Chapitre 33-2


— Quel est ton plan ? me demanda-t-il alors que les lumières clignotantes des premières ambulances nous indiquaient que nous n'étions plus loin de notre but.

— Tu devrais répondre, me contentai-je de lui dire, alors que son portable se mettait à vibrer pour la troisième fois en moins de cinq minutes.

— J'ai toujours préféré prendre mes engueulades en face, plutôt que par téléphone ! grogna-t-il alors que nous tournions le coin d'une rue et nous arrêtions net, choqués par le spectacle.

Le commissariat, qui avait toujours été un peu pouilleux, coincé entre le parking défoncé d'un pressing désaffecté et les entrepôts décrépits d'une entreprise quelconque, avait à présent l'air... à l'agonie. Plusieurs patrouilleuses cabossées gisaient sur le côté du petit parking, poussées là par trois camions de pompier, dont les soldats du feu s'échinaient à tenter de circonscrire l'incendie résultant d'une explosion qui avait pulvérisé une bonne partie du côté gauche du bâtiment. Certainement dû à un caprice du vent, les relents acres et étouffant de la fumée noire qui s'échappait en nuage épais du toit éventré et aurais dû nous parvenir depuis au moins deux kilomètres, ne nous atteignirent que lorsque nous reprîmes notre marche.

Baissant la tête et portant instinctivement nos mains devant nos bouches, nous pressâmes le pas, slalomant entre les ambulances, les pompiers et les journalistes, sans que personne ne tente de nous intercepter. Malgré le brouhaha des moteurs, des cris et des voix, l'ambiance était lourde et paraissait presque feutré, plombée par l'horreur et le désespoir qu'irradiaient tous les gens que nous croisions.

Nous n'eûmes aucun à mal à repérer le PC de crise, établi le long du mur de droite, à l'abris des fumées et des reliquats d'eau des lances à incendie. Le commissaire nous aperçu à la seconde où nous pénétrâmes dans son champ de vision, à croire qu'il nous guettait. Son allure avait sensiblement changé depuis que nous nous étions vus, à peine quelques heures auparavant. Son costume noir était à présent taché et déchiré, tout comme sa chemise à présent plus grise que blanche, et sa veste avait disparu. Ses cheveux couverts de cendres le vieillissaient, ainsi que les rides d'anxiété et les cernes qui lui mangeaient le visage et n'étaient pas loin de pouvoir rivaliser avec les miennes ! analysai-je alors qu'il se portait à notre rencontre. Ses coups de fils à répétitions étaient peut-être bien ce qu'ils étaient au final, du désespoir.

La fragrance de ce dernier, acre et douceâtre, m'enveloppa dès que nous fûmes assez près de lui, confirmant mon hypothèse et ôtant une appréhension sourde qui me nouait les épaules, sans que je n'en aie eu conscience.

— Worth, enfin ! s'exclama-t-il d'une voix épuisée et lasse. Les pompiers et les secours trépignent pour entrer à l'intérieur, mais je le leur ai interdit, depuis que la dernière équipe n'est pas revenue.

— Ils sont partis depuis combien de temps ? demandai-je aussitôt.

— Plus de deux heures.

Le regard consterné et inquiet que nous échangeâmes, valait tous les discours et ne fut pas assez discret pour ne pas être aperçut par le commissaire Baker.

— Nous avons appelé l'armée, mais ils ne seront pas là avant plusieurs heures. Nous pensions tous les avoir eus, mais à l'évidence, on se trompait.

— Nous n'avons entendu aucune explosion, ni aucun coup de feu ! Je persiste à dire qu'il faut tenter le coup, intervint un homme d'une quarantaine d'année, qui au vu de son uniforme, devait être le capitaine des pompiers.

— Les métamorphes n'ont pas besoin d'arme, surtout pour s'attaquer à une poignée de secouriste ! leur dit Worth d'une voix impatiente. Pourquoi les avez-vous laisser entrer en sachant à qui vous aviez à faire ?

— On ne le savait pas, justement ! Du moins, pas au début ! Ils ont attaqué avec des armes et des fusils. Ensuite, il y a eu l'explosion. Le temps que l'on comprenne et que l'on puisse avertir les survivants déjà à l'extérieur, ils avaient envoyé les secours.

— C'est à ce moment-là, que je suis arrivé, nous expliqua Baker. Après la scène de crime que nous venions de voir et la discussion que nous avions eue, je n'ai voulu prendre aucun risque. Plus personne n'entrera là-dedans tant que nous n'aurons pas la certitude que tout danger est écarté ou un régiment du SWAT pour couvrir nos arrières.

— Plus personne ne doit pénétrer à l'intérieur, déclarai-je. Apparemment, en plus des métamorphes, il y a un risque infectieux, balançai-je.

— Je croyais que les métamorphes étaient immunisés contre toutes les maladies ? intervint un nouvel homme, paraissant sortir de nulle-part.

Tout, de sa coupe de cheveux, à son maintien, en passant par son regard dur et inflexible, sentait le militaire à plein nez, même s'il était vêtu en civil. L'agacement premier de son intervention céda vite la place à de la jubilation, lorsque je compris qu'il n'aurait pas pu trouver un meilleur moment pour apparaitre. C'est donc avec un grand sourire faux et carnassier que je me tournai pour lui faire face.

— Tout à fait ! Mais ça c'était avant que vos collègues ne s'amusent à nous enlever et à se servir de nous comme rats de laboratoire ! attaquai-je avec une joie sinistre, non dissimulée. Apparemment, les griffures et les morsures de l'un de vos cobaye infecte ses victimes, et il est passé du mauvais côté de la force ! continuai-je en avançant de quelques pas pour accentuer l'effet de mes paroles.

— Ce n'est pas possible, affirma l'homme avec un aplomb suffisant qui me donna aussitôt envie de lui arracher son petit sourire supérieur à coup de poings.

— Ça ne l'était pas, mais apparemment cela vient de le devenir ! A notre connaissance, il y a déjà au moins trois personnes infectées, répondis-je étoffant mon mensonge à mesure qu'il se développait dans mon esprit.

— Vous êtes une menteuse, mademoiselle Monroe. L'armée de ce pays n'a jamais enlevé, ni retenus de métamorphes contre leur grès. Quant à faire des expériences... n'importe quoi ! Vous essayez juste de trouver une parade et une excuse pour couvrir vos affabulations, à présent que votre vraie nature de monstre est apparu au grand jour !

Je perçu la puissance de la colère de Worth, avant même qu'il se porte à ma hauteur et qu'un froid mordant ne me picote la peau. Inquiète, j'étudiai discrètement ses yeux, qui heureusement avaient encore leur couleur habituelle.

— Ce n'est beau d'accuser les autres de ses propres fautes Colonel ! lui susurra-t-il d'une voix fielleuse. Vous savez pertinemment, comme toutes les personnes présentes ici, que mademoiselle Moore, insista-t-il sur mon nom lui faisant subtilement relever son erreur volontaire, n'a dit que la stricte vérité.

— Quels sont les symptômes ? demanda fort opportunément le chef des pompiers, détournant l'attention des deux hommes.

— Agitation, agressivité, incohérence et une fièvre élevée, ajoutai-je à l'instant où la température anormalement chaude de la peau d'Allistaire me revint en mémoire.

— Que pouvons-nous faire ? Et est-ce contagieux ?

— Pour l'instant nous n'en savons pas beaucoup plus que vous, répondit Gabriel. Il faut les placer en quarantaine.

— Tous les blessés ? s'exclama quelqu'un d'un ton désespéré.

— Je ne suis pas médecin ! On essaye juste de vous prévenir du peu que nous savons. Avez-vous des armes pour nous ? demanda-t-il en se tournant vers le commissaire, son aura de fraicheur se dissipant lentement, maintenant qu'il ne parlait plus au colonel.

Ce dernier, toujours planté à la même place, observait Worth d'un regard scrutateur et calculateur, qui ne me plaisait pas du tout.

— Si ce que vous venez de nous apprendre est vrai, vous ne pouvez pas retourner là-dedans sans renfort ! intervint une nouvelle fois le pompier, un téléphone déjà vissé à l'oreille pour prévenir ses collègues et les hôpitaux alentours.

— Cela n'affectera pas les métamorphes, affirmai-je et personne ne remis mon assertion en doute.

— Et comme je ne peux pas la laisser y aller seule, je l'accompagne, ajouta Gabriel tandis qu'il vérifiait le chargeur de son arme.

Nous nous préparâmes rapidement, pour la galerie, alors que la petite dizaine de personnes présentes nous observaient dans un silence pesant. Puis, engoncés dans des gilets par balles, armés et équipé de masques de protection, nous nous dirigeâmes vers l'entrée enfumée du commissariat.

— Bien joué, me murmura Worth, à l'instant où nous pénétrions à l'intérieur. J'espère simplement que tu n'as pas visé trop juste au sujets des créations de Shaw. 

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