Chapitre 14-2
*Modifié le 05.05.22*
Comme étrangère à mon propre corps, je me laissai hisser sur quelques centimètres, avant de participer à la remontée en m'aidant de mes jambes. Le tremblement de terre avait cessé et la crevasse dans laquelle je me trouvais était en train de se refermer lentement. Devenant de plus en plus étroite, la roche déchirait mes vêtements et m'écorchait la peau à mesure que Monroe m'aidait à me hisser. Je serrai les dents et parvins à m'extraire de ce piège infernal, tombant aux côtés de la jeune femme, épuisée. Trop consciente que nos ennemis étaient certainement toujours là, je me redressai rapidement, prête à me défendre si nécessaire... mais ce n'était pas utile. Hormis les morts et les nôtres qui se relevaient péniblement, il n'y avait plus personnes en vue.
— Où est Kane ?
— Il a détalé avec ce qui lui restait d'homme, à la seconde où il t'a vu disparaitre dans cette crevasse, me répondit Jude en se rapprochant, Allistaire appuyé sur son épaule.
— Ce n'est pas son genre de fuir comme ça...
— Il a eu peur et il n'est pas le seul, souffla Allistaire légèrement hébété. Comment avez-vous fait ça ?
— Kane n'a peur de rien ! lui répliquai-je pour changer de sujet. Il va revenir, nous ne devons pas rester là.
— Il te croit morte, je l'ai vu dans son regard, affirma Worth d'une voix rauque et râpeuse.
— C'est ce qu'il a voulu te faire croire. Le Kane que je connais ne serait pas parti sans avoir vérifier. Ce n'est sans doute qu'une ruse de plus. Ils doivent nous attendre un peu plus loin.
— Et il aurait fait ça, comment ? Tout s'écroulait autour de nous !
— On devrait appeler des renforts, suggéra Monroe en sortant son portable de sa poche d'une main tremblante.
— Et vous leur expliquerez ça comment ? lui demanda Jude, en balayant les alentours d'un geste circulaire du bras.
Le champ uniforme et plat dans lequel nous avions atterris quelques minutes auparavant ressemblait à présent à un champ de ruine. Des cratères et des crevasses s'ouvraient un peu partout et plusieurs corps gisaient au milieu des monticules de terre retournée. C'était réellement moi qui avais fait ça ?! Comment était-ce possible ? J'avais senti l'esprit de Worth me transmettre quelque chose, puis cette force brut, mais... A la seconde où j'évoquai ces souvenirs, la terre se remit à trembler légèrement. Puis, dans un concert de craquements secs et caverneux, les fissures se refermèrent toutes seules.
— Comment vous... comment vous faites ça ? me demanda Monroe d'une voix effrayée en se reculant de quelques pas.
— Ce n'est pas elle, c'est moi ! balança Worth sous le regard éberlué de ses collègues, tandis qu'il me rejoignait d'une démarche claudicante et m'attrapait la main.
— Quoi... comment ? Mais...
— Vous discuterez de ça plus tard ! intervint Jude, qui pendant ce temps, venait de dissimuler les corps dans les sous-bois avoisinants. Ne traînons pas ici, ajouta-t-il en se dirigeant vers l'un des véhicules abandonnés, portières ouvertes, un petit ding-ding-ding agaçant, résonnant dans le silence de cette fin de nuit.
— Vous comptez prendre leur voiture ?! s'étonna Allistaire.
— C'est ça ou crapahuter dans les bois avec deux blessés ? Vous préférez quoi ? Attendre qu'ils reviennent pour nous achever ? Puis sans attendre de réponse, il s'installa au volant.
Nous le rejoignîmes et nous installâmes sans un mot dans l'habitacle qui sentait la cigarette et une odeur désagréable de... chien mouillé !
— Kane est un loup ? me demanda Jude en démarrant, rejoignant ma brève analyse olfactive.
— Je ne sais pas, lui répondis-je. Un de ses... atouts, est de toujours avoir gardé sa nature animale secrète.
— Tu veux dire qu'il ne s'est jamais transformé devant toi ?
— Jamais, répondis-je alors qu'un frisson incontrôlé me secouait. Mais cette odeur n'est pas la sienne, affirmai-je après une analyse olfactive un peu plus poussée. Ils étaient plusieurs. Il doit certainement avoir un clan de loups sous sa coupe. Tu nous emmènes où ?
— Pour l'instant nulle-part, je vérifie juste que nous ne sommes pas suivit, me répondit-il avant de piler brusquement pour tourner à droite.
Le silence retomba dans l'habitacle et l'énormité de tout ce qui venait de se passer me tomba dessus sans prévenir. Je fixai mes mains qui avaient recommencé à trembler, lorsque Worth les recouvrit des siennes.
— ça va aller, me murmura-t-il à l'oreille. Ce n'était pas toi, c'était moi. J'ai...
— Comment va ta blessure ? l'interrompis-je ne voulant pas qu'il en dise trop devant ses collègues, même s'il était certainement déjà trop tard.
— ça va, me répondit-il d'un ton froissé en retirant sa main.
Sans réfléchir, j'arrêtai son geste, retenant sa main de la mienne. Sans que je comprenne pourquoi, son contact me faisait du bien et cette fois, aucune pensée parasite ou partage involontaire n'étaient venus s'inviter à la fête. Il me lança un regard surpris et finalement, laissa sa main où elle se trouvait, sans insister.
— Vous êtes quoi, Chef ? demanda soudain Monroe d'une voix accusatrice depuis le siège passager. Un métamorphe, comme elle ? À moins que ce ne soit autre chose ? Pourquoi ne nous avoir rien dit ?
— Peut-être parce que ça ne vous regardait pas ! ne pus-je m'empêcher de lui répondre, scotchant Worth pour la seconde fois en deux minutes.
— Ça ne nous regardait pas ! Nous travaillons avec lui tous les jours depuis plusieurs mois ! Nous lui confions notre vie, nous... nous pourchassons les créatures comme vous... comme lui ! Nous aurions dû être les premiers au courant, au contraire !
— Et tu aurais fait quoi, si tu l'avais su ? Hein, Monroe ? lui demanda Allistaire dans un ricanement cynique. Tu lui aurais fait confiance, comme tu le fais maintenant, sans poser de question ? Ou tu serais directement aller le dénoncer à la direction ?
Worth se raidit à mes côtés. Je sentis sa main se contracter sur la mienne, tandis qu'il écoutait ses hommes parler de lui comme s'il n'était pas là. Son avenir en tant que policier se jouait maintenant, dans cette voiture et tout ça parce qu'il avait voulu jouer les chevaliers servants. Monroe fixait Allistaire d'un regard agressif et borné tandis qu'un silence pesant envahissait l'habitacle.
— Qu'est-ce qui a changé ? Mis à part l'idée que tu te fais de lui, à présent ? Pour moi, chef, vous êtes et resterez toujours la personne en qui j'ai toute confiance, déclara-t-il en se tournant vers Worth, main tendue. Même si j'aurais préféré que vous nous fassiez confiance, ça ne change rien pour moi, ajouta-t-il tandis que Gabriel lui serrait la main, avant de la reposer aussitôt sur la mienne comme s'il avait peur que je ne change d'avis.
— Après ce que j'ai été obligé de vous confier pour intégrer l'équipe... comment avez-vous pu me cacher ça ? revint-elle à la charge, d'une voix hargneuse, des larmes dans les yeux.
— Il ne vous a rien caché du tout, intervins-je ressentant la culpabilité et la détresse de l'inspecteur presque jusque dans mes os. Il est humain, comme vous...
— Foutaises ! J'ai vu ses yeux virer aux blanc et la neige se répandre autour de lui et...
— C'est moi qui provoque ça ! mentis-je aussitôt et sans aucun remord, en fixant Monroe dans les yeux.
— Hannah, tu n'es pas obligée...
— Non, tu as raison. Mais je te dois bien ça. Sans entrer dans des détails qui ne vous concerne en rien, continuai-je à l'intention de Monroe, sachez que Gabriel ne mérite en rien votre mépris, ni votre jugement hâtif et erroné. La seule chose que vous ayez besoin de savoir à son sujet, c'est que c'est un type bien en qui vous pouvez avoir confiance.
— Je ne pourrais jamais faire confiance à un menteur, chuchota-t-elle en se retournant, inconsciente du fait, qu'hormis Allistaire, tout le monde dans la voiture avait perçu son chuchotement.
La culpabilité et la tristesse de Worth devenaient étouffantes, au point que je fus tentée de couper le contact et de dégager ma main de la sienne. Je comprenais confusément, à travers les sentiments qui me parvenaient, qu'il s'était passé quelque chose d'horrible dans le passé de Monroe, quelque chose dont elle jugeait les métamorphes responsables et qu'elle avait confié à l'inspecteur.
— Tu n'y es pour rien, lui chuchotai-je à l'oreille alors que la voiture ralentissait pour finalement s'arrêter.
— Terminus, tout le monde descend ! lança Jude en ouvrant sa portière.
Quelqu'un nous attendait, debout à côté d'un véhicule gris passe-partout, portières ouvertes et moteur en marche.
— Emmène la voiture loin d'ici et débarrasse-t'en ! ordonna-t-il au jeune homme avant de grimper d'un bon dans le nouveau véhicule.
Nous l'imitâmes sans poser de question, même Monroe qui semblait ronger son frein. Nous roulâmes encore un temps indéfini avant de stopper de nouveau. Jude coupa le contact, alluma la lumière de l'habitacle avant de se pencher vers Monroe qui se colla aussitôt à la portière.
— Ne panique pas chérie, je veux juste accéder à la boîte à gant ! ironisa-t-il en prenant quelque chose à l'intérieur. Maintenant, et ce n'est pas négociable, soit vous mettez ça sur votre tête, soit vous ne sortez pas de cette voiture ! dit-il à Allistaire et Monroe en leur tendant deux bonnets en laine.
— Pourquoi nous et pas eux ?
— Parce qu'à eux, je leur fait confiance !
Nous finîmes par sortir. Nous nous trouvions au milieu de nulle-part, cerné par les arbres et les champs. Même s'il faisait nuit je commençais à avoir une certaine idée de l'endroit où nous nous trouvions. Mais... il n'aurait pas été inconscient à ce point-là ?! Nous continuâmes à avancer, Jude guidant les deux inspecteurs pour ne pas qu'ils tombent. Je sentis que nous traversions une barrière magique lorsque les poils se dressèrent sur mes bras et que le paysage se modifia instantanément sous mes yeux.
— Tu en as mis du temps, je commençais à m'inquiéter, retentit soudain la voix de Christina alors qu'elle accueillait son mari d'un baiser rapide mais tendre et qu'une ombre noire et massive se laissait tomber devant nous dans un grondement menaçant.
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