Le mois continua alors, installant une sorte de routine morne. Chaque jour Eliott se rendait à son travail, préparait les ingrédients et les potions pendant de longues heures, sans jamais ou presque échanger un mot avec Rolf. Certains jours même ils ne se saluaient pas et rien n'était dit dans la journée. Le soir, il retrouvait en général Emily au Chaudron Baveur, où ils parlaient de leur journée. Eliott n'avait toujours pas eu le courage de dire à son patron sa condition de lycanthrope, angoissé à l'idée que ce dernier puisse alors le renvoyer ou soudainement respecter la loi et lui imposer de très sévères contraintes qui allaient au final se terminer par une démission.

Depuis 1993 en effet, et la démission du lycanthrope Remus Lupin (pourtant un héros de la lutte contre les mangemorts) de son poste de professeur de défense contre les forces du mal à Poudlard suite aux révélations de l'un de ses collègues, les diverses lois de la législation anti-loup-garou avaient été mises en place par Dolores Ombrage, interdisant de nombreux possibilités d'emplois aux lycanthropes, et la situation n'avait fait qu'empirer depuis 1997 et la prise de pouvoir de Vous-Savez-Qui. L'éventualité que ces lois discriminantes soient annulées était évoquée régulièrement depuis 1998 et l'accession au poste de ministre de Kingsley Shackelbolt, malheureusement bien trop de personnes y étaient favorables et profitaient du fait qu'elles avaient été mises en place pour ne plus les lâcher. Ainsi, tant que rien n'était fait, Eliott et bien d'autres dans son cas devaient se cacher ou se plier aux exigences de la loi, perdant alors la possibilité d'accéder à bien des postes et d'en exercer correctement de nombreux autres.

Alors qu'il rentrait chez lui après l'une de ses nombreuses discussions avec Emily au Chaudron Baveur, Eliott se rapella de la date. Le 16 Novembre. Dans une semaine, le 23, la lune serait pleine, et il subirait pour la première fois sa transformation. Un poid lui tomba sur les épaules, et il resta à fixer le sol pendant quelques secondes, pourtant habitué à la pensée de sa maladie. Il rentra dans sa maison, posa sa veste avant de se diriger vers sa chambre. Une fois dedans, il ouvrit une boite remplie de coton où il avait soigneusement entreposé les sept fioles de potion Tue-loup, puis prit l'une d'entre elles. Avec une légère moue de dégoût, il observa le liquide à l'interieur. Semblable à un goudron verdâtre, rempli de grumeaux et de petits morceaux d'aconit non-dissous, il dégagea également une odeur affreuse lorsque Eliott ouvrit le bouchon.

En se pinçant le nez, il avala le contenu de la fiole d'un seul coup, se retenant dans un premier temps de tout recracher et dans un second temps de tout vomir. Si la potion était plus liquide que son aspect pouvait le laisser penser, son goût était cependant bien pire de ce qu'il était possible de présager. Un mélange de caoutchouc brûlé, de champignon mal cuits et de diverses autres saveurs non moins affreuses restèrent accrochées dans la gorge du jeune-homme, le faisant alors tousser pendant de longues minutes. Il finit par se calmer et se redressa, de petits points lumineux dansant devant ses yeux et sa bouche encore envahie d'un immonde goût âcre et amer. Encore dégoûté et grimaçant, il referma la boîte et la rangea à nouveau puis alla rapidement se servir un verre d'eau, puis un second rapidement suivit d'un troisième.

La potion semblait lui brûler l'estomac, et il pria pour que les prochaines soient moins pire, espérant qu'un obscur dicton de loup-garou affirmait 《La première est toujours la plus mauvaise》ou qu'une habitude allait se créer. L'idée même de devoir une nouvelle fois absorber cet horrible liquide le dégoûtait. Après s'être encore rincé la bouche pendant plusieurs minutes, il alla se préparer à manger. Dehors, la nuit continuait de tomber de plus en plus tôt, et il faisait très sombre, l'obligeant à allumer la lumière. Alors qu'il faisait cuire ses aliments, une faim énorme le prit soudainement, presque immédiatement suivie d'un intense mal de ventre.

Eliott s'assit alors, sa tête lui tournant, et il ferma les yeux alors que les sensations disparaissaient lentement. C'était la soudaineté qui l'avait surpris, plus que les sensations en elles-mêmes. Il se releva et retourna préparer son repas, prêt à possiblement encaisser une nouvelle crise. Sans vraiment y réfléchir, il avait compris qu'il avait pour la première fois expérimenté les symptômes de sa maladie, et il tentait de ne pas y penser. Quand tout fut prêt, il amena la casserole vers la table et se servit, avant de retourner vers son plan de travail pour reposer ses ustensiles. Une nouvelle fois, les sensations de faim et de mal de ventre le prirent, et d'une façon très déstabilisante il se tourna instinctivement vers son assiette, comme prit d'une intense boulimie. Cette déconcentration disparut presque immédiatement mais il avait eu le temps de lâcher la casserole, qui tomba alors par terre dans un vacarme douloureux.

Il secoua la tête, rangea rapidement et nettoya la saleté sur le sol d'un coup de baguette, avant de s'assoir pour manger rapidement, ayant l'intention d'aller vite se coucher pour éviter de vivre d'autres moments du genre. Une fois son repas fini, il rangea ses couverts et assiettes qu'il nettoya également d'un coup de baguette, puis monta immédiatement se laver puis se changer avant de s'assoir sur son lit, les yeux fixés au sol. Dans son empressement, il n'avait pas remarqué sa totale absence de sommeil. Il prit alors un livre et l'ouvrit, puis s'adossa à son mur, assis dans son lit, pour lire. Après quelques dizaines de secondes cependant, il se rendit compte qu'il n'avait pas dépassé la première ligne. Son esprit ne parvenait pas à se concentrer sur les mots qui défilaient devant ses yeux sans s'imprimer dans sa mémoire.

Eliott posa le livre, souffla sa bougie et se coucha, fermant les yeux, mais aucun moyen de dormir. Une envie étrange de se lever ainsi qu'une énergie de plus en plus grande le prenaient. Le sommeil ne venait pas, et après une heure à se tourner et se retourner dans son lit, il finit par rejeter brusquement les draps et se lever. Le jeune homme se leva alors rapidement et ouvrit sa fenêtre, observant l'extérieur avec des yeux vides. Un mal de ventre intense le prit à nouveau et il contracta ses mains sur les rebords de la fenêtre, tandis que la lune et les éclairages de la ville éclairaient son visage tendu. Sans fermer la fenêtre, il prit une chaise et s'assit dessus avant de regarder à nouveau par la fenêtre, des courbatures se mettant à grandir dans ses articulations.

Le sommeil ne semblait toujours pas vouloir venir, et la vision de la lune dehors l'absorbait, tandis qu'une envie étrange et indéfinissable de sortir lui trotait dans la tête. À près de deux heures du matin, il finit par secouer la tête, angoissé et énervé par la situation, et tentant de chasser le trouble qui le prenait, puis il descendit et prit une potion somnifère. Quelques minutes plus tard, il somnolait dans son fauteuil, sans vraiment dormir, encore hanté par cette envie de sortir réprimée seulement par la torpeur dans laquelle l'avait mis la potion.