Le lendemain, vers dix heures, Emily frappa à la porte de Eliott, qui la fit entrer. Elle lui montra immédiatement la Gazette du Sorcier qu'elle avait en mains, les yeux lumineux en affirmant :

« C'est absolument génial, Eliott ! »

Tandis qu'il refermait la porte, elle envoyait sa veste sur le porte manteau et fonçait vers le salon afin de poser le journal sur la table. Il la suivit et put voir les titres qui faisaient la une. Si l'article principal n'avait rien à voir avec lui, l'un des trois articles de plus sur le côté avait pour titre : Le procès jugé injuste d'un lycanthrope provoque une manifestation au sein du Ministère de la Magie. Eliott se mit à sourire également et dit :

« Alors Brendon a bien fait valider l'article !

- Tu étais au courant ?

- Il est passé hier soir pour prendre des nouvelles, il a appris ce qui m'arrivait vu qu'il était chargé de l'article, et il en a profité pour me le faire relire.

- C'est vraiment gentil de sa part !

- Oui il a été impeccable. Tu as déjà lu l'article ?

- Oui ! Il est respectueux, mais surtout le plus important c'est qu'il est de ton côté ! Il ne se positionne pas clairement contre Hunting par contre.

- Oui je m'en suis rendu compte, mais après tout il ne pouvait pas faire une tribune pour me défendre !

- Et le mieux dans tout ça : il donne la parole aux manifestants.»

Eliott hocha la tête, joyeux, tandis que Emily relisait une énième fois l'article, l'air de ne pas en croire ses yeux, un sourire béat sur ses lèvres. Elle murmura :

« Je commençais à désésperer d'un quelconque soutient extérieur, mais là on a le journal le plus vendu qui prend officiellement position pour toi.  »

Le jeune homme sourit également, tandis que son amie l'interrogeait :

« Comment va Brendon au fait ? Je n'avais même pas fait attention au fait que c'était un article qu'il avait écrit

- Il va bien ! Il a dit qu'il avait trouvé un copain, et puis tu vois, il a un bon poste à la Gazette. Si il continue à couvrir l'affaire peut-être que tu le verra ! »

Emily fit un petit saut de joie, puis remarqua :

« Peut-être qu'avec un peu de chance ton père va lire l'article ? Changer d'avis ? »

Eliott se figea un peu avant de répondre plus doucement :

« Je ne sais pas vraiment. Peut-être. J'espère en tout cas.

- Je l'espère aussi, pour toi.»

Ils relirent l'article une nouvelle fois et se décidèrent à aller prendre un peu l'air. Ils enfilèrent alors leur veste, et partirent se ballader sur les bords de la Tamise. L'air frais fit du bien à Eliott, et lui changea les idées. Il put discuter avec Emily sur des sujets amusants ou simples sans penser à autre chose pour la première fois depuis quelques temps. À leur retour cependant, une liasse de lettres se trouvait dans l'entrée, avec une petite lettre sur le dessus. Ils rangèrent leur manteau puis Eliott prit la première lettre et l'ouvrit.

Salut Eliott. On a reçu du courrier à la Gazette qui t'était adressé, à cause de l'article. J'ai pas regardé le contenu donc c'est possible que tu te prennes des choses assez négatives, mais vu les retours positifs il y a sûrement du soutient. Prend soin de toi.

Brendon

Eliott leva un sourcil et saisit la liasse de lettres et l'emporta dans le salon, accompagné par son amie. Il ouvrit la première sur laquelle s'étallait une écriture rapide et légèrement raturée.

Monsieur Lynch, vous êtes un loup garou donc votre comportement sera influencé par ça, il y a pas à vous offusquer et troubler l'ordre dans le ministère car quelqu'un a souhaité intervenir pour vous empêcher de faire du mal. Le procès est normal. Vous appelez progrès social le fait de vouloir nuir à chaque personne sans être inquiété juste car "vous avez pas choisi d'être loup" et ça vous fait un passe droit, mais la vrai vie ne marche pas comme ça. Être tolérant c'est pas accepter les velus et qu'ils nous buttent dans notre sommeil juste "car c'est des gens comme les autres". Vous dites que vous réclamez la tolérance mais il suffit que quelqu'un soit pas d'accord avec vous pour que vous fassiez des manifestations. Honteux.

Eliott reposa cette lettre, les sourcils froncés et une sensation de frustration l'envahissant devant toute l'idiotie et la bêtise de ce qu'il venait de lire. Il prit une seconde lettre et se mit à la lire, espérant un meilleur contenu que la précédente.

Bonjour Monsieur Lynch, je me permet de vous envoyer cette lettre pour vous assurer de mon soutien. Nous ne nous connaissons pas mais j'ai un proche qui est également atteint par la lycanthropie et tente malgré tout de vivre tranquillement avec notre aide. Apprendre qu'il n'est pas seul et qu'il pourrait s'adresser à des gens et espérer un soutien en cas de problème a été une grande aide pour son moral quand il a lu cet article, malgré la situation critique qui l'a engendré. J'espère de tout cœur que vous parviendrez à être innocenté de ces charges honteuses qui pèsent sur vous. Passez une bonne journée.

Eliott sourit et posa la lettre. Voir que d'autres personnes comme lui pouvaient avoir une famille qui les supportait lui donnait une bonne aide au moral. Finalement il prit une troisième lettre et l'ouvrit, espérant avoir une nouvelle dose de soutient.

Bonjour Monsieur Lynch. Je vous apporte mon soutien dans votre combat contre la haine qui vous atteint vous et les autres loups garous. Sans la bêtise de certains, la société serait bien plus sûre. Cependant je ne pense pas que faire une manifestation au ministère de la magie était une bonne idée, vous risquez de désservir votre cause en vous montrant trop agressifs même avec les gens qui n'ont rien contre vous. C'est en combattant la haine et la bêtise chaque jour qu'on arrivera à gagner, pas en faisant des groupes isolés de loups garous qui font des manifestations. Vous avez tous mes encouragements, bonne journée.

Cette fois, Eliott se sentit énervé mais également extrêmement frustré. Il voyait bien que la personne ayant envoyé cette lettre était plein de bonne volonté et n'avait qu'une envie, qui était d'aider. Mais d'un autre côté, il y avait tellement de choses qui étaient dites qui n'avaient aucun sens... Parler de bêtise et de haine comme si le problème venait d'individus uniquement et pas d'une société complète, d'une éducation et de stéréotypes ancrés profondément dans l'imaginaire de chacun. Parler de désservir la cause en étant radical alors que sans manifestation personne n'aurait jamais entendu parler de cette cause autre que par un ami d'ami de temps en temps. Comme si rester gentiment dans son coin et faire des flyers allait changer les choses plus efficacement. Et puis évidemment, les "groupes de loups garous", comme si ces groupes ne se formaient pas à cause des problèmes, obligrant les lycanthropes à se serrer les coudes. Eliott poussa un profond soupir, tandis que Emily relisait la lettre avec une mine déconfite.

Soudain, un hiboux vint taper à la fenêtre. Le jeune homme se leva tandis que son amie le regardait, puis ouvrit la vitre et prit la lettre que tenait l'oiseau, avant de la lire. Elle ne contenait que quelques mots.

Venez vite au cabinet, Kader s'est fait agresser.

Samra Al-Mansur

Eliott se tourna vers Emily et lui lit rapidement le mot à haute voix. Trente secondes plus tard, ils avaient enfilé leur manteau et transplané.