9. Escapate conmigo

Vous avez déjà vécu des situations totalement surréaliste où vous vous demandez où est la caméra cachée ? 

En cet instant, je me demande si je n'ai pas échangé mon corps avec celui d'une macabée. Raide comme un bâton de réglisse sur mon canapé, je le trouve très franchement aussi confortable qu'un banc couvert d'échardes. 
Ma mâchoire reste étroitement verrouillée  pour y enfermer ma langue afin qu'elle évite de me jouer des tours. En face de moi, le manager de l'une des premières star mondiale - paraissant aussi à l'aise que moi- est installé sur une chaise qu'il tente de toucher le moins possible avec son fessier. Il a beaucoup hésité avant d'y poser son arrière train de petit prince, d'ailleurs, à croire que j'ai vomi dessus avant de la lui proposer. 
Pourtant, quant bien même il s'avère être un invité irritant et insultant, ce n'est pas lui qui me fait cet effet de chambre froide.
Non, celui qui me laisse sans voix et me donne l'impression d'être entrée dans la Maison Blanche en pyjama rose,  c'est le fameux chanteur international, qui déambule librement dans mon appartement avec l'air de se trouver dans un musée, observant tous les objets qui encombrent les lieux avec un intérêt surprenant. 
En tout cas c'est l'impression qu'il dégage, puisque ses lunettes de starlette Ray Ban me masquent son regard et donc une majorité de son expression. 
Est-ce seulement lui, la grande star mondiale ? C'est peut-être un petit jeune que le manager a engagé pour se faire passer pour lui ? 
Je cligne des paupières comme une chouette lorsque l'immense vedette se penche subitement devant ma figurine de la belle et le clochard. Il la touche, presque craintivement, et il m'apparaît soudain si ridicule, que ma langue se délie brusquement :

- Attention, Tramp* mord, dis-je mi-figue mi-raisin en me rappelant à la dernière seconde de m'exprimer en anglais.

Et là, contre toute attente, Elijah sursaute et se redresse vivement en se tournant vers moi.
Je reste interdite une seconde avant d'éclater de rire en voyant la mine effarée qu'il affiche, pris sur le fait de sa réaction disproportionnée.
Son manager lui vient en aide en s'éclaircissant la gorge, et je ravale mon hilarité nerveuse en réalisant avec soulagement que ma blague est parvenue à détendre mes muscles. Juste les miens, car les deux autres hommes présents sous mon toit semblent encore constipés. L'un semble aussi confortablement installé qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine, et l'autre 
aussi enthousiaste que si on venait de lui annoncer qu'il allait passer ses vacances à dormir sur mon plancher. 
Vacances. Les stars ont-ils seulement des vacances ? 

- Mademoiselle, peut-on en revenir aux conditions je vous prie ? marmonne-t-il en repoussant avec une grimace la petite furie appelée Juno qui essaie de grimper sur ses genoux depuis deux minutes, bavant copieusement sur son beau pantalon de costume.

Je me retiens de rire à nouveau et ordonne à Juno de venir se coucher à mes pieds ; ce qu'elle fini par faire de mauvaise foi, oreilles et queue basses. Pauvre bête, ses marques d'affections n'ont pas été reçues à leur juste valeur.

- Pouvez-vous signer ? insiste le manager.

- Pas avant qu'on se soit mis d'accord, répliqué-je en anglais.

Il soupire. C'est moi qui devrait soupirer ! Quelle perte de temps.

- Ce que vous demandez est impossible. Je peux vous offrir la gratuité sur tous les concerts, ou bien tout ce qui vous ferez plaisir de cet ordre là. Mais faire un chèque de ce montant ? C'est trop ! 

Je me tourne vers la grande star, Elijah.

- Vous aviez écris "tout ce qu'on veut" en récompense. Vous avez de l'argent, non ? 

Derrière ses lunettes teintées, la star esquisse un petit sourire. Dieu qu'il est beau gosse avec sa peau mate et son look branché !

- Je t'avais dit que c'était une mauvaise idée, marmonne son manager.

- D'accord, fini par répondre la star.

- Quoi ?! s'étrangle son manager. Non

J'affiche un petit sourire : Jackpot ! 

- A plusieurs condition. Pendant toute la durée de mon séjour sur Paris, je veux que tu t'occupes de Patch.

C'est à mon tour de manquer de m'étouffer. Hein ?

- Hein ? dis-je tout haut. C'est impossible, murmuré-je en français, sur le cul.

- Pourquoi pas ? Si tu acceptes, je t'achète cette maison à hauteur de... (il jette un coup d'œil à son manager dont les yeux lui sortent de la tête) à un prix que tu conviendras avec Stan. 

Je me sens divinement bananer. Je me tourne vers le fameux Stan qui semble osciller entre avoir une crise cardiaque et soupirer de soulagement. Le mix des deux est assez flippant. 

- Mais, je travaille... j'ai déjà un boulot, dis-je.

Il plonge son regard sombre dans le mien et étire ses lèvres en un sourire prétentieux. 

- Je te paierai le double de ce que tu gagnes actuellement.

Je n'en reviens pas. Ma bouche reste ouverte, prête à y accueillir n'importe quelle mouche de passage. Elle aurait même le temps d'y pondre des œufs. Beurk, mais à quoi je pense moi ? 

- Je gagne correctement ma vie, relevé-je en réfléchissant activement à ce que mon salaire devait représenter pour lui.

- Ah bon ? s'étonne-t-il en regardant autour de lui d'un air dédaigneux. Combien tu gagnes par mois ? Deux milles dolars ? Plus  ? 

La vache, je n'en reviens pas combien il est antipathique ! Agacée d'être prise de haut, je lui mens ostensiblement : 

- Quatre milles euro net. Je ne sais pas combien c'est en dollars. Tu veux doubler ça ? 

J'esquisse une grimace narquoise.

- Huit milles euro mensuel, alors. Parfait, dés demain je te veux chez moi, déclare la star en se levant, visiblement impatient de quitter mon taudis.

- Elijah, attends, s'exaspère son manager en le suivant. Prends le temps de réfléchir deux secondes, tu...

- La ferme Stanley. Remballes ta paperasse : tu prépareras pour demain un contrat qui récapitule ce qu'on vient de dire.

Je me lève à mon tour et lève une main.

- Je n'ai pas accepté ! m'exclamé-je, à la limite de sortir de mes gongs.

Les deux me jettent un regard qui en dit long sur leur considération à mon égard. Vraiment, de charmant invités...
Le chanteur s'approche de moi brusquement. Il fait pratiquement une tête de plus que moi, ce qui me force à lever la tête pour l'affronter du regard. Sa main se tend vers ma joue, et la surprise bloque ma respiration et me foudroie sur place tandis que son pouce caresse délicatement la peau de ma pommette. 

- Chérie, dit-il d'abord en français avec un accent adorable. Je te propose de t'occuper du chien d'une star international pour le double de ton salaire actuel, sans compter tout ce que t'apporteras la possibilité de travailler à mon service. Ne réfléchis pas trop longtemps : n'importe quelle autre fille tuerait pour être à ta place. Demain matin, je te veux chez moi. Si tu ne viens pas, j'en conviendrai que notre contrat est caduc et ce ne sera pas la peine de chercher à récupérer ta récompense. 

Et il termine son petit speech d'un clin d'œil provocateur avant de tourner les talons. Il siffle un simple coup entre ses dents et Patch vient trottiner à sa hauteur. Il ouvre ma porte, s'arrête une seconde puis sort sans rien ajouter.
Je ne bouge pas d'un iota, figée par la scène surréaliste qui vient de se dérouler. Sans oublier que je cherche encore à déterminer si j'ai bien compris sa dernière déclaration. Je suis douée en anglais, mais j'ai mes limites, et cet abruti n'a fait aucun effort pour parler lentement où avec des mots simples.
 Je reviens à la réalité lorsque Stan le manager pousse un soupir. Il a l'air fou de rage. Il ouvre la bouche à plusieurs reprises mais rien ne sort. Finalement il secoue la tête et emporte avec lui sa sacoche, pleins de papiers sous le bras qu'il n'a pas pris le temps de ranger.

- Vous devriez accepter, dit-il finalement dans son superbe français. Les occasions comme celles-ci ne se présentent qu'une fois dans la vie. Je ne devrai pas m'en mêler, mais de toute façon je suis pieds et poings liés, maintenant que Elijah vous veut pour s'occuper de Patch. Il est pas du genre à changer d'avis. 

Il plonge ses yeux dans les miens, mais voyant que je suis incapable d'ajouter quoi-que ce soit, il se détourne finalement et quitte mon petit appartement.

- A bientôt, mademoiselle Santini. 

La porte se referme sur lui.
Je me laisse tomber sur mon canapé, l'esprit à des années lumières de mon cerveau, certainement lui-même parti aux caraïbes.

Quelques secondes plus tard, Juno vient poser son museau sur mes genoux en mâchouillant un jouet qui couine. 

C'est quoi cette soirée de dingue ? 

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