13 - Rose



                     Après avoir laissé le jeune journaliste digérer la nouvelle, les trois agents s'étaient mis en route pour l'aéroport de Cuzco. Sur ordre du directeur Wilson, ils devaient se rendre immédiatement à Lima pour surveiller la fameuse réunion concernant l'affaire Machu Picchu. D'expérience, ils savaient que ce genre de réunion pouvait être le témoin d'attentats, ou d'attaques visant à mettre la pression sur l'un des deux camps.

Afin de ne pas perdre une seconde, ils étaient montés dans le premier taxi qui s'était manifesté. Après quelques minutes passées à bord, il s'avéra que cela n'avait pas été un pari payant. Le vieux taxi jaune, qui n'aurait certainement pas passé les tests d'un contrôle technique, tremblait constamment, menaçant de tomber en ruines à chaque virage. Mais ni les voyants rouges clignotants du tableau de bord ni le moteur qui semblait sur le point d'exploser ne perturbaient plus que ça le conducteur. Celui-ci se contentait de conduire, sifflotant l'air de la chanson qui passait à la radio.

Ils aperçurent enfin l'aéroport en bas de l'avenue. C'est alors qu'un énorme choc se produisit, envoyant valser le taxi dans un bruit de tôle froissé et de crissement de pneus étourdissant.

Ils venaient de se faire percuter, à l'arrière. Le chauffeur du taxi, qui était complètement paniqué, criait et gesticulant dans tous les sens.

Une fois le véhicule immobilisé, les trois agents reprirent leurs esprits et scrutèrent les environs pour voir ce qui venait de leur rentrer dedans : un énorme Hummer noir.

Ils sortirent immédiatement du taxi armes aux poings, prêts à en découdre avec leur adversaire.

La porte du Hummer s'ouvrit.

Deux petites jambes toutes frêles et vêtues de ballerines roses apparurent, suivies d'une canne, et semblèrent en difficulté pour descendre du monstrueux véhicule, qui n'avait aucune égratignure malgré la violence du choc. Après quelques acrobaties et grognements plaintifs, les pieds touchèrent le sol et la porte se referma, laissant place à une minuscule vieille femme, toute de rose vêtue.

Un petit chapeau rose au design assez original, qui arborait un joli nœud sur le dessus, coiffait sa tignasse grise toute frisée. Le reste de sa tenue était assortie : une veste en laine rose assez élégante, ainsi qu'une jupe, toujours de la même couleur, qui lui arrivait aux genoux, dévoilant ses petites jambes couvertes de collants.

Sanchez se tourna vers ses compagnons, totalement abasourdi. Etait-il en train de rêver ? Le cocktail qu'il avait bu tout à l'heure lui avait-il monté à la tête ? En lisant la surprise sur leur visage, il comprit qu'eux non plus ne s'attendaient pas à ça. Mais quelque chose n'allait pas. Calderon et Maxwell semblaient complètement tétanisés, presque effrayés. Ce n'était qu'une mémé qui venait de provoquer un accident de la route, et pour des agents entrainés comme eux, il n'y avait pas de raisons de paniquer. C'est lorsqu'il reposa son regard sur la vieille dame qu'il comprit.

Elle venait de sortir deux mitraillettes de sous sa veste en laine.

Et fit feu sans crier gare.

Les instincts reprirent vite le dessus. Ils se jetèrent à couvert derrière le taxi afin d'organiser leur riposte.

— Mais qu'est-ce que c'est que ce cirque ? cria Maxwell par-dessus les coups de feu.

— Il semblerait que nous soyons attaqués par une grand-mère hystérique, répondit Sanchez.

— C'est pas le moment de plaisanter ! le recadra Calderon.

Les tirs fusèrent de part et d'autre. Aucun doute, cette vieille femme savait manier les armes.

En réalité, Martha était une tueuse à gages très expérimentée. Elle avait passé sa vie à parcourir le monde, armes à la main, pour des contrats souvent très lucratifs. Si elle était devenue dure d'oreille, c'était à cause de toutes les déflagrations et coups de feu qu'avaient enduré ses appareils auditifs durant toute sa longue carrière. Ses capacités au corps à corps avaient beau  être sur le déclin, elle n'en restait pas moins redoutable au tir.

Bien à couvert derrière son massif véhicule, les agents ne parvenaient pas à l'atteindre. Elle continuait de faire pleuvoir les balles de ses deux mitraillettes, qu'elle rechargeait de temps à autre d'un coup de main d'une agilité surprenante en dépit de son âge avancé.

— C'est surement un coup du Presidente, clama Calderon qui voyait les balles siffler tout près de son visage, cette vieille folle est la pour nous retarder, nous devons partir !

Sanchez sortit une grenade lacrymogène de sa veste.

— Je m'en charge !

Il la lança en direction de leur assaillante. Lorsqu'elle explosa, un épais nuage de fumée empêcha de voir quoi que ce soit. Les coups de feu cessèrent.

— Voila qui devrait la calmer, se félicita Sanchez dans un sourire.

C'est alors qu'un missile déchira le nuage et se dirigea droit vers eux.

— Bon sang elle à un lance-roquettes ? Mais elle est complètement tarée !

Ils coururent le plus loin possible du taxi et se jetèrent à l'abri. Le missile atomisa le petit véhicule jaune qui explosa en mille morceaux dans une épaisse fumée noire provoquée par les flammes crépitantes qui brûlaient les débris.

Après plusieurs secondes, ils se relevèrent péniblement, toujours un peu sonnés par l'explosion. Ce n'était pas passé loin.

— Tout le monde va bien ? demanda Calderon.

— Pas elle apparemment, répondit Maxwell en pointant son doigt en face de lui.

Face à eux se tenait Martha, le lance-roquette à ses pieds, toujours fumant. La main serrée sur sa poitrine, elle ne bougeait plus, et une grimace figeait son visage ridé.

— Qu'est-ce qu'elle a ? Elle nous fait une crise cardiaque ?

— C'est peut-être la montée d'adrénaline, combinée à l'altitude, qui l'ont sonnée, analysa Maxwell. Nous devrions peut-être l'aider ? C'est une vieille femme...

Sanchez manqua de s'étouffer.

— Non mais tu plaisantes ? Grand-mère ou pas, elle a failli nous tuer ! On en profite pour se tirer au plus vite !

Sur ces mots, ils rejoignirent au pas de course l'aéroport où les attendait leur jet privé. Direction le Parlement de Lima.

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