P1 - Chapitre 5 : El'Sablo'Cahot
...Ou l'entrée dans le désert sans pitié...
Après plus d'une semaine dans les plaines du Nord de la Sylvaflor, nous changions de terrain de jeu... Un terrain auquel nous n'étions nullement préparés. Nous avions débarqué dans El'Sablo'Cahot, la région désertique au sud-Ouest d'El'Terra'Gevaar, afin de rejoindre le village renommé de Loka.
Je vous avoue que cette annonce ne m'avait guère plu. Être durant des plombes sous le soleil cuisant... ce n'était pas vraiment mon truc ! Kéolys dût encore subir mes plaintes envers cette injustice de ne pas avoir été prévenu de ce passage et des souffrances possibles que l'on pourrait subir à l'avenir.
L'auroch nous permit d'optimiser notre temps. Enfin pas vraiment en vue de la distance restante, mais il nous avait au moins permis de nous reposer, ôtant cette obligation de marcher.
Hélas, désolé de vous l'apprendre mais Bis' était décédé. Bis' avait succombé sous cette force chaleur, en sueur, sur le sable bouillant... à cause de notre négligence.
— Paix à son âme...récita mon frère, élogieux.
Tobby et Kazul le regardaient couper les cornes de Bis' et les mettre dans le sac sans comprendre – le fameux sac qui contenait seulement ce que les O'Braack nous avait fourni. Il murmurait des choses si bas que je ne parvenais pas à les entendre.
— Tu réalises le culte du chasseur ? finis-je par lui demander, curieusement.
— Oui, un bon chasseur salue sa proie. Il remercie Mère Nature de lui offrir de quoi vivre. En retour, il promet à la Créatrice d'user de la majeure partie de l'animal pour lui rendre une espèce d'hommage si tu préfères, pour montrer que l'on ne tue pas par simple plaisir de tuer, m'expliqua Kéolys, avec passion.
— Eh, eh ! Le manger, ça compte comme un « hommage » ? questionnais-je, visiblement intéressé.
— Néo ! T'as fini de penser qu'avec ton ventre ? Enfin ! Dans un animal, il y a pas que des choses comestibles même si cela reste la majeure partie. Il y aussi le pelage pour le textile comme les manteaux, les cornes peuvent servir à plein de choses, ses sabots, ses os peuvent servir d'armes ou d'ustensiles de cuisine..., me listait-il, emballé par son explication énergique.
Cela devait être intéressant, mais je n'avais écouté que le début. La mort de Bis' fut un cadeau arrivé à point nommé : Nos vivres commençaient à périr progressivement. Il n'y avait que notre consommation d'eau que nous arrivions à maîtriser.
Lui se chargea de récupérer certains os et d'autres « matériaux », tandis que je me chargeais de la nourriture. Sur mon dos, cela me paraissait lourd. Je possédais au moins un tiers de l'animal.
Kazul ne se nourrissait que de petits insectes attrapés en plein vol, existants également dans le désert. Tobby se débrouillait également pour sa consommation de plantes ou de feuilles, étant omnivore. Mais omnivore dans le sens où il était obligé de manger un quota de viande inférieur à celui de végétal pour son équilibre mental.
Malheureusement, nous dûmes quitter précipitamment le corps de Bis', des panthères du désert, jaunes et oranges, avaient décidé d'en faire leur repas. Kéolys Turíndo, ce chasseur confirmé à seulement quinze nostas, les repéra directement. Grâce à ces indications, nous pûmes fuir en direction du village du surf et de la fête.
Alors oui, nos rations baissaient de jour en jour, le soleil me surchauffait, mes pieds me brûlaient, des bêtes voulaient nous dévorer, mais j'étais quand même heureux. Ce voyage accompagné de nombreux fous rires me permettait de ressentir ce sentiment si précieux : la liberté.
C'était mon premier voyage, j'adorais ça ! C'était même le premier d'une longue série...
Un jour, je me trouvais brûlant, sans savoir pourquoi, alors je mettais cela sur le dos de la chaleur omniprésente. Je me sentais si bouillant que je voulais me réfugier au fin fond d'une oasis d'eau gelée, rien que ça. Je ne voyais pas de mirages, je ne titubais pas, je n'étais pas totalement desséché, je ne me sentais pas spécialement fatigué, ça ne pouvait donc pas être la chaleur.
Quand tout à coup, j'aperçus un bassin, un énorme bassin d'eau. Sans attendre, je plongeais dedans. Quelle ne fut pas ma surprise de tomber dans une piscine de sable habitée par deux crocosauteurs.
Ce sont des petits crapauds très craintifs avec des yeux d'alligator et une mâchoire de crocodile. Ils ont la faculté d'allonger leur cou et corps comme un cylindre et devenir aussi solide que le roc – le durcissement des écailles – dès lors qu'ils se sentent menacer. Sous cette forme, ils passent de proie à prédateur, devenant terrifiants. Donc, mieux vaut ne pas les effrayer...
Je me retirais soigneusement, tant bien même ils ne semblaient pas m'avoir considéré comme une menace. Tant mieux... Bah voyons, voilà que mon esprit me joue des tours !
La poisse, je vins d'avoir la honte devant Kéolys qui prit un malin plaisir à me charrier...
— Alors, comme ça, on est attiré par la nage dans le sable ? Nouvelle reconversion ? ricana-t-il, innocemment.
— Eh, c'est pas bien de se moquer ! rageais-je, en retenant difficilement un fou rire.
Plus loin, je vis une autre oasis. Avant de me précipiter, je préférais demander une confirmation de mon frère.
— C'en est bien un, sinon, c'est une hallucination collective !
Alors, nous nous déshabillions et sautions à l'eau. Tobby nous imita à cœur joie. Kéo humidifia délicatement Kazul pour en faire profiter aussi. Le kaélo aspirait l'eau tiède avec son long bec foncé.
Il y avait même des petits poissons blancs aux motifs orangés avec de longues queues et nageoires dans l'eau !!
Après notre baignade amusante et rafraîchissante, nous séchions nos affaires fraîchement lavées entre deux palmiers, tout en admirant le magnifique coucher de soleil qui partait avec de douces teintes bleutées. Le Soleil Orange d'El'Terra'Gevaar laissait place à la grande Lune Bleue, faisant chutée précipitamment la température de manière drastique. Les journées bouillantes laissaient place aux nuits glaciales de ce maudit désert !
Kéolys tenta encore une fois quelques prises de combat, obstiné à m'apprendre à combattre. Je lui avais promis à Dashuria de tout faire pour, mais c'était plus difficile que je ne le pensais.
Je n'arrivais pas à me dire que mon entraîneur était mon frère, je n'arrivais pas à me lâcher contre lui... Je n'accepterais jamais de lui faire du mal.
— J'y arrives pas... Pas contre toi, c'est inutile... lâchais-je, abattu, en me mettant les mains sur le visage.
Il me prit les mains, plantant son regard dans le mien ; on voyait le sérieux et l'ambition dans ses irrésistibles yeux verts.
— Si ! Tu y arriveras. Tu en es capable, je le sais ! Certes, Père et Mère ont fait un mauvais choix en te désignant apprenti cuistot. Mais tu l'as dans le sang, t'es un Turíndo, bon sang !
— Mais, j'peux pas te frapper, mon frère, tranchais-je, fermement, en faisant mine que ses mots ne me touchaient pas.
— Oh que si... tu vas voir ! me défia-t-il.
Il me poussa par surprise, mais je tins bon. Il tendit sa jambe pour me faire tomber, et mes jambes décollèrent.
Par instinct de survie, sans doute, mon corps s'était mis à s'activer : Mes pieds avaient fait vaciller Kéo, puis grâce à mes bras, je l'avais balancé au-dessus de moi. Déséquilibré, il avait failli tomber sur le sol. Bon OK, rien qu'avec un salto, il avait retrouvé sa dignité mais j'étais tout de même fier de mes prouesses involontaires !
— Bien Néo ! Comme quoi, quand tu veux ! me félicita-t-il, sincèrement, en passant sa main dans les cheveux.
— Bah, en même temps, quand tu me préviens pas ! rétorquais-je avec énergie.
— Bon allez, déballe ta couverture. Dans El'Sablo'Cahot, les journées sont brûlantes... mais les nuits glaciales ! Donc couvre toi le plus possible, me préconisa-t-il.
Alléluia, à croire qu'il lisait dans mes pensées : J'étais exténué !
Nous dormions entre les deux palmiers, les deux animaux près de l'étendue d'eau.
La nuit fut paisible... au début.
La nuit était pleine. Kéo et moi dormions à poings fermés, alors que d'étranges masses nous frôlaient, nous ignorant totalement. En effet, un délicieux repas qui languissait près de l'oasis semblait beaucoup plus intéressant que deux pauvres Elfes...
Le délicieux petit repas... euh, je veux dire... le petit oiseau bleu sommeillait paisiblement auprès de l'oasis.
Réactif, Tobby, respectant ce rôle de « Gardien du camps » assigné par lui-même, roula sur le sol, Kazul entre les griffes. Le kaélo dans la gueule, il s'éloigna du camp, les panthères du désert à ses trousses.
Il réalisa bien vite que fuir n'était pas la meilleure option : les panthères étaient largement plus rapides. Alors, il opta pour la seconde, sachant pertinemment qu'elles finiront par le rattraper : se défendre, faisant ressortir son côté dominant.
Il déposa Kazul entre ses pattes, faisant face à la meute, les pattes enfoncées dans le sol. Déterminé, il libéra son pouvoir de la Terre : Des ronces épaisses aux piques tranchants apparurent autour d'eux. Ainsi que plusieurs couches de terres pour servir à gagner du temps. Du temps, par exemple, pour qu'on leur vienne en aide !
Les panthères jaunes s'acharnèrent sur le mur de pierres qui se fissura facilement.
Tobby ne comptait pas lâcher, mettant toutes ses forces pour maintenir et fortifier ses défenses. Il espérait sauver Kazul, devenu un bon ami – même si Tobby avait failli le tuer deux fois en jouant par inadvertance...
Après une dizaine de secondes, le mur céda en fracas, assommant une panthère au passage. Par la suite, elles firent plus attention en fracassant les autres couches... jusqu'à ce qu'elles arrivèrent aux ronces.
La panthère la plus maligne laissa une de ses congénères se jeter sur les ronces pour ne subir aucune blessure inutile. La sacrifiée saccagea l'abri de ronces en quelques coups de griffes, tant bien même elle était sanguinolente.
Les protections du tokës n'avait pas permis suffisamment de temps, ses hurlements ne semblaient pas réveiller les deux marmottes ! Tobby aboya, dépité, comme pour dire : « Génial... comment dépenser de l'énergie aussi inutilement... »
Tobby se battit fièrement contre les trois panthères, la quatrième étant encore sonnée. Il privilégiait la défense de la proie plutôt que les offensives pour ne laisser aucune possibilité à ses adversaires d'atteindre Kazul. Alors, il privilégiait davantage la santé de Kazul que la sienne, l'épuisant énormément puisqu'il esquivait sans cesse trois à six paires de griffes et trois paires de dents.
Le cœur de Kazul battait à la chamade, on croirait qu'il allait exploser. Dans mon sommeil, je sentis la respiration de Kéo devenir haletante mais... je ne pouvais rien faire, étant endormi.
Épuisé, le tokës des forêts tenta le tout pour le tout : Il égorgea la panthère commençant à se réveiller et se jeta sur la panthère blessée par les ronces.
Grave erreur... L'Ennemi était affaibli, mais durant ces quelques instants, Tobby ne s'était pas préoccupé de Kazul... Et quelques instants d'inattention pouvaient être fatale sur El'Terra'Gevaar.
Comme si elle n'avait attendu que ça, la panthère intelligente griffa le kaélo sans défense, le blessant mortellement. Kazul s'égosilla en un cri étouffé et douloureux.
Un cri de rage ébranla mon sommeil si paisible. On aurait dit qu'un monstre était en train de se réveiller. Mais ce monstre... c'était mon frère.
Hurlant la douleur de son familier, il arborait un faciès furieux, semblant totalement fou.
Ces cris stridents me réveillèrent subitement.
Kéolys équipa l'arc et le carquois sur ses épaules, le suivant sans comprendre. Dans l'épaisse obscurité, je ne voyais fichtrement rien !
Comme guidé par la souffrance et la détresse profonde de son âme sœur, Kéolys retrouva rapidement les prédateurs qui avaient osé s'en prendre à la chair de sa chair, de considérer son familier comme un délicieux petit repas.
Ces panthères du désert regretteront d'être venues au monde.
Elles s'apprêtaient à faire la rencontre avec leur pire cauchemar, le Monstre Kéolys.
Et tant bien même qu'à l'accoutumée Kéolys ressemblait à un monstre lorsqu'il était énervé ou lorsqu'il usait de la violence, ici le niveau de monstruosité était tout autre, comme s'il avait complètement changé de cours...
Ce que je voyais était incroyable : Tobby, le tokës le plus trouillard et lâche du monde, était en train de se battre avec bravoure pour sauver Kazul ! Aucun mot n'aurait pu exprimer ma fierté face à de telles prouesses. Comme quoi, nous pouvons tous devenir des Héros, suffit juste d'y croire...
Les panthères ne nous remarquèrent pas, occupées à réfléchir avec leur estomac qu'avec leur tête et à répliquer face à un chien vert croisé avec un lionceau.
Kéolys bandit l'arc des O'Braack et encocha sa flèche, l'âme de la vengeance animant ses yeux et son corps. Il loupa sa première flèche, atterrissant dans le sable doré scintillant aux reflets de la Lune Bleue.
La seconde se planta dans le flanc de l'une des panthères, la blessant mais pas suffisamment pour la tuer.
La troisième se chargea de l'achever.
La quatrième retira la vie à la dernière.
Grâce à la vivacité et la précision de mon frère, la menace fut rapidement éliminée, ouf ! Cela aurait pu être pire...
Je réalisais que mon animal de compagnie avait été capable de faire plus de choses que moi pour défendre mes amis, la honte... Je ne savais pas me servir d'un arc, à peine d'un poignard – Alors qu'en cuisine, je maniais les couteaux comme personne !
Je remerciais mon frère de nous avoir sauvés, mais il m'ignorait comme s'il était devenu sourd. Même, il semblait devenu une machine sans conscience, toujours sous le choc d'avoir failli perdre son familier.
Je fis un ordre muet à Tobby pour qu'il vienne s'agenouiller à côté de moi. Je l'entourais de mes bras et le félicitais de ses exploits.
Ensuite, il s'approcha et attrapa délicatement Kazul entre les mains, malgré la rage qui animait toujours son corps. Sentant le pouls de Kazul et sa mélodie soulagée, il se calma progressivement de sa folie chaotique. Ils ne formaient plus qu'un, s'attaquer à l'un rimait à s'attaquer à l'autre.
Sans attendre, compressant l'hémorragie, il fusa vers le sac et dénicha la trousse médicale pour y appliquer les premiers soins... qu'il me laissa rapidement faire, n'ayant pas cette précision-là.
J'avais l'impression de revivre le moment de la liaison entre Kéo et Kazul dans la forêt au Sud de Kurajo. Nous soulagions au mieux la blessure profonde de l'oiseau bleu, puis je la refermais et la recouvris avec un bandage de moyenne qualité.
— Mon Kazul, t'en fais pas. Tout va bien, t'es plus en danger, tout va bien... répétait Kéolys, soulagé tout en rassurant son familier.
Le kaélo répondit de son chant harmonieux. Mon frère le prit dans ses mains et lui offrit toute l'affection qu'il pouvait lui donner durant un certain temps qui me permit de me reposer.
— Il est tard, l'aube va bientôt pointer le bout de son nez, m'annonça-t-il, soudainement.
— Euh... j'aurais préféré finir ma nuit. Ça ne serait pas trop te demander ? osais-je, avec prudence.
Comme il était toujours sous le choc, je ne voulais pas le contrarier mais mes yeux piquaient. Je voulais apprécier les douces températures de l'aurore en toute tranquillité...
— Y'a-t-il un réel intérêt à rester ici une heure ou deux ? Réfléchis-bien. En sachant que Kazul a besoin de soins intensifs, cracha Kéolys, visiblement irrité.
— Bah... articulais-je, faisant mine de réfléchir. Tu as raison, c'est qu'une perte de temps. Autant partir maintenant pour arriver plus tôt au village de Loka à la prochaine apparition du Soleil Orange.
Je me résignais car je savais que c'était ce qu'il y avait de mieux. J'avais aussi hâte de quitter ce désert.
Nous rangions nos affaires en silence. De mauvaises tensions pesaient entre les membres du groupe...
Nous n'en étions tous pas particulièrement la cause. Simplement, Kéolys n'acceptait pas d'être arrivé trop tard pour sauver son familier, son ego en ayant pris un sacré coup... Kazul ne lui en voulait pas, il était même infiniment reconnaissant de faire encore parti des vivants.
Et, rien qu'à voir son état pour une atteinte à la vie de son familier, je ne voulais pas voir Kéolys finir totalement fou si jamais l'un perdait la vie...
Désormais, il était surses gardes, ne laissant transparaître aucune émotion imperturbable, son kaélobleu réfugié à l'intérieur de son haut pour le maintenir... La soirée avantl'attaque des panthères du désert fut le dernier moment d'amusement du voyage.
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