Chapitre 5-1

*Modifié le 25.03.22*


À la vue de nos mines défaites, ils arrêtèrent net leur discussion.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

La voix de Monroe nous sortit de notre stupeur momentanée, nous replongeant dans l'horreur que ce que nous venions de découvrir impliquait sûrement.

— On vous expliquera en route, lui répondit Worth en se dirigeant rapidement vers la porte. Merci Mag, prit-il le temps de lancer à l'analyste malgré l'urgence de la situation.

— Vous avez besoin de renfort ? demanda-t-elle alors que nous étions déjà dans le couloir, les deux inspecteurs perplexes mais efficaces, nous suivant sans rien dire.

Worth se tourna vers moi, m'interrogeant du regard. Je comprenais la raison de ce questionnement silencieux. Savoir si, de mon avis de métamorphe, impliquer d'autres policiers ne serait pas une erreur funeste, sans perdre la face devant ses hommes. Je lui répondis par un petit signe de tête négatif, c'était trop risqué à ce stade. Je n'avais pas la moindre idée de ce que trafiquait Kane exactement, ni s'il était seul ou non. Exposer des humains, même armés, aurait été idiot.

— On va déjà évaluer la situation, Mag, lui répondit-il. Reste à l'écoute.

— Pas de problème, lui répondit-elle alors que nous déambulions déjà dans les couloirs.

— Du nouveau ? demanda Allistaire à l'instant où Worth poussait la porte de communication qui s'ouvrit dans un bourdonnement nasal.

— Ce salaud s'en est peut-être prit à la secrétaire d'Hannah. Du moins, c'est ce qu'il veut nous faire croire, lui répondit-il en se dirigeant vers le bureau d'accueil, nous faisant signe de l'attendre.

Il s'entretint quelques secondes avec l'agent de garde, avant de revenir vers nous et de me tendre une petite carte plastifiée, agrémenté d'une lanière en coton noir pour pouvoir la porter autour du cou. Même si je savais ce que c'était, je pris quand même le temps de lire ce qui était inscrit dessus.

Hannah Moore – Consultante à titre exceptionnel

Section C.S

— Met-là, m'ordonna-t-il. Elle doit toujours être visible lorsque nous serons sur le terrain.

Ulcérée par son ton et le ridicule consommé de la situation, je saisis le cordon à pleine main et en le regardant dans les yeux, l'arrachai d'un coup sec.

— Dans ma poche, elle sera très bien, lui affirmai-je avec mon plus beau sourire froid. Je la montrerai en cas de besoin, pas utile de ressembler à un VRP en séminaire, merci bien.

— Oh, madame tient à son look ! ne put s'empêcher de la ramener Monroe d'un ton perfide.

— Je tiens surtout à votre budget administratif, lui répondis-je avec mon plus beau sourire faux. Si vous voulez que votre précieuse petite carte survive pus d'une heure aux genres d'ennuis qui me tombent dessus habituellement... elle sera mieux dans ma poche, lui susurrai-je, mesquinement ravie de son bref changement de couleur.

Toutes ces piques étaient puériles et inutiles mais avaient au moins l'avantage de détourner momentanément mon attention de ce qui nous attendait au 3403 Templeton Road.

— Quand vous aurez fini de vous crêper le chignon, on pourra peut-être y aller ? nous épingla Worth en se dirigeant vers la sortie. Hannah, tu restes avec nous, on ne se sépare pas, me dit-il en voyant que je commençai à chercher mes clefs de voiture.

Une réplique cinglante allait franchir mes lèvres lorsque, en même temps que l'air encore tiède de cette fin d'été, un troupeau de journaliste armés de micro et de caméras, nous entourèrent sortant de nulle part.

— Mademoiselle Moore ! C'est vrai que vous participez à une enquête de police ?

— Vous êtes accusée de quoi ?

— Le gouvernement ne veut plus de vous ? Vous vous recyclez ?

Les questions fusaient de toutes parts, alors que les appareils photos se déchainaient et que les micros se pressaient devant mon visage. Comment avaient-ils pu savoir que j'étais ici ? Certainement un des flics du commissariat qui avait eu envie de faire le buzz et avait sans doute poster une photo sur le net ! Constatant que mes trois compagnons ne savaient pas vraiment comment réagir devant cette invasion journalistique, je décidai de prendre les choses en main, malheureusement habituée à cet exécrable exercice depuis quelques mois.

— Ce n'est pas à moi de répondre à cette question.

— Si c'était vrai je ne serais pas ici !

— Et... la même réponse que d'habitude... secret défense ! débitai-je comme une mitraillette aux trois journalistes tenaces qui avaient, depuis quelques mois, pour seule et unique mission celle de me pourrir la vie.

Puis, fonçant au travers de la demi-douzaine de personne agglutinée devant nous, je nous frayai un passage en écartant sans ménagement tout ce qui se trouvait sur mon chemin, toujours harcelée par des questions toutes plus idiotes et intrusives les unes que les autres.

— C'est quoi ce cirque ? me demanda Worth en me rattrapant et en m'agrippant par le bras.

— Demande à tes collègues ! lui répondis-je ulcérée en me dégageant brusquement. Quelqu'un a dû les prévenir ou poster bêtement une photo sur les réseaux sociaux.

— Merde ! pesta-t-il alors qu'il déverrouillait l'un des tas de ferraille blanc, rouillé et cabossé garé sur le parking. Tu es vraiment accréditée secret défense ?

— Tu ne veux pas qu'on prenne ma voiture, plutôt ? lui demandai-je à mon tour sans répondre à sa question.

— Monte, m'ordonna-t-il dans un grondement excédé alors qu'Allistaire, déjà au volant, faisait vrombir le moteur, prêt à fuir la horde de journaliste qui se rapprochait.

N'ayant pas vraiment d'autre choix, je m'exécutai à contrecœur, me retrouvant à l'arrière avec l'inspecteur Monroe. L'habitacle était encore plus pouilleux que l'extérieur, les sièges en skaï étaient déchirés et recouvert de tâches suspectes, quant à la ceinture de sécurité elle était sale et poisseuse. À tel point que j'abandonnai l'idée de la boucler. Allistaire démarra en trombe, manquant me coller à mon siège, ce que je préférai éviter.

— Pour une fois, je suis d'accord avec elle, dit Monroe. On aurait dû prendre sa voiture. Pourquoi utiliser cette poubelle ?

— Parce que je sais les dégâts que peux provoquer une rencontre avec des métamorphes, lui répondit sèchement Worth. Autant ne pas risquer d'abimer les rares véhicules en état que nous possédons encore.

— Mais tu t'attends à quoi là-bas ? lui demanda Allistaire d'un ton légèrement inquiet.

— A tout, répondit l'inspecteur dans un murmure sinistre, tandis qu'il ouvrait la boite à gant.

Je n'étais pas certaine que les deux inspecteurs aient entendu sa réponse, mais c'était sans doute mieux ainsi. Je ne pouvais pas le blâmer pour son pessimisme, l'aperçut qu'il avait eu de notre monde jusqu'à présent n'était clairement pas à notre avantage.

— Merde ! entendis-je Allistaire ronchonner. Ces mecs sont pires que des sangsues ! Je les sème ? demanda-t-il à Worth, son regard rivé sur le rétroviseur.

— Oui, vas-y.

— Mettez votre ceinture, nous prévint Allistaire en négociant un virage brusque au frein à main, espérant, par cette manœuvre acrobatique, gagner de précieuses secondes sur nos poursuivants.

— Je n'en ai pas besoin, lui précisai-je avec un demi-sourire lorsqu'il me lança un regard appuyé par le truchement du rétroviseur, constatant que je n'avais pas obtempéré.

— Peut-être, mais même si un accident ne te tuerait pas, je préférerai ne pas avoir à désincarcérer ton corps d'une carcasse tordue, me rétorqua Worth d'une voix coléreuse. Boucle ta ceinture ! m'ordonna-t-il tandis qu'un nouveau virage serré nous projetait durement contre la portière.

Je mourrais d'envie de répliquer mais par égard pour son aide et son soutient, ne le fis pas. Pas plus que je n'attachai ma ceinture, d'ailleurs. Je vis que Monroe crevait d'envie de me faire une remarque mais elle n'en eut pas le temps.

— Pense à te garer hors de vue de l'immeuble, ordonna Worth à son collègue en se retournant pour tendre un chargeur à Monroe. Changez vos munitions, leur dit-il alors qu'il éjectait son propre chargeur pour le remplacer par un nouveau.

— Qu'est-ce que c'est ? lui demanda-t-elle en fixant l'étrange symbole gravé sur le métal noir.

— Attend, ne me dit pas que c'est ce que je crois ? demandai-je à Worth d'une voix blanche.

Il ne me répondit pas, se contentant de fixer son arme avec application, sans me regarder.

— Ce sont les munitions expérimentales de Shaw ? Dis-moi que vous ne vous servez pas des inventions de ce malade ?

— Parce que tu crois que l'on a beaucoup d'autre choix ? riposta-t-il avec colère en se tournant enfin vers moi. On ne les utilise qu'en dernier recours, c'est même la première fois que j'en équipe mon arme et mes hommes. Mais si le peu que tu nous as appris sur ce Kane est vrai, elles ne seront pas de trop, tu ne crois pas ?

À mon tour, je ne répondis pas, trop choquée et en colère pour cela. Son raisonnement se tenait, mais je ne pouvais tout simplement pas cautionner l'utilisation des inventions de ce psychopathe.

— Qu'est-ce que c'est exactement ? demanda à son tour Allistaire à Worth qui venait d'ouvrir sa portière.

— Et qui est ce Shaw ? demanda Monroe presque simultanément.

Shaw... la vision de Worth torturé, mourant... de métamorphes emprisonnés et chassés comme des animaux... tout cela nous le devions à Shaw. Un savant engagé par une branche obscure de l'armée lorsqu'ils avaient découvert notre existence. Chargé de nous « étudier » et de comprendre nos « particularités », il s'était lancé dans une vague d'enlèvement à grande échelle, parquant ceux qu'ils capturaient dans des laboratoires expérimentaux. C'était en cherchant les disparus que j'avais rencontré Worth et découvert les délicieuses inventions de Shaw. Entre autres, un alliage anti-métamorphe, dont j'avais failli ne pas réchapper et dont était enduite ces fameuses munitions.

— Qu'ont-elles de spéciale ? revint à la charge Allistaire en ouvrant sa portière.

— Ce sont des munitions efficaces contre les métamorphes, essayez juste de ne pas viser Hannah ! lui répondit Worth en évitant mon regard. Allez, on se bouge.

Je m'extirpai de l'habitacle nauséabond en une demi-seconde tellement j'étais en colère. Une colère vibrante et implacable mâtinée de peur, d'appréhension et de... dégout. Dégout de devoir utiliser ces horribles balles et impuissance de ne pas avoir le choix. Ces derniers sentiments qui n'émanaient clairement pas de moi me firent l'effet d'une gifle.

— Hannah n'a pas d'arme ? demanda Allistaire surpris en constatant que j'étais la seule non équipé d'un flingue.

— Pas besoin, m'empressai-je de lui répondre en prenant la tête du groupe. Je me suffis à moi-même, ajoutai-je en jetant un regard assassin à Worth qui me le rendit au centuple lorsque je le dépassai.

Ma démarche rageuse se calma bien vite lorsque nous arrivâmes en vue de la tour de verre flambant neuve qui abritait les bureaux de l'A.C.M.C.N

Tout paraissait calme, trop calme, me dis-je en m'approchant des portes de verres qui s'ouvrirent devant nous dans un chuintement feutré.


Agence de Contrôle des Métamorphes et de la culture non-humaine. 




*Agence de Contrôle des Métamorphes et de la culture non-humaine.

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