit la bouche, largement, et Tobin eut un frisson d'effroi. Là où aurait dû se trouver sa langue, il n'y avait qu'un vide qui laissait mieux paraître la muqueuse encore fragile, presque ensanglantée de sa bouche.

Le génie de l'informatique scella de nouveau ses lèvres et baissa le regard, honteux.

- Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? chuchota Tobin en état de choc. C'est Sifrey ?

Timothy acquiesça.

- Mais c'est ton... père ? lui rappela-t-il sans savoir d'où il tenait cette information.

Le muet haussa les épaules.

Tobin se força à réfléchir à une solution le plus rapidement possible, essayant de mettre de côté le sentiment de révolte et de terreur qui grandissait en lui un peu plus chaque seconde. Il contrôla sa respiration pour se forcer à se calmer.

- OK, dit-il, dès qu'on sortira de là, on te fera greffer une nouvelle langue. Maintenant avec la médecine, on peut remplacer chaque anomalie. Ça sera stylé, non ? Une langue bionique !

Timothy ne put réprimer un sourire et Tobin considéra ce geste comme une petite victoire. Il continua :

- Tu peux toujours écrire ! Écoute, je vais essayer de te trouver une tablette, un ordinateur, n'importe quoi pour que tu puisses t'exprimer. Pendant ce temps, tu manges !

Il acquiesça et attrapa le plateau à ses côtés.

Tobin sortit de la chambre et tomba nez à nez avec Tilya. Il poussa une longue plainte intérieure : elle était toujours dans ses pieds au pire moment.

- Je savais que tu viendrais en douce, lui reprocha-t-elle.

Il la saisit par les épaules et la força à se déplacer pour éviter que Timothy ne l'entende à travers les murs fins du Bunker. Tilya se dégagea violemment de son emprise et explosa de colère :

- Et dire que je commençais à te faire confiance ! Je m'absente dix minutes et tu complotes derrière mon dos.

Tobin leva les mains, en position de défense. La fille paraissait prête à lui bondir dessus.

- Non, dit-il en articulant pour jouer inconsciemment sur sa psychologie. Tilya, tu es parano, je ne complotais pas. J'essayais d'aider mon ami.

Il s'approcha et murmura pour être sûr que personne d'autre n'entende:

- On lui a coupé la langue, c'est pour ça qu'il ne parlait pas.

Tilya écarquilla les yeux en plaçant une main devant sa bouche, effarée, puis une grimace de dégoût passa sur son visage, sûrement qu'elle essayait de s'en faire une image.

- Tu veux pas voir ça, crois-moi, lui assura Tobin en devinant ses pensées. J'allais chercher un appareil pour qu'il puisse s'exprimer. Tu crois que t'as ça ?

Elle acquiesça et lui fit signe de la suivre. Alors qu'elle marchait devant lui, Tobin ne pouvait s'empêcher de penser qu'il avait réussi à la mettre dans sa poche. Lorsqu'elle était entourée de toutes les autres personnes à la tête de ce Bunker, elle semblait si inaccessible.

Il se demandait s'il lui plaisait autant qu'elle le charmait. Il finit par se rendre compte qu'il était en plein milieu d'une crise et que penser à Tilya dans ces circonstances était une mauvaise idée poussée à l'extrême.

- Tilya, l'interpella un participant, j'ai vérifié les stocks, on a pas assez pour nourrir cent autres personnes, il faut...

- Il faut que tu t'occupes de ça, Teva, l'arrêta-t-elle. Tu travailles en cuisine, non ? Eh bien, cuisine !

Elle laissa le cuistot en plan et Tobin lui accorda un sourire désolé pour lui montrer qu'il le soutenait dans cette épreuve. Même si la nourriture était le dernier de ses soucis.

Ils parvinrent jusqu'à la salle de contrôle où s'attelait la seule informaticienne du groupe : Taji. Pour l'instant, tous les espoirs de sortie reposaient sur son unique personne. Tilya entra sans frapper et réveilla la fille qui s'était assoupie sur un clavier.

- Je travaille ! se défendit-elle immédiatement, comme prise sur le fait.

- Tu peux retourner dormir, je t'emprunte juste une tablette.

Tilya se dirigea vers une énorme pile d'électronique et tendit la première tablette qu'elle trouva à Tobin. Ce dernier fit demi-tour en un claquement de doigts et retourna à grandes enjambées à la chambre de Timothy, distançant de peu Tilya.

Le garçon n'avait pas bougé mais il avait repris des couleurs, son plateau était vide ce qui enleva un poids à Tobin. Celui-ci donna la tablette à Timothy qui l'alluma en moins d'une seconde, dans son élément. Tilya apparut dans l'entrée et Timothy écrivit son premier message : "Je ne veux pas d'elle."

- Elle est avec moi, le rassura Tobin, de toute façon, elle finira par tout apprendre, c'est elle qui dirige le Bunker.

Timothy pinça les lèvres mais concéda.

- Qui t'as fait... ça ? demanda Tilya. Et pourquoi ?

Aussitôt, le garçon tapota sur l'écran tactile, ses doigts défilaient à une vitesse. Tobin était presque sûr qu'il pouvait réciter toutes les touches de son clavier par cœur et dans l'ordre. Il retourna la tablette et les deux participants lurent ses mots.

"Lillian était prisonnier de Sifrey, je l'ai aidé à s'échapper. Sifrey était furieux et m'a puni pour éviter que j'ouvre ma bouche à nouveau."

- Quel petit... siffla Tilya entre ses dents sans terminer sa phrase. C'est définitif, je hais ce type.

Tobin remit ses plans de vengeance à plus tard, il n'en était pas moins révolté : qui oserait torturer son propre enfant. Il redirigea la conversation vers le sujet le plus important :

- Donc maintenant, est-ce que tu es de notre côté ? questionna le jeune homme. Plus de plans pour Sifrey ?

Timothy secoua la tête, le visage fermé. Il avait dû prendre cet acte pour une trahison. Tobin le comprenait. Il reprit :

- On a besoin de toi, tu sais ce qui s'est passé pendant la période où j'ai été... absent. D'après ce que j'ai présumé, on m'a créé une troisième personnalité, où je garderais les secrets de l'organisation, est-ce que c'est vrai ?

Le garçon hocha la tête et Tobin laissa échapper un cri de victoire avant de se rappeler que ce n'était pas bon du tout.

- C'est quoi alors, cette troisième personnalité ? demanda Tilya avant que Tobin ne puisse le faire.

Timothy retourna la tablette vers lui et commença à écrire. Le cœur de Tobin battait à toute vitesse, il avait l'impression de jouer sa vie, ce qui finalement, n'était pas qu'une impression. Voyant son appréhension, Tilya posa une main rassurante sur son bras. Il ne savait pas s'il en était moins terrifié mais cela avait eu le mérite de lui faire un petit bien.

Timothy retourna la tablette et ils lurent.

"Il s'appelle Hacen."

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