Depuis son hôtel à Cuzco, Guillaume Alphonse finissait de peaufiner les derniers détails de son article. Les dernières informations qu'il avait reçu lui apportaient cette touche de sensationnel qu'il recherchait. Néanmoins, il savait qu'il ne pouvait pas faire confiance à 100% à ces gens. Après tout, il n'avait eu aucune preuve.

Il avait donc rédigé son article en ajoutant un dernier paragraphe mentionnant un risque d'attaque terroriste sur Machu Picchu. Afin de ne pas alimenter des tensions inutilement, il n'avait pas précisé que c'étaient les chiliens qui risquaient de détruire le site inca. Il avait simplement ajouté cette information habilement, en explicitant que le conflit ouvert entre le Chili et le Pérou pouvait permettre à des groupes terroristes de lancer des attaques contre l'un des deux pays afin de mettre de l'eau dans le gaz et de tenter de déclencher une guerre.

Son article fin prêt, il démarra une vidéo conférence avec son chef depuis le siège du journal, à Paris. C'était l'heure du débriefing, le moment ou le grand chef examine le contenu de l'article et peut soit vous encenser, soit vous descendre. Après quelques sonneries, le contact fût établi, dans une qualité plutôt convenable.

—Bonjour, monsieur Alphonse.

—Bonjour, monsieur Martin.

Après les habituelles salutations et bavardages anodins, ils parcoururent l'article ensemble et corrigèrent quelques points, avant de passer un long moment sur la partie concernant l'éventuelle attaque terroriste. C'était un sujet très sensible qui devait être traité le plus délicatement possible.

—Avez-vous des informations sur les personnes qui vous ont donné cette information ? demanda Martin.

—Non, mais ils avaient l'air sérieux.

—Monsieur Alphonse, "l'air sérieux" comme vous dites ne suffit pas à rendre une source fiable, et vous le savez.

Le jeune homme ne savait pas comment l'expliquer, mais lors de sa rencontre avec ces personnes, il avait senti quelque chose. Cela ne ressemblait pas à des plaisantins, bien au contraire. S'il n'était pas aussi terre à terre, il dirait que cela ressemblait plutôt à des agents secrets en civil tentant de l'avertir d'une terrible menace. Hélas, la vie n'était pas un film d'action, et il ne pouvait pas donner cette explication à son supérieur.

—Monsieur, il y a bien un risque que la cité de Machu Picchu soit détruite, j'en suis convaincu ! Et puis ça fera sensation, ça fera vendre et...

Il fût interrompu par un appel téléphonique avant de pouvoir terminer sa phrase. C'était le portable de Martin.

—Comment ? Vous êtes sûr ? Explosée, en ruines ? A l'instant ? D'accord, très bien, c'est noté. Merci de m'avoir prévenu !

Puis il raccrocha et se concentra à nouveau sur l'appel vidéo avec son jeune journaliste.

—Et bien mon cher Alphonse, il semblerait que vous vous soyez trompé de cible. L'île de Pâques vient de se faire exploser.