Chapitre 6 : Punching-ball

Je me retournai et collai mon dos au mur, avant de jeter ma tête en arrière, la respiration saccadée, le coeur palpitant. Que venait-il juste de se passer ?

____________________________

Perturbée, je franchis rapidement l'espace qui me séparait de mon lit avant de m'effondrer dessus. J'enlevai mes vêtements puis me blottis dans les draps, en décontractant mes muscles, mais néanmoins toujours en pleine réflexion. Ce Chasseur avait quelque chose de particulier, je le sentais. Je ne comprenais d'ailleurs pas son problème avec moi. Son regard envoutant occupait toutes mes pensées, je me repassais en boucle la scène du réfectoire, et celle de la fenêtre. Pourquoi fallait-il que j'ai une vue plongeante sur sa chambre ?

De toute façon, je ne comptais pas lui accorder plus d'attention que cela. Il était mon ennemi dans ce jeu, et je devais me méfier de lui, comme des autres chasseurs, voire même plus. Son côté ténébreux me laissait penser qu'il pouvait être le plus dangereux.

Je m'endormis sur cette pensée, plongeant dans un sommeil sans rêve.

Le lendemain, je me réveillai aux aurores. Je m'étirai lentement. Les rayons du soleil levant perçaient le mince rideau de la fenêtre, créant un halo de lumière dans la pièce.

Je me levai avec lenteur. Il était à peine 7h. J'étais probablement une des seuls à être debout à cette heure-ci. Cela était loin de me déranger, je pouvais profiter du bâtiment encore désert.

Déterminée, essayant d'éviter de repenser aux évènements de la veille, je m'habillai. Je comptais faire un tour à la salle de sport avant d'aller expérimenter les douches communes. Je sortis quelques minutes plus tard de ma chambre, encore légèrement décoiffée, mais après tout, qui se préoccupait de cela ici ?

Certainement cette fille hautaine et superficielle qui avait ouvertement montré son intérêt pour l'un des Chasseurs hier.

J'esquissai un sourire sarcastique à cette pensée, avant de traverser le couloir et de descendre tranquillement les escaliers.

Une fois en bas, je franchis la porte de gauche, en face du réfectoire. Comme je l'avais espéré, la salle de sport était vide. Je fis timidement un pas à l'intérieur. J'étais désormais encerclée par des installations qui m'étaient totalement inconnues. Tous ces appareils ne me tentaient pas particulièrement, en revanche, le punching-ball suspendu au plafond à quelques mètres du ring de boxe m'était familier. J'avançai vers celui-ci, déterminée. Je saisis les gants de boxe posés à côté puis les enfilai.

Je fermai les yeux brièvement en me positionnant en face du sac de frappe. Je respirai lentement, comme me l'avait appris Tray. Je rouvris les yeux, toute pensée parasite s'étant envolé. Je levai mes poings face à mon visage, en position de défense, et envoyai le premier coup.

Je commençai lentement, enchainant les coups de base à un rythme régulier. Mon souffle s'accéléra, et je sentis que je perdais peu à peu le contrôle. Mes coups se faisaient de plus en plus puissants, violents, emplis de rage. Mes poings me faisaient souffrir malgré les épais gants de boxe les entourant. Les yeux embués, je frappais à présent le visage de Marcus. Je me battais contre lui. Contre cette société. Contre ma vie, et celle de ma famille.

Je haïssais du plus profond de mon être cette impuissance qui était la mienne. Je rêvais tant de pouvoir changer les choses, de donner une chance à tous ces gens qui vivaient dans la misère, tous ces jeunes qui risquaient comme moi leur vie pour divertir les riches de l'autre côté de leur écran.

Je ne pouvais plus m'arrêter. Je mitraillais de coups le sac, alternant poings et pieds. Atteignant ma limite physique, je lançai une dernière fois mon pied gauche et frappai d'une violence inouïe le sac, avant de m'immobiliser. Je posai mes mains sur mes cuisses, penchée en avant. Ma respiration était haletante, des gouttes de sueurs dégoulinaient de mon front.

- Jolis enchaînements, retentit une voix derrière moi.

Je sursautai et fis brusquement volte-face. Le garçon qui s'était entêté à me parler la veille se tenait à quelques pas seulement de moi, adossé nonchalamment à un appareil. Il croisa les bras et m'adressa un sourire sincère.

Je haussai un sourcil.

- Depuis combien de temps es-tu là ? l'interrogeai-je, agacée d'avoir été surprise pendant un moment de laisser-aller.

- Depuis assez longtemps pour comprendre que t'es pas le genre de personne à emmerder, me lança-t-il en haussant les épaules.

Je ne pus m'empêcher de sourire discrètement. Je m'accordais enfin avec lui sur un point. Je repris rapidement mon air détaché.

- Alors pourquoi es-tu encore là ? le provoquai-je sans méchanceté.

- Pour faire connaissance et me retrouver du bon côté de la bagarre si jamais une personne décide de t'emmerder, rigola-t-il, et je me surpris à apprécier sa franchise.

Je lâchai un rire bref.

- Comment tu t'appelles ? Moi c'est Edan, continua-t-il.

- Tahlia, répliquai-je gentiment.

- Enchanté Tahlia, maintenant j'espère que tu n'hésiteras pas à me défendre si j'en ai besoin un jour, blagua-t-il, et nous nous rejoignâmes cette fois-ci dans un rire franc.

Il m'avait contre toute attente l'air d'être de bonne compagnie. J'espérais seulement qu'il ne comptait pas sur moi pour former une véritable alliance.

Je me débarrassai des gants, avançai vers lui et le dépassai.

- Navrée Edan, mais la seule personne que je défends n'est autre que moi-même, lançai-je en me retournant vers lui juste avant de sortir de la salle.

Il sourit, pas le moins du monde vexé.

- Je suis sûre que tu ne pourras pas supporter l'idée de m'abandonner, l'entendis-je crier d'un ton faussement dramatique tandis que je quittai la salle.

Sans répondre, je levai les yeux au ciel en riant. Bien que je passais un moment agréable avec lui, j'avais besoin de prendre une douche, et de manière urgente. Je gravis les escaliers jusqu'au premier étage, où étaient situées les douches.

Je pénétrai dans la partie réservée aux filles. A ma grande surprise, elles étaient déjà utilisées par cinq ou six filles. Je me renfrognai en constatant qu'il s'agissait de la fille superficielle et de ses groupies. Je devais avoir passé un certain temps à me défouler pour qu'autant de monde soit à présent réveillé.

Sans un mot, je me faufilai parmi les filles se contemplant dans les miroirs et atteignis une cabine libre. J'attrapai la serviette qui pendait en face de celle-ci et m'enfermai à l'intérieur. Je retirai avec empressement mes vêtements sales et les suspendis à un crochet.

J'observai avec émerveillement l'intérieur de la douche, puis appuyai avec timidité sur le bouton en face de moi. Une douce pluie vint alors caresser ma peau, tombant du plafond. Je jetai la tête en arrière et laissai l'eau purifier mon visage. Cette sensation était indescriptible. J'étais enveloppée d'un halo de vapeur, et je jouissais d'une eau coulant en continu. Sur la rive, dans notre maison, je n'avais aucun des deux.

Tandis que je me savonnais consciencieusement, je prêtai attention sans le vouloir au jacassement permanent de ma voisine de douche, qui n'était autre que la pimbêche en personne.

- Je vous jure, à la première occasion, je le séduis. Ce dieu vivant est à moi, décréta-t-elle, sûre d'elle.

- Rena, c'est un Chasseur, fais attention, la mit en garde une autre fille.

- Justement, il a intérêt à m'offrir quelques avantages pendant les épreuves, en échange de... mes talents, ricana la fameuse Rena.

J'esquissai une grimace de dégout. La façon dont elle criait ses objectifs sur tous les toits m'horripilait au plus haut point. De plus, il n'y avait absolument aucune fierté à vendre son corps en échange de faveurs ou d'argent. J'en savais quelque chose.

Le manque d'argent pouvait parfois pousser à faire des folies. J'avais moi-même sacrifié ma dignité, à l'âge de seize ans, afin de gagner assez de dinors pour faire manger ma famille à sa faim, lorsque nous étions en difficulté. Je me souvenais encore aujourd'hui de la honte et du dégout que j'éprouvais envers moi-même à cette époque.

Cependant, je ressentais quelque chose de nouveau cette fois, à l'entente des absurdités que déblatérait Rena. Comme un léger pincement au coeur à l'idée de l'imaginer partager un moment intime avec ce mystérieux Chasseur... Je secouai la tête. Si elle souhaitait faire un pacte avec le diable, c'était son problème.

Je terminai à contre-coeur ma douche, me séchai rapidement avec la serviette immaculée, dont le blanc m'éblouissait presque, l'enroulai autour de mon corps frêle et sortis de la cabine. Je saisis la tenue soigneusement pliée sur le banc en face de ma cabine. Il s'agissait d'un t-shirt blanc basique et d'un pantalon gris. La propreté des vêtements ne cessait de m'impressionner.

Après être revenue dans la cabine pour m'habiller à l'abris des regards inquisiteurs des autres filles, j'entrepris de me brosser les cheveux devant le miroir.

Chaque coup de brosse était une torture, mes cheveux étaient si emmêlés qu'elle restait parfois bloquée dedans. Je m'observai alors dans le miroir. A la maison, je le faisais rarement. Le seul miroir était cassé et noirci par la vieillesse. De plus, mon reflet ne m'avais jamais particulièrement intéressé.

Cependant, aujourd'hui, c'était différent. Pour la première fois, je pouvais me contempler dans un miroir net, tout en étant propre. Et je me surpris à apprécier ce que je voyais. Mes longs cheveux blonds tombaient en cascade sur mes épaules, contribuant à adoucir mon visage très souvent peu expressif. Mes grands yeux verts analysaient chaque détail, chaque courbe de mon visage, de mon nez fin légèrement en trompette à mes lèvres charnues. Je possédais une seule fossette, sur ma joue droite, que peu de personnes voyaient, puisqu'il était assez rare que je sourie.

A vrai dire, avant d'arriver ici, les seules personnes à m'avoir fait sourire étaient ma mère, mon frère, et Tray. Sourire autant en l'espace d'à peine deux jours était un véritable exploit pour moi.

J'observai à présent mon corps, que je n'avais jamais vu jusqu'à présent habillé de vêtements aussi propres. J'étais de taille moyenne, peut-être légèrement petite. J'avais une taille fine, qui n'était cependant pas très mise en valeur par ce t-shirt ample. En revanche, il permettait de dissimuler la taille de ma poitrine, que je trouvais pour la première fois de ma vie trop petite.

Je fronçai les sourcils à cette pensée. Que me prenait-il ? Nous n'étions pas ici pour un concours de mannequinat, et la taille de ma poitrine ne m'avait jamais posé problème jusqu'à maintenant.

Elevation commençait déjà à me changer, et cela ne me plaisait pas du tout.

________________________

Vous avez à présent une idée d'à quoi ressemble Tahlia ! A partir de mercredi je posterai plus régulièrement car j'aurais passé mes partiels, ça sera les vacances :)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top