Chapitre 44-1
Les mots me frappèrent comme une flèche en plein cœur et je me sentis vaciller, me retenant au chambranle d'une main tremblante.
— Où ça ? demandai-je, me reprenant aussitôt.
Montrer ma peur, même légitime, ne servirait qu'à paniquer encore plus ceux qui m'entouraient. Ils avaient besoin de la Hannah pragmatique et efficace, et non de la nouvelle écervelée émotive que j'étais en train de devenir. Même si les deux avaient leurs avantages, je mis mes craintes et mes émotions de côté avant de me redresser et de fixer Connors qui ne m'avait toujours pas répondu.
— Je n'en sais rien ! Riverdale... enfin Ri quelque chose, m'a seulement dit de venir vous chercher.
Malgré la situation catastrophique, je faillis éclater de rire. River allait adorer, si j'avais un jour la chance de pouvoir le lui raconter, ne pus-je m'empêcher de penser. Cette idée lugubre chassant aussitôt toute velléité de gaité.
— Où est Worth ?
— Resté avec Jude, ils vous attendent.
Momentanément rassuré, tout au moins sur un point, je sentis la panique desserrer légèrement son poing sur mon cœur. Jude n'était pas parti combattre avec les autres, cela voulait dire que nous avions encore un peu de temps devant nous, du moins je voulais y croire.
— Que se passe-t-il ? demanda soudain Monroe en sortant à pas lent de la salle de bain, grimaçante et le corps malhabilement entouré d'une serviette.
Les instincts de médecin de Cooper prirent aussitôt l'ascendant, et il se précipita vers elle avant que je n'aie eu le temps d'ouvrir la bouche.
— Pourquoi personne ne l'a soigné ? jura-t-il entre ses dents en me jetant un regard noir.
— Parce que je... je ne voulais pas que l'on m'approche, lui répondit Monroe d'une voix tremblante et les yeux exorbités, cherchant à reculer maladroitement devant un Cooper surpris de son attitude.
— Il est médecin, vous pouvez lui faire confiance, tentai-je de la rassurer, de plus en plus inquiète et pressée de rejoindre les autres.
— Votre offre de m'aider ne tient plus ?
— Kane est passé à l'offensive, je dois rejoindre les autres au plus vite. Cooper pourra s'en charger s'en problème.
— Me charger de quoi ? D'une transfusion... spéciale ? me demanda-t-il après que son regard fut passé de Monroe à moi.
Il pigeait vite ! Mon dieu que c'était reposant, ne pus-je m'empêcher de penser en lui répondant d'un signe de tête. Loup-garou ou pas, j'appréciais de plus en plus ce gamin.
— Je m'en occupe, me confirma-t-il alors que j'étais déjà à moitié dans le couloir.
J'entendis Monroe m'appeler d'une voix chevrotante et à la limite de la panique mais je ne m'arrêtai pas. Si le plan tenait toujours et si elle voulait avoir un rôle à y jouer, elle allait devoir prendre sur elle, sinon autant qu'elle reste ici. J'avais conscience que mon attitude était dure, mais nous n'avions pas le temps pour une thérapie. Je traversais les galeries et couloirs au pas de course, guettant le moindre cri, son, ou bruit caractéristiques d'une lutte ou de l'usage d'une arme. Mais lorsque j'arrivai en vue de l'endroit où m'attendaient Jude et Gabriel, rien n'indiquait qu'une attaque était en cours.
— Jude, quelles sont les pertes ? Ils ont besoin d'aide ? Tu...
— Je veux que tu te prépares à partir, m'interrompit-il d'un sans réplique malgré l'inquiétude qui voilait son regard.
— Quoi ? Tu plaisantes ? On ne peut pas partir en vous laissant les affronter seuls ?
— Bien sûr que tu peux, et tu vas le faire.
— C'est hors de question ! Je ne vous abandonne pas.
— Il faut qu'ils te voient partir, intervint Gabriel tandis qu'il tapait sur une dernière touche du clavier avant de se tourner vers nous. L'approche furtive c'est terminée, nous avons laissé passer notre chance.
— Nous avons dû improviser et adapter un peu le plan initial, grimaça Jude avant d'aboyer un ordre à quelqu'un par l'arche de pierre menant vers l'extérieur.
— Tu vas partir par la voie des airs, comme prévu, mais tu ne seras pas seule. D'autres aigles t'accompagneront pour faire diversion.
— C'est trop risqué...
— Peut-être mais on a plus le choix ! me contra aussitôt Jude. Si cela peut te consoler, ce ne sont que des volontaires. Entre risquer une dizaine de vies et des centaines, ils ont vite fait le calcul. Ils sont en train de changer. Le départ est prévu dans dix minutes. Je te rejoins là-haut, termina-t-il en sortant en trombe.
Je restai sans bouger, le regard fixé sur le vide, ayant du mal à réaliser. Je n'avais pas peur de l'action, des risques, ou même du combat à venir, j'avais plutôt hâte que tout cela se termine pour être honnête. Et d'une façon ou d'une autre cela allait être le cas. Je craignais de ne plus jamais revoir Worth, compris-je lorsque je sentis les bras de ce dernier m'enlacer doucement. Son étreinte forte et rassurante me fit prendre conscience que je tremblais, tandis que je me laisser aller dans sa douce chaleur réconfortante.
— C'est quoi le plan B, pour toi ?
— Toujours le même, l'avion nous attend. J'espère juste que le pilote est bon, car il va y avoir de la brume ! plaisanta-t-il doucement tout en me mordillant doucement le lobe de l'oreille.
— Vous partez quand ? demandai-je d'une voix légèrement rauque.
— Dès que j'aurais aidé Jude à couvrir vos arrières. On va vous faire décoller en deux groupes, à deux endroits différents, en prenant bien garde de faire monter la brume quelques minutes avant.
— Pour qu'ils divisent leurs forces, compris-je en me retournant entre ses bras. Malin !
— Il m'arrive d'avoir mes moments, me répondit-il avec un petit sourire, avant de m'embrasser tendrement. Je suis certain que ça va bien se passer.
— Pas pour tout le monde...
— Qui sait ? Peut-être que si. Il faut y croire Hannah. Sinon autant attendre que ce salaud vienne nous chercher.
— Je n'aime pas que l'on soit séparé. Et si eux aussi divisaient pour mieux régner ?
En le disant, je compris d'où venait vraiment mon malaise. Ils attaquaient vraiment pile au bon moment pour nous désorganiser et nous faire prendre des risques. Était-ce du bluff ? Un coup de chance ? Ou...
— Chuuut, me bâillonna aussitôt Gabriel d'un baiser. T'inquiète, nous y avons pensé aussi. Tous ceux qui te servirons de doublures sont dignes de confiance, d'après Jude. Surveille quand même tes arrières on ne sait jamais, on s'occupe du reste, m'expliqua-t-il dans un souffle à peine audible au creux de mon oreille.
Un traitre. Il ne manquerait plus qu'un traitre dans nos rangs ! pensai-je en savourant les dernières secondes de notre étreinte, ayant reconnu le pas caractéristique de Jude dans le couloir.
— C'est le moment, tu es prête ?
J'acquiesçai, bien qu'à contrecœur, n'ayant aucune envie de quitter mes amis en les laissant en si fâcheuse posture. Pourtant je suivis Jude, ma main dans celle de Gabriel, essayant de profiter de sa chaleur et de son soutien le plus longtemps possible. Nous sortîmes et gravîmes toute une volée d'escalier qui nous laissa légèrement essoufflés une fois parvenu en haut. Tout une série de coursives en bois habilement dissimulées, s'accrochaient sur la falaise permettant de circuler sans être vue d'en bas. Nous marchâmes encore quelques minutes, jusqu'à rejoindre un groupe de cinq magnifiques aigles, tous brun comme moi, qui nous attendaient perchés sur les rambardes.
— Je vais aller me poster de l'autre côté, nous dit Jude. Attend mon signal, ajouta-t-il à l'intention de Worth, qui commença à se concentrer aussitôt qu'il eut tourner les talons.
Je sentis l'énergie crépiter autour de lui et par réflexe, me reculai de quelques pas pour ne pas le déranger.
« Non, au contraire, rapproche-toi ! », souffla-t-il dans mon esprit, tandis que notre lien se rouvrait soudain, nous englobant et me projetant en avant. Je trébuchai et me rattrapai d'une main sur son épaule, décuplant son pouvoir qui explosa dans un souffle effrayant, à l'instant où nos peaux se touchèrent.
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