5- Voyage et ennui


Je relève la tête, afin de vérifier si Hava et Alwey sont toujours là. Ils n'ont pas bougé de leur place, mais commencent à s'agiter, comme s'ils allaient bientôt descendre. Je me redresse péniblement et attrape mon sac. Je réveille Nyx, endormi dans le fond de ma besace.

-Pssst... Nyx ! On arrive, je chuchote en le secouant un peu.

Il grogne en relevant la tête. Ses poils sont tout ébouriffés et ses yeux à moitiés fermés. Il pousse un long bâillement à s'en décrocher la mâchoire avant de se lever et de s'étirer longuement. Finalement, au bout d'un long moment, il se redresse et me demande :

-Tu sais où on va ?

-Oui, à La Roche-sur-Foron. Je ne connais pas du tout ce village.

-Il n'y a pas un plan, dans ce train ?

-Je ne sais pas. Peut-être.

-Tu devrais aller voir, me propose-t-il.

-Non, je ne veux pas prendre le risque qu'ils me repèrent. On verra à la gare.

-D'accord... D'ailleurs, on arrive, m'annonce-t-il en regardant par la fenêtre.

-Enfin !

J'attrape mon sac et le pose sur mes genoux, gardant la tête baissée. Lorsque le train s'arrête, je me redresse légèrement. J'attends que Alwey et Hava soient descendus avant d'oser en faire de même. Je me relève et descends dans l'allée principale. Je balance ma besace sur mon épaule et me dirige vers la porte. Arrivée devant, je jette un coup d'œil dehors. Les deux adolescents se dirigent vers un petit café, sur le quai de gare.

Je me dirige vers un pilier du bâtiment, essayant de me faire la plus petite possible, et m'y adosse. Je surveille Alwey et Hava, qui se sont installés à une table du café et discutent à voix basse. Je me tourne vers le Snaelow.

-Nyx ?

-Oui ? répond-il sans interrompre sa toilette.

-Tu pourrais aller écouter ce qu'ils disent, s'il-te-plaît ? je lui demande avec un sourire suppliant.

Il s'arrête brusquement, puis lève les yeux au ciel.

-D'accord... soupire-t-il en se levant.

-Merci ! dis-je en le regardant partir en évitant les pieds des badauds.

Je le vois avancer discrètement et se tapir sous la chaise de Hava, les oreilles dressées, puis au bout d'un petit moment, se redresser et revenir vers moi tout aussi prudemment.

-Alors ? je chuchote lorsqu'il parvient à ma hauteur.

-Si j'ai bien compris, ils se rendent à Chamonix en train, et doivent pour cela prendre encore deux trains, m'explique-t-il.

-Et... tu sais à quelle destination ?

-Le deuxième, c'est pour Chamonix, mais le premier... c'est un nom à rallonge, je l'ai oublié... murmure-t-il en jouant du bout de la griffe avec un caillou échoué sur une dalle de la gare, probablement projeté ici par un train.

Je m'affale contre le pilier en soupirant. Comment prendre un billet pour un train dont je ne connais même pas la destination ? Je me prends la tête dans les mains. Soudain, une idée me traverse la tête.

-Nyx ?! Est-ce que tu penses que tu saurais reconnaître le nom de la ville, si je te le disais ?

-Euh... Oui, probablement, pourquoi ?

-Suis-moi ! dis-je en me levant brusquement, le faisant chanceler.

Je cours vers le distributeur de tickets et appuie sur les touches.

-Saint-Pierre-en-Faucigny ? je demande.

-Non.

-Cluses ?

-Non.

-Reignier-Esery ?

-Non.

-Saint-Gervais-les-Bains ?

-N... Ah ! Si ! C'est celui-là ! se reprend-il.

-Enfin ! Je prends le billet !

Quelques minutes plus tard, je ramasse les billets et me redresse, un air consterné sur le visage.

-Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiète Nyx. Tu veux aller aux toilettes ?

-Hein ?! Pourquoi ?! je m'étonne.

-Parce-que... tu as un air de constipée...

-Mais non ! Pas du tout ! m'écrie-je. C'est juste que je n'aurai pas assez d'argent pour le prochain train, on sera obligés de voyager clandestinement.

-Ok, ok ! Pas besoin de monter sur tes grands chevaux !

Je soupire puis retourne vers le pilier, après avoir vérifié le numéro du quai où arrive mon train.

J'attrape mon sac et en sors le paquet de biscuit. J'en prends un et me mets à le grignoter en observant les trains aller et venir. Au bout d'un moment, sachant que mon train n'arrive pas avant une bonne dizaine de minutes, je décide d'aller me dégourdir les jambes. Je me relève et pars vers l'entrée de la gare.

Celle-ci s'ouvre sur un parking où reposent quelques véhicules, dont les carrosseries reflètent le ciel orageux. Je sors et m'adosse au mur, observant les gens entrer et sortir de la gare.

Au bout d'une dizaine de minutes, une voix féminine aux sonorités de mégaphone retentit de l'intérieur de la gare.

-Le train à destination de Saint-Gervais-les-Bains va entrer en gare.

Je me décolle du mur et repasse par la porte, les mains dans les poches de mon sweat, ma besace sur l'épaule. J'entends les crissements des roues sur les rails quelques secondes avant d'apercevoir la locomotive du TER. Lorsque les portes s'ouvrent, je rabats ma capuche sur mon visage et attends que Hava et Alwey soient montés pour les imiter. Une fois dans le train, je m'installe sur un siège à une distance raisonnable d'eux et attrape un livre dans ma besace.

J'ai trouvé cet ouvrage dans une boîte à livres, il y a quelques jours. Il est bien pratique pour passer le temps. Je l'ouvre et me mets à lire, portée par le récit. Avant de me retrouver dans les rues d'Annecy, je savais déjà lire. Je ne sais ni où ni comment, mais je l'avais appris avant d'être... abandonnée. J'ai perfectionné mon apprentissage en observant en douce les leçons par les fenêtres des écoles, enregistrant tout facilement. J'ai mis mon intelligence à profit pour survivre seule, et sans elle, je serais probablement morte de faim dans une ruelle, à l'heure qu'il est.

Ma tête se met à dodeliner dangereusement. Je la secoue, il ne faut surtout pas que je m'endorme. Je me replonge obstinément dans ma lecture.

Au bout d'une cinquantaines de minutes, une voix synthétique annonce :

-Prochain arrêt : Saint-Gervais-les-Bains.

-Enfin, je soupire.

J'attrape mon sac et le jette sur mon épaule. Un miaulement sourd et indigné en sort.

-Oups ! Désolée, Nyx ! je m'excuse.

Il pousse un petit grognement et sort son museau du sac.

-On arrive ? demande-t-il.

-Oui, je réponds. Préparons-nous à descendre.

Il se tapit au fond du sac, à l'abri du regard des contrôleurs. Je me redresse et regarde dehors. Le ciel est de plus en plus sombre, autant à cause du soleil qui commence à sombrer que des nuages qui s'épaississent. Le train se met à ralentir petit-à-petit, et les voyageurs à attraper leurs bagages. Enfin, le train entre en gare. Les portes s'ouvrent et quelques passagers descendent, moi y compris. Je prends garde à ne pas me faire surprendre par les deux « Drimels ».

Parvenue sur le quai de gare, je m'installe dans un coin, à l'abri des regards. Alwey et Hava, eux, vont s'asseoir sur un banc. Je regarde l'écran des départs. Heureusement, je n'aurai pas longtemps à patienter, le train pour Chamonix est prévu d'arriver dans une demi-douzaine de minutes. Seul bémol : je serai obligée de voyager clandestinement, du fait de mon manque d'argent pour acheter les tickets. Je vais devoir faire attention à ne pas me faire prendre...

Quelques minutes plus tard passées à observer les allées et venues des voyageurs, j'entends un crissement de rails. Le train arrive enfin. Je jette un coup d'œil. C'est bien lui. Je me relève et me dirige vers le train.

En avant pour la dernière partie de ce voyage !

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