Chapitre 22-1
Ma main tremblait et mon cœur se mit à tambouriner dans ma poitrine lorsque les premiers mots résonnèrent dans l'appareil.
— Hannah, tu vas bien ? C'est Jude.
Inconsciemment, j'étais tellement certaine que c'était Kane, que mon cerveau mis quelques secondes à reconnaître la voix de Jude.
— Oui, on va bien ! Et infiniment soulagé que ce soit toi, mec ! répondit à ma place Worth sans hausser le son, bien conscient désormais que ce n'était pas nécessaire.
— Où êtes-vous ? réussis-je finalement à lui demander, encore pantelante de ma frayeur injustifiée.
— En lieu sûr, au pays des dindes, m'informa-t-il prudemment au cas où l'on pourrait intercepter notre conversation, tandis que je ne pouvais m'empêcher de faire une grimace et que Worth partait d'un petit rire cynique.
Si nous réagissions comme cela, c'était parce que ce joli nom de code faisait référence à la communauté exclusive de métamorphes aigles dont Jude était originaire et où nous avions tous faillis mourir il y avait seulement quelques mois de ça. Même si la situation était totalement différente aujourd'hui, y repenser ne faisait pas remonter de bons souvenirs. Sans compter que si Jude et Christina s'étaient résignés à y retourner, c'était que la situation n'était pas brillante de leur côté non plus.
— Et vous ? reprit-il me ramenant à la conversation.
— Nous aussi, pour le moment, mais nous n'allons pas pouvoir y rester.
— Rejoignez-nous,
— Pas certaine que ce soit une bonne idée.
— Nous ne comptons pas nous éterniser non plus, mais juste le temps que nous trouvions un plan d'action pour contrecarrer ce malade.
Sa proposition était logique et sensée, mais c'était loin et j'étais de plus en plus persuadé que fuir n'était pas la solution. Mais que nous restait-il d'autre ?
— On va y réfléchir et je te recontacte, finis-je par lui dire avant d'interrompre la conversation sans m'encombrer de formule de politesse sachant, comme je connaissais Jude, qu'il n'en prendrait pas ombrage.
— Tu songes vraiment à retourner là-bas ?
— Parce que tu as une autre option en tête, là, tout de suite ?!
Il ne répondit pas immédiatement, se contentant de me fixer, un éclat douloureux dans le regard.
— Mettre la raclée de sa vie à ce trouduc, au lieu de fuir la queue entre les jambes ! gronda-t-il alors qu'un éclair rouge, illuminait momentanément son regard, me prenant par surprise.
— Tu sais bien que l'on ne peut pas tant que...
Je retirai la main que je venais de poser sur son avant-bras dans un sifflement douloureux, la sienne était tellement brulante que de petites cloques étaient déjà en train de se former sur mon épiderme. Choquée et un peu effrayée, je reculai devant son regard interloqué.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu ne supporte plus mon contacte tout à coup ?!
Pour toute réponse, je lui montrai ma main. La compréhension ne mit qu'une demi-seconde à apparaitre dans son regard, qui vira aussitôt aux remords et à l'inquiétude tandis qu'il faisait un pas reflexe vers moi.
— Je, je suis désolé... ça ne s'était jamais produit avant. Laisse-moi voir...
— Ne t'approche pas ! Pas tant que tu n'es pas calmé. Je peux sentir ta chaleur d'ici, lui expliquai-je en essayant de ne pas laisser transparaître la peur que je ressentais.
La lueur rouge au fond de ses yeux sembla soudain s'accentuer tandis que la température de la pièce augmentait brusquement d'un ou deux degrés. Je sentis son impuissance et sa panique enfler et nourrir le feu qui grandissait en lui, comme si c'était les miennes. A présent que le phénomène était enclenché, il ne parvenait plus à le maîtriser. Sa peur et sa panique nourrissaient son pouvoir en un cercle vicieux inarrêtable.
— Gabriel, tu dois te calmer ! lui intimai-je d'une voix un peu plus aigue que d'ordinaire en m'éloignent encore de lui et de sa température de fournaise.
Seul un grondement inarticulé me parvint. Son regard horrifié et à présent écarlate fixé sur moi tandis qu'il entourait sa gorge de ses mains, visiblement dans l'incapacité de parler désormais, alors que de petites flammèches commençaient à apparaitre sur ses mains. Complètement affolée et terrorisée, j'essayai de trouver une solution, quelque chose qui pourrait l'aider lorsque mon regard accrocha seule autre porte de la pièce.
— La salle de bain, vite ! lui criai-je en me précipitant vers le battant que j'ouvris dans la foulée.
Sans attendre je me ruai dans la douche à l'italienne et sans me soucier d'être mouillée, ouvrit le robinet d'eau froide à fond, avant de rejoindre le coin le plus éloigné de la cabine, alors qu'il pénétrait dans la pièce. Il parcourut les quelques derniers mètres en titubant et s'écroula sur le dallage gris, visiblement à bout de souffle et de force.
Les premières gouttes qui touchèrent son épiderme surchauffé se transformèrent instantanément en vapeur à son contact dans un sifflement irréel. Pétrifiée dans mon coin, je ne pouvais que l'observer, impuissante, lutter pour rester conscient et parvenir à faire entrer un peu d'air dans ses poumons. Le lien entre nous semblait rompu et je ne pouvais qu'imaginer la panique et la souffrance qu'il devait ressentir. Je me sentais inutile, coincée là à le regarder se débattre sans pouvoir rien faire pour l'aider.
Rapidement la vapeur s'amplifia, épaississant et gênant de plus en plus ma vue de seconde en seconde. Ne voulant pas rompre le contact visuel, je me forçai à bouger et à me rapprocher de la douche d'un pas prudent.
— Gabriel tu m'entends ? Tu peux me parler ? appelai-je d'une voix tendue en cherchant à tâtons la clenche de la fenêtre, guidée par la faible lueur qui en émanait malgré le Fog présent dans la pièce.
Seul un faible gémissement me parvint à l'instant où j'actionnai la poignée, poussant les deux battants vitrés pour laisser entrer l'air frais dans la pièce surchauffée. L'action combiné de l'air et de l'eau froide, dissipèrent suffisamment le brouillard et sans me soucier de l'eau glacée, je me précipitai aux côtés de Worth dont la peau semblait avoir retrouver une couleur normale. Je me laissai tomber au sol près de lui et prudemment, effleurai sa main de la mienne. Sous mes doigts sa peau était encore chaude mais sans commune mesure avec la chaleur quasi létale qu'elle dégageait encore quelques minutes auparavant. Rassurée, je le saisi par les poignets et l'aidai à se redresser. À mon contact, il tenta d'ouvrir les yeux, mais l'eau qui cascadait toujours sur nous l'en empêcha, tandis qu'il peinait à rester en position assise sans aide. Me glissant à ses côtés, je passai un bras derrière son dos et m'adossant au carrelage glacé le calai contre moi pour l'empêcher de glisser. Nous restâmes là un temps indéterminé. Malgré le froid des gouttes qui me martelaient comme autant de minuscules poignards, je tins bon, sentant sa température diminuer progressivement.
— Tu... tu peux... arrêter l'eau ? coassa-t-il plus qu'il ne parla, au moment où je parvenais à la limite de mon endurance.
— Attention, il faut que je te lâche, le prévins-je d'une voix atone en claquant des dents alors que je me redressais à moitié pour fermer le robinet.
Dès que l'eau cessa de couler, il ouvrit ses paupières gonflées pour darder sur moi son regard redevenu vert où se lisait la frayeur, le choc et l'incompréhension. Alors que je m'apprêtais à l'aider à se relever quelqu'un frappa nerveusement à la porte de la chambre.
— C'est pas le moment ! maugréai-je alors que j'aidai Worth à sortir péniblement de la douche.
Je n'eus pas le temps de chasser l'importun, ni de lui dire de déguerpir, qu'il frappait une nouvelle fois et entrait sans y être inviter. La tête que fit Allistaire lorsqu'il nous découvrit tous les deux tremblant et dégoulinant, nos vêtements collant à nos corps comme une secondes peaux, m'aurait certainement fait rire dans d'autres circonstances. Il s'était figé dans son mouvement en nous apercevant, un pied dans chaque pièce et sa main gauche tenant son téléphone tendu vers nous.
— Que se passe-t-il Allistaire ? lui demanda Worth d'une voix faiblarde et caverneuse, qui finit de stupéfier son subalterne.
— C'est le Boss, il cherche à vous rejoindre depuis plus d'une heure. Vous devez le rappeler tout de suite, c'est urgent.
— Il n'est pas vraiment en état, là ! crus-je bon de préciser d'une voix acide tandis que nous sortions enfin de cette satanée salle-de-bain.
Allistaire s'écarta, ses yeux s'écarquillant encore davantage lorsque je passais devant en lui en mode tee-shirt mouillé.
— Regarde ailleurs ! l'apostrophai-je en le foudroyant du regard, obligeant ainsi le sien à remonter de quelques dizaines de centimètres vers le haut pour croiser mon regard.
Heureusement un peu honteux, il devint écarlate et s'empressa de regarder ailleurs tandis que j'aidais Worth à s'assoir sur le lit.
— Il t'a dit de quoi il retournait ? lui demanda-t-il d'une voix un peu plus normale, déjà en mode flic malgré le contrecoup évident de ce qu'il venait de se passer.
— Non, vous savez très bien qu'il ne s'adresse pas aux sous-fifres ! Vous devez le rappeler, insista-t-il en lui tendant son portable.
Toujours transie de froid et ne voulant pas les déranger je retournai dans la salle de bain où j'enlevai mes vêtements trempés avant d'enfiler un peignoir en éponge moelleuse et surtout sèche. Me sentant tout de suite mieux, je retournai dans la chambre, où Worth toujours en vrac sur le lit, était en train de se prendre un savon par son supérieur pour être resté injoignable. Stoïque, il encaissait les diatribes assassines sans rien dire, attendant juste que ça se termine. Lorsque l'appel prit fin, la nouvelle que venait d'apprendre Worth semblait flotter entre nous comme un mauvais cauchemar.
— Deux nouveaux corps viennent d'être découvert, expliqua Worth à Allistaire d'une voix blanche.
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