12- Les Trans-Sphères
-Mr Herbow !
-Oui, c'est bien moi, confirme-t-il calmement.
-A... Alfred Herbow ?! Vous êtes... Vous êtes un... Un... je bégaie, sous le choc.
-Un Drimel, c'est exact. Et ici, mon nom n'est pas Alfred, mais Gwindor, rectifie-t-il. Gwindor Herbow.
Éberluée, je me laisse aller contre la porte, derrière moi.
-C'est vous qui m'avez ramenée ici ?
-Effectivement.
Une petite voix demande d'un ton étonné :
-Attendez... C'est vous le mec du train ?!
-Euh... Oui. Je suis le « mec du train », répond Herbow, légèrement surpris par l'apparition du Snaelow.
Il considéra Nyx avec intérêt.
-Ainsi, tu as noué des liens avec un Snaelow... Encore une preuve que je ne me suis pas trompé sur ton compte : tu es bien une Drimel.
Je secoue la tête, agacée par toutes ces mystérieuses paroles.
-Bon, sérieusement ! m'écrie-je. Que me voulez-vous ? Pourquoi ce rendez-vous ?
-Calme-toi ! Je vais uniquement te conduire à un logement provisoire, et t'expliquer quelques petites choses ! Pour commencer, nous allons nous rendre dans le Secteur Ombre, mais d'abord, nous allons passer à la volière.
Il se lève, attrape son manteau, et se dirige vers la porte. Sans mot dire, je me décale et le laisse passer. Je parcours le couloir à sa suite, puis descends les escaliers. Arrivé dans le hall, il adresse un signe de la main poli à la femme de l'accueil, puis traverse la salle d'un pas assuré et sort du bâtiment. Je le suis en courant à moitié. Nous parcourons quelques rues bondées, éclairées par des orbes lumineux flottants trois mètres au-dessus des cercles de métal noirs, placés à intervalles d'également trois mètres. Au bout de quelques minutes de marche rapide, nous arrivons devant une pyramide de verre bleuté et argenté, de laquelle entre et sort un flux continu de Drimels. Intriguée, je m'approche de l'entrée et observe l'intérieur.
Dans celui-ci, de forme carrée, le long des trois murs opposés et collés à celui de l'entrée, sont installées dix curieuses machines, d'environ deux mètres de haut. Faites d'un métal noir brillant, elles sont sphériques, et totalement lisses. Une femme à la salopette blanche -probablement une Soigneuse- s'approche de l'une des sphères dans laquelle est découpée une ouverture assez grande pour laisser passer un homme adulte de bonne taille. La femme entre, puis une plaque de métal, précédemment disposée contre l'ouverture, vient s'y glisser, rendant la surface de la sphère parfaitement lisse. Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvre à nouveau, mais à l'intérieur de la machine, il n'y a plus personne.
Incrédule, je fais un pas en avant, mais la main d'Herbow me retient.
-Allons plutôt à celui-là, dit-il en désignant la sphère installée dans un coin. Il y a moins d'attente.
Sur ces mots, il se dirige sur la boule en question. Je lui emboîte le pas. Soudain, je remarque des lignes lumineuses encastrées dans le sol de marbre noir. Celles-ci, au nombre de dix, partent de l'entrée pour rejoindre chacune une sphère. Mais elles n'ont pas toutes la même teinte. Cinq d'entre elles, reliées aux sphères accolées au mur de droite et à la moitié du mur du fond, produisent une lumière bleutée. Des autres émane une lueur blanche.
-Pourquoi les lignes lumineuses ne sont-elles pas toutes de la même couleur ? je demande. Et qu'est-ce que c'est que ces sphères bizarres ?
-Ce sont des Trans-Sphères, répond Herbow, qui s'est arrêté pour attendre devant l'une des sphères. Et les lignes ne sont pas toutes de la même couleur car elles rejoignent différents types de Trans-Sphères. Les blanches, comme celle que nous suivons, désignent les Conductrices, qui servent à emmener vers les Réceptrices, celles-ci désignés par les lignes bleues.
Je pousse un petit « Oh ! » d'étonnement, puis une pensée me traverse l'esprit.
-Mais pourquoi faire deux sortes de Trans-Sphère ?
-Pour éviter le chaos ! Si les courants de deux Sphères se rencontraient en sens inverse, cela pourrait entraîner une dispersion des cellules, et donc la mort du voyageur ! Ce serait embêtant, non ?
-Effectivement, je concède en déglutissant.
-Ah ! C'est à nous ! annonce-t-il en se dirigeant vers la Sphère.
Je pénètre dans la machine à sa suite, et m'installe sur l'un des deux fauteuils métalliques disposés face-à-face. L'intérieur de la Sphère est recouvert de métal argenté, et, opposé à la porte, un petit écran est encastré dans le mur. Sur celui-ci, on peut voir un cercle découpé par cinq lignes, convergent vers un pentagone. Des mots sont écrits ici et là. Partout sur le dessin est dispersée une quinzaine de petits points d'où émane la même lumière bleue que celles des bandes lumineuses du sol.
-Qu'est-ce que c'est ? je demande.
-Une carte d'Al-Drim, répond Herbow.
Il appuie sur l'un des points, au-dessus du quel est inscrit «Chloropolys ».
-Chloroploys ? je demande en m'approchant de la carte.
-Le parc botanique du Secteur Terre. Tu devrais me passer ton Snaelow et mettre ton harnais, je vais enclencher la Sphère, me conseille-t-il.
J'obtempère et cherche le harnais en question, en vain.
-Je veux bien, mais... Où est-il ?
Sans répondre, il glisse sa main sur le côté de mon siège, et j'entends un petit déclic. Je sursaute quand des sortes de cordes argentées viennent s'entrecroiser sur ma poitrine, me plaquant au dossier. Je remarque que la corde est faite en un métal souple mais solide, dont les brins sont parcourus de courants bleutés.
Herbow attrape Nyx délicatement et, malgré ses protestations, le dépose dans un petit panier, accroché au mur, et tressé avec les mêmes cordes que le harnais. Le petit félin se prépare à sauter, quand l'homme l'avertit :
-Si tu sors de se panier, c'est la décomposition assurée.
Les poils du Snaelow se hérissent, et il se tapit au fond du panier. Un peu inquiète, je relève la tête vers Herbow, qui vient d'attacher son harnais. Il se tourne vers moi.
-Prête ? me demande-t-il.
-À quoi ?!
Sans même avoir écouté ma réponse, il tire sur une petite manette pendant du plafond, et instantanément, une violente lumière blanche m'aveugle, puis tout devient noir.
Soudain, tout redevient normal. J'ouvre les yeux et regarde autour de moi. Je suis toujours dans une Sphère, mais celle-ci ne possède ni carte ni levier. Devant moi, Herbow a défait son harnais. Du bout de l'index, je cherche le petit bouton sur le côté de mon siège, et appuie dessus. Le harnais se rétracte, pour disparaître en moins d'une seconde.
Herbow ouvre la porte et se lève. Je l'imite, mais, immédiatement, mes jambes ploient sous moi. Je sens le Drimel me retenir, tandis-qu'une violente envie de vomir me prend. Ma vue s'assombrit, et ma tête roule sur le côté. La bouche entrouverte, je regarde mes pieds sans les voir. J'entends Herbow m'appeler, mais je ne parviens qu'à dodeliner de la tête.
Je commence à glisser dans l'inconscience, quand une main fraîche se pose sur ma joue et me redresse la tête. On me met une sorte de tube métallique dans la bouche, et j'entends une voix dire « aspire ». J'obtempère, et grimace légèrement quand un liquide horriblement sucré me coule dans la bouche. Petit-à-petit, je reprends mes esprits et ma vision s'éclaircit. Je vois Herbow accroupi en face de moi, en train de tenir une petite bouteille dans laquelle est contenu un liquide couleur caramel.
-Ça va, Rhuwen ? demande-t-il.
-Beuuuh... je fais en repoussant la bouteille du dos de la main.
-Ce n'est pas grave, me rassure-t-il. C'est un simple malaise vagal, ça arrive quasiment à tous ceux qui prennent une Trans-Sphère pour la première fois, ou depuis longtemps.
Il m'attrape par les bras et me remet délicatement sur mes pieds. Il m'aide à sortir de la Sphère, puis de la pyramide dans laquelle nous venons de Trans-Sphérer. Il me fait m'asseoir, adossée au mur de verre doré et émeraude. Immédiatement, Nyx me saute dessus, tout tremblant. Je le serre contre moi, tout aussi frissonnante.
Herbow me tend la bouteille, dans laquelle est enfoncée une paille métallique. Je l'attrape et en bois une gorgée, puis je demande :
-Qu'est-ce que c'est ? On dirait...
-Du Coca Cola, c'est exact. Cette boisson humaine est affreusement sucrée et mauvaise pour la santé, mais c'est sacrément pratique pour les malaises vagaux.
-Effectivement... Ça m'a directement remise d'aplomb !
Il m'adresse un sourire chaleureux. Et ce sourire me fait penser au père que j'aurais aimé connaître...
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