14.

Tilya posa une main amicale sur l'épaule du blessé. Ce dernier eut un spasme et elle la retira aussitôt, ayant oublié qu'il s'agissait de son articulation déboîtée. Après cet incident, elle prit une longue inspiration.

- Mets tout ça de côté et viens avec nous, ça va être l'heure du repas, l'informa-t-elle dans un sourire.

Tobin acquiesça dans une longue inspiration.

- Ouais, rétorqua-t-il, s'il y a une chose de positive avec ELIT, c'est qu'on se sent toujours mieux après avoir mangé.

Les deux filles échangèrent un regard gêné. Il n'en fallut pas plus à Tobin pour comprendre qu'elles avaient omis certains passages de toute l'histoire.

- Quoi ? interrogea-t-il.

Tilya eut une moue désolée mais ce fut Tabatha qui lâcha la bombe :

- La drogue était dans la nourriture, c'est pour ça que les repas remontaient le moral, c'était notre dose quotidienne. Le lendemain de notre arrivée, une vidéo de Sifrey s'est affichée et nous a tout expliqué. Il a aussi dit que notre désintoxication avait été prise en charge. Tout ça pour dire que les repas ne seront pas aussi bons qu'avant.

Le jeune homme fronça les sourcils, surpris de cette révélation. Après une courte réflexion, il secoua la tête, perturbé.

- Non, contesta-t-il, c'est pas possible, si on n'était plus drogué, on serait redevenu nous-même. Je serais Sym pas Tobin.

- Il va bien ? s'inquiéta Tilya pour qui tout était du charabia.

Tabatha haussa les épaules, pour elle aussi Sym était un inconnu.

De plus en plus agité par tout ce qu'il était en train de vivre, Tobin se débarrassa de ses couvertures et parvint à se lever. Tilya posa une main sur lui pour lui indiquer de ne pas trop se ménager mais il s'en dégagea. La sieste qu'il venait de faire avait suffi à le remettre sur pied. Encombré de son attelle, il fit face aux deux filles.

- Avant ELIT, j'avais une autre identité : Sym. Et quand je suis arrivé à ELIT, je suis devenu Tobin qui est totalement différent de Sym. Le seul facteur qui faisait que je devenais Tobin, c'était les drogues. Et pendant un court laps de temps, j'ai arrêté de ressentir les effets, et je suis redevenu Sym. Donc, ça signifie que si j'ai été désintoxiqué, je devrais être Sym et pas... moi.

Tilya fronça les sourcils.

- Pardon, mais tu m'as perdu à "Sym", dit-elle. Tu veux dire que ta personnalité à ELIT est différente de ton ancienne, tu as deux personnalités ?

- Pas vous ? demanda-t-il, subitement inquiet.

- Non ! Je veux dire, une fois que je n'étais plus drogué, j'ai commencé à récupérer mon attachement à ma famille, mes anciens amis, mais pas jusqu'à changer de personnalité.

Les participantes se regardèrent, à la fois inquiètes et effrayées. Prenant du recul sur ses mots, Tobin tenta de rectifier le tir :

- OK, je sais ce que vous pensez, dis comme ça c'est flippant. Mais je suis pas malade, je vous le jure.

- Peut-être pas, affirma Tilya, mais tu es sérieusement manipulé par ELIT.

Tobin fronça les sourcils, elle avait peut-être raison. Peut-être n'avait-il jamais réussi à récupérer le contrôle. Il chassa ces pensées. Non, il savait qu'il avait été manipulé, mais désormais, il ne l'était plus. Les drogues étaient hors de son organisme et il avait récupéré toutes ses capacités de réflexion.

- Plus maintenant, regarde moi avec ton talent de sociologie et dis-moi si je suis manipulé, demanda-t-il à Tilya.

- Je suis en sociologie, pas en psychologie, j'ai aucune idée des symptômes, se défendit-elle.

- Je pense qu'il a raison, intervint Tabatha. Tu es différent de Tobin qu'on a connu pendant plusieurs semaines.

Le jeune homme montra son amie du doigt pour approuver ses propos. Tilya soupira et passa sa main sur son visage, se massant les paupières dans la foulée.

- D'accord, concéda-t-elle, admettons, tu n'es ni un malade mental, ni manipulé par ELIT. Tu dois avouer que cette histoire de double personnalité est assez flippante.

L'adolescent voulu renchérir mais elle l'en empêcha en levant la main.

- On en parlera demain, pour le moment je suis fatiguée, et j'ai faim.

Les deux amis acquiescèrent et sortirent de la chambre de Tobin. Le couloir de l'hôpital débouchait sur un autre, plus grand, qui était la branche principale dans l'architecture du Bunker. La superficie de ce dernier n'était pas forcément importante : les allées étaient étroites, les pièces avaient souvent plusieurs utilités pour gagner de l'espace.

Ils rejoignirent le réfectoire en quelques minutes. C'était une salle avec plusieurs tables de huit, sans aucune décoration. Des tables, des chaises, des murs. L'ambiance n'était pas forcément rassurante.

La plupart des participants avait déjà commencé à manger, Tilya se sépara du petit groupe pour rejoindre une table au loin. Tobin suivit Tabatha qui se dirigea vers les cuisines pour leur prendre des plateaux. De sa main libre, il essaya de se débrouiller pour porter le sien mais sa main droite tremblait, Tabatha réussit à l'attraper avant qu'il ne se renverse.

Ils s'installèrent avec un groupe de quatre autres personnes parlant anglais - il imagina que la barrière de la langue avait joué dans les affinités - deux d'entre elles possédaient un fort accent britannique pendant que les deux autres devaient être canadiennes.

Tabatha fit des présentations rapides. Tobin ne retint pas immédiatement les noms, les anglais, un gars et une fille largement plus âgés que lui se nommaient Tobias et Tiara. Les autres, ils ne s'en souvenait plus, tous les prénoms se ressemblaient : comment pouvait-il retenir une centaine de prénoms commençant par "T" ? Il n'avait pas la mémoire de Io.

Tobin resta silencieux pendant une grande partie du repas, surtout car il bataillait avec son bras blessé. Il était gaucher, couper ses aliments devenait un enfer. Quand Tabatha lui proposa de l'aider, il accepta à contre-cœur, parce qu'il n'avait pas d'autre choix.

Soudain, une enfant déboula dans le réfectoire et le jeune homme manqua de s'étouffer. Il n'avait pas vu d'enfants depuis... depuis qu'il avait quitté ses frères et sœurs. Ce n'était pas une participante plus jeune, comme Eoghan, c'était un véritable bambin, de trois ou quatre ans. Personne ne semblait y faire attention.

L'étonnant un peu plus, la fillette se dirigea vers leur table et se cacha dans les jambes de Tiara. Cette dernière l'attrapa et la hissa sur ses genoux, laissant Tobin perplexe.

- C'est... ta fille ? questionna-t-il enfin.

La mère acquiesça et désigna le dénommé Tobias à ses côtés.

- Et c'est le père. Et parce que tout le monde le demande, non, on est plus ensemble.

Tobin leva la main pour signifier qu'il n'en demandait pas tant. L'enfant se débattit et Tiara finit par la lâcher, la fillette repartit aussitôt en courant, faisant le tour des tables. Elle semblait être la mascotte du Bunker.

Tobin se tourna vers Tabatha.

- Je pensais que tu étais un cas exceptionnel.

- Moi aussi, lui avoua-t-elle. Mais plusieurs personnes sont venues me parler et en fait, c'est arrivé très souvent dans le programme. Il doit y avoir six ou sept enfants de nés en tout. Ça me rassure dans un sens.

- Quand tu retrouveras Lillian, ça sera jackpot, t'auras plus aucun doute, essaya de la rassurer Tobin.

La jeune femme devint subitement pâle avant de murmurer d'une voix blanche :

- Je préfère pas penser à lui.

Tobin prit en compte sa remarque et la comprit même : personne n'avait de nouvelles de leur ami. Pour ce qu'ils savaient, Lillian pouvait bien être mort. Tobin garda ses pensées pour lui, ce n'était pas le moment pour que Tabatha se fasse encore plus de mauvais sang.

Il termina son repas lentement, les filles avaient eu raison : il n'avait pas la même saveur qu'à ELIT, plus fade. Dans un sens, c'était préférable.

Ils ramassèrent leurs plateaux - enfin, Tabatha le fit - et Tobin allait suivre leur groupe d'anglophones jusqu'à une salle plus chaleureuse. La notion du temps était difficile à percevoir dans cet endroit sans fenêtres mais il imagina qu'il était aux alentours de huit heures du soir.

Avant de quitter le réfectoire, il entendit quelqu'un l'appeler. Il se retourna pour chercher la personne du regard et on profita de ce moment d'inattention pour le saisir par les épaules. Le jeune homme arracha un cri de douleur plus pour qu'on le lâche que par réelle souffrance ; en un mois, il avait dû avoir le temps de s'en remettre.

Il croisa le regard de ses deux assaillants, deux garçons d'un mètre quatre-vingts, typés comme Tilya. Ils le soulevèrent sans aucun mal du sol et le traînèrent à travers les couloirs. Tobin se débattit, en vain ; cet événement fit remonter de mauvais souvenirs. Tout cela avait un mauvais arrière-goût de son enlèvement par ELIT.

Sans qu'il ait le temps de comprendre, on le fit entrer de force dans une pièce sombre, avec un lit de camp. En entendant une porte lourde se refermer derrière lui, il en conclut qu'on l'avait emprisonné. Seul une fenêtre à barreaux sur la porte lui permettait d'avoir une vision sur l'extérieur de sa cellule. Il s'y avança et le visage de Tilya apparut devant ses yeux.

- Je suis terriblement désolée, s'excusa-t-elle.

- J'en doute, répliqua-t-il en apercevant les tics mensongers sur son visage.

Elle leva les yeux au ciel dans un sourire.

- D'accord, peut-être pas terriblement désolée mais ça ne me fait pas plaisir. C'est juste... je ne peux pas prendre le risque d'avoir un espion sous le contrôle d'ELIT alors qu'on est en train de faire de notre mieux pour trouver une sortie.

- Je ne suis pas un espion ! se défendit-il. J'ai vu des personnes qui avaient été lobotomisées par ELIT, crois moi, si je l'étais aussi j'aurais un comportement totalement différent.

Tilya fronça les sourcils avec un air faussement méditatif.

- Rappelle-moi pourquoi ils t'ont pris dans le programme ? Ah oui ! C'est vrai : tu es un menteur professionnel. Comment je peux savoir si tout ça, tout ce que tu me racontes depuis le début, ce n'est pas un seul et gros mensonge.

- Ça ne l'est pas !

- Eh bien, je te crois pas.

Elle disparut de son champ de vision et il frappa du plat de la main sur sa porte pour la forcer à revenir.

- Tilya ! l'appela-t-il, espérant que tout ceci soit une mauvaise blague, un bizutage parce qu'il était le petit nouveau à peine sorti du coma.

Mais la leadeuse sortit du couloir où se trouvait les cellules, le laissant seul avec lui-même. Tobin rampa jusqu'à son lit et s'allongea. Il n'était pas fatigué. Une voix s'éleva de nulle part, appartenant probablement à un autre participant emprisonné :

- Moi aussi au début je pensais qu'elle m'emprisonnait juste pour me punir un ou deux jours. Ça fait trois semaines que j'attends. Cette nana est une plaie.

Tobin ignora le prisonnier dans la cellule d'à côté, visiblement disposé à lui raconter tous le détails de sa vie.

Le garçon ne se tut pas de la soirée, expliquant comment il en était venu à entrer à ELIT et tout ce qui s'en était suivi. Il parlait avec un fort accent italien et faisait beaucoup de fautes de conjugaison, mais Tobin le lui pardonna puisqu'il n'écouta pas les trois-quarts de son discours, trop perdu dans ses propres pensées.

**

On frappa à la chambre de la porte de Lillian, il entendit à peine les coups, trop concentré sur son plan de travail. Cela faisait plus d'une semaine qu'il travaillait d'arrache-pied sur la commande de Sifrey. Il pouvait compter ses heures de sommeil sur les doigts d'une seule main ; il avait été obligé de se forcer à manger pour ne pas tomber dans l'état de manque qui l'aurait considérablement ralenti.

Enfin, tout était prêt. Les doses de vaccins étaient étalées un peu partout dans la pièce tellement elles étaient nombreuses, il avait formé un chemin pour lui permettre de circuler facilement sans tout renverser. Au milieu, sur la table, dans un compartiment réfrigéré trônait fièrement le petit flacon contenant le virus destructeur.

Lillian peaufinait les derniers détails quand Sifrey et son équipe pénétrèrent dans son antre. Elle devait sûrement sentir le renfermé et la transpiration puisque plusieurs des présents se bouchèrent le nez avec leur manche, le médecin n'y faisait même pas attention.

Sifrey s'avança en premier, avec précaution, évitant de renverser les doses de vaccins éparpillées et saisit le compartiment sur la table. Il le secoua et Lillian retint son souffle, de peur qu'il ne le fasse tomber.

- Tout tient dans ce petit flacon ? s'intrigua-t-il.

Le jeune homme acquiesça. Sifrey l'observa en détail, comme s'il essayait de sonder son visage.

- La fin de l'humanité tient dans ce flacon ? répéta le directeur.

- Oui, affirma Lillian. Le volume ne compte pas.

James Sifrey hocha la tête, plutôt impressionné. Il se retourna et tendit la boîte à une de ses agents.

- Transmettez ça aux laboratoires immédiatement, nous vous rejoignons dans quelques minutes.

La femme prit le compartiment et tourna les talons à toute vitesse. Le directeur donna quelques ordres de plus, celui notamment de rassembler tous les vaccins et déclara :

- Bien, on y va !

Pensant d'abord qu'il allait être à nouveau enfermé dans sa cage, Lillian se dirigeait déjà vers le lit pour rattraper toutes ses heures de sommeil. Sifrey l'attrapa par l'épaule et l'amena à lui. Le médecin manqua de perdre l'équilibre et renverser une partie des flacons au sol.

- Tu viens avec nous, ordonna Sifrey, on ne va pas te priver d'admirer le fruit de ton travail.

Lillian déglutit avant d'acquiescer.

Ils sortirent de la chambre, accompagnés du garde du corps de James Sifrey, pendant que les autres ramassait un à un les vaccins. Sur le chemin, Lillian prit soin de rester quelques mètres derrière le directeur, mais en le gardant toujours en vision. Il n'était encore jamais sorti de ses locaux, les couloirs étaient d'un blanc immaculé, dans le prolongement de sa chambre. Il se demandait où il se trouvait.

Ils parvinrent enfin jusqu'aux laboratoires, qui étaient bien mieux équipés que ceux du complexe d'ELIT. Plusieurs scientifiques en blouses les accueillirent et les menèrent vers ce qu'il comprit être une salle de test.

- Qu'est-ce qu'on fait ? demanda-t-il même s'il en avait sa petite idée.

- On teste le produit, on ne peut pas diffuser un virus sans être sûr des effets produits.

Les scientifiques leur demandèrent de se placer derrière une vitre. La pièce qu'ils observaient était une sorte de grande chambre froide, isolée, sans aucune ventilation pour éviter que le cobaye infecté ne contamine déjà tout le monde.

Un pan du mur coulissa et deux personnes enveloppées d'une combinaison complète entrèrent, tenant chacune le bras d'une jeune fille. En apercevant les cheveux blonds et coupés courts d'Eena, Lillian déglutit.

La jeune fille se débattait légèrement, sans pour autant crier, elle devait juste se demandait ce qui devait lui arriver.

- C'est le cobaye ? s'étonna le médecin. Eena est le cobaye ?

James Sifrey acquiesça. Bien que frustré, Lillian ne dit rien de plus et reporta son attention sur la jeune fille. Une des personnes en combinaisons avait sorti une seringue et la présenta à Eena. La jeune fille pâlit de peur. Avant qu'on lui injecte le virus, Sifrey leva la main pour arrêter les opérations, il se tourna vers Lillian.

- Nous sommes d'accord qu'à la seconde où elle sera infectée, Eena souffrira, et mourra en peu de temps ? C'était ce qui était prévu.

Le jeune homme plongea son regard dans ceux de la gymnaste, désespérée. Elle tenta de s'enfuir, mais même son agilité et sa souplesse ne lui permirent pas de s'échapper. Un des scientifiques en combinaisons la rattrapa et la força à s'agenouiller d'une clé de bras.

Lillian finit par hocher la tête.

- C'était ce qui était prévu, répéta-t-il.

- Et tu ne t'inquiètes pas que ton amie en subisse les conséquences ?

Le médecin haussa les épaules.

- C'est pour l'humanité, souffla-t-il.

Étonné mais rassuré, Sifrey donna l'ordre d'effectuer l'infection. On planta l'aiguille de la seringue dans le cou d'Eena et elle cria.

Aussitôt le liquide injecté, les deux personnes en combinaison se retirèrent rapidement de la pièce pour limiter au maximum la transmission du virus. Eena resta seule, à genoux. La jeune fille était apeurée, essoufflée d'avoir lutté mais ne présentait pour le moment aucun symptômes mortels. Elle fronça les sourcils et releva la tête vers la vitre.

- J'en étais sûr, affirma Sifrey, tu n'as pas fait ce qui était demandé. Sinon tu aurais protesté en voyant ton amie servir de cobaye.

Lillian passa une main derrière sa nuque et se mordit la lèvre.

- J'ai pas tout à fait respecter les consignes... avoua-t-il. Mais l'effet final restera le même !

- Je n'ai pas été assez CLAIR ! s'énerva Sifrey en criant le dernier mot.

Le médecin sursauta et eut quelques pas de recul. Il leva les mains, comme pour montre qu'il se rendait.

- Si, dit Lillian, très ! Mais je vous assure que ce virus est encore plus cruel que celui que vous m'avez proposé, laissez moi juste vous expliquer.

Sifrey soupira et se massa les tempes, montrant qu'il n'avait pas que cela à faire. Il lui accorda néanmois un signe pour qu'il parle.

- Ce que vous voulez, commença Lillian, c'est garder les personnes les plus douées de l'humanité et éliminer les autres. Ce virus rendra toutes les personnes qui n'ont pas été vaccinées stériles, et les femmes enceintes perdront leurs enfants. C'est sûr, ça prendra plus de temps, mais l'effet sera certains. Dans une centaine d'années, il n'y aura plus personne à part les descendants d'ELIT.

C'était la manière la moins barbare qu'il avait trouvée pour obéir à Sifrey. Devant ses explications, le directeur aborda un air dubitatif. De l'autre côté de la vitre, Eena qui pouvait sûrement entendre ce qu'il se disait intervint.

- Je ne pourrais pas avoir d'enfant ? s'inquiéta-t-elle.

- Bien sûr que non, réfuta Sifrey, on t'a injecté de l'eau, nous ne pouvons pas prendre le risque d'éliminer un membre d'ELIT. Ça n'avait que pour objectif de lui faire avouer la vérité.

Il avait terminé sa phrase avec un signe de tête vers Lillian. Le cœur de ce dernier n'avait jamais battu aussi vite de sa vie. Il était mortifié par la peur des futurs mots de son supérieur. Avec un certain courage, il interrogea Sifrey :

- Alors on garde l'idée du virus de stérilité ?

- Non, emmenez-le, ordonna Sifrey à ses hommes de main, nous trouverons quelqu'un d'autre.

Les soldats s'avançaient déjà pour s'emparer du médecin mais Lillian réagit rapidement.

- Je vais le faire ! admit-il pour sauver sa propre peau. Donnez-moi deux jours, mardi matin tout sera prêt. Vous savez que vous ne trouverez pas meilleur que moi.

- J'ai déjà entendu ça, répliqua James Sifrey.

- Je vous le promets.

Il soupira et pointa la porte du pouce. Lillian comprit immédiatement et s'éclipsa en courant pour rejoindre sa chambre.

Le médecin était allongé sur son lit. Il n'avait aucune intention de réaliser le virus le plus meurtrier de l'Histoire. Il cherchait juste à gagner du temps afin de trouver un moyen de sortir. Il savait que Sifrey ne pouvait pas ordonner son exécution puisque le règlement d'ELIT l'interdisait - même si le directeur n'avait pas l'air d'en avoir quelque chose à faire des règles - mais il pouvait l'isoler ou l'emprisonner à jamais.

Les repas lui étaient servis à vingt heures trente. Cinq minutes avant l'heure, il se posta derrière la porte, dans l'angle mort, afin que le membre du personnel ne le remarque pas. Il attendit, le cœur battant. Quand enfin il entendit les pas de la personne dans le couloir, il se prépara mentalement.

On entra. Boosté par l'adrénaline, Lillian réagit rapidement, il referma la porte d'un coup de pied. Le pauvre homme se retourna à cause du bruit. D'un coup de poing, le médecin sonna le serveur. Lillian secoua sa main douloureuse : il n'avait jamais été doué pour se battre. L'homme en face de lui reprit ses esprits rapidement et essaya de riposter mais Lillian le poussa, son adversaire tituba et en essayant de reprendre son équilibre, il glissa sur le sol de la partie salle de bain. Son crâne heurta le coin pointu d'un meuble et le serveur tomba inconscient.

Lillian écarquilla les yeux, choqué. Il se rassura en se répétant qu'après tout, le pauvre gars s'était blessé tout seul et que lui-même n'y était pour rien.

Le médecin troqua ses vêtements d'ELIT contre l'uniforme bleu du serveur ; en voulant retirer la veste de l'inconscient il la tacha du sang qui coulait de l'arrière du crâne de l'homme. Lillian eut une moue désolée en mettant l'habit sur le dos.

Il attendit que le couloir soit totalement silencieux pour sortir de sa chambre. Les premiers mètres furent éprouvants, il ne savait pas où se trouvait la sortie et marchait, dans l'espoir de trouver un plan du bâtiment. Tête baissée, il croisa un groupe d'employés et sentit que sa fin était proche. Les personnes passèrent devant lui sans le voir. Il fallait dire qu'il était enfermé dans sa chambre depuis des semaines, peu d'employés l'avaient vu.

Il emprunta un ou deux escaliers, traversa quelques salles et couloirs sans jamais apercevoir de visages familiers, ce qui avait l'effet de la rassurer.

Lillian aperçut enfin un panneau à LED affichant un plan du bâtiment ainsi que le chemin le plus court jusqu'à la sortie en cas d'incendie. Il se planta devant et fit de son mieux pour mémoriser l'itinéraire. Une porte au bout du couloir s'ouvrit et la voix insupportable de James Sifrey se fit entendre. Le médecin baissa la tête et prit soin de toujours faire dos au directeur.

Sifrey passa devant lui sans lui prêter attention, comme toutes les autres personnes jusqu'à présent. Lillian l'observa disparaître dans l'angle d'un couloir. Il sentit une main se poser sur son épaule et se retourna, prêt à se battre. Timothy se trouvait face à lui.

- On voit tes tatouages, l'informa le garçon.

Lillian baissa les yeux sur ses bras, il avait remonté ses manches sans s'en rendre compte. Il les descendit pour recouvrir sa peau.

Il y eut un moment où les deux anciens amis se toisèrent longuement. Lillian ne savait pas s'il était prêt à frapper Timothy, mais celui-ci allait moucharder à son père, il n'hésiterait pas.

Mais le garçon se contenta de fouiller dans sa poche. Il en sortit une carte magnétique qu'il tendit au médecin.

- Ça te permettra de franchir toutes les portes verrouillées. Tu vas en avoir besoin.

Lillian fronça les sourcils mais saisit l'objet.

- Pourquoi tu m'aides ? demanda-t-il.

- Je suis pas mon père.

L'aîné des deux sourit. Il était heureux que Timothy soit finalement de son côté. Il lui accorda un signe de la main avant de partir dans la direction opposée.

Au dernier moment, Timothy l'interpella :

- Quand tu sortiras d'ici, cherche Tabatha, elle a certaines nouvelles à t'annoncer.

Perplexe, Lillian acquiesça. Il quitta son ami et arpenta quelques couloirs de plus, vers la sortie.

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