15 - Bain lumineux
Je secoue la tête, un peu désorientée. J'entends Nyx me demander :
-Rhuwen ? Pourquoi tu secoues tout le temps la tête, en ce moment ?
Je hausse un sourcil. Moi, je secoue la tête ? Ah, oui... Peut-être...
-Ben... C'est un réflexe... J'ai l'impression que ça m'éclaircit les idées...
Il hausse les épaules et pousse un bâillement. Je l'attrape et le serre contre moi en grimpant les escaliers. La porte de la chambre est une sorte de rideau bleu canard, très doux et fluide. La chambre, elle, est illuminée par une myriade de petites boules lumineuses flottant au grès des déplacements d'air. Une masse blanche difforme est entreposée dans le coin opposé de la pièce triangulaire. De petites étagères de bois clair sont fixées dans le mur bleu canard. Sur la forme bizarre -probablement le lit- est posé de quoi m'habiller : une robe de nuit très ample blanche, des sous-vêtements, une tunique bleu nuit, et des bottines, ainsi qu'une cape argentée à capuchon. J'attrape la robe de nuit et me dirige vers la salle de bain.
Celle-ci plutôt simple, dispose d'un lavabo blanc, d'un porte serviette chauffant, mais surtout... Une baignoire ! Une grande baignoire turquoise, faite d'une sorte de cristal aux multiples facettes. Je m'approche, et aperçois une petite feuille de papier, déposée au fond de la baignoire. Sur celle-ci des directives sont inscrites à l'encre bleue.
J'ouvre le robinet, et une eau cristalline se met à cascader du mur, remplissant petit à petit la baignoire. Je retire mes vêtements. La salle de bain se remplit rapidement de vapeur d'eau, créant de petites gouttes sur les murs noirs et lisses. J'entre lentement dans l'eau, frémissant à son contact agréable. Je ne sais même pas si j'ai déjà pris un bain... Peut-être dans mon autre vie. Avant que je ne perde la mémoire.
Une fois bien installée, j'attrape le papier et me mets à suivre les directives. Premièrement, je claque des mains, et la lumière s'éteint. Ensuite, j'appuie sur le petit bouton dissimulé sous le petit robinet. Immédiatement, une petite lumière dorée s'allume sous la baignoire. Émerveillée, j'observe alors le cristal parer les murs de lueurs turquoises et dorées. Je remue légèrement l'eau, et les lumières se mettent à danser, créant une galaxie aquatique. Je m'immerge lentement dans l'eau brûlante.
Je me mets à trembler en repensant à toutes les révélations que j'ai eu aujourd'hui, à ces impressions de déjà-vu, et au garçon aux cheveux noirs de ma vision. Je réalise soudain une chose : si je suis une Drimel... Mes parents devaient l'être aussi ! Alors... Pourquoi m'ont-ils abandonnée dans une ville humaine, désargentée, et profondément seule ?
Ce dernier mot résonne dans ma tête comme le vacarme d'une avalanche.
Seule.
J'ai toujours été seule. Du plus loin que je me souvienne, je n'ai jamais eu un seul ami, excepté Nyx. Même Ern... Il m'acceptait car je payais, mais ce n'était pas vraiment un ami, juste une connaissance sympathique, mais rien de très profond... Mais alors que je rumine ces pensées amères, des visages apparaissent dans mon esprit.
Hava, Alwey, mais surtout Nyx. Nyx. Il a toujours été là pour moi. Une bouffée de tendresse me gonfle la poitrine en pensant à son petit corps tout frêle, et pourtant si solide... Et puis Hava et Alwey, qui m'ont fait confiance dès le premier regard, alors que je n'étais - à-priori – même pas de leur « espèce » !
Je souris en refaisant surface, heureuse d'avoir enfin trouvé l'amitié. Je sors une main de l'eau et attrape la petite fiole de cristal bleu posée sur le rebord du bassin. Je secoue ma main pour en chasser les gouttes d'eau, puis j'attrape le petit papier accroché à la fiole par un petit lien doré.
« À verser dans l'eau du bain
Remplace le savon. »
Je dévisse le petit bouchon et déverse le contenu -une petite poudre dorée- dans l'eau. Elle forme un petit nuage d'or, avant de fondre, et de se dissoudre, faisant retrouver à l'eau sa limpidité. Je ferme alors les yeux et me détends, laissant mon corps flotter. L'eau chaude caresse doucement ma peau et de petites bulles viennent crépiter à mon oreille, Au bout de quelques minutes, j'ouvre les yeux. La surface de l'eau est recouverte d'une épaisse couche de bulles. Je sens avec délice la saleté s'en aller, et mes cheveux s'adoucir. Depuis quand est-ce que je n'ai pas été aussi propre ? Très longtemps, je pense...
Bon, il est temps de sortir de l'eau ! Je rallume la pièce et éteins la lumière de la baignoire, puis je fais évacuer l'eau. Je sors, attrape une serviette, et m'enroule dedans. Elle est bien chaude. Je me regarde dans le grand miroir et sursaute. Eh bien ! Mes cheveux sont vraiment aussi emmêlés que ça ?!
C'est carrément catastrophique ! Des mèches rouges partent dans tous les sens, créant de grosses bourres de nœuds. Je soupire et attrape un peigne de pierre noire, posé non loin de moi. Je me mets à démêler mes cheveux, ma serviette enroulée autour de mon buste, poussant parfois de petits cris de douleur lorsque des nœuds récalcitrants se jettent sous les dents du peigne.
Pendant mon démêlage, j'observe mon visage. Il n'est pas aussi beau que celui d'Hava, par exemple, mais il n'est pas non plus affreux : assez rond, une lèvre inférieure plus épaisse, un petit nez retroussé, des yeux verts feuille, de petites taches de rousseur noires, et une grosse mèche rouge qui me barre le visage, et que je dois sans cesse repousser. Et mon complexe : des sourcils rouges, épais, et drus, anguleux, qui se voient -selon moi- beaucoup trop ! Bref, rien d'incroyable ! Excepté peut-être la couleur de ma pilosité...
Je vérifie mes cheveux... M'oui, c'est mieux. Disons que ça ressemble un peu moins à la forêt amazonienne !
Je repose le peigne et enfile ma robe de chambre, avant de me brosser rapidement les dents. Je me dirige ensuite à pas traînants vers ma chambre, exténuée. Une fois arrivée en face, j'observe le lit. Il est tout de même un peu étrange... Il a l'air tout... mou. Je m'assois dessus et m'enfonce immédiatement. Je tente de me redresser, mais...
-Ah ! Je suis coincée !!! je m'écrie en pataugeant dans le tissu.
-Moi aussiiii ! couine une petite voix.
Nyx ! Je me mets à fouiller péniblement dans cet enfer mou. Après d'interminables minutes de recherches acharnées, je tombe enfin sur une petite touffe de poils noirs. Nyx est là, enfoncé dans un creux, bloqué par les plis. Depuis quand est-il là ?! Je me sens coupable de ne pas être venu l'aider plus tôt ! Je l'attrape alors par la peau du cou et le sors de ce pétrin -ou plutôt de ce matelas- avant de le reposer délicatement. Il s'étire alors longuement, en prenant bien garde à ne pas s'enfoncer de nouveau, puis se roule en boule.
Je m'allonge à mon tour, puis, comme me l'a expliqué Herbow, je murmure « El » en tapant trois fois dans mes mains. La lumière s'éteint alors, plongeant la pièce dans le noir. Nyx vient se coller à moi. Là, enfoncée dans ce matelas, mon petit Snaelow tout chaud, ronronnant contre ma poitrine, et en Elann-Drim...
Je me sens bien.
Très bien.
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