3 - Biscuits et Neandertal


Je hausse un sourcil, suspicieuse.

-Quelle est cette blague ? je demande.

-Ce n'est pas une blague ! répond Alwey. Tu parles Drimel, ou du moins, tu le comprends.

-Mais c'est quoi « Drimel » ?! m'écrie-je, agacée par cette mauvaise farce.

-Je ne sais pas si... commence Hava avec un regard vers Al'.

-Non, ce n'est pas une bonne idée, confirme-t-il.

-Mais répondez ! je râle.

-Rhu... - Je peux t'appeler Rhu ? - commence Hava. Il y a des choses que je ne peux pas te dire. Afin de préserver mon peuple, et le tien. J'aimerais pouvoir t'expliquer... mais je ne peux pas. Désolée.

Je baisse la tête.

-Tu ne dois pas être triste... me réconforte Al'.

-Triste ! Je ne suis pas triste ! je crie. C'est juste que je viens de vous sauver la vie ! Je ne sais pas comment ni pourquoi, mais je suis quasiment sûre que c'est moi qui ai dévié cet éclair. Sans moi, vous seriez morts, à l'heure qu'il est. Alors gardez vos petits secrets, espèce d'ingrats ! De toute façon, je ne veux pas avoir à faire avec des fous comme vous !

Je me dirige vers la porte à pas lourds, en tapant des pieds. Je sors et claque le battant de bois. La pluie ne s'est pas calmée, bien au contraire. Je suis bientôt trempée jusqu'aux os et transie de froid. Je claque des dents en resserrant mon sweat-shirt autour de moi. Je n'ai même pas pris mon poncho ! Quelle imbécile...

Au bout de longues minutes sous la pluie glaciale, je décide de rentrer. Sinon, c'est la bronchite assurée. Je pousse donc à nouveau la porte et entre. Alwey et Hava ont la présence d'esprit de ne pas me parler. Je me dirige vers l'un des matelas et le tire à l'écart, avant de m'allonger dessus. Je me positionne de façon à leur tourner le dos.

Au bout d'un long moment à contempler obstinément les espaces entre les planches du mur, mon ventre émet un grand gargouillement. Je me redresse et aperçoit les deux énergumènes en train de discuter à voix basse. Je détourne le regard et me lève afin d'aller chercher mon sac en tissu dans lequel se trouvent les provisions que j'ai acheté à l'épicerie une heure plus tôt. Je retourne m'asseoir sur mon matelas, avant de sortir le fromage et le pain du sac. J'arrache sans difficulté un morceau de la meule, puis sors mon petit couteau pliable de ma poche. Je le porte toujours sur moi, car certaines ruelles ne sont pas sûres, surtout à mon âge.

Je le déplie puis essuie la lame rouillée avec mon tee-shirt, avant de tartiner un peu de fromage de chèvre sur mon morceau de pain. Je m'apprête à entamer mon frugal repas, quand un petit museau suppliant se pose sur mes genoux. Je pousse un grognement, avant d'arracher un petit bout de la tartine. Je le tends à Nyx, qui se met à le déguster par petites bouchées. Du coin de l'œil, j'aperçois Hava et Alwey en train de me regarder envieusement.

-Quoi ?! Vous voulez ma photo ?! je demande.

-C'est que... commence Alwey. On n'a pas mangé depuis hier matin, et...

-On a faim... termine Hava.

-Ah, fais-je avant de prendre une bouchée.

Ils me regardent, légèrement interloqués.

-Bon, ok ! dis-je en levant les yeux au ciel. Pas besoin de faire ces têtes de poissons hors de l'eau, je vais vous donner des biscuits !

Je me lève et attrape le paquet de biscuits dans mon sac, avant de leur en tendre cinq chacun.

-Euh... Merci... dit Hava en les prenant.

-Mhh... De rien...

Je pars me rasseoir sur mon matelas, avant de continuer mon pain. Au bout d'un moment, n'y tenant plus, je me tourne vers eux et demande :

-C'est quoi ce dont vous parliez, avant de vous faire frapper par l'éclair ?

-Qu'est-ce qui est quoi ? demande Alwey.

-La « Marque », les « Olaes », et tout.

-Ah, ça... bafouille Hava. Ce sont les Owlaes, par contre, pas les Olaes...

-On s'en fiche, c'est quoi ?

-Eh bien... Ce sont... Je ne peux pas le dire...

-C'est bon, Hava, intervient Alwey. On va lui dire. De toute façon, elle ne va pas nous lâcher. Et puis... elle n'est pas comme les autres. Je sens un truc différent, chez elle. Comme nous.

-C'est vrai, je le sens aussi, concède Hava. Bon, on va lui dire...

Je lève les yeux au ciel, impatiente.

-Rhuwen...Il faut tout d'abord que tu saches qu'il n'existe pas qu'une race d'hominidés, commence Alwey. Outre les humains, il existe une autre espèce, très proche, mais toutefois différente : les Drimels. Il ya très longtemps (environ cent-mille ans), à l'époque où les Homo Sapiens, aussi nommés humains, ont commencé à prendre le dessus sur les autres hominidés, une nouvelle espèce est apparue :les Homo Montis, appelés les Drimels. Nous sommes donc de très lointains cousins des humains. Homo Montis signifie en latin « L'Homme de la Montagne ». Notre espèce se nomme ainsi car nous y vivons.

Les yeux écarquillés, je bégaie :

-Sur... sur les montagnes ? Mais alors... comment... enfin... on devrait connaître votre... votre existence !

-Non, car nous ne vivons pas sur les montagnes, me contredit Hava, mais dessous.

-Dessous ?! m'écrie-je.

-Oui, confirme Alwey. Et ce depuis toujours.

-Toujours ?!

-Pourquoi tu répètes tout ce qu'on dit ? demande Hava.

Je ne réponds pas, bouche-bée.

-Et puis, certains d'entre nous possèdent des... commence Alwey.

-Tais-toi ! le coupe Hava. On en a déjà trop dit. Pas besoin de révéler ça.

-Ah, oui... Désolé... s'excusa-t-il, embarrassé.

-Mais c'est impossible ! crie-je. Complètement stupide ! Des hominidés inconnus des humains... Non, c'est n'importe-quoi !

-Et pourtant, c'est vrai, affirme Hava.

Je m'écroule sur mon matelas, ne sachant que penser. C'est totalement impossible ! Mais pourtant... une part de moi croit leurs paroles. Une part profondément enfouie, qui lutte pour remonter à la surface. Je me prends la tête entre les mains. Comment savoir si leurs affirmations sont vraies ? Soudain, une idée me vient.

-Je sais ! Pour me prouver que ce que vous dites est vrai, vous allez m'emmener sous une montagne, là où vous vivez !

-Quoi ?! s'insurge Hava. Mais c'est impossible ! Tu n'imagines pas ce que ça nous vaudrait si l'on apprenait seulement que l'on vient de te révéler tout ça ! Alors si on t'y emmenait...

-Eh bien au moins, vous auriez un abris le temps de retourner chez vous ! Je pense avoir droit à cette faveur après ce que je fais pour vous !

Hava soupira avant de lancer un regard consterné à son ami.

-Viens, Al'. Il faut qu'on en discute... dit-elle en l'attrapant par la main.

Elle l'entraîna jusqu'à l'étage, faisant grincer les planches de l'escalier au passage.

Nyx vient se frotter à moi.

-Ces gens sont vraiment bizarres, murmure-t-il, mais j'ai une impression de déjà-vu...

-Moi aussi, je concède.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top