Chapitre 22
Kidou attrapa sa tasse, la portant à ses lèvres. Il se sentait un peu inutile de ne pas pouvoir aider Fudou pour récupérer ses affaires. Mais il savait que son fiancé était encore préoccupé et rongé par ses actes.
Un fiancé. Il avait un fiancé.
Il ne l'avait toujours pas annoncé à son père adoptif. Celui-ci s'en moquerait sans doute. Le seul qui s'y intéresserait vraiment serait peut-être Hakamada, le majordome. Kidou esquissa un sourire. Les plats du vieil homme lui manquaient.
Le brun arriva à la moitié de sa tasse. Il jeta un coup d'œil à sa montre. Fudou était parti depuis déjà deux heures. Peut-être avait-il décidé de passer par chez l'un de ses amis avant de rentrer, ou par un konbini, pour acheter un sachet de bananes ?
Ou tout simplement, il se battait avec ses draps, chez lui ?
Rien qu'en imaginant le plus jeune galérer avec ses affaires, les traitant de tous les noms possibles, Kidou rit doucement. Il entendit son téléphone sonner. C'était un message de Fudou.
Il écarquilla les yeux en voyant le contenu.
"J'ai changé d'avis.
Je ne veux plus te voir."
- Akio... ? Souffla le danseur.
Il secoua vivement la tête. Il n'avait sûrement pas marqué ça. C'était une erreur, sans doute. Une heure passa. Puis deux. Kidou téléphona à Takanashi. Elle n'avait pas vu le brun.
Il tenta avec Hitomiko. Mais la femme ne l'avait pas vu non plus.
- Kidou-kun, est-ce que tu es au courant ? Demanda alors la directrice de Sun Garden.
- Au courant ? Répéta Kidou. Au courant de quoi ?
La mélodie d'appel se fit entendre. Kidou se prépara à raccrocher, ignorant le double appel, mais il décrocha. Parce que c'était Fudou. L'ancien téléphone de Fudou.
- Akio ! Akio, tu es où ?
- ...ez ...a ...in ...é...
- Parle plus fort, je n'entends rien !
- Peux pas...
- Akio, ça va ? S'enquiéra Kidou.
- Chez moi, lâcha Fudou. Viens m'aider... !
Kidou se figea. Fudou lui demandait de l'aide. Il avait trop de fierté d'habitude. C'était quelque chose de sérieux. L'homme aux yeux ambrés resserra le téléphone dans sa main.
- Ne bouge pas, je...
Un fracas se fit entendre de l'autre côté. Puis, des cris. C'était Fudou. Des bruits de claques, des hurlements de douleurs venaient jusqu'à Kidou, le faisant trembler.
- Akio !
L'appel fut brusquement coupé. Kidou fut parcouru par un frisson. Il ne chercha pas à réfléchir et saisit ses clés, courant chez Fudou.
Tu es au courant ?
Et si Hitomiko savait quelque chose ? Il déglutit, reprenant son souffle à un passage piéton. Il saisit son téléphone et tenta d'appeler son ancienne entraîneuse. Il avait été bête de lui raccrocher au nez.
Kidou lâcha un juron, entendant pour la troisième fois le répondeur d'Hitomiko. Il s'arrêta pour souffler, se souvenant alors du numéro composé par Fudou ; celui de Reina Yagami.
Il hésita quelques secondes sur le dernier chiffre avant d'appuyer sur la touche "appel". Reina lui répondit. Elle avait encore le contact du danseur, qu'ils avaient échangé quelques années plus tôt, lors d'un entraînement ou elle avait suivi son aînée.
- Allô ?
- Reina ! Il faut que tu me passes Hitomiko-san !
- Hitomiko-san ? Mais elle vient de partir chez Akio !
Une goutte de pluie tomba aux pieds de Kidou. Désormais, il en était certain, elle savait quelque chose à propos de Fudou.
- Kidou ?!
- Il se passe quoi, avec Akio ?
- J'en sais rien, elle n'a pas voulu me le dire...
- Et merde...
- S'il te plaît, Kidou, sauve-le... il est toujours aussi faible qu'avant ! Le masque qu'il a sur lui ne tiendra pas longtemps...
Kidou serra les dents. Il le savait. Très bien, même. Fudou était une bombe à retardement. Et il se devait de la désamorcer.
* * *
Je suis faible.
Faible.
Trop faible.
Pourquoi me suis-je entêté à penser que j'étais fort ?
Ce putain de masque n'était pas assez solide.
Moi non plus, d'ailleurs.
J'ai mal.
Trop mal.
Horriblement mal.
J'ai envie de pleurer.
Pleurer jusqu'à me désécher.
J'ai envie de mourir.
Je veux mourir.
Mes lèvres saignent à force de me les mordre.
J'ai mal.
Mais je tiens.
Je souffre.
Je subis.
Je rendrai encore les coups.
"- Ton père est déjà passé en justice pour ce crime. Selon la loi, « non bis in idem », il ne peut repasser devant un tribunal, malgré les preuves."
Comment ai-je pu penser lui pardonner rien qu'une seconde ?
Je ne peux faire confiance à personne.
Personne n'est fiable.
Il n'y a que moi qui compte.
"- F-Fudou ?
- Je t'ai entendu hurler, Sakuma.
- Tu m'espionnais... ?
- ... j'ai subi la même chose que toi. Aide-moi à me venger."
Je commence à crier, incapable de me retenir plus.
Arrête.
Stop.
Arrête tout.
Tue-moi maintenant.
" - Si tu meurs, je dirai quoi à Sakiyama ?!"
Mes larmes coulent.
Je suis un putain de faible.
Je ne suis même pas capable de me défendre moi-même.
Comment ai-je pu les aider ?
Mes dents tremblantes se posent sur ma langue.
Il me suffirait de la mordre, là, maintenant, de l'avaler.
Et je mourrais enfin.
Sans regret pour mes amis.
"- Tu as bouleversé mon cœur, Akio Fudou."
Je hurle, serrant les poings, parcouru de spasmes.
Puis, ça s'arrête enfin.
Mais pas mes pleurs.
Pas ma douleur.
Pas mes cris que je tente d'étouffer, ma gorge me démangeant.
Je veux hurler encore.
Pleurer.
Parce que je ne peux pas mourir.
Chaque cellule de mon corps me l'ordonne, mais je ne peux pas.
Je me recroqueville sur moi-même, geignant.
Je saigne.
Je pleure.
Je suis un putain de faible.
Et j'ai honte de ce que je suis.
" - Je t'aime quand même."
Pardon, Yuuto.
Pardon d'être faible.
* * *
Kidou s'arrêta. Il se trouvait désormais devant la rue de Fudou. Encore quelques mètres et il le rejoindrait. Il avança doucement, à la fois paniqué et en colère.
Et si il ne pouvait pas l'aider ?
Le brun se stoppa. La sonnette était juste là, devant lui. Dans quel état retrouverait-il Fudou ?
La porte était légèrement ouverte. Il la poussa. Il déglutit. Il entra dans le salon. Son cœur cessa de battre. Son sang cessa de couler. Il cessa de respirer. La vision qui s'offrait à lui aurait pu le faire hurler, mais aussi l'inciter à tuer la première personne qui passerait.
Il était là. Recroquevillé sur lui-même, au milieu d'un bazar sans nom. Et il saignait. Et il pleurait. Et il geignait. Sa gorge se noua. Il n'était pas capable de parler. Il sentit une larme rouler sur sa joue. Il aurait encore préféré le retrouver violé.
Il ne supportait pas de le voir blessé ainsi. Non, en fait, il aurait voulu le trouver en train de pleurer, tout simplement. Pleurer de remords, de joie, ou juste parce qu'il n'arrivait pas à faire sa valise.
Il l'aurait pris dans ses bras et l'aurait consolé. Mais là, il voulait le prendre contre lui et pleurer avec lui. Son corps bougea seul, sans qu'il ne parle.
Il marcha sur du verre, une boule à neige brisée. Fudou tourna la tête, les yeux embrumés de larmes, qui coulaient également sur ses joues.
- Yuuto...
Il ne répondit pas. Il ne savait pas quoi dire. Et ça le terrifiait. Alors il se contenta de serrer Fudou contre lui, se retenant de pleurer. Le brun s'accrocha à son dos, se remettant à pleurer, et hurlant contre son torse.
Si il l'avait accompagné, il aurait pu empêcher tout ça.
- Je suis là, Akio... je suis là... murmura-t-il, la voix se brisant à chaque mot.
Kidou lâcha un geignement à son tour. A quand remontait la dernière fois où il avait pleuré ainsi ? Ils se serrèrent l'un contre l'autre, fortement.
Le plus âgé s'entendit alors hurler. C'était le nom de sa sœur. Qu'il n'avait pas pu sauver. Il revoyait encore son sourire. La promesse qu'ils s'étaient faite. Et lorsqu'il la trouva morte, débranchée.
Les souvenirs ne tournoyaient plus dans son esprit, mais il entendait encore pleurer. Fudou, peut-être ?
Non. C'était lui. Il pleurait parce qu'il avait été trop faible, lui aussi. Assez fort pour sa propre personne, mais incapable d'aider Fudou.
Il enfouit sa tête dans le cou du plus jeune, qui ne pouvait pas se retenir non plus. Fudou était ce qui lui restait de précieux. Il pouvait perdre son père adoptif, son majordome, ses amis, la danse.
Il pouvait tout perdre, il s'en moquait. Mais pas Fudou. Il s'était beaucoup trop attaché à lui. Mais il ne le regrettait pas. Fudou était son monde. Et si son monde s'effondrait, il ne tiendrait pas non plus.
- Akio ?
Les deux jeunes hommes se lâchèrent, fixant celui qui avait parlé. Fudou ne lâcha qu'un seul mot.
- Papa...
* * * * *
Oui, alors il était prévu pour mercredi, mais comme il était prêt, je me suis dit que vous le voudriez (le chapitre 23 sera posté mercredi, lui ^^)
Que pensez-vous de ce chapitre ?
#Historia
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