Chapitre 8-1

*Modifié le 15.04.22*


Dans un grognement agacé il tendit le bras pour se saisir de son portable tandis que je me dégageais doucement de son étreinte.

— Oui ! aboya-t-il dans l'appareil, d'un ton traduisant tout son agacement d'être dérangé.

— Vous êtes où chef ? finit par demander Allistaire après une hésitation. Nous avons ramené tous les journalistes au poste comme vous nous l'avez demandé et...

— ... ils ne sont pas contents ? ça je m'en doute et je m'en fou ! Gardez-les au chaud, on arrive. On est sur le parking.

— Vous êtes tombés en panne... ?

Seule la tonalité lui répondit puisque Worth lui raccrocha au nez d'un mouvement rageur du pouce.

— Puisque tu as tout entendu, tu sais ce qui nous attend, me dit-il dans un soupir las tandis qu'il déverrouillait les portières dans un petit bip.

Au lieu de me ruer à l'extérieur comme j'en mourrais d'envie encore quelques minutes auparavant, je restais assise sur mon siège crasseux, cherchant mes mots pour ne pas le brusquer.

— Désolée mais... je ne vais pas venir avec toi.

— Pourquoi ? me demanda-t-il simplement d'un ton neutre, son visage ayant instantanément repris son masque froid et impersonnel de flic.

— Je vois, à ton visage, ce que tu penses, mais ce n'est pas à cause de ce qu'il vient de se passer entre nous.

— Je suis si transparent que ça ?

— Disons que je ne suis pas la seule à enfiler une armure pour me protéger et la tienne n'est pas plus subtile que la mienne.

Il partit d'un éclat de rire bref qui alluma ses yeux l'espace d'une seconde, avant que la résignation et la tristesse ne viennent les ternir de nouveau.

— Je te rappelle quand même que je t'ai adjointe à l'enquête. Qu'as-tu donc de plus urgent à faire que d'apprendre d'où ces foutus grattes papiers tiennent leurs infos ?

— Je dois me changer, lui répondis-je ravie de voir l'expression de son visage devant cette réponse on ne peut plus superficielle qui m'allait si bien lorsqu'on ne me connaissait pas.

— Te changer ? Je crois que ton magnifique tailleur haute couture n'a plus rien à sauver dans l'immédiat, alors pourquoi cette urgence tout à coup ?

— J'ai une réception ce soir, lui expliquai-je dans un soupir. Je ne comptais pas y aller, mais ce qu'a dit ce journaliste m'a fait changer d'avis.

— L'implication de Brandon Frye ?

— Cet homme est une énigme. Il est vindicatif, ouvertement anti-métamorphe et il y a deux mois de cela personne n'avait jamais entendu parler de lui. Qu'il se revendique en leader et soit invité au gala pro-paix de ce soir est...

— ... Étrange ?

— D'autant plus étrange que personne ne l'a jamais vu, repris-je complétant son intervention. Pour être franche, jusqu'à maintenant, je croyais que ce n'était qu'une invention pour faire monter la pression entre les deux camps avant le vote final.

— D'accord, je vois où tu veux en venir, mais quel rapport avec mon enquête ? Tu penses que Kane pourrait être derrière tout ça ?

— Pas toi ?!

— ça me parait un peu tiré par les cheveux mais après tout, tout est possible...

— Surtout avec lui, murmurai-je en posant enfin ma main sur la poignée de la portière. Mon instinct me dit qu'il y a quelque chose de pas net dans cette subite invitation. À ta place, je m'intéresserai particulièrement au journaliste qui a lâché l'info.

— Oh mais ne t''inquiète pas, c'était prévu, me répondit-il, un éclat meurtrier dans le regard. Mais je préférerai que tu m'aides à le cuisiner plutôt que...

— Je dois en avoir le cœur net, tu comprends ?

— Admettons que tu aies raison et que Kane soit là, tu feras quoi ?!

La question résonna comme une accusation dans l'habitacle silencieux.

— Ce sera une réception de plusieurs centaines de personnes, même s'il osait s'y montrer, ce qui m'étonnerait, il ne pourrait rien tenter.

— Tu es absolument certaine de ça ?

— Oui, mentis-je sans hésiter. De toute manière, ma présence est quasiment obligatoire. Je n'avais prévu que d'y faire une apparition en milieu de soirée mais là, je vais devoir me la coltiner en entier. Sans même parler de Frye, avec les gros titres que ne manquera pas de faire la presse sur mon « implication » dans ton enquête, mon absence signerait un aveu de faiblesse que les miens et moi-même ne pouvons pas nous permettre.

Il acquiesça à contrecœur mais je compris à son visage fermé qu'il était résigné mais pas convaincue.

— C'est à quelle heure ta... réception ?

— Dix-neuf heures trente, pourquoi ? lui demandai-je d'un ton suspicieux.

— Parce qu'il est hors de question que tu y ailles seule, me répondit-il sans surprise, tandis que je faisais une magnifique grimace intérieure. Il est déjà presque quinze heures, ça va être juste, commenta-t-il pour lui-même en regardant sa montre, mais je devrais pouvoir te rejoindre sur place. Donne-moi l'adresse.

Pendant une seconde, l'idée de l'assommer me traversa l'esprit, mais comme son entêtement partait d'un bon sentiment je ne dis rien. Il allait pourtant falloir que je trouve les bons arguments pour le dissuader. Ce moment d'égarement, certes agréable, ne devait être et rester que cela, un moment d'égarement. Je devais m'éloigner de lui, au moins pour le moment, le temps de m'éclaircir les idées.

— Tu as conscience que je la trouverais avec ou sans ton aide ? dit-il finalement pour combler le silence qui s'éternisait de mon côté.

— Écoute ce n'est pas une bonne idée que tu viennes. Je ne vais jamais à ce genre de soirée accompagnée et désolée, mais ils comprendront en une seconde que tu es un flic.

— Emmène Monroe dans ce cas ! me rétorqua-t-il du tac au tac, un demi-sourire rageur au coin des lèvres.

— Ta plaisanterie ne fait rire que toi.

— Mais ce n'est pas une plaisanterie. Si tu ne veux pas être vue avec un flic, et surtout moi, en dehors du boulot et bien emmène Monroe ! Ce qui m'importe à moi c'est que tu sois protégée ! m'assena-t-il méchamment, une rancœur amère faisant ressortir les paillettes bleutées au milieu du vert de ses pupilles.

— Parce que tu crois vraiment que j'ai besoin de la protection de cette... grue ! J'ai eu un moment de faiblesse en venant te demander ton aide, je le reconnais ! avouai-je avec amertume. Mais si je devais me retrouver devant Kane...

— ... dit plutôt, quand tu te retrouveras devant lui ! Ce type est un violeur psychopathe et il te traque ! Ouvre les yeux bon sang ! Métamorphe ou pas, tu auras besoin d'aide et de protection sur ce coup ! Que ça te plaise ou non, tu es une victime dans cette affaire.

— Et je me suis conduite comme telle en venant te voir, la queue entre les jambes ! crachai-je pleine de colère et de dégout envers moi-même. J'ai été faible et en faisant cela, je t'ai mis en danger ! Je n'ai pas réfléchi, j'ai...

— Tu as eu une réaction normale et appropriée, me dit-il d'une voix plus douce en me prenant la main. Tu es venue me voir instinctivement car tu sais que tu peux me faire confiance, alors continue... laisse-moi t'accompagner, je serais plus tranquille. Cette réception ne me dit rien qui vaille.

— Contrairement à ce que tu penses, je n'ai aucunement honte de toi, mais je ne peux pas amener un flic à ce genre de soirée.

— Dois-je te rappeler que tu en es partiellement une pour quelques jours ?

— C'est différent et tu le sais très bien.

— Bon, je viendrai et je resterai discret, tu ne me verras pas mais tu sauras que je suis là, au cas où, insista-t-il d'un ton déterminé et la bouche pincé en une ligne dure qui signifiait qu'il ne changerait pas d'avis.

— Tu es impossible ! grommelai-je en ouvrant la portière d'un geste brusque, traduisant mon énervement.

Je sortis, non sans difficulté, de l'habitacle étroit cherchant fébrilement comment faire entendre raison à cette tête de mule. Il ne fallait pas qu'il m'accompagne. Pour une tonne de bonnes raisons, mais surtout car j'avais besoin de m'éloigner de lui, pour que le lien ne se renforce pas d'avantage.

— Retrouve-moi chez moi à dix-neuf heures, m'entendis-je lui dire comme si c'était une autre personne qui parlait.

— Tu me prends pour un idiot ! Tu viens de me dire que la réception commençait à dix-neuf heure !

— Il est toujours de bon ton, d'arriver en retard ! lui rétorquai-je en m'éloignant pour rejoindre ma voiture.

— Au fait, tu ne m'as pas donné ton adresse ! m'interpella-t-il en sortant à son tour du véhicule.

— Tu trouveras, lui dis-je en me retournant avec un demi-sourire, tout en me demandant comment j'allais bien pouvoir me sortir de ce guêpier. 

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