Chapitre 10-2
*Réécrit le 25.04.22*
Un léger sourire étira ses lèvres, tandis qu'il me laissait l'entraîner au milieu de la foule en un lent louvoiement étudié. J'avançais la tête haute et le regard braqué droit devant moi, le meilleur moyen pour ne pas me faire aborder tous les deux pas par des snobinards curieux et avide d'exotismes. Nous parvînmes jusqu'à notre table, placée en bordure de piste. Je repérai ma place, indiquée par une étiquette cartonné doré à l'or fin, où mon nom calligraphié en une écriture alambiquée était agrémenté d'une ridicule empreinte... de patte de chien !
— Non ! Sérieusement ! s'esclaffa Worth en ricanant.
— Ne te moque pas, tu as le même ! lui répliquai-je, pince sans rire, tandis que je déposais mon manteau sur le dossier ouvragé de ma chaise.
— Tu veux dire qu'ils me prennent pour un métamorphe ? Ils ne se sont pas renseignés sur moi ?
— En a peine deux heures, ils n'ont pas eu le temps. Et puis, c'est la première fois que quelqu'un m'accompagne, ils n'ont pas cherché plus loin ! Vu l'accueil... plumesque de l'arrivé, tu as dû comprendre que nos hôtes ne font pas dans la finesse !
— Je croyais que c'était une soirée en faveur du traité de paix. Tu ne devrais pas en être, l'invitée d'honneur ?
— Bien sûr ! ironisai-je en ricanant. Je suis juste là pour faire joli et tout le monde le sait !
— Tout le monde, sauf toi. Ce que tu sauras leur rappeler en temps utile, j'en suis certain. Pff... c'est pathétique comme technique de déstabilisation ! Ils ne savent vraiment pas à qui ils ont à faire, hein ?
— Et c'est très bien comme cela, pour le moment.
— Le traité de paix existe vraiment où c'est juste de la poudre aux yeux ? finit-il par me demander à voix basse.
— Oui, en théorie, mais la réalité est beaucoup plus inquiétante. La vérité, c'est que la plupart des politiciens et des « humains » en général, ont peur de nous et de ce qu'impliquerait exactement ce traité. Et pour le moment, ce sont eux les plus nombreux.
— Et il impliquerait quoi, exacteme...
— Hmm, nous interrompit une femme d'un raclement de gorge tout sauf discret. Êtes-vous au courant qu'il y a des vestiaires mis à dispositions des... invités... Mademoiselle ? me dit-elle d'une voix hautaine et snob, en lorgnant d'un regard emplit de dégout le chevalet, doré portant mon nom.
D'un bref et discret signe de la main, j'arrêtai Worth qui s'apprêtait à intervenir, visiblement ulcéré par l'attitude de la rombière snobinarde.
— Bien évidemment... Madame, lui rétorquai-je d'un ton glacial. Mais étant l'une des invités d'honneur, je ne suis pas dans l'obligation de m'y conformer, ajoutai-je avec mon plus beau sourire de façade pour lui clouer le bec. À présent, si vous voulez bien m'excuser, je suis attendue.
Je crus qu'elle allait faire une crise d'apoplexie, tellement son visage sans grâce et surmaquillé vira au rouge sous le coup de l'indignation.
— Attention ! Elle peut mordre aussi ! lui susurra Worth, un grand sourire vindicatif aux lèvres au moment où je lui arrachai un petit cri involontaire en passant devant elle, la frôlant volontairement.
Je réprimai un petit rire et entraînai l'inspecteur vers le bar à travers la piste de danse, qui commençait à se remplir de grappes d'invités discutant et sirotant leur champagne. Bien que des serveurs nombreux et zélés sillonnent la pièce sans relâche, plateaux surchargés en main, le bar était pris d'assaut.
— C'est toujours comme ça ? me demanda l'inspecteur qui paraissait n'avoir qu'une envie... fuir le plus loin et le plus vite possible de cet endroit tellement éloigné de son univers habituel.
— ça dépend à quoi tu fais allusion ? Le bar bondé, ou les réflexions idiotes ? lui demandai-je en faisant un signe inutile à l'un des barmans débordés.
— Les deux, en fait ! Ces soirées VIP sont censées réunir les riches et les puissants, être classe et chic...
— ça c'est ce que tu t'imagines avant d'y venir pour la première fois ! lui répondis-je d'un ton acide. La réalité est beaucoup moins glamour et sympathique ! Un panier de crabes où tous les coups sont permis pour conserver son pseudo rang et sa place au soleil. Bienvenue dans la triste réalité des coulisses du pouvoir.
— Comment tu fais pour supporter ça ?
— Je bois...
Sous le coup de la surprise, ses yeux s'écarquillèrent tandis qu'il me fixait bouche-bée.
— Rien que pour voir ta tête, ça valait le coup ! repris-je en retenant un rire. Je fais ce que j'ai à faire, c'est tout. Si je ne le fais pas, si je n'essaye pas de me battre pour les nôtres, nous n'avons aucune chance ! lui rétorquai-je en me tournant vers lui, emportée par ma réplique.
Une lueur étrange traversa ses prunelles, mélange de surprise, de soulagement et de quelque chose d'autre que je ne parvins pas à identifier.
— Alors... tu me considères comme l'un des vôtres maintenant ?
Sa question me laissa perplexe durant quelques infimes secondes, avant que les paroles que je venais de prononcer ne me reviennent en mémoire. J'avais parlé sans réfléchir, sans doute parce qu'inconsciemment, c'était vrai. Même s'il n'était pas métamorphe, il faisait partie de ma famille, en quelque sorte.
— Avec tout ce que nous avons traversé, comment voudrais-tu qu'il en soit autrement ? lui rétorquai-je un peu sèchement. Ce n'était pas le moment pour faire du sentimentalisme.
Il ne répondit pas et se contenta d'un petit sourire entendu qui étira le coin de ses lèvres, tandis que son regard se détournait du mien pour aller fixer le vide. Cette attitude inhabituelle de sa part me déstabilisait, ce qui était sans nul doute voulu par cet horripilant représentant de la gente masculine ! J'étais en train de me demander quoi faire, lorsque le barman me sauva la mise.
— Bonsoir Mademoiselle, que désirez-vous boire ?
— Une eau gazeuse avec du citron et... demandai-je à Worth en cherchant son regard, toujours fixé sur un point invisible.
— Un Whisky sec, s'il vous plait.
— Tu commences fort, dis-moi ! ne pus-je m'empêcher de commenter, une fois le serveur partit préparer nos commandes.
— Tu peux m'expliquer l'intérêt d'attendre plus de vingt minutes pour un simple verre d'eau, alors qu'il y en a des bouteilles pleines sur toutes les tables ? me contra-t-il en prenant son verre des mains du barman, qu'il remercia d'un signe de tête.
— J'aime l'eau pétillante, c'est tout ! lui rétorquai-je à mon tour, alors que nous quittions les abords du bar à contre-courant. Et je ne bois jamais d'alcool, ajoutai-je lui arrachant un demi-sourire amusé.
Des sons discordants se firent soudain entendre par-dessus le brouhaha ambiant, signe que les musiciens se mettaient en place sur la scène et qu'il était temps, pour nous autres invités, de gagner nos places. Évitant toujours toutes discussions avec les gens plus ou moins important qui essayait de m'aborder, nous réussîmes à parvenir en vue de notre table, là où se dérouleraient réellement les discussions importantes, en un temps relativement court.
— Hannah, ma chère ! Vous êtes venue finalement ! s'exclama soudain Térésa Ikks, l'organisatrice mondaine hors de prix, payée par le gouvernement pour tous les galas et occasions médiatisés comme celle de ce soir.
Comme à son habitude, engoncée dans une robe d'une couleur criarde bien trop petite pour elle, elle se dandinait dans ma direction, ses talons trop hauts semblant frôler la rupture à chaque pas supplémentaire.
— Je vous cherche depuis tout à l'heure ! Où étiez-vous donc passé ? minauda-t-elle en jetant un bref coup d'œil à Worth.
— Une urgence ? lui demandai-je du bout des dents en continuant à avancer. Cette femme me sortait par les yeux !
— Je voulais juste vous présenter notre invité d'honneur. Que vous fassiez connaissance avant le dîner.
— Je ne savais pas qu'il y en avait un ?
— Mais si voyons, ma chère. Le Conseiller Brandon Frye, me répondit-elle d'un ton de fausse réprimande tandis qu'elle s'écartait légèrement sur le côté, contente de son petit effet.
— Reprenez moi si je me trompe, mais nous sommes bien à un gala pro-paix ici, non ? Ce devrait donc pas être Hannah, l'invitée d'honneur ? intervint Worth d'un ton polaire.
Les lèvres de la rombière se pincèrent, ses joues rosirent légèrement et elle dû se forcer pour sourire à l'inspecteur tout en prenant bien garde de ne pas lui répondre.
— Oh, regardez, il arrive justement ! reprit-elle en s'écartant légèrement pour accueillir le nouveau venu.
Moi qui n'avais jamais fait de malaise de ma vie, je sentis la tête me tourner et le sang déserter mon visage en moins d'une demi-seconde. C'est bêtement figée, comme un animal sauvage prit dans les phares d'une voiture, que je regardai le pseudo-conseiller Frye s'approcher de moi, sourire aux lèvres et main tendue. Conseiller qui n'était autre que Kane en personne.
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