Chapitre 2 - HARRY

J'ai déjà parcouru plus de 300 km depuis que j'ai quitté l'appartement et pourtant le nœud dans le creux de mon estomac ne m'a pas quitté. Même si j'ai pris cette décision, quitter Zayn définitivement s'est révélé bien plus douloureux que je ne l'avais imaginé. Le voir sur le trottoir avec Éléa dans ses bras m'a fendu le cœur. Nous n'aurons plus jamais nos moments tous les trois. La page se tourne mais c'est difficile de partir sans se retourner.

Ma petite puce était en larmes quand je suis parti avec ma valise à la main. J'ai eu beau lui dire qu'elle allait bientôt me rejoindre, elle était inconsolable. Rien que d'y penser, je sens les larmes monter. Je secoue la tête pour me ressaisir et me concentrer sur la route.

Je m'arrête sur l'aire de repos pour me dégourdir les jambes et prendre un café. J'en profite pour appeler Zayn et lui demander comment va Éléa. Les enfants vous font culpabiliser, tout le temps. Zayn me raconte qu'à peine la porte de l'appartement refermée, Éléa s'est installée confortablement dans le canapé et a regardé un dessin animé. Le gros chagrin était passé en moins de temps qu'il n'en fallait. Je ne retiens pas mon sourire et pousse un soupir de soulagement. Je remercie Zayn et raccroche, le cœur plus léger.

Il ne me reste qu'une vingtaine de kilomètres à parcourir et déjà je peux sentir l'air iodé envahir l'habitacle de la voiture. J'ai passé mon enfance ici et chaque fois, ce sont ces derniers kilomètres les plus longs à parcourir. Aujourd'hui encore, malgré la situation, je suis si excité à l'idée d'arriver que j'ai l'impression que la route s'étend devant moi, encore et encore.

Je passe la grande bâtisse en pierres, les hortensias sont déjà fleuris. Je longe le stade où l'équipe junior de football s'entraîne en ce dimanche matin. Le vent frais caresse mon visage souriant. Je rentre dans la ville et remonte la rue principale. Quelque soit la saison, les places de stationnement sont toujours prises d'assaut. Alors je remonte un peu plus loin jusqu'à trouver où garer ma voiture. J'inspire fortement l'air qui s'infiltre dans mes poumons. On respire ici. Pas de pollution, pas de klaxons intempestifs. Je passe la mairie et traverse la rue pour rejoindre la boulangerie. Katia est en train de servir des clients. Je me mets sur le côté en attendant qu'elle ait terminé.

« Harry ! Te voilà enfin !

- Bonjour Katia ! Ça va ?

- Oui, très bien. Tu arrives avec le soleil. Tu as fait bonne route ?

- Oui, il y avait personne. C'est agréable de revenir ici.

- Oui. Je suis si contente. Depuis le temps que tu en rêvais !

- C'est clair.

- Viens, je vais te présenter l'équipe. Papa est déjà remonté.

- OK. »


Je suis Katia dans l'arrière boutique où un jeune homme d'une vingtaine d'année est en train de nettoyer le pétrin et le plan de travail. Un peu plus dans le fond, un autre homme termine la mise en place d'une pièce montée en forme de bateau pirate. Il est midi passé et la boulangerie va fermer dans moins d'une heure.

« Julien, Michel, je vous présente Harry qui va succéder à mon père comme boulanger. Harry, je te présente Julien, notre apprenti et Michel, notre pâtissier.

- Enchanté,

- Également », me répond Michel en levant le visage vers moi.


Julien semble plus timide et me fait un simple signe de la tête. Katia me tire par le coude et me propose de monter pour aller retrouver ses parents.

« Ils t'attendent. Maman a préparé le déjeuner. Je vous rejoins dès que j'ai fermé.

- Tu ne veux pas que je t'aide.

- Non. Vas-y. Tu as déjà fait la route. Appelle ta fille !

- OK. »


J'embrasse la joue de mon amie et monte rejoindre ses parents. Katia et moi avons fait connaissance lorsque nous avions douze ans je crois. Je venais ici en vacances et pendant que ses parents travaillaient à la boulangerie, elle venait jouer sur la plage. Un jour, j'ai reçu son cerf-volant dans les jambes et me suis étalé de tout mon long sur le sable mouillé. Elle a accouru vers moi, le visage rougi par le soleil, d'un air désolé très vite remplacé par un éclat de rire. Nous ne nous sommes plus jamais quittés. A partir de ce jour, nous avons passé toutes nos vacances ensemble et j'ai commencé à errer régulièrement dans la boulangerie. Je pense que c'est son père qui m'a donné envie d'en faire mon métier, malgré les contraintes de celui-ci. Je sais que son père est très heureux que je reprenne la boutique derrière lui et moi je ne pouvais pas rêver mieux.

*

* *

Nous sommes tous les quatre en train de prendre le café. Je suis détendu, heureux d'être ici, heureux de me lancer dans un projet qui me tient à cœur. Heureux que ma fille puisse grandir dans ce panorama magnifique. Alain, le père de Katia, et moi avons convenu que je l'aiderai pendant toute la semaine afin de me familiariser avec son matériel et fasse connaissance avec ses employés. Lundi prochain, nous avons rendez-vous pour établir la cession du fonds de commerce. Alain sera officiellement en retraite et moi, mon propre patron.

Diane nous propose une nouvelle tasse de café avant de se rasseoir à mes côtés. Elle pose sa main affectueusement sur mon avant-bras.

« Katia m'a dit qu'elle t'hébergeait jusqu'à ce que tu trouves un logement.

- Oui. J'ai commencé à regarder sur internet mais je n'ai rien trouvé en ville. Ça m'ennuie de m'éloigner. J'aimerais qu'Éléa aille à l'école ici.

- Bien sûr je comprends, me réponds Diane

- Tu sais que tu peux rester aussi longtemps qu'il faudra chez moi, même avec Éléa, Harry !

- Oui, je sais. Mais j'aimerais qu'on s'installe pendant l'été, que la puce prenne ses repères avant de commencer le CP. Ça va déjà être tellement de changement pour elle.

- C'est vrai.

- Il n'y a pas la maison sur la route de la plage qui est vide, intervient Alain

- La maison du vieux Daniel ?

- Oui ! Il me semble qu'elle est vide depuis pas mal de temps.

- Ce serait parfait. »


Diane se lève et se dirige vers le petit bureau dans l'entrée.

« Je dois avoir son numéro de téléphone, on va l'appeler pour savoir. Il te connaît, et si Alain et moi te recommandons, je suis sûre qu'il sera d'accord pour te louer la maison. »

Cette maison je la visualise parfaitement. Elle est excentrée par rapport à la ville de 4 km à peu près. On accède à la plage à pied. Je pense même que de l'étage, on peut apercevoir la mer.

Et si tout pouvait vraiment bien se passer ? Ce serait vraiment formidable.

Diane s'éclipse quelques instants pour passer son coup de fil. Si je m'installe rapidement, je pourrais aménager la chambre d'Éléa avant son arrivée. Je croise les doigts mais je n'ose pas trop espérer. Tout ne peut pas si bien aller dans une vie, si ?

« Daniel est parti passer quelques jours chez ses enfants. Mais il doit rentrer mercredi. Je lui ai donné ton numéro de téléphone et il te fera visiter la maison avant la fin de la semaine.

- Vraiment ?

- Oui !

- Tu vois Katia, tu n'auras pas trop longtemps à me supporter finalement !

- Tant mieux »


Nous rions de bon cœur. Nous quittons l'appartement de Diane et Alain un peu avant la fin de l'après-midi. Je vais aller déposer mes bagages chez Katia, mais avant de me diriger vers sa maison, je prends la route qui descend vers la plage. Nous passons devant la maison qui sera peut-être prochainement la mienne. Je gare la voiture sur le bas-côté.

« Je suis surprise que tu ais attendu toute la journée avant de venir ici »

Katia me connaît bien. Elle descend de la voiture et s'agrippe à mon bras. Nous parcourons le petit chemin sablonneux, le vent souffle plus fort et fait voler mes cheveux autour de mon visage. Le ciel est dégagé. La mer est magnifique. Les derniers rayons de soleil font scintiller l'étendue d'eau devant nous. Une émotion indescriptible étreint ma poitrine. Je ne peux pas l'expliquer. Je suis si attaché à cet endroit que chaque fois que j'arrive, je ne peux pas contrôler les émotions que je ressens, de la même manière, que je ne peux contenir ma peine quand je dois le quitter. Mais aujourd'hui, je peux enfin affirmer que je suis ici chez moi. Je ne repartirai plus.

Nous faisons quelques pas sur la plage. Nous croisons des promeneurs, des enfants courent, jouent sur la plage. La marée est basse et découvre des kilomètres de sable fin. Je respire pleinement et laisse mon esprit s'évader pendant que je regarde la mer.

« Comment s'est passé ton départ ? On n'a pas eu le temps d'en parler...

- C'était difficile. Éléa a pleuré. Ça me fait peur quand Zayn va l'amener ici et qu'il va rentrer à Paris.

- Vous lui avez bien expliqué la situation.

- Oui. Mais ça reste une petite fille qui aime ses papas. Et on va vivre loin de Zayn.

- Tu regrettes de le quitter ?

- Non. C'est difficile parce qu'on a vécu ensemble pendant de nombreuses années. Mais cette année, il a fallu se rendre à l'évidence. On ne s'aime plus mais je crois qu'il n'aurait pas pris la décision de me quitter.... Il m'a dit avoir rencontré quelqu'un d'autre tu sais...

- Vraiment...

- Oui. Il dit qu'il ne m'a pas trompé et je le crois. Zayn n'est pas comme ça. Mais même si on avait déjà décidé de se séparer, ça m'a fait mal de l'apprendre.

- Tu as la vie devant toi, Harry, tu feras une autre belle rencontre. Et Zayn restera toujours dans ton cœur.

- Oui. Moi ça ira. C'est pour Éléa que je me fais du souci.

- Tu es un père formidable. Elle va se plaire ici.

- Oui... »


Katia resserre son étreinte autour de mon bras tandis que nous poursuivons notre promenade. Le vent se lève un peu plus et le ciel se couvre. Il faut savoir qu'ici le temps peut changer en quelques minutes. Katia et moi faisons demi-tour et nous dirigeons vers la voiture. Nous regagnons la ville et la maison de Katia.

C'est une maison agréable dans la vieille ville. C'est petit et même si je sais que je peux rester ici aussi longtemps que nécessaire, j'espère vraiment pouvoir louer la maison sur la route de la plage.

Je m'installe dans la chambre et commence à vider mon sac. Il est bientôt 20h et mon portable sonne dans la poche arrière de mon jean.

« Allô !

- Papa !!! »


La petite voix de ma fille gonfle mon cœur. Elle me manque déjà.

« Coucou mon amour. Ça va ?

- Oui. Je voulais te faire un bisou avant d'aller au dodo.

- C'est gentil ma puce.Tu as passé une bonne journée ?

- Daddy m'a emmenée au parc et j'ai joué avec Coraline. Je lui ai dit que j'allais habiter ailleurs après l'école.

- Oh ! Elle a pas été trop triste ?

- Si un peu. Mais Daddy a dit que chaque fois que je viendrai le voir, je pourrais voir Coraline aussi.

- Bien sûr mon cœur. Tu es déjà dans ton lit ?

- Non, je dois me brosser les dents.

- Donne le téléphone à Daddy. Va te brosser les dents, mets-toi au lit et je te raconte une histoire, tu veux ?

- Oh ouiiiii ! Daddy, papa il va me raconter une histoire, tiens !

- Allô...

- Salut Zayn. Ça été la journée ?

- Ouais. On en parlera mais j'crois qu'Éléa ne se rend pas compte qu'on sera pas à côté. Je sais pas comment lui expliquer qu'elle pourra pas me voir quand elle veut.

- On lui réexpliquera quand vous viendrez. Elle va bien voir que la route est longue.

- Ouais... »


J'entends Zayn soupirer dans le téléphone. Je l'imagine passer sa main dans ses cheveux bruns. Je ne sais pas quoi lui dire, quoi ajouter de plus par rapport à notre situation et le fait que j'ai maintenant un travail ici.

« On arrivera à s'organiser.

- Je ne sais pas, il répond

- Mais si. Il y a plein de couples séparés qui ne vivent pas à côté et ça se passe bien.

- Harry, je... je ne pourrais pas vivre sans Éléa. Enfin, ça va être difficile.

- Je sais. Je sais parce que je vous ai quitté ce matin, et qu'elle me manque terriblement.

- Tu es vraiment sûr de ta décision ?

- Zayn, on ne parlera pas de ça au téléphone, mais oui je suis sûr. Tu m'as dit toi-même avoir rencontré quelqu'un d'autre. A quoi ça rimerait de rester ensemble sauf nous rendre malheureux. Profite d'avoir Éléa les trois prochaines semaines et après on s'organisera pour que vous vous voyez régulièrement.

- Bien sûr. C'est facile pour toi... Bref. Elle vient de se mettre au lit. Je te la repasse.

- Zayn ! »


La petite voix d'Éléa remplace celle de Zayn et je prends sur moi pour ne pas craquer et prendre une voix enjouée pour mon bébé. Je lui raconte de tête l'histoire du « Loup qui voulait changer de couleur » avant de lui faire des bisous.

Je raccroche le téléphone et bascule en arrière sur le lit. Je passe ma main sur mon visage. Je ne sais pas comment j'ai pu imaginer que tout se passerait bien. Ça va forcément être compliqué. Pour Zayn, pour Éléa... pour moi.


*

*  *

Deuxième chapitre.... Toujours du point de vue de Harry... J'espère qu'il vous a plu.

Le prochain chapitre sera du point de vue de Louis :-)

#BakeryFic

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top