Chapitre 27-1
Un sentiment d'horreur indescriptible m'envahit, alors que mes pires craintes prenaient formes, mes yeux plongés dans le regard torturé de Worth, qui me fixait comme s'il ne me voyait pas.
— Beaucoup de pertes ? demanda-t-il d'une voix blanche.
L'infirmière se contenta de hocher la tête, l'air accablé et les yeux trop brillants. Gabriel se ratatina sur son siège, se prenant la tête à deux mains. La jeune femme, dont le badge épinglé de travers sur sa blouse indiquait qu'elle s'appelait Carol, contourna le véhicule et sans me demander mon avis, ouvrit ma portière.
— Vous pouvez descendre toute seule, ou vous avez besoin d'aide ?
— Non, moi ça ira. La blessée est à l'arrière, lui répondis-je d'une voix atone sans vraiment la regarder, mon intention concentrée sur Worth, toujours prostré.
— Vous plaisantez ?! Votre épaule est en charpie et vous êtes en train de vous vider de votre sang devant moi !
— Je m'en remettrai, je...
— Ce qu'elle veut dire, c'est que l'état de ma collègue est encore plus préoccupant, intervint soudain Gabriel en relevant la tête tout en me lançant un regard d'avertissement. Lui faire comprendre que tu es une métamorphe, n'est peut-être pas une bonne idée, là tout de suite ! me murmura-t-il avant de sortir du véhicule.
J'aurais aimé le suivre, mais même avec la meilleure volonté du monde, je n'aurais pas pu. J'entendis les portes arrière s'ouvrir, puis l'infirmière héler l'un de ces collègues qui venait de sortir avec un brancard. Celui-ci se dirigea aussitôt vers nous. Ils avaient beau être débordés, ils étaient efficaces, car à peine une minute plus tard, le jeune homme repassait devant moi en courant, Kaylie toujours inconsciente et bien sanglée sur le brancard. J'eu à peine le temps de détourner la tête, que Carol était de retour près de ma portière, un regard qui n'accepterait pas le refus rivé sur moi. Avec un profond soupir, je commençai à tenter de m'extirper de mon siège.
— Attend, je vais t'aider ! me dit aussitôt Gabriel, écartant l'infirmière d'un geste du bras avant de se pencher vers moi.
En essayant de ne pas me faire mal, il me prit doucement dans ses bras, calant ma tête dans son cou, sa bouche frôlant mon oreille.
— Garde la tête baissée le plus possible. Il vaudrait mieux éviter que l'on te reconnaisse, me chuchota-t-il en me soulevant délicatement.
Il était très doux et précautionneux mais cela ne m'empêcha pas de frémir de douleur en me raidissant dans son étreinte.
— Raison de plus pour ne pas rester là.
— Tu as besoin d'être examiné par un médecin...
— ... qui me reconnaitra dès qu'il posera les yeux sur moi.
— Ce ne sont pas les médecins qui m'inquiètent, eux ils feront leur boulot. Ce sont les blessés, leurs proches et les flics présents dans le bâtiment, m'expliqua-t-il en déposant un doux baiser sur mon front. Alors fait profil bas.
Il finit par me sortir du véhicule, l'infirmière n'ayant curieusement pas l'air de s'impatienter ou de s'étonner de nos messes basses. Peut-être croyait-elle qu'il cherchait juste à me convaincre et à me réconforter ? Ce qui, quelque part, était bien le cas. Bien qu'il ait essayé de me le cacher, j'avais senti son inquiétude à mon sujet dans sa voix et dans notre lien qui fuyait. Toutes les émotions fortes, l'angoisse et l'horreur de ce que nous venions de traverser, fissurant l'étanchéité de nos boucliers respectifs.
— Je vais la garder dans mes bras. Ce sera moins douloureux pour elle que de la déposer dans le fauteuil, dit-il à l'infirmière sans lui laisser le temps de répliquer.
— Mais vous ne pouvez pas laisser l'ambulance là ! s'exclama-t-elle alors que Worth nous entrainait déjà à grand pas vers l'entrée brillamment éclairée.
— Les clefs sont sur le contact, se contenta-t-il de lui répondre sans un regard en arrière.
Ce ton froid et ce manque d'empathie, ne lui ressemblait pas, c'était plutôt ma marque de fabrique d'ordinaire. Mais son angoisse, son stress et sa confusion augmentait son pragmatisme au détriment de sa diplomatie et pour une fois, ça ne me dérangeait pas du tout.
Nous pénétrâmes dans le hall des urgences par le sas réservé au personnel et personne ne nous arrêta ou ne nous fit la moindre remarque. Plein de gens entraient et sortaient en un ballet incessant et désordonné, c'était le chaos ! Worth s'arrêta sur le seuil de la salle d'accueil, qui débordait presque de malades, de blessés et de familles paniqués et en pleurs à la recherche de leurs proches ou au moins d'un peu d'informations. Avisant un fauteuil roulant vide et abandonné non loin de l'une des grandes baies vitrées, il se dirigea dans sa direction et avec mille précautions, me déposa sur l'assise en vinyle craquelé.
— ça va ? me demanda-t-il, son regard inquiet faisant la navette entre mon visage et mon épaule.
— Ou...
— La vérité, m'interrompit-il et pas seulement ce que tu crois que je veux entendre.
Je le fixai pendant une longue seconde.
— La vérité, c'est que ça craint ! Je me sens encore plus mal que j'en ai l'air, mais ce qu'il se passe en ce moment devrait passer en priorité devant mes petits bobos.
— Ce ne sont pas des petits bobos Hannah, me dit-il d'un ton très sérieux et angoissé tout en s'accroupissant devant moi. Si tu ne t'es pas encore évanouie, c'est parce que j'absorbe une partie de ta douleur et partage un peu de mon énergie avec toi.
— Hein ? Qu'est-ce que tu racontes ? Ce que tu dis n'est pas possible...
— Si ça l'est. Jude, Christina et Féline en sont capables les uns pour les autres et depuis peu, je me suis rendu compte que moi aussi, désormais.
— Le lien se renforce encore, murmurai-je d'une voix blanche, mais aussi atterrée que je l'aurais été quelques jours plus tôt. Arrête ça tout de suite ! lui ordonnais-je gentiment. Je ne veux pas que tu souffres à cause de moi.
— Et moi je ne voulais pas que tu meures, me répondit-il en caressant doucement ma joue de sa main.
— Mes blessures sont sérieuses, mais pas à ce point-là, le rassurai-je d'une voix rauque.
— En situation de combat, elles auraient pu te couter la vie !
— Tu fais ça depuis quand ?
— Depuis ta blessure à l'épaule.
La surprise et la gratitude m'envahirent, vite suivit par la culpabilité et la peur. Peur qu'il ait présumé de ses forces et ne maitrise pas assez cette nouvelle capacité pour se préserver.
— Gabriel, il faut que tu arrêtes, lui dis-je en effleurant sa joue à mon tour, constatant réellement les cernes noirs qui lui mangeait les joues et l'épuisement qui creusait ses traits. Je suis en sécurité maintenant. Garde le peu d'énergie qu'il te reste, s'il te plait. Je ne veux pas que tu t'écroules à cause de moi.
Ses lèvres s'étirèrent en un sourire triste mais rempli de tendresse tandis qu'il se penchait vers moi et effleurait mes lèvres d'un baiser.
— D'accord, me murmura-t-il, son souffle brulant pénétrant dans ma bouche. Mais seulement lorsque nous auront trouvé un médecin.
Des bruits de pas précipités retentirent à ce moment précis, forçant Worth à se redresser. Je le vis vaciller légèrement et devoir se retenir aux poignées du fauteuil, alors qu'un jeune homme en blouse blanche et stéthoscope autour du cou, déboulait au pas de course d'un des couloirs adjacents. Gabriel ne perdit pas une minute et brandissant son badge, partit au-devant du médecin.
— On a besoin de votre aide docteur, lui dit-il en lui barrant la route.
— Malheureusement je n'en doute pas, mais vous n'êtes pas les seuls ! Vous êtes policier, vous comprendrez que je ne peux pas faire de favoritisme, lui dit-il en essayant de le contourner sans ralentir son rythme.
— S'il vous plait, insista Gabriel en posant sa main sur le bras du jeune homme.
A l'instant où ils se touchèrent, une énergie chaude et vibrante se répandit dans le couloir comme une brume invisible, me suffocant presque l'espace d'un instant.
— Vous êtes ... ? hoqueta le jeune médecin, son regard écarquillé fixé sur Worth.
— Inspecteur à la brigade surnaturelle. Je vous en prie, mon amie métamorphe est blessée, elle a besoin de votre aide, lui avoua-t-il ayant reconnu aussi bien que moi la signature énergétique caractéristique.
Pourtant quelque chose différait, une différence subtile qui s'amplifia lorsqu'il s'approcha de moi pour m'examiner.
— Je suis le docteur Cooper, se présenta-t-il brièvement en s'agenouillant à son tour devant moi. Vous devez être Hannah ?
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Chapitre un peu spécial sur la fin car, comme certain l'auront sans doute remarqué, le nom du médecin n'est pas anodin ! C'est un cross-over avec la série spin-off de féline "Ombre Fauve" :-) Le mélange sera-t-il bénéfique...ou non ?
Kisssss <3
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