Chapitre 18-1

*Modifié le 09.05.22*


La sensation étrange et unique qui dégoulina sur ma peau et traversa mon corps était typique d'un sort d'illusion protecteur. Néanmoins, la faiblesse de la réaction me confirma ce que je craignais déjà. Le temps avait érodé son efficacité et il ne tiendrait pas longtemps en cas d'intrusion. Worth s'avança lentement au milieu des arbres avant d'arrêter la voiture à côté d'une cabane en bois qui avait connu des jours meilleurs.

— Vite, ils vont débarquer d'un instant à l'autre ! Nous devons trouver ce traceur et tout de suite ! les pressai-je en sortant de l'habitacle.

Pour une fois, ils m'obéir tous sans discuter et étaient déjà sur mes talons au moment où j'ouvris la porte de la maisonnette. Un nuage de poussière agrémenté de feuilles mortes nous accueillit, manquant me faire éternuer. L'intérieur était à l'avenant de la façade, décrépit, sale et abandonné. Le mobilier et l'agencement étaient datés et rudimentaires. Certainement l'une des raisons de l'abandon du lieu. Ça et la révélation de notre existence, qui rendait ces refuges moins essentiels qu'auparavant.

Je ne perdis pas de temps et m'empressait d'aller ouvrir la seule autre porte de la pièce, une salle d'eau désuète et glaciale, comme je m'y attendais. Pour ce que nous avions à y faire, cela suffirait, me dis-je en repassant la tête dans la pièce principale.

— Wor... Gabriel ? Peux-tu regarder ce qu'elle contient ? lui demandai-je en lui indiquant une malle en bois, disposée sous la seule fenêtre de la pièce.

L'appeler par son prénom était curieux, ces nouveaux sons sonnaient étrangement dans ma bouche, comme si par ce simple mot, je venais de franchir un cap important. Ce que me confirma le bref regard qu'il me lança tandis qu'il soulevait le couvercle, qui s'ouvrit en grinçant.

— Des couvertures et des vêtements, me répondit-il.

— Parfait ! commentai-je, soulagée en m'approchant. Prenez chacun quelque chose à vous mettre et changez-vous, très vite ! leur dis-je en attrapant un jean, un tee-shirt et un sweat qui avaient l'air à peu près à ma taille, avant de me diriger vers l'autre pièce. Monroe, avec moi. Le vestiaire des filles, c'est par ici !

L'intéressée me jeta un regard mauvais avant de m'imiter et de me rejoindre rapidement, bien que visiblement à contrecœur.

— C'est douillet, dites-moi ! commenta-t-elle cyniquement en refermant la porte.

— Vous préférez peut-être vous changer avec les mecs ?

— Ça ne me poserait pas de problèmes. Je suis flic. Une femme dans un monde où les hommes dominent toujours le paysage. Je m'entends bien avec mes collègues, il n'y a aucune ambiguïté entre nous ! Allistaire et moi, avons déjà dû partager un vestiaire, nous voir en sous-vêtement n'est pas un problème. Je ne vous pensais pas si prude, vous les métamorphes !

Son ton condescendant et volontairement moqueur faillit me faire sortir de mes gonds. Je respirai un bon coup et tint ma langue tandis que je faisais glisser les bretelles de ma robe haute couture sur mes épaules, nous n'avions pas de temps pour ces enfantillages idiots.

— Mais... qu'est-ce que vous faites ? s'exclama-t-elle lorsque je dégrafai mon soutien-gorge et envoyai mon string rejoindre le tas informe sur le sol.

— Ah, je ne vous avais pas prévenu ? Il faut TOUT enlever ! Vous comprenez peut-être mieux l'idée « chambre à part » maintenant ?!

— Mais pourquoi ? C'est idiot ! Comment un mouchard aurait-il pu se retrouver sur nos sous-vêtements ?

— Kane, tout comme Shaw, semble s'être accoquiné avec une branche secrète de l'armée. On ne peut qu'imaginer les technologies auxquels ils ont accès. Donc, arrêtez de bavasser et faites ce que je vous dis ! lui ordonnai-je en lui lançant une des deux culottes de coton blanc que j'avais trouvé dans le coffre avec les vêtements.

Elle l'attrapa au vol, plus par pur réflexe qu'autre chose, regardant le sous-vêtement d'un regard dégouté.

— Vous êtes certaine qu'elle est propre au moins ?

Je ne me donnai même pas la peine de lui répondre tandis que j'enfilai la mienne, suivit du jean troué et délavé par l'usure, qui s'avéra trop court d'au moins trois bon centimètres. Je revêtis le plus rapidement possible le reste des vêtements qui eux étaient trop grands et sentaient un mélange fort désagréable de poussière et de renfermé. J'attrapai tous les anciens vêtements de Monroe et les empilai sommairement sur ma défunte robe dont je me servis pour faire un baluchon sommaire.

— Je sors ! prévins-je les deux hommes avant d'ouvrir la porte.

Les fringues qu'ils avaient dénichés leur allaient mieux qu'à nous. Même si le pantalon de jogging vert que portait Allistaire piquait les yeux, il était au moins à sa taille, pensai-je en essayant de replacer discrètement mon pantalon trop serré qui me gênait aux entournures.

— Vous n'auriez pas dénicher des chaussures, et de la nourriture, par hasard ? demandai-je en ôtant mes escarpins que j'ajoutai à la pile.

— Nous n'avons pas chercher, à vrai dire, me répondit Worth en se dirigeant vers la cuisine où il commença à ouvrir tous les placards.

— Tant pis, nous n'avons plus le temps ! Donner-moi aussi vos chaussures et vos chaussettes, je vais aller tout disperser dans les bois.

— Quoi ? Tu veux qu'on se trimballe pieds nus en pleine forêt ?!

— Tu préfères quelques égratignures et un peu de boue ? Ou finir morte et laisser à pourrir au milieu des arbres ? répondis-je hargneusement à Monroe, qui venait d'épuiser tout mon stock de patience, en la tutoyant en retour.

Heureusement pour elle, elle ne répondit pas et commença à délasser ses rangers sans un mot, moment dont je profitai pour emmener Worth légèrement à l'écart.

— Il reste combien d'autonomie de batterie ? lui demandai-je à voix basse.

— Si on roule normalement, une centaine de kilomètres, je pense. Pourquoi ?

— Tu vas reprendre la voiture et emmener tes collègues en sécurité. Une fois fait, envoi-moi un message et je te rejoindrai.

— Pardon ? Tu comptes rester là toute seule ? C'est hors de question ! s'emporta-t-il sans pour autant élever la voix, ce dont je lui fus reconnaissante.

— Je vais les entraîner sur une fausse piste et...

— Tu ne vas rien faire du tout ! On va tout laisser ici et dégager au plus vite. Maintenant que nous nous sommes débarrassés du traceur, ils ne pourront plus nous suivre. Pas la peine de tenter le diable pour rien.

Ne voulant pas m'emporter, je ne lui répondis pas. Je ne sais pas ce qui me trahi, peut-être ce fichu lien, mais je compris qu'il m'avait percé à jour lorsqu'il me saisit le poignet et me força à me tourner dans sa direction.

— Qu'est-ce que tu me caches ? me demanda-t-il d'un ton inquisiteur, sa bouche à quelques centimètres de mon oreille. Et ne me répond pas, rien ! me prévint-il à l'instant où j'ouvrais la bouche.

— Il y a quelque chose que je dois vérifier, c'est... important.

— Tu penses que c'est toi qu'il piste ?

Étonnée par sa perspicacité, je me reculai, mon regard surpris valant tous les discours.

— Je vois que tu tiens toujours mon intellect en haute estime ! persifla-t-il dans un petit rire cynique. Tu crois que je n'y ai pas pensé ? Je suis flic Hannah et je commence à comprendre comment ton monde fonctionne et surtout... comment, toi, tu fonctionnes.

— Alors arrête de tergiverser et laisse-moi faire ce que je dois faire !

— Non ! C'est trop risqué et trop dangereux. S'il te capture, on ne pourra rien pour toi...

— C'est mon problème !

— Non, plus seulement ! À présent, c'est le miens également et...

— Vous croyez vraiment que c'est le moment pour une scène de ménage ?!

— Monroe, la ferme ! l'apostropha Worth à l'instant où une onde de choc, faible mais clairement perceptible, traversait le chalet de part en part, accompagné d'un son sourd et dérangeant qui résonna dans tout mon corps.

— C'était quoi ça ? demanda Allistaire alors qu'un frisson le secouait.

— Ils s'attaque à la barrière de protection ! Il faut partir... tout de suite ! 

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