Chapitre 1-2
*Modifié le 18/03/22*
Je me retournai lentement dans sa direction pour ne pas lui donner la satisfaction de m'avoir surprise. Grand, athlétique sans excès, cheveux bruns, il me fixait de ses magnifiques yeux verts, un éclair métallique dans le regard.
— J'ai besoin de vous parler, lui dis-je de la voix froide et réfrigérante que j'emploi pour garder les gens à distance.
— Cette conversation ne pouvait pas se faire par téléphone ? me répondit-il sèchement, à l'évidence blessé par mon attitude.
Tant mieux, c'était le but, me dis-je pour m'en persuader. Je ne voulais pas être proche de quelqu'un et surtout pas de lui. J'avais déjà baissé ma garde avec Jude et cela avait été une erreur. Une énorme erreur qui m'avait mené à ma triste situation actuelle. Je m'étais laissé émouvoir par leur petit couple parfait et même par sa bécasse de femme et leurs deux rejetons. Rien que de penser à ces deux petits amours, je sentis mon cœur fondre. Non ! Je ne pouvais plus me permettre de m'attendrir, de m'attacher à quelqu'un... plus depuis Kane. Repenser à lui me fit comme un électrochoc, me rappelant douloureusement la raison de ma présence ici.
— Sinon, je ne serais pas là, lui répondis-je en le toisant le plus froidement que je le pus.
— Très bien, dans ce cas, suis-moi, me répondit-il le visage fermé en me tournant brusquement le dos dans un mouvement raide. Pour ton information, à présent, c'est Capitaine Worth, ajouta-t-il en se retournant brièvement pour me foudroyer du regard tandis qu'il attendait que la porte devant laquelle il se trouvait soit déverrouiller de l'intérieur.
Apparemment, je n'allais pas avoir droit au circuit V.I.P, me dis-je en le suivant dans les profondeurs du bâtiment vétuste. En même temps, je ne pouvais pas lui en vouloir, me dis-je lorsqu'il me fit entrer dans une salle d'interrogatoire sinistre qui empestait le détergeant bon marché, l'urine et la peur, réveillant mes instincts de métamorphes et de prédateur bien mieux qu'une gifle. Il entra à son tour avant de refermer lentement la porte et d'aller s'adosser avec une nonchalance étudiée contre la vitre sans tain.
— A quoi rime tout ce cirque ? lui demandai-je aussitôt, délaissant la chaise crasseuse qu'il me désignait du regard pour rester debout et tenter de garder mon pantalon blanc intact.
— À vous de me le dire, me répondit-il en appuyant exagérément son vouvoiement. Depuis quand tu me vouvoies ? attaqua-t-il en se décollant du mur d'un mouvement fluide qui me rappela qu'il n'était plus qu'un simple inspecteur.
— Alors tu es capitaine maintenant ? lui demandai-je pour ne pas avoir à répondre à sa question.
— Oui et tu le saurais si tu prenais la peine de prendre de mes nouvelles ou de répondre à mes coups de fils, contrattaqua-t-il aussitôt en s'avançant un peu plus vers moi. Mais je commence à connaître ton manège de reine des glaces. Répond à ma question, m'ordonna-t-il en plaquant bruyamment ses mains sur la table, avant de planter son regard intense et étrange dans le mien.
Ses prunelles, d'un vert vif et vibrant, auraient déjà était remarquables, mais les mouchetures de bleu azur qui les parsemaient les rendaient uniques et hypnotiques. Surtout pour moi, car cette particularité, il me la devait. Des images de son corps torturé me revinrent subitement, me faisant tressaillir.
— Maintenant que tu es célèbre, tu as honte de montrer que tu me connais ?
— Si tu me connais aussi bien que tu le prétends, tu sais très bien que ce n'est pas ça ! m'emportai-je finalement, en profitant pour couper le contact visuel et me reculer de quelques pas.
— Ah ! Enfin une réaction sincère et spontanée, ça change ! persifla-t-il d'un ton acide. Oui je le sais. Tu cumules environ un milliard de défauts mais contrairement à ce que l'on pourrait penser en te voyant, tu n'es pas snob, me dit-il d'une voix légèrement moqueuse, tandis qu'il tirait l'autre chaise et s'y asseyait.
— Pourquoi es-tu là ? Ce doit être grave pour que tu traînes ton tailleur hors de prix dans mon modeste commissariat, ajouta-t-il enfin.
Je ne relevai pas la pique, me contentant de fixer le plateau usé de la table avec application, essayant de trouver la force de prononcer les prochains mots.
— J'ai besoin de ton aide.
— Oh ! Elle n'a pas dû être facile à sortir, celle-là ! s'esclaffa-t-il, m'arrachant une petite grimace. Je ne pouvais pas dire que je n'y attendais pas.
— Et pourquoi te l'apporterai-je, dis-moi ? continua-t-il en pianotant sur le rebord métallique de sa chaise. Parce que tu me prends toujours pour le gentil inspecteur humain neuneu, trop idiot pour refuser ?
— Tu n'es pas humain...
— Là n'est pas la question ! contrattaqua-t-il aussitôt en se relevant brusquement. Et je ne le suis plus, nuance ! Dès l'instant où je t'ai rencontré, je n'ai plus jamais été le même ! Tu as tout bouleversé, chamboulé, tu m'as transformé en...
— Je ne t'ai transformé en rien du tout ! m'emportai-je à mon tour pulvérisant la réserve que je m'étais jurer de garder tout au long de notre entrevue. Tu n'as jamais été humain ! Ton incursion dans notre monde n'a fait que le révéler, c'est tout. Je n'ai fait que te sauver la vie !
Le souvenir de sa respiration sifflante, de son corps torturé et de son regard déjà voilé, me revinrent avec une facilité et une netteté bouleversante. Je n'aurais pas dû faire ce que j'avais fait, alors. J'en connaissais les risques, contrairement à lui lorsqu'il avait fait la même chose pour moi sans même me connaître. Mais le laisser mourir n'avait même pas été une option à ce moment-là...
— Tout en sachant très bien ce qu'il se passerait ensuite, m'accusa Worth, éparpillant mes pensées et me ramenant brusquement à l'instant présent.
À savoir, l'horrible salle d'interrogatoire nauséabonde.
— Je connaissais le risque. Je l'ai fait en connaissance de cause et... je ne le regrette pas.
— Tu ne regrettes pas ?! Vraiment, tu es sûre ? s'esclaffa-t-il d'un rire sans joie. Pourquoi dans ce cas filtres-tu mes appels et m'vites-tu comme la peste ? Pourquoi refuser d'essayer de comprendre ce qu'il nous arrivait ?
— Parce que c'était passager...
— Parle pour toi ! cria-t-il d'une sourde emplie de colère. Alors c'est cela qu'il s'agit ? Comme ça ne t'affecte pas, tu t'en laves les mains ?
Son ton déçu et dégouté me fit presque plus de mal que la colère et le mépris que j'avais provoqué à dessein. En raison du lien que nous avions créé sans le vouloir, cet homme me troublait et ça me faisait peur.
— Très bien, pourquoi es-tu ici ? reprit-il de sa voix froide et indifférente de flic.
— Je voudrais que tu m'aides à retrouver quelqu'un.
— Humain ou métamorphe ? me demanda-t-il sur le ton de la conversation.
Sa manière de me poser la question me troubla. Il y avait de cela à peine six mois, nous devions nous cacher des humains qui ne connaissaient même pas la signification du mot métamorphe et à présent il y avait des bases de données remplis d'infos sur nous. Enfin, sur ceux qui avaient bien voulu être recensés. D'ailleurs, l'un des cheval de bataille du mouvement populaire A.S (anti-surnaturelle) contre lequel je devais m'ériger tous les jours, était que nous étions bien plus nombreux qu'il n'y paraissait et que notre but inavoué était, à terme, de supprimer tous les humains de la surface de la terre. Lorsque j'entendais ce ramassis de bêtises, j'avoue que l'envie m'effleurait presque !
— Métamorphe, lâchai-je dans un souffle. Mais il ne sera pas dans tes bases de données.
— Tu en es sûre ?
— Certaine. Pour être franche, il y a encore quelques heures, je le croyais mort.
Malgré tous mes efforts je n'avais pu empêcher le stress de filtrer dans ma voix.
— Tu le croyais, ou tu l'espérais ? me demanda-t-il de manière très perspicace, en avançant de quelques pas. Qui est ce type ? ajouta-t-il en s'approchant encore, quand il comprit que je ne lui répondrai pas.
— Il s'appelle Kane Adams.
— Je voulais dire, qui est-il pour toi ?
— Un mauvais souvenir, lui répondis-je alors qu'un tremblement que je n'avais pas réussis à réprimer me secouait traitreusement devant lui.
En une fraction de seconde, il fut près de moi et ses mains entouraient les miennes dans une étreinte amicale et réconfortante. Un souffle étrange, à la fois chaud et rafraichissant m'enveloppa, m'entourant d'un cocon protecteur invisible. Je sentis mon souffle se bloquer dans ma poitrine lorsque je pris conscience du phénomène.
— Pourquoi veux-tu le retrouver alors ? me demanda-t-il d'une voix étrange en approchant doucement son visage du mien.
— C'est lui qui m'a retrouvé. Il m'a appelé alors que je rendais visite à mon... à Charles, dis-je en me reculant légèrement, gênée par sa soudaine proximité. Il a appelé sur la ligne de la communauté, puis plus tard sur mon portable. Je veux juste savoir s'il est vraiment aux États-Unis ou s'il s'amuse seulement avec mes nerfs.
— Et pourquoi il ferait ça... commença-t-il alors que trois coups secs résonnaient sur la porte avant que cette dernière ne s'ouvre dans la foulée.
Je retirai brutalement mes mains des siennes, espérant juste avoir été assez rapide pour ne pas que l'agent en uniforme qui passait la tête dans l'embrasure ne nous ait vu.
— Capitaine, on a peut-être trouvé un nouveau corps. Vous devriez venir, lui dit l'agent d'une voix inquiète et stressée.
— Merde ! entendis-je Worth marmonner, après qu'il eut lancé un bref « j'arrive » à son collègue. Désolé mais je vais devoir y aller. Je t'appelle dès que je peux et tu m'expliqueras...
— Une affaire compliquée ? demandai-je, profitant de cette providentielle diversion pour me précipiter vers la porte.
Je n'aurais pas dû venir. J'avais su que c'était une erreur à l'instant où j'avais mis les pieds dans le commissariat. Le mieux était encore que je me débrouille seule, comme j'aurais dû le faire depuis le début.
— Un corps avec des blessures étranges. Il faut que l'on élucide ça avant que l'A.S ne s'en empare, expliqua-t-il machinalement avant de se rendre compte que c'était à moi qu'il parlait.
Il se ferma aussitôt en secouant la tête d'un air agacé, la main sur la poignée de la porte.
— Étrange comment ? lui demandai-je alors qu'une sueur froide m'inondait le dos et que mon cœur s'accélérait, résonnant douloureusement dans mes oreilles.
— J'en ai déjà trop dit. Tu sais que je n'ai pas le droit de te parler de ça...
— Dis-moi, c'est peut-être important, lui ordonnai-je d'une voix urgente.
Il se mit à me fixer d'un regard suspicieux que je connaissais bien, tandis qu'il tendait le bras pour bloquer la porte que j'étais sur le point d'ouvrir quelques secondes auparavant.
— Pourquoi veux-tu le savoir ? Tu crois que cela peut avoir un rapport avec ce... Kane, c'est ça ?
— Je le fixai pendant de longues secondes avant d'exhaler dans un souffle... Franchement, j'espère que non.
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J'ai pas résisté !!^.^!! Il fallait que j'écrive la suite :-) J'espère qu'elle vous a plu ?!
Bisous <3
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