14 - Mésentente
— Bien, la réunion peut commencer, décréta le ministre péruvien.
— Avant toute chose, merci de nous recevoir messieurs. Nous venons en paix, avec une dernière offre qui ne pourra pas vous laisser indifférents. Nous avons réfléchi à toutes les solutions possibles, et celle-ci est pour nous la plus équitable. C'est gagnant-gagnant.
— Merci, monsieur Ruiz.
Tous s'assirent autour d'une grande table. Côté péruvien, le ministre Garcia trônait au centre, entouré de quatre autres figures politiques, deux hommes et deux femmes. Côté chilien, Ruiz et Flores étaient les deux seuls représentants.
Ruiz fit glisser l'enveloppe sur la table, en direction de Garcia. Celui-ci s'en saisi, et l'ouvrit. Il examina le contenu, passa les documents à ses voisins de droite et de gauche, qui étouffèrent des petits rires en voyant les documents, puis les reposa violemment dans une moue de dégout.
— C'est une plaisanterie ?
— Cette offre est tout à fait sérieuse, monsieur le ministre. Nous avons longuement travaillé dessus, afin que chacun y trouve son compte.
— Ecoutez, si c'était pour venir vous moquer de nous, vous auriez dû vous abstenir. Cette farce est de très mauvais goût. Vous avez fait déranger des personnes aux emplois du temps très chargés. J'espère que vous avez conscience du manque de respect dont vous faites preuve.
— Pardon ? s'indigna Flores.
Puis il jeta un coup d'œil aux documents que le ministre venait de reposer sur la table. Cela ne ressemblait pas vraiment à l'offre qu'ils avaient préparée. Son air surpris n'échappa pas à Garcia.
— Allez-y, admirez votre œuvre ! Vos talents sur Photoshop sont autrement plus signifiants que votre sens des relations extérieures, rugit le ministre en étalant à la vue de tous les documents.
Des photomontages. Et plutôt bien réussis. Ils montraient le président péruvien dans des situations embarrassantes, loufoques, comiques. Il y en avait une bonne douzaine. Malgré le mauvais goût de certaines images, l'ensemble était globalement très drôle. Les deux politiciens à la droite de Garcia n'avaient pas pu s'empêcher de rire, tandis que ceux à sa gauche semblaient outrés. Inutile de préciser que le ministre était lui dans une colère noire. Il n'appréciait pas du tout cette mascarade. Les deux envoyés chiliens ne comprenaient rien de ce qui se passait.
— Ceci n'est en aucun cas l'offre que nous avions préparé ! se défendit Ruiz.
Puis il repensa à la bousculade dans le couloir. Le coup classique de l'échange de documents lors de la chute. Bien que très cliché, c'était la seule explication possible. Il repensa à son attitude envers l'homme qui avait accouru vers lui, probablement pour lui rendre son enveloppe. Il devait bien rire à présent !
Son regard croisa celui de Flores, qui semblait avoir compris lui aussi.
— Cette réunion est terminée. Et il n'y en aura pas d'autres. Renoncez, ou nous engagerons des procédures internationales à l'encontre de votre pays, déclara le ministre Garcia en se levant. Au revoir.
Les deux représentants chiliens quittèrent la salle de conférence, laissant les photos éparpillées sur la table, comme un symbole du pied de nez que venait de leur jouer le destin. Ils marchèrent en silence dans le long couloir. Cette fois, Ruiz ne jeta aucun coup d'œil aux décorations. A la place, il saisit son téléphone portable et lança un appel.
— La réunion est un échec. Je répète, c'est un échec. Explosez donc ces foutues ruines.
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