Chapitre 3
Kidou fixait l'entrée du bar. Kiyama, Midorikawa, Gouenji et Endou étaient derrière lui. Ils parlaient tous les quatre ensemble de leurs anecdotes de couples. Kidou avait oublié ce que ça faisait, d'avoir quelqu'un dans sa vie, quelqu'un avec qui partager ses secrets. Quelqu'un qui était plus important qu'un ami, plus important que tout.
Kidou écoutait souvent ses amis parler de leurs histoires de cœur, mais il ne donnait jamais son avis. Il ne disait pas : "si j'étais à ta place". Il se contentait d'écouter. Il était le confident du groupe. Même de Someoka, lorsque celui-ci se confiait, ce qui était très rare.
« On se met où ? Demanda Kiyama en poussant la porte du bar.
— Là-bas ? » proposa Gouenji en montrant une table, entre le mur du fond et le comptoir.
Personne ne le contesta, la place semblait libre et bien placée. Ils s'installèrent autour de la table ronde, Kidou prenant une chaise en plus. Kiyama prit les commandes de chacun et alla voir le barman, un ami à lui aux cheveux noirs qui se faisait appeler Desarm. L'intéressé disait lui-même qu'il trouvait ce nom plus classe que "Osamu".
«Tu n'as toujours personne, Yuuto ? Demanda Gouenji, doucement.
— Je croyais que tu avais quelqu'un, moi, dit Midorikawa. Tu reçois des demandes tous les jours.
— Et tous les jours, je les décline, répondit Kidou sombrement. Je ne veux pas m'embêter avec une fille que je n'aime pas.
— Et un copain ? Proposa Kiyama un peu plus bas, posant les boissons sur la table.
— Il a pas tort. Si ça se trouve, t'es gay, ajouta Gouenji.
— Je veux pas de copine, c'est tout, ça ne veut rien dire. » rétorqua Kidou, buvant une gorgée de sa boisson.
Kidou ne savait même pas ce qu'il était. Hétérosexuel ? Homosexuel ? Asexuel ? Il ne souvenait pas d'avoir eu une attirance spéciale pour quelqu'un. Endou fixa Kidou des yeux. Comment faisait-il pour ne pas accepter ? Il avait vu, en même pas un mois, de belles filles dans l'Université, de beaux hommes aussi - il faut l'avouer. Comment pouvait-il résister aux filles ?
« Est-ce que c'est parce que tu aimes trop la danse ? » Demanda Endou innocemment.
Le garçon aux dreads lâcha un petit sourire, posant son verre devant lui, puis leva trois de ses doigts.
« Il n'y a que trois femmes dans ma vie. Et l'une d'entre elle est la dance. »
Gouenji avala une gorgée de sa boisson. Il fixa Kidou, puis, Endou. Endou ne savait rien de Kidou. Il avait peur que son copain dise une bêtise, malgré lui.
« Tu es vraiment passionné par la danse, donc ? Moi, ma passion, c'est le football ! Reprit Endou.
— Comme Gouenji et Hiroto, donc ? Ajouta Midorikawa.
— On a fait connaissance durant un match, avant la rentrée, et on s'est revus ensuite, répondit Gouenji.
— Oh, le fameux match de la sélection pour la Coupe du Monde ? » Relança Kidou, intéressé.
En parallèle à ses études de médecine, Gouenji jouait en temps que footballeur professionnel. Plus jeune, il avait participé au Football Frontier International et s'était démarqué, attirant les regards de nombreux journalistes et coach de grands clubs. Gouenji ayant multiplié les participations à des compétitions pour collégiens et lycéens était désormais aussi connu que Kidou, mais pour le football, lui.
Kidou, lui, n'avait participé qu'une seule fois, lors de son année de troisième, au FFI. Il jouait pour s'amuser et rien d'autre. Il manquait un joueur dans l'équipe du collège Raimon, cette année là, puisque Gouenji était passé au lycée. Someoka dût convaincre Kidou avec tout ce qu'il avait, ce qui avait été dur, mais il avait finalement joué, et ils avaient gagné.
Cette année là, Kidou s'était beaucoup amusé - même s'il avait accepté juste pour son ami - mais il refusa de rejouer l'année suivante. Un malheur avait frappé sa famille.
J'ai autre chose à faire qu'aller participer au FFI.
« Mamoru a été sélectionné pour le poste de gardien et libéro, dit Gouenji, sortant Kidou de ses pensées, juste à temps.
— Il y aura qui, dans l'équipe ? Demanda Midorikawa.
- Normalement, il y a Kabeyama-kun, Ryuugo, Shirou, Atsuya et moi, venant de Raimon, répondit Gouenji, se caressant le menton doucement. Peut-être Hijikata, un camarade à moi, aussi... Il y avait qui d'autre de pris ?
— Mon ami Yuuki Tachimukai et Yuuya Kogure, fit Endou en se frottant la nuque. Le reste, je n'ai pas retenu. Ma mère dit toujours que je devrais manger plus de poisson.
— Ils en font, du bruit, là-bas... » lâcha Midorikawa, montrant un groupe de jeunes adultes du menton.
En effet, Kidou entendait un petit brouhaha derrière lui depuis un petit moment. Il regarda discrètement et vit quatre jeunes hommes dont le visage ne lui disait rien. Il connaissait à peu près tous les étudiants de l'université, et eux, leur nom ne leur revenait pas. Sans doute étaient-ils originaires d'une autre université ?
Le premier avait des cheveux semblables à une crinière de lion. Le second, les cheveux visiblement bleus, portait un bandeau sur son œil gauche. Le troisième portait un masque sur sa bouche, tandis qu'une mèche verte lui retombait sur l'œil droit. Le dernier, dont Kidou ne pouvait pas voir le visage, car il était de dos, avait les cheveux rasés, le crâne bien dégagé, excepté une seule mèche qui semblait lui tomber sur l'avant de la tête.
« Ah ! Il me semblait bien les avoir déjà vu. » dit Kiyama en montrant son téléphone à Kidou.
Une image du club de football de la Teikoku Gakuen, où le bleuté et le brun clair apparaissaient. La Teikoku était l'une des meilleures universités du Japon avec Tôdai, loin devant Raimon. Kidou lut l'article qui était consacré à l'université, prise en photo, avec les deux élèves juste devant.
« La Teikoku va venir dans notre université ? » Demanda Kidou, qui n'arrivait pas bien à lire.
Il plissa les yeux et se les frotta doucement, après avoir retiré ses lunettes. Il commençait à fatiguer. Cette nuit, il dormait tôt. Sans que ses amis puissent voir ses yeux ambrés, il remit ses lunettes bleues et écouta la réponse du rouge.
« Oui, dit Kiyama, lisant rapidement l'article. Ils ont eu vent de tes talents en danse. Ils n'ont pas de professeur de danse, mais un ballet à mettre en place, apparemment.
— Tu viens de dire qu'ils n'ont pas de professeur...
— J'ai entendu dire qu'ils avaient lancé un défi à leur proviseur, Kageyama Reiji, coupa Gouenji, ses mains dans ses cheveux lisses, qu'il rattachait.
— Kageyama... murmura Kidou.
— Selon l'interview, ils ont dit à ce Kageyama que si leur ballet leur faisait gagner plus d'un million de yens, ils pourraient quitter le club de football et se concentrer entièrement à la danse, continua Kiyama.
— Se concentrer plus sur la danse... murmura Kidou.
— Et dans le cas contraire ? Demanda doucement Midorikawa.
— Même s'il manquait un seul yen, ils devraient rendre leur salle de danse et se concentrer sur l'équipe de football.
Kidou ferma les yeux. Ces quatre-là faisaient partie de la Teikoku ? Ils étaient les élèves du commandant Kageyama ? Il secoua la tête. Ce n'était plus son commandant. Il attrapa son verre et le finit d'un seul trait, avant de se lever.
« J'y vais.
— Déjà ? Râla Endou, voyant qu'il n'était que vingt-et-une heures.
— Demain, tu fais prof toute la journée ? Demanda Kiyama, terminant son verre.
— Ouais et je ne commence pas à dix heures, moi. »
Kidou s'étira un peu avant de saluer ses camarades, les laissant entre couples, et sortit du bar. Il ferma la porte derrière lui, savourant le vent léger sur son visage.
« Eh ! Tu peux pas faire gaffe ?! »
Il se retourna vivement. Il avait fermé la porte alors qu'un homme allait sortir. Ce n'est pas sa faute s'il ne l'avait pas vu. Il fixa le garçon derrière lui.
« Quoi ? Tu veux ma photo, pauvre tâche ? »
Le jeune homme aux yeux émeraudes planta son regard dans celui de Kidou. Ce dernier l'avait reconnu. C'était celui avec le crâne rasé. Comme si ses cheveux ne poussaient qu'à un seul endroit de sa tête. Un éclair rouge était dessiné sur son front, à côté de sa mèche.
« Casse-toi ! » Cria alors le garçon, poussant Kidou, avant de s'en aller, les mains dans les poches.
L'homme aux yeux ambrés regarda l'inconnu s'éloigner peu à peu. Il ne put détourner le regard qu'une fois qu'il n'était plus dans son champ de vision.
Il se souvenait de ses yeux. Ses yeux émeraudes.
Ils étaient si...
Qu'elle était cette sensation qu'il ressentait, en voyant ses yeux ?
Si...
Il porta une main à son cœur. Il les avait déjà vus, ces yeux.
Si familiers...
Son regard, c'était un mélange. De colère. Mais aussi de trois regards qu'il connaissait si bien.
L'espoir. La soif de gagner. Le plaisir.
Onii-chan...
Pas comme ça, Kidou !
Il frissonna en se remémorant deux fragments de ses souvenirs. Il serra sa tête entre ses mains, plantant ses ongles dans ses cheveux. Pourquoi est-ce que ça revenait maintenant ? Il s'était juré d'oublier ça... Il ne pouvait plus se permettre de penser à ça.
Il se releva, lâchant sa tête. Il expira. Il ferma les yeux. Il se voyait dans le grand miroir de sa salle de danse. Il voyait le plaisir qu'il prenait à danser, dans ses yeux. Puis, il ouvrit les yeux. C'était terminé. Il avait balayé ses mauvais souvenirs.
D'un pas décidé, il rentra chez lui, sous le soleil qui commençait à se couchait, teintant le ciel d'une magnifique nuance entre le rose et l'orange.
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