Chapitre 21-2


Lorsque je rouvris les yeux il faisait jour et je ne me trouvais plus dans la voiture mais dans un lit. Le soleil filtrait paresseusement au travers des volets à persiennes, créant des mouches de lumières sur la couette grise et mauve. Malgré mes sens encore engourdis par le sommeil, la couleur du linge de lit et la spécificité des volets tira une sonnette d'alarme dans mon esprit encore embrouillé. Lorsque ma main trouva naturellement l'interrupteur de la lampe de chevet, je sus sans l'ombre d'un doute où je me trouvais. Inquiète et en colère, je repoussai la couette et basculai mes jambes hors du lit. J'étais en train de me lever lorsque la porte s'ouvrit sur Worth, un plateau dans les mains.

— Pourquoi nous as-tu amené ici ? attaquai-je à la seconde où je l'aperçu.

— Mais bien le bonjour à toi aussi ! Bien reposée ? me répondit-il d'un ton grinçant avant de refermer la porte avec son pied et d'aller poser son fardeau sur le bureau disposé sous la fenêtre.

— Tu es inconscient ou quoi ?! Tu as mis toute la communauté en danger !

— Tu me crois vraiment aussi bête et irresponsable que ça ? J'ai bien pris soin de brouiller les pistes et de vérifier que nous n'étions pas suivis ! Nous avons fait une halte dans un endroit discret pour que je puisse me reposer une petite demi-heure, puis j'ai bandé les yeux de mes collègues avant de reprendre moi-même le volant.

— Tu veux dire qu'Allistaire et Monroe sont ici ?!

— Où voudrais-tu qu'ils soient ?

Excédé, je me mis à secouer la tête avant de me passer les mains dans les cheveux d'un geste rageur qui ne me calma en rien.

— Mais qui vous a laisser entrer ? demandai-je, envisageant déjà de passer le savon de sa vie à l'incompétent qui avait laissé entrer trois non métamorphe dans le repaire secret et sécurisé par magie de la communauté métamorphe de mon père.

— Ta mère, me répondit-il en commençant à nous servir deux tasses de café fumant, un petit sourire entendu aux coins des lèvres. Il faut croire qu'elle porte plus de crédit à mon intégrité et à mon intelligence que toi !

N'ayant rien à répondre à ça, je tentai de me calmer malgré l'inquiétude sourde et lancinante qui ne me quittait plus depuis que je me savais de retour parmis les miens.

— Nous ne devons pas rester ici ! lâchai-je finalement en me dirigeant à grandes enjambées vers la commode contenant encore quelques-unes de mes affaires.

— Hannah ! Kane ne nous trouvera pas ici...

— Et comment peux-tu en être sûr au juste ? Comment peux-tu être certain qu'aucun de ses sous-fifres ne nous aient suivi sous sa forme animale, quelle qu'elle soit ? Qui te dit que ce n'est pas justement ce qu'il attendait, trouver l'emplacement de cet endroit maintenant que mon père est hors service ? Bordel, t'as peut-être fait exactement ce qu'il souhaitait ! m'emportai-je en tirant rageusement de quoi me vêtir d'un des tiroirs avant de le refermer bruyamment.

Je vis de l'amertume passer sur se traits tandis qu'il reposait la tasse fumante qu'il tenait sur le plateau de bois.

— Je ne suis peut-être ni magicien, ni métamorphe, mais j'ai des neurones, sans compter quelques petits talents supplémentaires que tu sembles parfois oublier. J'avais d'abord pris soin d'appeler ici depuis ton portable, que je savais être sûr et non traçable, pour les prévenir que nous arrivions et de renforcer la sécurité, l'illusion, la barrière magique, bref... le truc qui dissimule cet endroit. Et pour finir, j'ai créé une telle purée de pois entre notre dernière halte et ici que personne, métamorphe y compris, aurait pu voir où nous allions. Même moi j'avais du mal, c'est dire ! Mais bon, continue à t'agiter et à ruiner bêtement le repos que tu viens de prendre. Quand tu seras calmée, tu me feras signe, me balança-t-il avant de se diriger vers la porte.

Soudain un peu honteuse, je le regardai partir, blessé et coléreux et à juste titre. J'aurais dû dire quelque chose, le retenir, mais j'hésitais à la faire.

— Attends ! m'entendis-je lancer malgré tout, à l'instant où il ouvrait la porte. Je suis désolée.

— Désolée de quoi au juste ? De m'avoir une fois de plus pris pour un abruti, inconscient ? ça va je m'en remettrais, je commence à avoir l'habitude venant de ta part.

Son ton acrimonieux et blessé, me fit presque plus mal que ses paroles. Il avait raison, je m'étais une fois de plus comporté comme une garce, l'accusant sans même imaginer qu'il ait pu prendre toutes les précautions nécessaires au même titre que moi je l'aurais fait. Il m'avait pourtant prouvé à maintes reprises qu'il était digne de confiance et loin d'être bête et pourtant je continuai à le traiter comme le dernier des imbéciles. Ravalant ma fierté, je le suivi dans le couloir et le rattrapai juste avant qu'il ne s'engage dans l'escalier.

— C'est moi qui aie été idiote... encore, lui dis-je en le retenant par le bras. Pardonne-moi, sincèrement. Je n'ai pas l'habitude de pouvoir compter sur quelqu'un d'autre.

Il se retourna lentement, plongeant son regard surpris dans le mien.

— Je me doutais un peu que tu ne prendrais pas la nouvelle avec le sourire, mais là, tu viens de battre tous les records. Où voulais-tu que je nous emmène en si peu de temps ?

— Tu ne voudrais pas poursuivre cette conversation dans la chambre ? lui demandai-je avec une grimace équivoque tandis que je tirais machinalement sur les bords du tee-shirt qui m'avait servi de chemise de nuit improvisée et ne m'arrivait qu'à mi-cuisse.

— Il fallait peut-être y penser avant de courir après ! me lança-t-il avec un petit sourire acide, me faisant tout de même signe qu'il me suivait.

Une fois à l'intérieur, je m'empressai d'enfiler le jean noir ajusté laissant le tee-shirt bleu informe et délavé retombé par-dessus. Ne portant pas de soutien-gorge, le changement de haut pouvait attendre un peu.

— Combien de temps je suis restée H.S ? demandai-je à Worth en m'approchant du bureau, l'odeur des tartines grillées et du café devenant irrésistible à présent que mon inquiétude était un peu calmée.

— Un peu plus de vingt-quatre heures.

Je faillis recracher la gorgée que je venais de prendre sous le coup de la surprise. Je récupérai plutôt vite d'ordinaire et sans blessure grave, ma récupération n'aurait pas dû être aussi longue. Ce n'est qu'alors que je remarquai ses vêtements propres et à sa taille, ainsi que ses cheveux humides et son air reposé.

— Tu as dormis où ?

— Ici, pourquoi tu me demande ça ? Enfin, pas avec toi si c'est ça qui t'inquiète ! s'empressa-t-il de m'expliquer se méprenant sur le sens de ma question.

— Non, non, je ne m'inquiétais pas de ça, du tout, c'est juste que... tu as changé de vêtements donc je me demandai si...

— J'avais pris le risque de repasser chez moi ? Risquant une fois encore de trahir l'emplacement de cet endroit ? Non rassure-toi, je ne suis pas si stupide. J'ai dormi dans l'ancien studio de Jude. Il restait deux, trois vêtements à lui, je me suis dit que cela ne le dérangerait pas si je les lui empruntai, me répondit-il clairement sur la défensive.

Décidément, quoi que je dise, je m'enfonçai. Me disant que m'excuser à nouveau ne servirait à rien, je préférai changer de sujet.

— Où sont tes collègues ? Tu leur as expliquer où ils se trouvent ?

— Ils n'ont pas quitter les chambres dans lesquels les gardes de ta mère les ont conduits à notre arrivé. Tu te doutes que Monroe n'est pas ravie.

— C'est d'ailleurs curieux que je ne l'entende pas beugler d'ici ? ne pus-je m'empêcher de persiffler.

— Les tiens ont été d'une patience à toute épreuve, mais au bout de deux heures, ils ont envoyé Adam. Il monte la garde devant sa porte, empêchant les sons de nous parvenir, m'expliqua-t-il avec un petit sourire attendri qui me toucha.

Il avait beau ne pas être des nôtres, on sentait le respect et la tendresse quand il parlait d'Adam. Adam était un jeune métamorphe serpent. Il s'était rencontré il y avait quelques mois de cela lorsque l'inspecteur était entré dans notre monde bien malgré lui, nous aidant à sauver plusieurs des nôtres et à préserver le secret de notre existence qui était encore gage de notre survie à l'époque.

— Merci, lui dis-je soudain en lui caressant doucement la joue dans un geste non-réfléchi. Merci d'être qui tu es et... je suis vraiment une idiote...

Il ne me laissa pas terminer ma phrase, qui de toute façon n'avait pas beaucoup de sens, scellant mes lèvres des siennes tandis qu'il m'enlaçait de ses bras. La sonnerie de mon portable, posée près de nous sur le bureau, nous fit tous deux sursauter. Je m'arrachai à son étreinte, la peur revenant instantanément se nicher au creux de mon ventre. Le message « appel masqué » qui clignotait sur l'écran au rythme des notes aigrelettes paraissait me narguer. Lorsque Gabriel fit mine de vouloir décrocher à ma place, je lui fit non de la tête avant de m'emparer de l'appareil d'une main tremblante et d'appuyer sur le bouton d'appel.

— Allo ? 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top