Chapitre 7 : Air de rébellion
Elevation commençait déjà à me changer, et cela ne me plaisait pas du tout.
________________________________
J'attendis que Rena et ses groupies sortent des douches communes pour partir à mon tour. Je souhaitais garder une distance de sécurité avec elles, leur présence m'agaçait suffisamment.
Je remontai dans ma chambre afin d'y déposer mes anciens vêtements. Un bac à linge sale était prévu à cet effet, et je ne comptais pas les jeter, ils avaient une valeur sentimentale pour moi.
Le temps de m'allonger un peu pour récupérer après ma séance de sport, l'heure du déjeuner était arrivée. J'appréhendais l'ambiance avec Kelyo, dûe à mon rejet d'alliance hier. Toutefois, j'espérais pouvoir compter sur Edan afin de ne pas me retrouver à nouveau seule au réfectoire.
Je descendis finalement, en retard comme toujours, et fis mon entrée dans la salle déjà pleine à craquer. Je repérai instantanément Kelyo, à la même table que la veille, en grande discussion avec une autre fille. Je me doutais que ma présence n'était pas la bienvenue, je préférai donc m'installer à une table encore vide, après avoir rempli mon plateau.
J'entamai mon repas, me délectant de son goût tout aussi exquis qu'hier. Je ne me lassais pas de la sensation de satiété dont je jouissais pour la première fois de ma vie. De plus, j'avais besoin de force pour cette nuit.
J'étais anxieuse à l'idée de ne pas savoir en quoi consisterait la première épreuve. J'espérais seulement que cela serait dans mes cordes. Tandis que j'émettais diverses hypothèses sur le déroulé de cette nuit, perdue dans mes pensées, je ne prêtais même plus attention à Kelyo et sa table, ni au fait que j'étais toujours seule.
Je sursautai lorsqu'un plateau se posa lourdement en face de moi. Je relevai la tête et fus soulagée de reconnaître Edan, qui me souriait malicieusement.
- Alors, ça joue le loup solitaire ? me lança-t-il tout en avalant une bouchée de pain.
Je haussai les épaules.
- Je n'ai pas tellement l'intention de me faire d'amis ici. A quoi bon, si c'est pour les voir mourir quelques jours après, répondis-je avec une franchise qui jeta un blanc dans la conversation.
Edan ne souriait plus, mon fatalisme l'avait sûrement quelque peu démoralisé. Je faisais souvent cet effet.
- De toute façon, on est tous coincés ensemble ici, alors on a pas vraiment d'autre choix que de se côtoyer, déclara-t-il gravement.
Sans me contrôler, je tapai violemment ma main sur la table, faisant trembler les couverts et retourner plusieurs têtes.
- Et pourquoi ? Pourquoi on nous oblige à subir cette mascarade ? Pour que ces vieux riches ne s'ennuient pas trop dans leur luxe ? Pendant que nos proches crèvent de faim sur la rive d'en face ? élevai-je la voix, le visage crispé de fureur.
Edan se tenait face à moi, les yeux écarquillés, ne sachant quoi dire face à mon excès de colère. Pendant ce temps-là, les discussions autour de nous s'étaient arrêtés, et tous les yeux étaient rivés sur moi. Je vis du coin de l'oeil que Kelyo m'observait aussi attentivement.
- Simplement parce que ce taré de dictateur l'a décidé, nous devons sacrifier nos vies pour espérer gagner à peine un dixième de ce que ces personnes possèdent depuis leur naissance ? Et pour quelles raisons ? Ils n'ont rien fait pour le mériter, et nous n'avons rien fait non plus pour mériter cette vie de merde, explosai-je, la voix brisée, le souffle court.
Edan se dandinait sur sa chaise, mal à l'aise.
- Tahlia, je suis d'accord avec toi, crois-moi, mais tu te fais un peu trop remarquer là, marmonna-t-il tout en jetant des coups d'oeil nerveux aux employés du réfectoire qui assistaient à la scène, médusés.
Je le regardai droit dans les yeux.
- Et si c'était justement ce que je voulais, me faire remarquer ? murmurai-je, avant de me lever bruyamment et de sortir de la salle, dans un silence pesant.
J'avais le coeur qui battait la chamade, et malgré mes longues inspirations, je peinais à me calmer. Je savais qu'Edan n'avait rien fait de mal, mais la situation commençait véritablement à me peser et sa phrase avait été la goutte de trop. Je remontai dans ma chambre avec énervement.
J'avais l'impression d'être la seule personne à réellement m'indigner, à souhaiter changer la situation. Les autres se contentaient de subir, pensant que c'était l'ordre normal des choses. Je ne pouvais pas me résoudre à accepter cela. Je m'allongeai sur mon lit, tentant en vain de me détendre. Comment allais-je supporter de rester ici pendant deux semaines entières ?
Constatant que même le calme de ma chambre ne suffisait pas à faire redescendre ma colère, je décidai de faire un tour dans le bâtiment. Je n'avais pas encore tout visité. La pièce commune, par exemple, m'était toujours inconnue. Marchant d'un pas raide, je redescendis au second étage, là où était indiquée cette fameuse salle. Trouvant enfin la porte permettant d'y accéder, je tournai la poignée en espérant ne trouver personne dedans.
A mon plus grand soulagement, la pièce était vide. Je pus donc déambuler à ma guise à l'intérieur. Des grands canapés en cuirs présidaient au centre de la pièce. Une télé, objet que je n'avais vu que dans mes rêves les plus fous, était accrochée au mur d'en face. Et elle ne ressemblait en rien à l'objet préhistorique que ma famille possédait à la maison. C'était un écran géant, semblable à ceux installés partout dans les rues lors d'Elevation, en moins grand. Cette prouesse technologique était si fine qu'elle se fondait presque dans le mur.
De plus, à différents endroits de la pièce étaient disposées des tables rondes, entourées de chaises, où toutes sortes de jeux étaient posés. Je reconnus un jeu d'échec, un jeu de cartes, et quelques jeux de société. Je m'approchai des canapés pour effleurer leur texture. Bizarrement, l'émerveillement que je ressentais face à cette pièce tout droit sortie du futur avait chassé mon énervement.
J'étais sur le point de m'asseoir dans ces canapés à l'allure très confortable lorsque la porte s'ouvrit. Je me redressai d'un seul coup, surprise. Je le fus encore plus lorsque je vis entrer Kelyo et trois autres filles, avec qui j'avais mangé la veille. Elles me fixèrent toutes, avant de s'installer à une des tables. Je les regardai faire, mal à l'aise, ne sachant pas trop si je devais les ignorer ou m'enfuir de la pièce.
- Tu veux jouer avec nous ? me lança Kelyo.
- Je... ok, bégayai-je, prise au dépourvu par cette proposition à laquelle je ne m'attendais pas, surtout de la part de Kelyo.
Je m'assis donc à la table. Je n'arrivais pas à déterminer si elle m'en voulait par rapport à la veille. Elle semblait assez indifférente, même légèrement plus réservée que d'habitude. Je tentai de faire abstraction de cela et commençai à jouer. Les autres filles étaient gentilles avec moi, ce que je ne leur rendais pas forcément, mais cela leur était égal. Contre toute attente, je passai un agréable moment avec elles.
Il était à présent seize heures. Je décidai de quitter le groupe pour tenter de me reposer un peu avant le moment fatidique, ce soir. Une fois de retour dans ma chambre, je sombrai dans un sommeil léger, de plus en plus anxieuse.
Je fus réveillée par une annonce retentissant dans ma chambre et probablement dans tout le bâtiment. Il s'agissait de la voix de la superviseure, qui nous donnait rendez-vous dans cinq minutes au réfectoire. Je jetai un coup d'oeil à l'horloge. Elle affichait vingt heures. Je pris une grande inspiration. Le moment était venu.
Sans attendre plus longtemps, je me levai et quittai ma chambre. Peu à peu, j'éliminai la tension qui m'habitait tout en descendant les escaliers. J'étais préparée pour ce moment depuis si longtemps. J'étais capable de gérer mon stress. J'allais revenir à ma chambre demain matin. Cette première épreuve éliminait les plus faibles, ceux qui paniquaient facilement et perdaient leurs moyens. Je ne faisais pas partie de ces gens-là.
Arrivée au réfectoire, je constatai que peu de personnes étaient présentes. Je m'assis à une table, ignorant le regard insistant d'Edan. A partir de maintenant et jusqu'à la fin de l'épreuve, je serai imperturbable. Je remarquai que la superviseur, déjà debout face à nous, m'observait du coin de l'oeil. Je déglutis discrètement. Quelque chose me disait que ma crise de nerfs de ce midi était remontée à ses oreilles. Curieusement, elle ne fit pas un seul mouvement vers moi. Je m'étais attendu à une leçon de morale, peut-être même une pénalité. J'étais surprise de voir qu'elle ne semblait pas vouloir me punir pour mon comportement légèrement révolté.
Petit à petit, la salle se remplit. Lorsque tout le monde semblait être arrivée, la superviseur prit la parole, faisant taire les murmures qui résonnaient dans la salle.
- Bien, comme vous vous en doutez, l'heure de la première épreuve est arrivée. Elle va se dérouler dans une autre partie d'Elevation, vous y serez donc conduits en voiture. A votre arrivée sur le lieu de l'épreuve, et pas avant, vous en découvrirez le principe, qui vous sera expliqué sur un écran retransmettant en direct l'émission. Vous assisterez également à la présentation habituelle des Chasseurs. A la seconde où vous poserez le pied hors de ces fourgons, vous serez constamment sous l'oeil des caméras-drones, et observés par Ardysia toute entière. Il y a une caméra par personne, mais l'image de la vôtre sera retransmise à la télé seulement lorsqu'il y aura de l'action, ou occasionnellement, pour voir votre évolution dans l'épreuve. Généralement, la caméra restera en dehors de votre vision pour vous déconcentrer le moins possible, mais ne soyez pas surpris si vous l'apercevez, expliqua-t-elle avec un visage froid qui semblait la caractériser.
Je soufflai lentement. Cela m'agaçait de devoir attendre pour connaître l'épreuve. De plus, être filmée en permanence m'angoissait légèrement. Je n'avais pas l'habitude d'être sous le feu des projecteurs, au centre de l'attention. Tous mes faits et gestes allaient être épiés. Après avoir marqué une légère pause dans son discours, et en constatant que personne ne voulait prendre la parole, la superviseur reprit.
- Je crois que tout est clair, il est donc temps pour vous d'embarquer dans les fourgons. Ils se trouvent à la sortie du centre, conclut-elle, tandis que certains participants se levaient déjà, plus impatients que jamais.
Je suivis le mouvement et me retrouvai rapidement dehors, face à de grosses voitures blindées. L'arrière était aménagé de bancs où des employés installaient déjà des participants. On me saisit par le bras et me poussa à l'intérieur de l'une d'elles. J'étais assise entre deux garçons que je n'avais jamais vu auparavant. En face de moi, par hasard, se trouvait Edan. Voyant son air inquiet, je lui fis un sourire qui se voulait rassurant.
Avant que les employés ne ferment la porte arrière du fourgon, je lançai un dernier regard vers le bâtiment, espérant de tout mon être pouvoir le contempler à nouveau dans quelques heures.
___________
Je vais essayer de poster plus souvent, dites moi si ce rythme vous convient pour le moment ! La première épreuve approche à grand pas, j'ai hâte de vous la faire découvrir ^^
N'hésitez pas à voter et me faire vos critiques, comme d'habitude !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top