Course sous la lune
_Dernier rapport du journal d'Elissandre
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C'était une fille, une douce jeune fille un peu ronde, brune, aux yeux sombres comme une nuit sans lune, les joues couvertes de tâches de rousseurs. Elle aimait le café, les livres, les tisanes de sa grand-mère, donner à manger aux chats dans la rue, rire...
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Doucement, je prends une profonde respiration.
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Elle aimait la mer aussi, parce que les vagues et leur danse lui berçaient le cœur.
Oh oui, la mer, elle adorait.
Mais ce qu'elle adorait par dessus tout, c'était le ciel étoilé.
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Je repose mon stylo. Il est percé, l'encre bleue goûte et créé d'informes tâches sur mes doigts. Je lève les yeux et balaye du regard la plage vide. Personne ne vient ici la nuit, il fait froid et une atmosphère sombre -quoique douce- s'abat sur le sable.
Je clos mes paupières, la musique des allés-venus des vagues m'apaise. Le ciel est sombre
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Elle semblait douce et heureuse avec tout le monde, toujours souriante et serviable. Mais elle cachait au fond d'elle quelque chose de lourd, de si lourd qu'il pouvait la happer et la noyer à tout instant.
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Une nouvelle fois, le me perds dans les lignes. L'obscurité qui m'englobe ne m'aide pas à écrire convenablement.
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Elle n'en parlait pas, à personne. Parce qu'elle voulait être seule à porter ce poids. C'est vrai, ça lui faisait un peu mal, mais elle ne s'en plaignait jamais. En réalité, elle s'était presque habituée à vivre avec.
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Je sors de ma sacoche un baume à lèvre et en étale sur mes deux croissants de chair. Ma doudoune est le meilleur rempart contre le froid, mais je préfère les sweats.
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Elle dansait avec ses ombres.
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Je me lève.
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Parfois, elle se sentait trébucher.
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Un pied devant l'autre.
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Mais elle s'était toujours relevée.
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J'enlève mes chaussures, puis mes chaussettes (que je cale à l'intérieur). L'eau est glaciale en ce mois de novembre.
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La vérité lui faisait peur.
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Est-ce que le froid peut tuer?
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Elle n'était personne. Juste personne. Elle avait été quelqu'un, aux yeux de ce garçon. Ils s'étaient follement aimés. Puis étaient venues les crises, de plus en plus dures, de plus en plus violentes.
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En fait, je n'ai pas envie de savoir. Le "boum boum" du sang frappe mes tempes. Je plonge. La doudoune gorgée d'eau m'attire vers le fond. Et je nage, je nage, je m'éloigne de la cote.
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On leur avait dit "schizophrénie". C'était dangereux, pour elle. Mais plus encore pour lui. Les médicaments avaient fini par ne plus l'apaiser.
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Je te rejoins, Adel. Aucun de nous deux ne doit souffrir de la solitude. Je t'aime.
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Ils s'étaient tué.
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_Fin de journal d'Elissandre
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