Chapitre 5-2

*Modifié le 25.03.22*



A pas prudent, je pénétrai à l'intérieur du hall aseptisé où je n'avais mis les pieds qu'en de rares occasions et seulement contrainte et forcée. Mon soi-disant bureau avait beau se trouver dans cet immeuble pompeux j'avais, jusqu'à présent, réussi à réduire mes visites au stricte nécessaire.

Un écusson prétentieux fait de cinq lettres entrelacées, trônait, enchâssé dans le dallage blanc recouvrant le sol. Deux gardes, aussi baraqués qu'uniquement décoratif, montaient la garde de chaque côté des portes vitrés leurs regard inexpressifs braqués sur le vide. À tel point, qu'ils bougèrent à peine lorsque nous nous avançâmes, nos pas résonnant dans l'espace inutilement vaste.

Il leur fallut trente bonnes secondes pour comprendre ce qu'ils voyaient réellement et réagir enfin !

— Halte ! Lâchez vos armes ! hurla l'un des deux gorilles en sortant maladroitement un tazer d'un holster de ceinture.

— Vous ne pouvez pas pénétrer ici, armé ! beugla inutilement le second, une seconde après.

— Police ! leur répliqua calmement Worth en brandissant son insigne sous le nez des deux colosses. Brigades des créatures surnaturelles, cru-t-il bon de préciser lorsque deux nouveaux membres de la sécurité à l'air beaucoup plus professionnel firent soudain irruption, semblant sortir de nulle-part.

Je vis Allistaire et Monroe échanger un coup d'œil surpris et dubitatif pour enfin reporter leur regard suspicieux sur moi. Pas besoin d'être télépathe pour deviner ce qu'ils pensaient ! Comment une bande de métamorphes agressifs avait-elle pu pénétrer ce bunker sécurisé alors que tout paraissait calme et sous contrôle ?

— Ce n'est pas un piège et je ne fabule pas, leur répliquai-je sèchement et avec aplomb tandis que Worth terminait de s'expliquer avec le chef de la sécurité.

Ne souhaitant pas perdre de temps inutilement et jugeant plus sûre d'acquérir un minimum d'informations avant de nous jeter dans la gueule du loup, je m'approchai du comptoir central. Une jeune femme en tailleur bleu attendait, droite comme un I, un sourire professionnel et factice rivé à ses lèvres glossées à la perfection.

— Bonjour madame, que puis-je faire pour vous ?

Une forte envie de la secouer me saisit, mais stoïquement je parvins à résister.

— Vous avez eu beaucoup de visite aujourd'hui ? Quelque chose qui sorte de l'ordinaire ? lui demandai-je.

— Non. Quelques livreurs, les rendez-vous programmés et... si, attendez... un homme s'est présenté sans rendez-vous.

— Il venait voir qui ? l'interrogeai-je avec un mauvais pressentiment et d'une voix pressante voyant qu'elle ne comptait pas me le dire d'elle-même.

— La représentante des métamorphes, Mademoiselle Moore, me dit-elle sans se rendre compte une seule seconde que c'était moi.

Qu'elle ne me connaisse pas me changeait agréablement, mais c'était tout de même plus que curieux ! Avis à l'évidence partagé par Worth qui nous rejoint à ce moment précis.

— Vous êtes là depuis quand ? lui demanda-t-il hargneusement, en posant ostensiblement son insigne sur le plateau en bois lustré.

— Depuis deux jours. Je suis intérimaire, lui répondit-elle précipitamment d'une voix aigüe, intimidée par son manège.

— Et vous ne regardez jamais la télévision ? Pas plus que vous ne vous êtes pas renseigné sur les gens pour qui vous travaillez, apparemment ?!

— Heu... non. Je n'ai pas eu le temps, en deux jours... je ne fais que l'accueil et...

— Vous avez déjà rencontré Hannah Moore, je suppose ? intervint Monroe la main se rapprochant discrètement de son arme.

Je sentais la tension s'épaissir tout autour de nous au même rythme que les hésitations et bredouillement de la pauvre secrétaire paniquée. Mes compagnons semblaient croire que cette pauvre chose pouvait être une métamorphe infiltrée mais il n'en était rien. J'en aurais mis ma main à couper et Worth aurait dû le sentir aussi, du moins je le supposais.

— N...non, répondait-elle en bégayant de plus en plus, intimidée par les regards hostiles fixés sur elle.

— Peu importe ! dis-je fermement pour leur faire comprendre qu'il faisait fausse route sans trop en dire. Cet homme il ressemblait à quoi et que lui avez-vous dit ?

— Il était brun, grand, bien habillé et... plutôt class, termina-t-elle en rougissant comme une midinette.

Worth leva les yeux au ciel et je cru un instant qu'il allait sauter par-dessus le comptoir pour aller secouer la jeune écervelée.

— Vous l'avez laissé monter ? demanda Allistaire, d'une voix résignée.

— Non, bien sûr que non ! s'offusqua-t-elle en reprenant un peu confiance en elle. Je lui ai dit que Mademoiselle Moore n'était pas là et que pour la rencontrer il devait prendre un rendez-vous comme tout le monde.

— Comment a-t-il réagit ?

— Bien. Il a juste dit qu'il repasserait et il est sorti.

Worth me lança un regard surpris, vite suivit par ses deux collègues.

— C'était il y a longtemps ? lui demandai-je, pas dupe une seconde des apparences.

— Une heure environ.

Sans prendre la peine de la remercier, je les plantai là et me dirigeai rapidement vers les ascenseurs situés de l'autre côté du hall. J'entendis les trois flics m'emboiter le pas en maugréant. La porte de la cabine s'ouvrit à peine une demi-seconde après que j'eusse appuyé sur le bouton d'appel et je m'engouffrai à l'intérieur, une appréhension sourde rivée au corps.

La cabine spacieuse et silencieuse s'élança dans un léger chuintement aussitôt les portes refermées, il ne manquait que la musique d'ascenseur ridicule pour ajouter au surréalisme du moment. Cette pensée incongrue me fit presque sourire, mais la peur de ce que nous allions trouver au quinzième étage de ce building m'en empêcha.

Personne ne parlait. Les visages étaient anxieux et fermés et mes trois compagnons tenaient leurs armes fermement serrées dans leurs mains crispées. Ils appréhendaient tout comme moi ce que nous allions découvrir lorsque les portes s'ouvriraient, mais pas pour les mêmes raisons.

Monroe et Allistaire ressentaient surtout la peur de l'inconnu et de leur premier potentiel combat contre un ennemi plus fort qu'eux. Worth de son côté savait très bien à quoi s'attendre, c'est-à-dire à tout. Je le ressentais au fond de moi. Il avait hâte d'en découdre. L'action intense qu'il avait découverte et vécue auprès de nous lors des évènements qui avaient menés à la révélation de notre espèce lui manquait. Il s'était lui aussi révélé à lui-même à cette occasion découvrant qu'il était en partie un élémentaire et qu'il pouvait contrôler les quatre éléments, enfin en théorie. Cette envie primaire se combinait à sa peur des dommages collatéraux et à ce que nous allions découvrir mais surtout, il crevait d'envie d'étriper à main nue l'homme responsable de la peur intense et tenace qui émanait de moi et qu'il partageait à l'instant, comme je partageais ses sentiments.

Nos regards se rivèrent l'un à l'autre, exprimant la complexité et l'intensité de l'échange émotionnel que nous étions en train d'expérimenter. Toute l'ambiguïté des sentiments de Worth me percutèrent soudain lorsque, sans s'en rendre compte, il laissa tomber ses défenses. Le plus prégnant était sa frustration et son attirance. Une attirance pour moi qu'il savait ne pas être partagée et qu'il jugeait déplacée et malvenue. Cette révélation me laissa abasourdie et perdue car je compris à ce moment-là, qu'au fond de moi, je ressentais la même chose. Paniquée, je tentai de dresser un mur invisible et infranchissable entre nous tandis que je brisais le contact visuel.

Au même moment les portes s'ouvrirent dans un petit ding, tandis qu'une odeur de sang emplissait la cabine, réveillant tous mes instincts.

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*Référence à la trilogie « Métamorphose » Féline – Chimère et Symbiose.


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Bon, il y a encore de gros soucis avec Wattpad :-(

Les notifications de mises à jour ne passent pas ! Pour vous montrer à quel point ça débloque, je venais de poster ce chapitre et Wattpad a marqué :

Mis à jour il y a 8 heures - le 10 janvier 2018 !!!!!!

Je crois que l'apli a trop abusé du champagne pendant les fêtes O_Q

J'espère malgré tout que vous aurez l'info (un jour) et accès à ce chapitre :-)

Des bisous <3

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