Chapitre 24 - HARRY

« Tu manges à la cantine, ce midi, ma puce. Tu te souviens ?

- Oui.

- Tu travailles bien d'accord. Je viens te chercher après l'école.

- D'accord. A tout à l'heure mon papa.

- Bisous ? »

Je soulève Éléa et embrasse sa joue. Le réveil ce matin a été difficile. Nous avons failli arriver en retard à l'école et il a fallu que je presse un peu ma fille. J'ai repris le travail aujourd'hui. Je suis partagé entre la joie de reprendre mon activité et enfin pouvoir occuper pleinement mes journées, et la peine de perdre le rythme agréable qu'Éléa et moi avions trouvé.

Madame COLIN a repris du service depuis une semaine mais je déjeunais tous les midis avec ma fille. Là, il n'en est plus question et je sens bien que ça l'attriste.

Ses bras s'enroulent autour de mon cou et elle niche son visage dans mes cheveux. Je l'embrasse une nouvelle fois avant de la reposer au sol. Je reste à sa hauteur et passe ma main sur sa joue.

« Hey, ma puce, tu ne vas pas pleurer, hein ?

- Je veux rester avec toi, me répond Éléa, des sanglots dans la voix.

- Mon p'tit cœur, tu sais bien que c'est pas possible. Tu dois aller à l'école, et moi je dois travailler.

- Mais c'était bien quand tu étais tout le temps à la maison.

- Oui, mais maintenant je dois retourner travailler, mon bébé. Allez ! Regarde Danielle t'attend pour commencer la classe.

- S'il te plaît, papa..., je veux pas y aller..., chouine-t-elle en agrippant mon cou.

- Non, non Éléa. Allez ! J'ai pas envie de me fâcher. Sois gentille, s'il te plaît ! Tu vas retrouver tes amis et passer une bonne journée. Tu vas apprendre plein de choses et tout me raconter quand je viens te chercher. »

Une larme s'échappe et roule sur sa petite joue. Je déteste quand elle fait ce genre de caprice. Ce n'est vraiment pas dans ses habitudes, alors ça a tendance à me faire flancher. Mais là, on ne parle pas de lui offrir une nouvelle poupée ou de regarder un dernier dessin animé avant d'aller dormir. Je ne dois surtout, surtout pas céder.

Je me relève et prends sa main dans la mienne pour la conduire jusqu'à la classe de Danielle. Son institutrice tente de me rassurer à travers son regard. Elle passe sa main sur la tête de ma fille et l'aide à s'avancer dans la classe.

« Tu devrais y aller Harry. Ça va être encore plus difficile si tu t'attardes.

- Oui, tu as raison... je souffle. A tout à l'heure. »

Je tourne les talons et parcours la cour de l'école rapidement, remonte la rue jusqu'à la boulangerie en soufflant pour atténuer le nœud qui se forme au creux de mon estomac.

*

* *

La matinée avance tranquillement. Julien m'est d'une aide précieuse pour porter les sacs de farine et remplir le pétrin. Il surveille le pétrissage pendant que je sors les pâtons que nous avions laissés de côté au repos. Je forme mes pains et baguettes, surveille le four. Je retrouve les gestes de mon métier et l'odeur qui se dégage des fours avec plaisir.

Julien prépare une dernière fournée de viennoiseries alors que Michel confectionne les pâtisseries. Je suis heureux de retrouver mon équipe et plus que satisfait de leur professionnalisme. C'est grâce à eux et à Alain si la boulangerie a pu continuer à vivre pendant mon absence.

Je traîne une grande panière remplie de baguettes tradition jusqu'à la boutique où Katia est en train de servir une cliente. La dame me salue lorsqu'elle me voit. Je prends quelques minutes pour discuter avec elle.

"C'est un plaisir de vous revoir ici Harry ! me dit-elle.

- Merci. Je suis heureux de reprendre le travail.

- Vous avez été absent longtemps. Rien de trop grave, j'espère ?"

Je me tourne vers Katia qui me fait comprendre à travers son regard que mon agression a été passée sous silence.

"Non non, juste une mauvaise chute. Mais tout va bien maintenant. Merci, je réponds avec un sourire.

- Très bien. Faites attention à vous alors ! A bientôt !"

La dame quitte la boutique et je continue de ranger les baguettes avec Katia. Je découpe quelques morceaux que je place dans la panière de présentation sur le comptoir. La pendule affiche 11h30, les clients vont arriver un peu plus nombreux pour prendre leur déjeuner.

Je reste dans la boutique alors que Katia passe à l'arrière. Je suis occupé à disposer les différents sandwichs et tartes salées quand le carillon de la porte résonne. Je relève la tête et vois le facteur entrer.

"Bonjour Harry !

- Bonjour Nicolas ! Ça va ?

- Oui et toi ? Pas trop dure la reprise ?

- Non, ça va.

- Tiens, j'ai récupéré cette lettre qu'on devait déposer à ton domicile. Mais je savais que tu serais pas chez toi..., me dit-il en me tendant un pli recommandé.

- Oh merci. C'est gentil d'y avoir pensé, je réponds en signant le boitier électronique et récupérant le courrier qu'il me donne.

- Tu pourras me mettre des éclairs au spéculoos de côté ? Je passerai les prendre après ma tournée.

- Bien sûr, sans problème. Je préviens Katia au cas où je ne suis pas là.

- Merci."

Le facteur quitte la boutique. Je pose le courrier sur le comptoir et m'empresse de préparer la boîte avec les éclairs et les place dans le réfrigérateur sous les présentoirs.

Je reprends la lettre recommandée. Mon cœur accélère légèrement ses battements. Je déteste recevoir ce genre de courrier, toujours craintif de recevoir une mauvaise nouvelle. La lettre est estampillée de la Marianne et à l'en-tête du Tribunal de Grande Instance de Cherbourg. Mon estomac de serre. Je souffle fortement, pris soudainement d'une sueur froide. Je n'entends pas Katia me rejoindre alors que je suis plongé dans la lecture du courrier.

"Harry ? j'entends mon amie m'appeler, sa main sur mon avant-bras. Qu'est-ce qui se passe ?" elle me demande.

Je relève mon visage vers elle, la gorge nouée. Je lis dans son regard toute son inquiétude face à mon attitude.

"Je viens de recevoir la convocation du Tribunal... pour l'audience d'Ethan, je dis simplement.

- Oh... C'est quand ?

- Dans moins de deux semaines... le vendredi 19 janvier....

- Tu vas y aller ? elle me demande doucement.

- Je ne sais pas. Je ne suis pas obligé.... Je ne sais pas, je répète en passant mes doigts dans mes cheveux.

- Tu as encore du temps pour prendre ta décision. Si tu as besoin, je t'accompagnerai. On pourra fermer la boulangerie exceptionnellement pour le week-end.

- Je vais réfléchir. Allez, on continue...." je réponds en pliant la lettre pour la remettre dans son enveloppe.

Je sens le regard de Katia dans mon dos lorsque je me dirige vers le fournil. Cette journée n'avait pas très bien commencée avec la séparation difficile du matin avec Eléa, cette convocation qui arrive et qui me renvoie, encore, les souvenirs de cette soirée.

Je me rends compte que je me suis enfermé dans une sorte de bulle. Dès l'instant où Louis m'a trouvé, qu'il s'est occupé de moi, que nous avons échangé notre premier baiser, nos premiers émois, j'ai tout fait pour occulter mon agression. Les douleurs physiques, les bleus étaient là pour me la rappeler, mais j'en faisais abstraction pour vivre l'instant présent. Je suis sûr que ça été la meilleure attitude à adopter. Mais chaque fois qu'un nouvel élément lié à l'agression, à l'enquête, me parvient, c'est comme si un nouveau coup était porté, et la bulle éclate.

Pendant toute l'heure du déjeuner, je reste à l'arrière m'occupant des fournées ou de la confection des sandwichs que Katia me commande, en passant sa tête par la porte qui sépare la boutique du fournil.

A 13h45, j'entends le rideau descendre sur la devanture puis Katia me rejoint. Je termine de nettoyer le plan de travail et donne les dernières instructions à Julien pour la dernière fournée du soir.

"Tu as mangé quelque chose ?, me demande mon amie.

- Non. J'vais prendre un sandwich vite fait. J'ai pas vraiment faim.

- Harry... elle souffle, ça va aller ?

- Oui. T'en fais pas. Je m'attendais pas à recevoir ce courrier aujourd'hui. La matinée avait déjà été compliquée. Ça va aller, je t'assure, je réponds en embrassant la joue de Katia. Nicolas est repassé ?

- Oui à l'instant.

- Parfait. Bon, j'y vais, j'suis crevé.

- D'accord. A demain.

- Oui. Bon courage pour tout à l'heure.

- Merci."

Je quitte la boulangerie et monte dans ma voiture sous le regard soucieux de Katia. Je sors de ma place de stationnement pour prendre la direction de chez moi quand je reçois la notification d'un SMS. Je jette un coup d'oeil sur mon portable et l'aperçu du message.

Message de Louis : Où vas-tu comme ça ?

Je regarde autour de moi puis dans le rétroviseur à l'intérieur de l'habitacle. Je vois Louis remonter la rue en petites foulées. Je souris et m'arrête pour lui permettre de me rejoindre. Je ne pensais pas le voir aujourd'hui, ou juste quelques minutes rapidement à la boulangerie. Il ouvre la portière côté passager et s'engouffre dans la voiture. Il a les cheveux humides à cause de la bruine qui tombe aujourd'hui. Son regard est éclatant de malice et son sourire immédiatement communicatif. Une douce chaleur me parcourt et fait naître un sourire sur mon visage, le premier sourire sincère depuis que j'ai déposé Eléa à l'école tout à l'heure.

"Hey... me regarde pas comme ça !!! il me dit, me sortant de ma contemplation.

- Désolé, je réponds en me raclant la gorge alors que Louis rit.

- Ne t'excuse jamais. C'est juste pas l'endroit pour me déstabiliser comme ça !"

Il s'approche de moi et glisse sa main contre ma joue pour amener mon visage près du sien, laisse glisser ses lèvres contre les miennes, doucement. A cet instant, j'ai envie de m'accrocher à Louis et ne plus le lâcher, j'ai envie qu'il me rassure, j'ai besoin qu'il me rassure. Il doit sentir ma détresse dans mon baiser parce qu'il l'interrompt mais ne s'éloigne pas et colle son front au mien.

"Ça va pas mon cœur ?

- Matinée en demi-teinte... Eléa ne voulait pas me quitter ce matin et j'ai reçu la convoc' pour le Tribunal."

Louis se détache de moi pour pouvoir m'observer. Il dépose un nouveau baiser sur mes lèvres avant de reprendre la parole.

"Mes 3ème ont un examen du brevet blanc à 14h, j'avais oublié. J'ai 2h devant moi, il dit simplement. Tu m'offres un café ?"

Je démarre la voiture sans rien ajouter et en une dizaine de minutes nous avons rejoint la maison. Louis rentre derrière moi, enlève son manteau et ses baskets. Je le vois taper quelque chose sur son téléphone puis le déposer sur le meuble près de l'entrée.

"Tu pourras me redéposer au collège ?

- Bien sûr. Tu veux un café alors ?

- Si ça t'ennuie pas, je veux bien en prendre un pendant que tu manges."

Je suis surpris qu'il n'aborde pas plus que ça le sujet de la convocation mais ne pose pas de question et mets la machine à café en route pendant que je déballe le sandwich. Louis et moi nous installons sur le canapé et il me raconte sa matinée. Je souris lorsqu'il me raconte qu'une de ses élèves de 5ème a mis KO l'un de ses camarades en séance de taekwondo. Et je comprends son p'tit manège. Il s'emploie à me changer les idées. Ça fonctionne assez bien. Moi qui n'avais pas particulièrement faim, je me surprends à terminer mon sandwich. Je me lève du canapé pour prendre une bouteille d'eau dans le réfrigérateur. Je suis en train de boire lorsque je sens les bras de Louis s'enrouler autour de ma taille et ses lèvres glisser dans mon cou.

"Comment tu te sens ?, il me demande doucement.

- Ça va. Ça m'a contrarié évidemment. Je ne sais pas si je vais y aller.

- Je n'étais pas spécialement pour mais ça pourrait te permettre de tourner la page définitivement, tu ne crois pas ?

- Je ne sais pas... je souffle.

- Voir l'acte d'Ethan reconnu comme un acte violent et entendre la condamnation, ça peut aider à calmer tes cauchemars et mettre tout ça derrière toi, vraiment... non ?"

Le regard de Louis, face à moi, est doux. Il me conseille, me soutient, depuis le début, comme l'ont fait tous mes amis. Louis prend les choses plus à cœur parce que ça me touche moi, mais lui aussi. Il était là le jour du vandalisme, de la plainte et il s'est senti tellement coupable le lendemain de mon agression.

Je resserre mon étreinte autour de son corps et niche mon visage dans son cou.

"Tu viendrais avec moi ? je murmure à son oreille.

- Bien sûr", il me répond en passant sa main dans mon dos, douce caresse de réconfort.

Nous retournons sur le canapé et nous y allongeons. Louis joue avec mes boucles alors que je sens le sommeil m'emporter.

Une douce mélodie me réveille accompagnée des baisers de Louis sur ma joue. J'émerge doucement avec cette sensation d'avoir dormi plus longtemps que l'heure qui vient de s'écouler.

Je souris à Louis et l'embrasse tendrement.

"Timing parfait pour me déposer au collège et aller chercher Éléa à la sortie de l'école !

- Nickel ! je réponds en m'étirant. Cette sieste m'a fait du bien.

- C'est parce que tu étais dans mes bras...

- Certainement", je réponds avec un grand sourire.

Je passe rapidement par la salle de bain, histoire de remettre mes cheveux en place. Louis se tient dans l'entrée, la veste sur le dos et m'attend. Nous remontons en voiture et regagnons le village rapidement. Je dépose Louis devant le collège pour sa dernière heure de cours.

"Sois gentil avec tes élèves, hein !

- Mais je le suis toujours ! dit-il en claquant un baiser sur mes lèvres et en ouvrant sa portière.

- Louis !, je le rappelle après avoir baissé la vitre de ma portière. Tu viens dîner avec nous ce soir ?

- Avec plaisir. Tu veux que je passe faire des courses ? il demande en s'appuyant sur la voiture.

- Non, ça ira. Je vais demander à Éléa ce qu'elle veut manger et on ira faire des courses tout à l'heure.

- D'accord."

Ses lèvres m'embrassent une dernière fois et je le regarde s'éloigner.

Message à Louis : Merci pour cet intermède. Merci d'être là.

Message de Louis : Avec plaisir. Toujours.

Je démarre et me dirige vers l'école primaire à quelques rues de là.

*

* *

"Papaaaa !!!! J'ai fini !"

Je souris en me levant de ma chaise. Nous venons de terminer de dîner, Éléa, Louis et moi. J'ai envoyé ma fille à l'étage pour qu'elle mette son pyjama et se brosse les dents avant d'aller au lit. Je l'ai autorisé à lire un peu avant d'éteindre la lumière.

"Alors p'tit cœur, c'était bien ton livre ?

- Oui. Je l'ai presque fini !

- C'est bien ma puce. Tu me raconteras l'histoire quand tu auras fini ?

- Oui !"

Je récupère le livre que je dépose sur le petit bureau, puis donne son doudou à ma fille avant de remonter la couette sur elle.

"Dis papa, on peut appeler Daddy ? Pour que je lui dise Bonne Nuit ?

- Oui, on va essayer", je réponds en regardant l'heure sur mon portable.

Je cherche le nom de Zayn dans mon téléphone et appelle le numéro. Il décroche rapidement, surpris de mon appel à cette heure, même si pour nous, il n'est pas si tard ; Éléa n'appelle jamais Zayn après 20h. Je mets la conversation en FaceTime et donne le téléphone à Éléa. Je laisse le père et la fille seuls et descends rejoindre Louis.

"Tu me rappelles quand tu as terminé ma puce, d'accord ?" je dis à la porte de sa chambre.

Quand j'arrive dans la cuisine, je trouve Louis en train de débarrasser la table et remplir le lave-vaisselle. Je l'observe, appuyé contre le mur, à l'aise au milieu de ma maison. Il n'a pas remarqué ma présence et remplit la bouilloire pour nous préparer, je suppose, une tasse de thé avant qu'il ne rentre chez lui. Je souris. C'est agréable de voir Louis évoluer dans mon quotidien.

"Je sais que tu es là ! Tu crois que tu ne fais pas de bruit en descendant l'escalier ? il me dit en riant et se tournant vers moi.

- J'avais activé mon mode "ninja". Tant pis ! C'était agréable de te regarder jouer à la parfaite ménagère !

- Profites-en bien !!!"

Je m'approche de lui et claque un rapide baiser sur ses lèvres alors que sa main s'attarde dans le creux de mes reins.

"Éléa est couchée ?

- Non, elle a voulu appeler Zayn, je réponds. Je vais sûrement remonter dans cinq minutes.

- Juste le temps qu'il faut pour préparer le thé."

Louis a à peine le temps de terminer sa phrase qu'on entend déjà les pas d'Éléa dans l'escalier qui vient nous rejoindre. Il va quand même falloir que je lui parle de ma relation avec Louis, sans trop tarder. Elle nous a déjà surpris à plusieurs reprises sans y porter attention, jusqu'au jour où nous réagirons vraiment trop tard.

Éléa débarque dans la cuisine, le téléphone dans une main, son doudou dans l'autre, et la queue de cheval de travers. Elle est fatiguée de sa journée et même si demain c'est mercredi, il n'est pas question qu'elle veille trop tard.

Je récupère mon téléphone qu'elle me tend et la soulève dans mes bras pour l'embrasser. Eléa est une petite fille câline et j'en profite, conscient qu'un jour ou l'autre, ce ne sera plus vraiment le cas. Elle niche son visage dans mon cou et entortille mes cheveux autour de ses doigts, signe qu'elle est vraiment crevée.

"Tu vas aller dormir ma choupette, hein ! je lui dis en embrassant sa tempe.

- Toi aussi ?

- Pas tout de suite non.

- Je peux rester avec toi et Louis ? elle me demande d'une toute petite voix.

- Tu es toute fatiguée ma puce.

- S'il te plaît ?"

Je m'assieds sur ma chaise tandis que Louis sert les deux tasses de thé. Je dirige mon regard vers lui et le vois un peu gêné de se trouver là, avec mon Éléa grognon. J'installe ma fille devant moi, les fesses sur la table et relève son visage.

"Qu'est-ce qui se passe ma puce ? Qu'est-ce que vous vous êtes raconté avec Daddy ? je demande.

- J'ai raconté ma journée à l'école.

- C'est bien. Et lui, qu'est-ce qu'il a dit ?

- Rien.... Y avait Gauthier aussi. Ils ont dit que quand je viendrai à Paris, on ira voir l'aquarium.

- C'est super ça ! Tu es contente ?

- Ouais..., elle répond en haussant les épaules. Je sais pas. Je le connais pas Gauthier.

- Ce sera l'occasion de mieux le connaître ma puce. Il est gentil tu sais. Si Daddy passe du temps avec lui, c'est parce qu'il l'aime beaucoup.

- Mmm..., elle marmonne en se raccrochant à mon cou. Daddy et Gauthier y sont amoureux, je crois.

- Oui... sûrement un petit peu. C'est bien. Tu sais mon petit cœur, c'est la vie. Toi aussi un jour tu tomberas amoureuse.

- Bah je suis amoureuse de toi déjà ! elle dit en se redressant.

- Non ma belle, c'est un autre amour. Tu verras quand tu seras un peu plus grande. Tu as le temps ! je finis par dire, un sourire aux lèvres et une pointe de nostalgie à l'idée même que ma fille grandisse. Allez ! Tu fais un bisou à Louis et au dodo."

Éléa se penche sur la table tandis que Louis s'approche d'elle. Les bisous claquent sur les joues. Je mime à Louis que j'en ai pour cinq minutes à peine pour mettre ma fille au lit avant de redescendre partager une tasse de thé et pourquoi pas une cigarette après cette petite conversation. L'arrivée de Gauthier dans nos vies nous prend un peu tous au dépourvu. Ça aurait été tellement simple d'amener la nouvelle en douceur à Éléa. Je n'arrive pas à comprendre l'attitude de Zayn. Je dois l'appeler pour décaler nos week-ends pour qu'il prenne Éléa quand j'irai au Tribunal. Je pense que nous reparlerons alors de sa relation avec Gauthier, même si je suis conscient que je n'ai rien à dire. La distance est pesante dans cette situation.

Je borde ma fille dans son lit et lui fais plein de bisous en lui souhaitant "Bonne Nuit". Nous passerons toute l'après-midi de demain ensemble et ça nous fera du bien à l'un comme à l'autre.

Je descends et rejoins enfin Louis dans la cuisine. La baie vitrée est légèrement ouverte et je n'aperçois que le bout incandescent de sa cigarette dans l'obscurité. J'attrape un sweat et sors le rejoindre.

"Tout va bien ? il me demande.

- Oui, ça va. Je suis sûr qu'elle dort déjà.

- Ça la contrarie beaucoup pour Gauthier ?

- Non, je ne pense pas qu'elle soit contrariée. Elle est un peu intimidée. Quand elle le connaîtra un peu plus ça ira mieux. Regarde la relation qu'elle a avec toi. Au début aussi, elle était timide.

- Oui... J'espère qu'elle ne nous en voudra pas, le jour où tu lui annonceras que toi et moi...

- Toi et moi ? je répète en m'approchant de Louis, calant ma main droite sur sa hanche et m'emparant de sa cigarette avec ma main gauche. Quand on lui annoncera qu'on est amoureux l'un de l'autre ?" je demande en tirant sur la cigarette.

Le corps de Louis se tend légèrement et j'en profite pour me rapprocher de lui. Je glisse mes lèvres dans son cou. Sa peau froide frissonne au contact de ma bouche. Il accroche sa main à ma nuque et vient capturer mes lèvres me donnant un baiser emprunt d'une douceur passionnée.... Indescriptible. J'envoie valser la cigarette à peine consumée et passe mes bras dans le dos de Louis pour savourer pleinement le baiser qu'il m'offre. Je me détache à bout de souffle, me recule légèrement, passant ma main contre sa joue.

"Tout ira bien. Parce qu'Éléa t'aime beaucoup. Je lui dirai que je suis amoureux de toi, et toi de moi. Je lui dirai que je l'aime plus que tout et que ça, ça ne changera jamais.

- Tu es amoureux de moi ? il demande doucement.

- Oui... incontestablement Lou..."

Il se fond contre moi et j'enroule de nouveau mes bras autour de son corps. Le vent frais de la nuit caresse nos corps enlacés et si nous ne voulons pas mourir de froid, il est temps de rentrer dans la maison.

*

* *

Je me suis dépêché de rentrer après la matinée de travail à la boulangerie. Madame COLIN est en train de faire la vaisselle du déjeuner qu'elle a partagé avec Éléa. Ma fille est installée devant la télévision, assise dans le canapé et enroulée dans le plaid que je laisse toujours dessus. Je me penche sur elle et embrasse son front pour lui dire bonjour. Je m'approche de Madame COLIN et la salue alors qu'elle s'essuie les mains sur le torchon. Elle me dit qu'Éléa a dormi jusqu'à plus de neuf heures ce matin et qu'elle n'a pas beaucoup mangé au repas de midi. Je remercie ma nounou et la reconduis à la porte. Elle embrasse Éléa qui lui fait un câlin.

Je m'assieds à côté de ma fille et passe mon bras autour de ses épaules pour la rapprocher de moi. Elle ne semble pas malade, peut-être un peu fatiguée... ou contrariée. Je l'embrasse et elle se love contre moi, venant à grimper sur mes genoux pour mieux s'installer.

"Ça va ma petite poulette ? je lui demande entre deux baisers au sommet de son crâne.

- Oui, elle répond doucement.

- Tu veux rester tranquille cet après-midi. On peut regarder un dessin animé tous les deux si tu veux.

- Non, je veux aller jouer au foot !

- Tu me dis pourquoi tu as l'air toute triste alors ?

- Je suis pas triste mon papa...

- Tu me le dis sinon, hein ?"

Pour toute réponse, Éléa hoche la tête puis embrasse ma joue. Elle se redresse pour descendre du canapé et monter dans sa chambre, me lâchant un "J'vais mettre mes habits pour le foot !" en montant l'escalier et me laissant tout seul devant Miraculous, les aventures de Ladybug.

J'éteins la télévision et monte moi aussi à l'étage prendre une douche avant de partir pour le stade, supporter ma fille et toute son équipe... supporter son entraîneur...

Ça fait un peu plus de trente minutes que les enfants jouent sur le stade. Ils courent, ils crient, s'amusent. Par chance, il ne pleut pas aujourd'hui mais le terrain est glissant. J'observe Louis s'activer avec les enfants. Il forme deux équipes et entreprend l'arbitrage d'un match pour terminer la séance.

Je me lève du banc où j'étais installé et entre dans le petit bureau dans l'espoir de trouver une tasse de café chaud. Parce que moi je ne cours pas sur le terrain et que je commence sérieusement à avoir froid.

Je retrouve Liam qui vient d'arriver. Il dépose son sac de sport sur le banc et lace ses crampons.

"Tu devrais postuler pour aider Louis les mercredis après-midi Harry ! Ça éviterait que tu frises l'hypothermie, il me dit en riant.

- C'est une idée, oui !

- Maintenant que tu vas mieux, ça serait sympa. Tu passerais du temps avec tes deux amours, me taquine-t-il avec un clin d'oeil.

- Ça te libérerait du temps avec Cheryl surtout, non ?

- Pas tant que ça... elle bosse..., il répond penaud. Mais tu devrais y réfléchir, sans plaisanter. Ça pourrait être sympa, vraiment."

Je vais pour répondre à Liam quand on entend des pleurs venir du terrain. Nous sortons tous les deux en hâte et regardons le petit groupe d'enfants agglutinés autour de Louis. Nous nous approchons et je découvre ma fille assise par terre, en larmes, le maillot, le short et les chaussettes pleins de boue. A ses côtés, le petit Benjamin n'est pas mieux et se tient la tête.

Éléa me voit et tend ses bras vers moi pour que je la récupère. Liam tape dans ses mains pour attirer l'attention des enfants et reprendre le cours du match, tandis que Louis et moi regagnons les vestiaires avec Éléa et Benjamin.

Il y a bien plus de peur que de mal mais comme Éléa était déjà bougon, cette collision prend des proportions démesurées. J'essaye de rester calme et de ne pas l'enguirlander. Elle est fatiguée, il fait froid et ses genoux écorchés la brûlent... pire sensation, pire souvenir d'enfant.

Louis s'occupe de Benjamin qui repart presque immédiatement jouer avec les autres.

"Ça va aller minette, il demande à Éléa en se penchant sur elle.

- Oui, elle renifle. Ça me brûle...

- Ça va passer. Je vais soigner ça pendant que Papa te câline, d'accord ?"

La douceur de Louis et le petit hochement de tête de ma fille me font fondre. Je resserre mon étreinte autour d'Éléa pendant que Louis, avec toute la délicatesse possible, nettoie ses genoux abîmés. Elle se retient de pleurer et souffle à chaque fois que la compresse se pose sur sa peau.

"Voilà ma belle ! Ça va aller mieux maintenant.

- Merci Louis, je dis en plongeant mon regard dans le sien.

- De rien. C'est les risques du métier, il répond tandis qu'il embrasse la joue de ma fille.

- Papa, on va prendre le goûter ?

- Ah bah tu perds pas le nord, c'est bon ! je lui réponds en riant.

- Bah j'ai faim...

- Il fallait mieux manger ce midi, non ? son air boudeur me fait sourire. Allez, on y va alors..."

Nous saluons Louis et retournons à la voiture. Je m'arrête rapidement à la boulangerie pour prendre des chouquettes et des petits pains au chocolat. Je raconte rapidement à Katia la grande blessure d'Éléa.

"Je ramène une pizza et on mange tous les trois ensemble ce soir ?

- Avec plaisir !"

*

* *

Éléa marche désormais sans plier ses genoux. C'est assez drôle à regarder mais je me garde bien de rire devant elle. C'est une vraie comédienne et évidemment je me suis fait avoir.

Nous sommes rentrés à la maison et dès qu'elle a pu, elle a appelé Zayn par Skype, lui montrant ses bobos, et lui racontant, en exagérant à peine, comment elle s'est retrouvée le nez dans la boue et les crampons de Benjamin dans les genoux. Franchement, elle a dû avoir mal, je ne dis pas le contraire, mais à sa manière de raconter la scène, on pourrait croire qu'elle a les deux jambes fracturées. Zayn a ri, je l'ai entendu. Puis j'ai entendu SA voix, et celle d'Éléa a changé, s'est faite plus timide. Gauthier a essayé de lui parler mais ma fille s'est renfermée sur elle-même... pas très à l'aise. Je ne voulais pas me montrer à l'écran et je pense que la proximité entre les deux hommes la surprend. Elle n'a pas l'habitude de voir un autre homme que moi proche de son père. Il lui faut du temps pour assimiler les choses et je ne peux que reconnaître que Gauthier essaye vraiment de faire de son mieux.

Nous avons ensuite partagé la pizza avec Katia et comme je ne peux rien refuser à ma fille, nous nous sommes installés tous les trois dans le canapé pour regarder Raiponce.

Message de Louis : Ta puce va mieux.

Message à Louis : Oui. Elle en profite légèrement. Katia passe la soirée avec nous. On regarde Raiponce

Message de Louis : Génial !!! Bonne soirée alors. Je t'embrasse... A demain ?

Message à Louis : Oui à demain. Je t'embrasse...

Je range mon téléphone dans ma poche, et resserre mes bras autour de ma fille, installée entre mes jambes.

"C'était qui ? elle demande quand je la réinstalle confortablement.

- C'était Louis. Il voulait savoir comment tu allais.

- D'accord. C'est gentil.

- Oui."

Je claque un baiser dans ses cheveux et reporte mon regard sur l'écran. Raiponce se fait faire des tresses à n'en plus finir par les petites filles du village.

"Dis Papa ?

- Oui ma puce ?

- Toi aussi t'as un nouveau amoureux ?

- Euh... non..." je réponds un peu mal à l'aise, sous le regard de Katia.

Eléa n'ajoute rien et se pelotonne contre moi, son doudou tout contre elle.

"Dis Papa ?

- Oui ma puce ? je réponds en souriant, alors qu'il ne s'est passé que quelques minutes.

- Louis ça pourrait être ton amoureux."

Je manque de m'étouffer avec ma salive mais je reprends rapidement contenance.

"Pourquoi tu dis ça ?

- Bah Louis il est gentil. Je l'aime bien. Et puis des fois il te regarde comme Flynn.

- Comme qui ? je demande alors que les battements de mon cœur s'accélèrent.

- Bah Flynn, l'amoureux de Raiponce. Louis il te regarde pareil.

- Mais non !!!

- Bah si."

Je regarde Katia qui retient son rire alors que je sens que je vire au cramoisi. Heureusement Éléa ne peut pas me voir car mon visage me trahirait forcément. Louis et moi essayons vraiment d'être discrets mais Eléa semble avoir un sixième sens, et surtout un sens aigu de l'observation...

Il faut vraiment que nous lui parlions tous les deux.





*

* *

Il se passe beaucoup de choses dans la petite vie d'Eléa mais ma choupette est très bien entourée par un papa aimant, un Loulou présent et Zayn, toujours là malgré la distance et Gauthier maintenant dans sa vie.

Je ne sais pas pour vous, mais on sent que les événements se terminent un peu au fil des chapitres, l'agression, la relation cachée de Louis et Harry... Ça sent la fin, tout ça.

Merci à toutes et tous d'être toujours présents et de suivre l'histoire de mes p'tits coeurs.

A bientôt...

(N'hésitez pas à me laisser vos impressions...)

Je vous bisouille.

Mimi.


#BakeryFic

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