13.

Tobin ressentit la douleur avant même d'ouvrir les yeux. Il avait l'impression que chaque muscle, chaque os, chaque cellule de son corps le faisait souffrir. Le simple fait de soulever les paupières lui donna mal au crâne. Pensant d'abord avoir été séquestré et torturé (c'était l'hypothèse la plus plausible venant à l'esprit d'un comateux), il se rappela subitement son idiotie et le saut courageux qu'il avait effectué. Il se souvenait aussi s'être lamentablement écrasé sur le sol et évanoui sous le coup du choc. Pendant un moment, il avait même cru être mort.

Cela aurait été plutôt minable : mort en essayant de sauver sa vie.

Mais il était bel et bien vivant, allongé sur un matelas confortable. Tobin, les yeux au plafond, tenta de se relever afin d'avoir une vue d'ensemble de la pièce. Il devait sûrement se trouver à l'hôpital du complexe, il l'avait déjà visité. Une douleur violente le lancina dans le bas du dos et Tobin soupira en se laissant tomber sur son oreiller. Ce simple geste lui valut de nouveaux maux.

Il se contenta alors de bouger la tête. Tobin fronça les sourcils, la pièce n'avait rien de l'infirmerie du complexe. La chambre était particulière, plus grande et sans fenêtres. Une lumière artificielle renvoyait une atmosphère médicale, ajouté à une odeur aseptisée.

Son bras gauche était en écharpe, le jeune homme eut l'envie idiote de le bouger. Mauvaise idée. Son épaule avait dû se déboîter dans la chute. Il en profita pour remuer les pieds, pour s'assurer qu'il n'avait aucune jambe dans le plâtre. Rien à signaler à ce niveau. Plusieurs perfusions étaient plantées dans son bras droit. De sa main valide, il effleura son visage, une vilaine ecchymose devait se trouver sous son œil droit puisqu'il souffrit dès qu'il le toucha.

Tobin aperçut un bouton rouge sur le mur à ses côtés. Il supposa qu'en le pressant, quelqu'un allait être alerté. Il se contorsionna pour l'atteindre, ignorant la douleur. Il appuya enfin dessus et se laissa retomber, mou, épuisé par ce simple effort.

Le jeune homme attendit. Après dix minutes à fixer le plafond blanc et à se faire mal aux yeux à cause de l'éclairage - il ne manquerait plus qu'il endommage le seul organe encore à peu près sain ! - il décida de se lever et chercher quelqu'un par ses propres moyens. Il devait bien y avoir un médecin dans les parages. Juste Lillian lui suffirait. Il se souvint soudain que son ami était porté disparu.

Tobin souleva la couverture et chassa les mauvaises pensées de son esprit. Il eut du mal à se mettre sur ses pieds. Il tenta bien se lever mais ce fut comme si son corps refusait de marcher. Il s'assit sur le bord de son lit et attendit que ses jambes répondent à nouveau. Il en profita pour détacher ses perfusions avec son bras encombré dans l'attelle.

Une fois la circulation dans ses jambes revenue, il lutta de nouveau contre la douleur, celle des fourmillements et picotements cette fois-ci. Une fois celle-ci passée, il se leva de nouveau. Il fit quelques pas en s'appuyant contre le mur et atteignit la porte de la chambre.

Les couloirs étaient très animés mais personne ne semblait se préoccuper d'un blessé s'échappant de sa chambre. Trop fatigué pour marcher plus longtemps, Tobin s'arrêta et s'assit sur le sol malgré son corps lui criant de ne pas trop se contorsionner.

Les personnes qui passaient devant lui n'étaient pas plus âgées. Elles portaient toutes des tee-shirts de couleur différentes, comme au congrès et en l'espace de trois minutes, Tobin devina quatre langues. Il baissa les yeux sur ses propres habits. On l'avait revêtu du seul tee-shirt bordeaux qu'il possédait.

Ce fut à cet instant précis qu'il se rendit compte qu'il n'avait aucune idée d'où il se trouvait. Ce n'était certainement pas le complexe.

Il se releva avec effort et accosta un adolescent au tee-shirt noir.

- Eh ! On est où ?

Le garçon le dévisagea, fronça les sourcils avant de détourner son chemin.

- Sérieusement ? lui cria Tobin. Je croyais qu'on était dans le même bateau. C'est ça casse-toi !

- La plupart des personnes ici ne parle pas anglais, l'informa une voix avec un fort accent dans son dos.

Tobin sursauta et une douleur violente le lancina le dos.

Il se retourna et se retrouva nez-à-nez avec une fille au teint mate. Elle arborait un vêtement vert sombre.

- La France, déclara-t-il en pointant le tee-shirt.

Il n'avait pas retenu toutes les couleurs et leur pays lors du Congrès mais en avait de vagues souvenirs.

- Loupé, le Honduras. À un continent près, tu y étais.

Tobin esquissa un sourire. Contrairement au tee-shirt normaux, ceux-ci ne possédaient pas de badge, il n'avait aucune information sur son prénom.

- Je suis Tilya, se présenta-t-elle, comme lisant dans ses pensées.

- Tobin, lui rendit-il.

- Je sais, ton nom est écrit sur la porte de ta chambre.

Le jeune homme se retourna pour voir de ses propres yeux les dires de sa camarade. Un écriteau indiquait le numéro de la chambre et son nom gravé sur une plaque de métal.

Il fronça les sourcils : pour avoir sa propre chambre il avait dû rester un certain moment à l'infirmerie. Tilya reprit la conversation :

- Je savais pas que tu t'étais réveillé. Les autres ont dû oublier de me prévenir, hier tu étais toujours dans le coma.

- Le coma ? s'étonna Tobin. En fait je viens à peine de me réveiller, j'ai voulu appeler quelqu'un mais personne n'est venu.

L'adolescente écarquilla les yeux.

- Tu... commença-t-elle sous le choc, tu t'es débranché tout seul ? Qu'est-ce qui t'as pris ?

Brutalement, elle lui saisit son bras libre, lui arrachant un cri de douleur au passage - ce n'était pas parce que celui-ci n'était pas en attelle qu'il n'était pas blessé - et se dirigea vers sa chambre à quelques mètres derrière.

Tobin se dégagea avec une certaine aisance. La sympathie qu'il avait eue à l'égard de Tilya s'estompa rapidement : ils se connaissaient à peine et elle essayait déjà d'exercer une autorité sur lui.

- Je vais bien, lui assura-t-il un peu froidement.

Elle lui accorda un regard moqueur.

- Vraiment ? l'interrogea-t-elle.

Tilya lui toucha le bas du dos. Sans le frapper. Elle l'effleura à peine. Tobin se raidit sous la douleur. D'un geste vif, elle en profita pour appuyer légèrement sur le bleu sous son œil. Il arracha un cri de souffrance. Elle lui accorda un regard moralisateur. Le jeune homme soupira et leva les mains, ou plutôt la main.

- OK, je capitule, mais ne me touche plus s'il te plaît.

Elle pointa la chambre du doigt et Tobin fut obligé d'y retourner. Même s'il ne l'avouerait jamais, il était heureux de retrouver un lit. Le simple fait d'être debout le fatiguait. Il se laissa tomber sur le lit mou et Tilya récupéra les aiguilles de perfusions qu'elle replaça dans le bras de l'adolescent.

- Tu es une sorte d'infirmière ici ? demanda-t-il en l'observant faire.

- Je suis beaucoup de choses ici. Je m'occupe de certains malades, je m'occupe des plus jeunes, je m'occupe aussi de gérer les cuisines.

Tobin plissa le front.

- T'es en charge en gros, affirma-t-il.

Tilya haussa les épaules, un creux entre ses yeux s'était formé sous l'effort de la concentration, cela n'effaçait rien à sa beauté évidente.

- Je sais pas, quand on s'est réveillé ici, c'était la panique. Certains ne reprenaient même pas conscience, comme toi, tu es arrivé en très mauvais état. Mon premier réflexe ça a été de vous mettre en sécurité. Ensuite, les choses se sont faites naturellement et on m'a laissée prendre les décisions, j'ai formé plusieurs participants aux premiers secours et on a monté une bonne infirmerie avec les provisions qu'on nous a laissées.

- On s'est réveillé ici ? Qui est "on" ? C'est où "ici" ?

Tilya soupira dans un sourire.

- C'est vrai, ton amie m'a prévenue que tu aimais poser des questions... Et je ne peux pas te mentir, c'est ça ?

- Mon amie ? répéta Tobin.

- Hum... réfléchit la fille, sûrement pour mettre un prénom sur le visage. Tabatha ? Oui je crois que c'est ça.

Le jeune homme se redressa subitement, Tilya exerça une pression sur sa poitrine pour le forcer à s'allonger de nouveau.

- Elle va bien ? interrogea-t-il, inquiet.

Aux dernières nouvelles, Tabatha était censée avoir fuit ELIT. Si elle se retrouvait ici - quel que soit cet endroit - c'était qu'ils avaient échoué. Peut-être que Cléo était aussi dans les parages ?

Tilya acquiesça et tira une chaise derrière elle. Elle en avait fini avec les perfusions et s'asseyait pour pouvoir continuer leur conversation.

- Elle va très bien, le rassura-t-elle. Elle est juste très... enceinte. Ce qui m'inquiète un peu. Je peux gérer un ou deux bras cassés, un accouchement, j'en suis pas persuadée.

- Et les autres ? Ils sont là ?

- Il n'y a que les "T" ici, aucune idée d'où sont les autres. C'est pas faute d'avoir cherché. Quant aux autres "T" de ton programme, ils sont portés disparus. Vous êtes le seul programme à ne pas être complet.

Il fallut un effort considérable à Tobin pour se rappeler qui étaient les autres "T" de leur programme. Il y avait Teyler, qui était en réalité Cléo. Si son meilleur ami n'était pas là, c'était qu'il avait sûrement réussi à s'échapper, ou que quelque chose de pire lui était arrivé. Il préféra opter pour la première hypothèse. Le dernier était Timothy. Pour celui-ci, ce n'était pas normal. Ce gamin cachait décidément beaucoup trop de secrets.

- Tu n'as répondu qu'à une de mes questions, dit Tobin après un temps. C'est où "ici" ?

- Encore une fois, commença-t-elle en haussant les épaules, on sait pas vraiment. Entre nous, on appelle ça le Bunker, parce qu'on a pas croisé une seule fenêtre. Tout ce qu'on sait c'est qu'on s'est tous endormi un soir, et le lendemain on s'est réveillé ici, tous en même temps. ELIT a dû nous placer ici.

- Pourquoi ?

Pour la troisième fois, Tilya haussa les épaules. Elle n'avait pas plus d'indices que lui à l'heure actuelle.

Alors qu'il avait pensé récupérer un certain contrôle sur la situation, alors qu'il avait réussi à se défaire de l'emprise d'ELIT pendant un court instant, les dirigeants abattaient une nouvelle carte pour mieux les déstabiliser. Sifrey était un tordu.

- Pendant combien de temps j'ai été dans le coma ? s'enquit-il pour changer le sujet de la conversation.

Elle plissa les yeux.

- Laisse-moi réfléchir, tu étais inconscient à notre arrivée... ça fait donc environ un mois. On était sûr que tu allais te réveiller, on savait juste pas quand.

- Un mois, murmura-t-il, méditatif.

Il avait été dans le programme pendant presque quatre mois et avait été inconscient pendant près de trois et demi. C'était un record à battre.

- Quand est-ce que je pourrais sortir de l'infirmerie ?

- Quand je l'aurai décidé, affirma Tilya dans un sourire.

- Ce qui, j'en suis persuadé, ne prendra pas beaucoup de temps, dit-il d'une voix mielleuse.

Tilya se redressa sur sa chaise, posa les coudes sur lit et approcha son visage de celui de Tobin.

- Tu sais, rétorqua-t-elle sur le même ton, Tabatha m'a parlé de toi. Je ne doute pas que tes capacités de menteur font de toi un bon manipulateur, mais, tu vois, je suis à ELIT parce que j'excelle en sociologie. J'ai appris à observer les gens, à les comprendre, j'ai appris à me comprendre moi-même et me contrôler. T'arriveras pas à me manipuler.

- J'aurais essayé.

Elle se leva de sa chaise pour sortir. Avant de s'éclipser, elle se retourna et pointa l'alité du doigt.

- Tu ferais mieux de retirer ce sourire dragueur de ton visage si tu veux sortir rapidement, le prévint-elle.

Dans un magnifique jeu d'acteur, Tobin effaça toute expression de son visage en à peine une seconde. Malgré son envie de rester sérieuse, Tilya laissa entrevoir un rictus amusé.

Elle quitta la pièce dans la foulée, laissant Tobin seul avec lui-même.

Le jeune homme n'eut même pas le temps de se perdre dans ses pensées, à peine la porte se referma-t-elle que ses paupières s'alourdirent. Les quelques minutes qu'il avait passées debout avaient suffi à l'épuiser. Tobin s'endormit dans un sommeil profond.


**


Tobin ne pouvait pas ressentir les effets du rêve directement. Il ne pouvait pas dire si la pièce était vraiment froide puisque lui-même était bien au chaud dans son lit. Mais la pièce paraissait froide. Il ne pouvait pas contrôler ses mouvements mais il voyait l'environnement autour de lui. Une chambre aux murs blancs avec le strict minimum. Étrangement, il s'y sentait bien, il reconnut même la pièce, c'était sûr, il y avait passé un certain temps. Il ramassa une balle sur sa droite et commença à jouer avec sans le vouloir.

Au bout de dix lancers contre le mur, il abandonna la balle. On ouvrit la porte de sa chambre et Tobin se leva avec un signe de la main. Il sortit pour rejoindre la femme qui lui avait ouvert, sur le coup, le jeune homme eut du mal à la reconnaître. Cela ne l'empêcha pas de la suivre.

- C'est qui aujourd'hui ? demanda-t-il sans maîtriser les mots qui sortaient de sa bouche.

La femme regarda son calepin.

- Doug Hode, il avait été engagé au ménage il y a deux semaines, Timothy l'a découvert rapidement, le pauvre gars essayait de forcer les entrées des laboratoires.

- Pas malin, rétorqua le jeune homme. La Contre-ELIT ?

Elle acquiesça.

- C'est le troisième qu'on démasque. Ils préparent un mauvais coup, les autres n'avaient pas voulu parler mais celui-ci semble plus fragile. Il avouera facilement.

- Ça sera pas trop tôt, on commençait presque à manquer d'action, la coupa Tobin.

Elle soupira dans un sourire et ouvrit la porte devant eux. Ils débarquèrent dans un petit sas, un des murs était équipé d'une vitre sans tain. Derrière, se trouvait un homme, seul dans une pièce semblable à une cellule de garde à vue.

Tobin fit un signe à Timothy, assis dans le hall, un ordinateur sur les genoux. Il tapotait à une vitesse folle. Le garçon lui adressa un sourire en le voyant.

Quelques secondes après leur arrivée, une nouvelle silhouette se faufila dans le sas, celle de James Sifrey. Il serra la main de Tobin et frappa dans les siennes.

- Au travail !

Il tira un tabouret et appuya sur un bouton qui activa le micro et les hauts-parleurs.

- Bonjour Monsieur Hode, le salua le directeur d'un ton enjoué.

Le prisonnier se contenta de lever le regard vers la vitre, sans réponse. James Sifrey croisa les bras, pas découragé pour autant.

- Nous allons vous posez quelques questions, l'informa-t-il. Avons-nous votre permission ?

Toujours aucune réponse. Le directeur laissa échapper un rire.

- De toute façon, nous n'en avons pas besoin. Bien, commençons. Selon des sources que nous considérons comme sûres, il a été affirmé que vous faîtes partie de la Contre-ELIT. Reconnaissez-vous cette accusation comme vraie ?

Tobin attrapa à son tour une chaise et se positionna devant un écran, où il pouvait observer le visage de l'accusé de plus près. James Sifrey fut très patient pour une fois, il laissa le prisonnier dans son propre silence pendant plusieurs minutes, sans jamais lui reposer la question. La méthode fut payante. Après cinq minutes de blanc, l'homme daigna enfin s'exprimer :

- Non.

- Il ment, annonça Tobin, concentré sur l'écran.

- Mes sources affirment le contraire, dit James Sifrey à l'attention de l'infiltré.

L'homme haussa les épaules et la pommette droite du directeur s'agita d'un spasme. Tobin avait remarqué que c'était ainsi que son visage exprimait la colère. Sifrey n'était pas d'un naturel patient et il avait largement dépassé son quota, il fulminait de l'intérieur devant la réticence apparente du prisonnier.

L'homme se calma et tenta une autre méthode.

- Avant de vous mettre dans cette cellule, nous vous avons implanté une puce, vous pouvez toucher votre nuque, vous y sentirez une cicatrice. Cette puce est contrôlable à distance, j'ai avec moi quelqu'un qui pourrait vous faire un lavage de cerveau en quelques secondes.

Tobin se tourna vers Timothy qui observait la scène calmement, un sourire au coin des lèvres. Lorsque leur deux regards se croisèrent, l'aîné des deux l'interrogea en articulant silencieusement :

- Tu peux faire ça ?

Le génie de l'informatique secoua la tête.

- C'est du bluff, lui répondit-il de la même manière.

L'adolescent haussa les épaules, quelque peu rassuré. James Sifrey continua sur sa lancée, manipulateur comme jamais.

- Si vous ne parlez pas, nous vous ferons parler et pas par la méthode douce. Puis, comme vous serez irrécupérable, nous nous servirons de vous comme pantin. Alors voilà ce que je vous propose : parlez maintenant et nous vous libérons, taisez-vous et vous mourez intellectuellement en ayant trahi vos compères.

Même si Tobin pouvait apercevoir une dizaine de tics mensongers défiler sur le visage du directeur, il devait avouer que ce dernier était doué : même le jeune homme trouvait l'offre alléchante. Il n'y avait aucun moyen que le prisonnier ne parle pas.

Après une minute de silence intense, Sifrey fit un signe de tête à Timothy. Il appuya sur la barre espace de son ordi et de l'autre côté de la vitre, l'homme hurla de douleur. Le coeur de Tobin se serra, il n'aimait pas voir les autres souffrir.

- Votre cerveau est en train d'être reprogrammé, mentit le directeur.

- JE VAIS PARLER ! cria le prisonnier espérant mettre fin à son propre calvaire.

Sifrey fit un geste au plus jeune du groupe et Timothy stoppa la douleur d'une pression sur une touche.

Essoufflé, l'homme reprit un peu de ses forces avant de tout avouer. La femme au calepin avait eu raison : celui-ci n'était pas aussi tenace que les autres.

- Je fais partie de la Contre-ELIT, souffla-t-il.

- Trois internes découverts en un mois, rétorqua James Sifrey. C'est beaucoup, que préparez-vous ?

- Le Congrès, on sait que c'est juste une question de semaines avant qu'il n'arrive. Ils ont prévu d'y entrer de force pour tuer les directeurs du programme, vous compris.

James Sifrey haussa les sourcils, presque honoré d'être sous les projecteurs.

- Qui va vous faire entrer ?questionna-t-il.

- Les français.

- Mensonge, intervint Tobin.

- Vous avez entendu le gamin, dîtes la vérité.

De l'autre côté de la vitre, l'homme se mordit l'intérieur de la joue. Il hésita une dizaine de secondes avant de dénoncer ses alliés.

- Le programme allemand.

James Sifrey hocha la tête avec une moue ravie. Il claqua des doigts en direction de son associée et cette dernière sembla le comprendre directement : elle ouvrit la porte derrière elle et fit entrer un couple de soldats du programme.

- Raccompagnez-le dans une cellule et veillez à ce qu'il n'en sorte jamais.

L'homme et la femme en uniforme passèrent l'accès à l'autre salle. Comprenant ce qui lui arrivait, l'homme tenta de s'échapper mais il était menotté et attaché au sol.

Les soldats le maîtrisèrent rapidement et le sortirent de la salle d'interrogatoire.

- On fait quoi maintenant ? demanda Timothy. On empêche la Contre-ELIT de s'introduire au congrès ?

- Non, contesta James Sifrey, on rapporte juste à Bo Quian Ge qu'on a des soupçons sur les allemands, pour l'occuper. On laisse la Contre-ELIT faire ce qu'elle doit faire, et on profite de la panique pour tuer Ge. L'ONU pensera que la Contre-ELIT l'a assassinée, et je pourrai me présenter comme Grand Directeur.

Intérieurement, Tobin se révoltait : Sifrey n'avait pas le droit de faire cela, et lui ne pouvait le laisser faire. Il avait envie de crier, de se jeter sur lui, de le mettre hors d'état de nuire s'il le fallait.

Mais il ne fit rien, pas parce qu'il ne le voulait pas mais parce qu'il ne le pouvait pas. Le Tobin acteur du rêve ne bougeait pas pendant que le Tobin spectateur mourait de haine sur place.


- Tobin... l'appela une voix lointaine. Tobin ! Tobin !

Le jeune homme ouvrit les yeux et se releva en position assise dans un sursaut. Peu à peu, les formes autour de lui se distinguèrent. Tabatha était penchée au-dessus de son lit. Elle eut un soupir de soulagement en le voyant s'éveiller.

- Tu m'as fait peur, avoua-t-elle, tu as commencé à t'agiter, comme si tu te débattais contre quelque chose.

- J'ai travaillé pour eux, chuchota-t-il. Tabatha, j'ai travaillé pour eux.

Elle fronça les sourcils, plaçant même sa main sur le front de l'adolescent pour vérifier sa température. Tobin la rejeta d'un mouvement vif.

- Je ne suis pas fiévreux, je te dis que j'ai travaillé pour eux, pendant les deux mois où j'ai disparu.

Tabatha secoua la tête, confuse. Au même moment, la porte de la chambre d'hôpital s'ouvrit et Tilya se glissa à l'intérieur.

- Qu'est-ce que tu racontes ? questionna Tabatha qui ne semblait pas dérangée par la présence d'une quasi inconnue. Tu as travaillé pour qui ?

- ELIT.

- On a tous travaillé pour ELIT, lui rappela son amie.

Tobin secoua la tête, énervé : elle ne comprenait pas.

- Non, j'ai travaillé pour eux de manière très exclusive. Ils m'ont confié des secrets, Tabatha. Les secrets du programme entier. Je m'en souviens pas, mais je sais que je les détiens, ça je m'en rappelle.

Tilya s'avança près du lit, sourcils froncés. Elle se plaça sur la gauche du garçon, en face du Tabatha.

- Pourquoi toi ? l'interrogea-t-elle.

C'était une excellente question. Il secoua la tête.

- J'en sais absolument rien.

Tobin se laissa retomber contre son oreiller, ignorant même la douleur dans son dos. Dans un soupir, il fit face au fait le plus effrayant de cette histoire : il avait totalement perdu le contrôle sur sa vie.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top