Chapitre 28-1
La colère, l'inquiétude et la lassitude se succédèrent sur le visage de Gabriel alors qu'il se levait aussitôt, sa main glissant de la mienne, comme à contrecœur. A la dernière seconde, je le retins du bout des doigts, il stoppa alors son mouvement pour tourner son visage vers moi.
— Tu ne peux pas y aller tout seul. C'est peut-être un piège et tu le sais. Tu auras besoin de moi à tes côtés.
— Non, Hannah, me répondit-il d'un ton ferme, contrebalancé par la tendresse qui illumina son regard planté dans le mien. Tu es blessée et même si tu t'évertues à faire ta maline, c'est plus sérieux que tu ne veux bien le laisser paraître. De plus, je pense sincèrement que ce n'est pas un piège. Franchement, si vraiment ils avaient des intentions hostiles, pourquoi s'embêter alors qu'ils pourraient y entrer sur leurs deux jambes comme dans un moulin et tirer dans le tas ou tout faire sauter ?
C'était certain que vue comme ça... Une fois de plus, Worth réfléchissait comme un flic et dans ce contexte, il avait raison. A voir des pièges et des conspirations partout, on passait souvent à côté de l'essentiel, quelque fois les choses sont juste ce qu'elles semblent être et rien d'autre. Pourtant, je ne pouvais me départir de cette sensation persistante et dérangeante que ça allait mal tourner.
— Tu as peut-être raison, mais... comment tu vas justifier ton implication ? lui demandai-je terminant ma phrase dans un sifflement douloureux lorsque le doc commença à s'occuper de moi.
— Je trouverai, fais moi confiance. J'adore que tu t'inquiètes pour moi, me chuchota-t-il doucement à l'oreille tandis qu'il dégageait sa main et sortait de la pièce sans se retourner, me laissant inquiète et frustrée.
Un nouvel accès de douleur refocalisa mon attention sur Cooper, qui était en train de découper mon haut à coup de ciseaux, comme un sagoin !
— Eh, mais arrêtez ça ! Je n'ai rien d'autre à me mettre !
— Il était fichu de toute façon, me rétorqua-t-il en continuant son massacre, avant de terminer à main nu, déchirant le tissu comme du papier.
C'est ce moment précis que choisis Gabriel pour relâcher son contrôle et se retirer de mon esprit, où je n'avais d'ailleurs pas conscience qu'il se trouvait. La douleur déferla sur moi comme une vague brulante et oppressante, oblitérant ma conscience durant quelques secondes. Lorsque je rouvris les yeux, le doc me tenait le bras, prêt à enfoncer une aiguille luisante dans le creux de mon coude.
— Qu'est-ce-que c'est ?
— Un calmant, pour la douleur.
— Non. Vue notre résistance naturelle à ce genre de produit, vous avez dû mettre la dose et je ne peux pas me permettre d'être faible et droguée en ce moment, grognai-je d'une voix altérée et légèrement essoufflée.
— Je sais que vous êtes une métamorphe, mais retirer les éclats de métal de votre blessure sans calmant, ni anesthésie...
— Faite-moi une transfusion, une fois que j'aurais suffisamment d'énergie, mon corps les rejettera tout seul. Vous ne savez pas ça ? lui demandai-je, le repoussant avec ma main droite, soudain méfiante.
Une nouvelle vague de pouvoir non maitrisée m'atteignit comme une bourrasque, tandis que les iris du métamorphe prenait soudain une lueur ambrée inquiétante.
— Si, je le sais, me répondit-il d'une voix qui avait soudain baissé d'une octave, avant de prendre une grande inspiration et de baisser la tête. Lorsqu'il la releva ses yeux avaient retrouvé leur couleur normal. Mais je sais aussi que sans quelques heures de repos, une transfusion ne suffira pas. Si j'enlève les éclats à la main, vous guérirez plus vite et conserverez le peu d'énergie que vous aurez gagné par la transfusion ? Vous ne savez pas ça ? me balança-t-il à son tour, un petit reliquat de ses émotions exacerbées traversant son bouclier et venant caresser ma peau d'un souffle brulant.
Ce n'était pas normal. Jamais je n'avais ressenti cela au contact d'un autre métamorphe. Peut-être excepté à l'approche de certains jeunes qui venaient juste d'acquérir leur animal et qui promettaient déjà un niveau de pouvoir impressionnant. Mais Cooper paraissait avoir au moins vingt-cinq ans, on se contrôlait mieux que ça d'ordinaire !
— C'est vrai, vous avez raison, lui répondis-je prudemment en me reculant encore de quelques centimètres. D'ordinaire on ne pratique quasiment jamais comme ça pour éviter d'avoir à utiliser trop de psychotropes, ce qui n'est jamais bon, même pour des métamorphes. Mais vu la situation, c'est sans doute la solution la plus adaptée.
— Alors pourquoi vous éloignez-vous de moi comme si j'avais la peste ?
— Cooper, vous me fuyez dessus !
— Hein ?
— Vous avez quel âge ?
— Vingt-sept ans pourquoi ?
— Dans ce cas, pour quelle raison votre pouvoir fuit-il comme si vous étiez un jeune métamorphe ?
— Peut-être simplement parce que je suis épuisé et effrayé par les implications de ce qui est en train de se passer ?!
— Pas à votre âge ! Vous êtes quoi ?
— Un métamorphe loup, me répondit-il d'un ton hostile en me montrant les dents et un nouveau filet d'énergie filtra jusqu'à moi.
Cette fois, au lieu de me barricader contre son pouvoir, je le laissai m'atteindre et glisser sur moi. Un parfum de sous-bois, d'humus et de terre fraichement retournée, caractéristique pour moi des loups, empli mes narines autant que mes sens. Alors que je m'imprégnai de l'odeur de sa bête, cherchant à comprendre ce qui me dérangeait depuis le début, une odeur musquée, forte et subtile, commença à supplanter les autres. C'était une fragrance sauvage, transpirant la puissance, le danger et l'indomptabilité. Je dus faire un effort psychique pour m'arracher à l'espèce de transe dans laquelle je venais de tomber et rouvrir les yeux. Cooper se tenait debout devant moi, une lueur indéfinissable éclairant ses yeux d'ambre.
— Je vous promet que je ne suis pas un danger pour vous, me dit-il d'une voix neutre et contenu, ses deux mains gantées levées devant lui pour appuyer ses propos. Laissez-moi vous aider et vous soignez... s'il vous plait.
— Vous m'expliquerez ? lui demandai-je, alors qu'une vague de douleur me traversait, me laissant faible et frissonnante.
— Si je le peux, oui, me répondit-il prudemment tout en baissant les mains.
Le temps pressant et n'ayant de toute façon personne d'autre sous la main, je lui fis signe d'approcher de nouveaux. Il hésita quelques secondes, lisant certainement le doute sur mon visage.
— C'est bon, vous pouvez y aller, je vous fait confiance, lui dis-je pour accélérer les choses que ma réaction avaient retardés.
Le sourire sincère qui éclaira ses traits, me rassura et me conforta dans l'idée que, quelque soit la particularité de Cooper, il n'était pas dangereux. Du moins pas dans le sens méchant du terme. Dix minutes plus tard, alors qu'il me charcutait l'épaule sans anesthésie, je n'étais plus très sûre de mon intuition !
— Voilà, c'était le dernier, me dit-il alors que le morceau de métal tombait avec un petit « ding » mélodieux dans le haricot argenté posé sur le chariot roulant qui jouxtait la table d'examen.
Avec un soupir las, je me laissai aller sur la table d'examen, essayant de me détendre sans m'évanouir.
— Vous auriez pu crier, vous savez ? me dit-il avec un petit sourire, alors qu'il installait la perf pour la transfusion.
— Si je l'avais fait, je ne suis pas certaine des mots qui seraient sortis de ma bouche. Pour vos chastes oreilles, mieux valait que je m'abstienne ! plaisantai-je à mon tour d'une voix rauque et altérée qui gâcha un peu l'effet de mes paroles.
— Qui vous dit qu'elles sont chastes ? me répondit-il en rigolant franchement tandis qu'il se dirigeait vers la porte. Maintenant, reposez-vous. Je vais tenter de vous trouver un truc à grignoter.
Puis il quitta la pièce, me laissant seule avec mes pensées et ma douleur.
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Compte tenu de la chaleur et des vacances (mes filles y sont déjà !), mon rythme d'écriture est un peu perturbé O_o Mais voici un nouveau chapitre de Elémental, j'espère qu'il vous plaira ;-)
J'en profites pour vous annoncer une super nouvelle :-) Elémental vient de remporter son premier concours, le concours des têtes en l'air !!*o*!! Dans la catégorie Fantasy !!*o*!!
Kissssss <3 <3 <3
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