Chapitre 8
Kidou poussa la porte des vestiaires. Il appela Fudou, légèrement essoufflé. Aucune réponse. Il l'appela encore deux fois avant de voir une cabine s'ouvrir. Fudou en sortit, les yeux rougis. Il avait pleuré ? A quoi avait-il pensé ?
« Fudou-kun...
— Arrêtez de m'inonder de votre pitié. »
Kidou, légèrement surpris, s'apprêta à poser sa main sur l'épaule du jeune homme, mais il fut repoussé.
« Laissez-moi tranquille !
— Fudou-kun... est-ce que tu serais son fils ?
— Vous connaissiez ma mère ? Demanda Fudou faiblement.
— C'était mon modèle, répondit Kidou. Lorsque je t'ai vu pour la première fois, j'ai vu le plaisir de danser dans tes yeux. Et elle avait le même regard.
— "Pour la première fois"... ? Souffla Fudou, avant de se reprendre : Depuis que je vous ai vu danser comme elle... Je n'arrive plus à vous oublier...
— Pourquoi tu me vouvoies ? Je croyais que tu te moquais de la politesse, lâcha Kidou.
— Ça ne vous dérange pas ?
— J'ai fini par m'y faire. Et maintenant, ça me fait bizarre. »
Fudou sourit doucement, avant d'essuyer ses yeux discrètement, et rouge de gêne. Kidou le fixa de longues minutes avant de lui demander :
« Pourquoi danses-tu, Fudou ?
— Ma mère... Elle était promise à une magnifique carrière. Je me suis dit que je pouvais danser à sa place, je voulais réaliser son rêve.
— Fudou...
— Et toi ? Pourquoi danses-tu ? »
Fudou fixa Kidou du regard. Le plus jeune avait très bien compris qu'il ne dansait pas que pour le plaisir. Peut-être voudrait-il lui dire au moins cela ?
« Pour ma sœur.
— Ta sœur ?
— Je t'en ai assez dit. Je suppose que tu peux comprendre que je refuse de tout te raconter alors qu'on se connait à peine. »
Fudou hocha la tête doucement. Pourtant, il aurait tout donné pour savoir ce qu'il se passait avec sa sœur. Et si c'était elle qu'il avait perdue ?
« Fudou... Tu pleures encore ? »
Il porta sa main à son œil. Il avait repensé à sa mère, sans pouvoir s'en empêcher. Il attrapa son poignet tremblant, avant de baisser la tête. Sanglotant, sans bruit, il se laissa faire lorsque Kidou le prit dans ses bras.
Fudou releva la tête, laissant Kidou observer ses larmes qui roulaient sur ses joues. Le rasé appuya sur ses orteils, et, doucement, il posa ses lèvres sur celles de Kidou. Le plus grand resta surpris une bonne dizaine de secondes, mais il ne repoussa pas. Il ressentait quelque chose d'étrange dans sa poitrine.
Rouge de gêne, Fudou détourna le regard. Kidou resserra ses bras autour du garçon.
« Joyeux anniversaire, Kidou.
— C'était ça que tu voulais me donner ? Demanda Kidou, sans oser regarder Fudou, le serrant toujours.
— Mh... Je t'aime, Kidou. »
Fudou ferma les yeux. Il ne les rouvrit pas lorsque Kidou lui rendit son baiser. Il se contenta juste d'agripper son t-shirt, ses mains dans son dos. Le sentiment au fond de la poitrine ne semblait pas vouloir s'en aller. Il était nouveau pour Kidou, et ne partirait pas de sitôt.
***
Akio fixait la tombe de sa mère. Il sortait de son collège. Il avait désormais treize ans et était en cinquième. Aujourd'hui, c'était l'anniversaire de la mort de madame Fudou.
Son père était passé au tribunal, jugé non-coupable, malgré les témoignages d'Akio. Il avait de nouveau sa garde, ce qui posait problème à l'adolescent.
« Tu voudrais te venger ? »
Akio se tourna, frémissant légèrement en entendant cette voix inconnue. Un grand homme en costume se tenait derrière lui. Il se baissa, faisant une prière pour la morte. Il se releva. Le soleil couchant se reflétait sur ses lunettes de soleil. Ses cheveux noirs étaient tenus en une queue de cheval, qui lui retombait sur l'épaule.
Le garçon au crâne rasé fixa l'homme.
« Je sais ce qu'il vous est arrivé, à ta mère et toi. Rejoins-moi et je te donnerai les clés pour te venger.
— Qui êtes-vous ? Demanda Akio, le regard livide. Pourquoi voulez-vous m'aider ? Comment savez-vous ce qu'il m'est arrivé et que je veux me venger ? Et surtout... comment pouvez-vous m'aider ? »
Un vent léger fit voleter la mèche du garçon. Il jeta un œil à la tombe. Les lys blancs qu'il avait posé dansaient avec le vent.
« Je veux t'aider car tu as le même regard que moi autrefois. J'ai un bon réseau d'informateurs, c'est ce qui m'a permis de me renseigner sur toi, Akio Fudou.
— Vous n'avez pas répondu à toutes mes questions.
— Ta mère a été tuée par ton père. Quoi de plus normal que de vouloir la venger ? Ton père est déjà passé en justice pour ce crime. Selon la loi « non bis in idem », il ne peut repasser devant un tribunal, malgré les preuves. Il suffirait donc...
— Qu'il commette un autre crime. » termina Akio.
Il y avait pensé. Il avait déjà pensé à le forcer à tuer quelqu'un pour qu'il finisse pendu, même si ça devait être lui. La peine de mort était tout ce qu'il méritait.
« Exactement.
— Qui êtes-vous ? Demanda Akio, fixant les lunettes de l'homme.
— Je me nomme Kageyama Reiji. Je suis le directeur de la Teikoku Gakuen. Tu en as entendu parler, je suppose ? »
Akio hocha la tête. Kageyama lui tendit sa main, laissant l'autre dans sa maison.
« Viens avec moi. Durant deux ans, je monterai un plan pour éliminer ton père, et toi, tu devras me montrer que tu m'es dévoué. C'est la contre-partie à payer.
— Qui dit que vous ne cherchez pas à me manipuler ?
— Je me doutais que tu réagirais comme ça. Tiens. J'ai récupéré ceci pour te prouver ma bonne volonté. »
Akio saisit le magazine que Kageyama lui tendait. C'était une revue publiée quinze ans auparavant, qui regroupait des résultats de concours et compétitions en tout genres. Sur la page de couverture, il reconnut sans problème sa mère.
« C'est ma mère... ? »
Elle portait une robe rouge et noire, semblable à une tenue de flamenco. Le plaisir de danser se voyait dans ses yeux photographiés. Un article lui était dédié. Dedans, il pouvait lire les exploits de sa mère. Sur une photo, son père se tenait à ses côtés.
Elle l'avait épousé et avait dû renoncer à son rêve. Elle dansait le tango. Il y avait même ses danses de prédilection, ses chansons préférées. Akio vit des larmes couler sur ses joues. C'était des larmes de rage.
"[...] a annoncé son mariage, dans quelques mois."
Akio avait déjà vu la cassette du mariage. Son mari l'avait soulevée, et, dans un mauvais geste, elle était tombée, se fracturant la cheville. Les médecins lui avaient dit qu'elle ne pourrait jamais plus danser.
S'il ne l'avait pas épousée, elle serait renommée.
Il avait regardé des dizaines de fois les cassettes de spectacle de sa mère. Elle se moquait des critiques. Elle se moquait des rumeurs à son sujet. Elle se moquait de tomber et s'humilier. Ce que l'on voyait sur son visage, dans ses yeux, c'était le plaisir de danser.
Akio releva la tête. Oui, ça sentait l'arnaque. Oui, il avait peu confiance en cet homme. Mais il voulait danser à la place de sa mère. Les dents serrées, il lâcha :
« Assurez-moi qu'il sera en prison avant que je sois majeur.
— Tu as ma parole, Fudou-kun. Je ferai tout pour t'aider. Tu as deux ans pour me prouver que tu m'es dévoué. Trahis-moi durant ce temps là et ton père s'occupera encore de toi. »
Il acquiesça. Il décida, ce jour-là, devant sa tombe, de commencer la danse. Il danserait jusqu'à devenir quelqu'un d'important. Il danserait à la place de sa mère. Il danserait pour elle. Il danserait son tango, sur sa chanson.
"El fuego del amor".
***
Fudou ouvrit les yeux. Il s'était évanoui ? En repensant à tout cela ? Il se releva, allongé dans un lit d'infirmerie. Sur la chaise, près de lui, se tenait Sakuma, endormi. Il regarda son téléphone. Il avait un message. Il était presque dix-huit heures. Sans un bruit, il se leva, et, en chaussettes, il s'enfuit.
Il courut dans l'université, sortant de l'infirmerie, pieds nus. Il évita de justesse quelques élèves, professeurs et autres personnes peu importantes à ses yeux.
Une seule personne inondait son esprit.
« Kidou ! »
Fudou s'arrêta, essoufflé, la porte ouverte. Kidou était allongé au sol, les larmes aux yeux, sans ses lunettes. Fudou fixa Kageyama, au dessus, qui s'était stoppé, relevant le haut de Kidou.
« Lâchez-le tout de suite, ordonna Fudou.
— Va-t-en, Fudou-kun, répondit Kageyama sur le même ton.
— Fudou... lâcha Kidou, fixant le brun de ses yeux ambrés.
— Lâchez Yuuto tout de suite ! » Hurla Fudou, fou de rage.
Kageyama se redressa. Il s'approcha de Fudou. Kidou continuait de fixer le brun.
« Alors tu oses te rebeller ? »
Il saisit le rasé par le cou, le collant au mur.
« Tout ce que tu as, c'est grâce à moi, ne l'oublie pas. Si ton père est en prison, c'est grâce à moi.
— Je ne vous laisserai pas recommencer... ni sur moi, ni sur lui... souffla Fudou, serrant ses doigts sur les poignets de l'homme.
— Tu avais l'air d'aimer ça, petit ingrat.
— Fudou... ! »
Leurs regards se croisèrent un instant. Kidou se releva, avant de lancer ses lunettes bleues dans la tête de Kageyama.
« Vous avez commencé par moi, finissez par moi, lâcha Kidou.
— Te mêle pas de ça ! Cria Fudou, serrant les dents.
— C'est toi qui me dis ça ? T'es mal placé ! Rétorqua Kidou.
— Chuuut... dit Kageyama. Je m'occuperai de vous deux, ne vous en faites pas. Fudou-kun ou Kidou-kun, en premier ?
— Touchez de nouveau à un cheveu de Yuuto et je vous jure que je vous tue. » dit Fudou.
Nii-san !
Kidou fixait le rasé, incapable de bouger. Fudou redescendit son regard sur lui. Puis, il sourit.
Nii... san...
« Abandonne cette idée stupide de ballet et je ne toucherai pas à Kidou. »
Kidou entendit la phrase se répéter dans son esprit. Kageyama ne le regardait pas. Il avait arrêté de le regarder. Il se moquait de Kidou.
Il ne voyait qu'un pantin en lui.
Sans un bruit, Kidou s'approcha. Fudou allait être la prochaine victime de Kageyama. Il allait lui prendre toutes les personnes qu'il aimait, une par une, à cause de sa trahison. La porte du vestiaire s'ouvrit, en même temps que celle de la salle. Sakuma, du couloir, et Genda, du vestiaire, étaient entrés.
« Kageyama-san... Lâcha Sakuma, son téléphone à la main.
— Fudou !
— Sakuma-kun ! Va chercher quelqu'un ! » Cria Kidou, sans bouger.
Kageyama avait lâché Fudou, qui toussotait. Sakuma ne bougeait pas. Comme s'il attendait quelque chose.
« Fudou !
— T'occupe pas de moi ! Répliqua Fudou à Kidou.
— Pas bouger, dit Sakiyama, entrant d'un coup, une équerre à la main. Sinon je vous jette ça à la gueule, et je vous jure que c'est pas une blague.
— Sauf si vous préférez le compas dans l'œil, ajouta Henmi.
— On est tous armés, au passage, renchérit Narukami.
— Alors c'est une rébellion ?
— Non, dit Fudou, un sourire aux lèvres. C'est la tactique fabuleuse de la tentative de meurtre. »
Kageyama serra les dents, se tournant vers Fudou, qui n'avait pas bougé. Il toussa un peu, avant de reprendre :
« C'est la même tactique qu'avec mon père. Vous vous souvenez ? Il faut dire que ça fait un moment qu'on attend de le mettre en pratique. Depuis le jour où vous avez abusé de Shinobu. Vous vous en rappelez, hein ? »
Takanashi serra les poings. Fudou continua, ignorant le filet de sang qui coulait de ses lèvres. Il avait mordu sa lèvre, pour réprimer son envie de lui foutre un pain.
« Vous avez abusé de nous tous ici, commençant par moi. Je vous ai espionné. J'ai filmé à votre insu ces moments que je voudrais effacer de ma mémoire. J'ai toutes les preuves pour vous foutre en prison. Alors ? Vous allez foutre le camp comme un petit toutou, ou j'amène ça à la police avec un grand sourire ? »
Kageyama serra les poings. Kidou était éberlué. Alors Kageyama avait... sur tous ?
« Je tiens à noter que Sakuma ici présent a enregistré la conversation, caché derrière la porte, que j'ai laissée ouverte. Il s'améliore en théâtre, cet imbécile, j'ai cru qu'il pionçait vraiment. »
Fudou sortit son téléphone, affichant le message envoyé par Genda :
"Kidou seul avec Kageyama.
Kageyama fixait cul Kidou"
« Alors ? Vous partez ou on vous offre un ticket pour la prison ?
— On dirait bien que vous ai sous-estimés... »
Ses mains dans les poches, le directeur de la Teikoku Gakuen marcha jusqu'à la sortie. Il y eut un silence, puis, Takanashi lâcha un cri de joie. Elle fut suivie par son copain, et les autres membres de l'université.
Fudou lâcha un soupir, avant de laisser sa tête partir en arrière, tapant légèrement dans le mur. Il sourit, fermant les yeux. Il avait réussi à protéger Kidou et les autres.
« Fudou... »
Il ouvrit les yeux, surpris de voir Kidou en face de lui, sans lunettes, les cheveux détachés, quelques gouttes de sueur perlant sur son visage légèrement assombri. Et la première pensée de Fudou était : "Putain ce qu'il est sexy".
« Merci, dit Kidou.
— Merde. »
Fudou lâcha un soupir, amusé. Il écarquilla les yeux en voyant Kidou poser ses lèvres sur les siennes, glissant ses mains sur celles du rasé.
Comme s'ils n'étaient plus que tous les deux, Fudou répondit au baiser, laissant Takanashi fangirliser sur ce qu'elle appelait le "KidoFudo", et ses autres camarades péter un câble.
Excepté pour Sakuma, Genda et Sakiyama, à vrai dire, leur baiser fut un peu inattendu. Sakiyama était pour le "KidoFudo", tandis que Genda et Sakuma entremêlaient leurs doigts, un doux sourire sur le visage.
A travers ce baiser, Kidou remerciait Fudou. Pour lui avoir souhaité son anniversaire et l'avoir aidé à vaincre l'un de ces démons. Et aussi...
Parce que son cœur lui disait de l'embrasser.
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