*Modifié le 05.05.22*

Rien que la voix mielleuse et supérieure de Kane suffit à m'envoyer des frissons de dégout dans tout le corps, qui s'intensifièrent davantage lorsque j'aperçus son sourire vicieux et victorieux. Worth eut à peine le temps de bouger un muscle qu'il le saisissait par le cou, l'entraînant vers sa collègue à côté de laquelle il le força à s'agenouiller à son tour. Lentement, en me fixant bien dans les yeux, il sortit un couteau de derrière son dos et vint en plaquer la lame contre le cou de l'inspecteur.

— Arrête ta démonstration de force, Kane, je te connais trop ! lui balançai-je d'un ton froid et indifférent, du moins je l'espérais. Dis-moi vraiment ce que tu veux, qu'on en finisse.

— Mais je te l'ai déjà dit, Sweetie. C'est toi que je veux. Toi et seulement toi. Alors, viens avec nous sans faire d'histoire et je laisserai partir tes... amis.

Worth s'apprêtait à protester, mais je l'en dissuadai d'un bref regard. Je ne me rendrais pas. Ni par peur, ni par désintérêt du sort de mes compagnons, mais parce que je savais avec une certitude viscérale que Kane ne tiendrait pas sa parole et qu'une fois à leur merci, ils les tueraient tous sans aucune pitié. Je devais gagner du temps et faire comprendre à Jude et aux autres que nous allions devoir agir.

— Je le sais, tu me l'as déjà dit, lui répondis-je tandis que je reculais discrètement d'un pas vers la gauche. Mais tant que je ne saurais pas pourquoi, je ne bougerai pas d'ici.

— Parce que tu te crois en positions de négocier, peut-être ! s'esclaffa-t-il méchamment. Un seul mot de ma part et ta copine n'a plus de tête.

— Vas-y, je la connais à peine et en plus, elle me déteste. Je me contrefous de son sort, affirmai-je avec une froideur étudiée en jetant un regard dédaigneux à Monroe.

Je vis de la haine, de la panique et de la résignation passer dans le regard de cette dernière à l'entente de mes paroles. Allistaire, qui s'était aussitôt mis à protester, reçut un coup de crosse qui le fit taire efficacement. C'était du bluff bien sûr, et j'espérais de tout mon cœur que Kane n'allait pas me prendre au mot, mais je devais donner le change, le temps de tenter ce que j'avais en tête.

— Toujours aussi glaciale, à ce que je vois, tu n'as pas changé. Soit, si c'est ce que tu veux, Ned...

— Mais si tu l'exécutes de sang-froid, là maintenant, tu ne feras que me prouver ce que nous pensons tous déjà.

— Et qui est ? me demanda-t-il en levant la main en direction de son larbin, lui demandant d'interrompre son geste.

Je laissai mes lèvres s'étirer en un sourire sinistre, tandis que je prenais volontairement tous mon temps pour répondre. En parallèle, j'abaissai brutalement toutes mes défenses mentales, cherchant à atteindre Worth. Cela se fit si brutalement et avec une telle force, que je faillis chanceler sous l'afflux de sensations et me trahir. L'esprit de l'inspecteur n'était qu'un maelstrom bouillonnant de rage, de peurs et de déterminations mêlées. Il écarquilla brusquement les yeux lorsque mon esprit effleura le sien. Nous ne pouvions pas réellement communiquer, j'espérai juste qu'il comprendrait qu'il devait se tenir prêt.

— Que tu n'as aucunement l'intention de les laisser repartir vivant, répondis-je enfin à Kane, tandis que je faisais un signe à Jude. Maintenant ! hurlai-je tandis que je me transformais, prenant mon envol du ras du sol.

La surprise de Monroe devant ma métamorphose, l'empêcha de réagir assez vite. Je la voyais déjà morte, lorsque l'arme s'enraya, cliquetant dans le vide. En deux coups d'ailes je fondis sur l'homme qui se laissa tomber au sol pour m'éviter, puis repartit aussi vite, laissant Monroe terminer le travail. Je rejoignis l'inspecteur, luttant au corps à corps pour la possession du couteau, ayant profité de ma diversion pour tenter de désarmer Kane. Je remontai en piqué jusqu'à ses épaules que j'agrippai de mes serres. Ce dernier poussa un cri de rage et par reflexe tenta de me déloger, libérant ainsi Worth qui en profita pour finir de le désarmer et lui asséner un violent coup de pied dans le genou. Kane déséquilibré, chuta lourdement dans un cri sourd et effrayant, me forçant à reprendre mon envol.

Je m'apprêtais à revenir à la charge lorsque des coups de feu se mirent à retentir, plusieurs projectiles me frôlant de près.

— Attention imbécile ! rugit Kane, je la veux vivante. Les autres en revanche, buttez-les, ajouta-t-il d'une voix implacable tandis qu'il se relevait dans un bond inhumain.

Quasiment dans le même mouvement, il frappa Worth au visage d'un coup de coude ultra violent et récupéra le poignard que ce dernier avait en main. Il s'apprêtait à le frapper, lorsque je me précipitai, toutes serres en avant sur son bras. Dans ma précipitation, je n'avais pas été subtile et ce dernier n'eut aucun mal à éviter mon attaque. D'un geste flou il me saisit par une aile, m'envoyant valser contre la carcasse de la voiture que je percutai violemment dans un bruit sourd. La douleur et le choc, chassèrent Ivy et je me retransformai aussitôt dans un brouillard de douleur. Totalement impuissante, je ne pus que regarder avec horreur Kane réarmer son bras pour frapper Worth qui, à ma grande surprise, esquiva à la vitesse de l'éclair et bloqua le bras de Kane avec sa main. Ce dernier partit d'un rire sonore, qui s'étrangla soudain dans sa gorge lorsque des flocons de neige se mirent à tomber et de la glace à s'épanouir sur sa peau, engourdissant ses doigts en quelques secondes.

— Tuez-le ! rugit-il, en fixant Worth les yeux écarquillés, tandis qu'il tentait de se dégager de sa prise glacial.

Jude s'empressa de récupérer l'arme de l'homme qu'il venait de tuer et la lança à Worth.

— Attrape ! lui cria-t-il alors qu'il s'empressait d'aller rejoindre Monroe, de nouveau en fâcheuse posture.

L'inspecteur attrapa l'arme au vol et sans attendre, l'arma et tira. La balle, qui aurait dû atteindre Kane en plein milieu de front, dévia sans raison à la dernière seconde, ne faisant qu'effleurer son oreille.

— Je comprends mieux pourquoi tu t'es amouraché de lui, rugit-il en parvenant à se défaire de l'étreinte de l'inspecteur. Je dois reconnaître que la surprise était amusante, mais ça ne suffira pas à m'arrêter, ajouta-t-il en se ruant sur lui.

Il le précipita au sol et avant que ce dernier n'ait pu réagir plaça ses deux mains autour de son cou et se mit à serrer. Encore sonnée et percluse de douleurs, je me relevai malgré tout, mon bras droit pendant, inutile le long de mon flanc. Je cherchai Jude du regard, mais ce dernier, en train de se battre contre deux ennemis à la fois, arriverait trop tard. Quant à Allistaire et Monroe, ils n'avaient plus d'armes et ne savaient pas quoi faire pour aider leur chef. Dans un cri de haine, de rage et d'impuissance, je me jetai malgré tout sur Kane qui se débarrassa de moi d'un simple revers, comme si je n'étais qu'un vulgaire moucheron.

— Il ne tient qu'à toi que j'arrête, me murmura-t-il en ricanant méchamment. Promets de me suivre sans faire d'histoire et je le laisse vivre...

— Non...Hannah, réussit à articuler Worth avec les dernières forces qui lui restaient.

— D'accord, d'accord je te suis, capitulai-je dans un cri désespéré, tandis qu'un second véhicule arrivait en trombe déversant un nouveau contingent de métamorphes hostiles et armés jusqu'aux dents, finissant de me plonger dans le désespoir.

— Tu n'as jamais eu le choix de toute façon, me susurra-t-il en commençant à desserrer légèrement son étreinte. Emparez-vous d'elle ! ordonna-t-il à ses hommes qui s'empressèrent de m'encercler, me menaçant de leurs armes.

— Non, rugit l'inspecteur à son tour tandis que ses yeux viraient soudainement au noir.

Je sentis une force inconnue m'envahir, rendant mon corps lourd et soudain trop petit pour ma peau. Un pouvoir brut et indescriptible courait en moi, cherchant désespérément à en sortir. Sans réfléchir, je me laissai tomber au sol, plaquant ma paume sur le sol boueux qui se mit aussitôt à trembler. La terre trépida sous mes doigts et des crevasses apparurent, serpentant à une vitesse folle vers nos ennemis. Lorsqu'elles les atteignirent, le sol s'ouvrit alors dans un grondement apocalyptique, engloutissant tous les hommes se trouvant sur leur passage. Terrifiée par ce que je venais de provoquer, j'essayai de retirer ma main du sol, mais gênée par mon bras blessé, je m'écroulai par terre, finissant d'aggraver le phénomène.

Les tremblements s'intensifiaient, faisant bruire les arbres et éclater les écorces des troncs. Les gémissements du bois martyrisé et de la nature en colère m'environnaient, me noyant dans leur fureur tandis que le sol se dérobait sous moi. Je voulus crier, mais la roche sous-jacente s'ouvrit soudain dans un craquement funeste. Je commençai à chuter, avalée par la terre qui venait de nous sauver la mise quelques secondes auparavant. Le cœur au bord des lèvres et l'esprit saturé par la panique et le pouvoir incontrôlable de Worth, j'essayai malgré tout de m'accrocher à quelque chose, lorsque quelqu'un me saisit rudement par le poignet, stoppant ma dégringolade.

— Tenez-bon, je vous tiens, me dit Monroe dans un souffle en grimaçant sous l'effort.