La nuit tombait. Les soldats et moi nous rassemblâmes devant les chevaux. Quelques lueurs oranges et roses flottaient encore sur l'horizon, tels les arbres, l'automne étant maintenant arrivé. J'ordonnai aux soldats :

"Divisons-nous. Nous n'avons que deux nuits pour trouver cette diablesse. Je partirai seule avec mon valet ; vous autres, partagez-vous en dix groupes."

Biol s'insurgea :

"Vous n'allez pas y aller toute seule, avec un valet qui ne sait pas se battre, madame !"

"Si. Je tendrai un piège à ma servante pour la rabattre vers le camp. Et Ker sait se battre car il m'a été donné spécialement par mon père afin que j'arrive saine et sauve à Ark."

Les épaules de Biol se relâchèrent.

"Dans ce cas, je me plie à votre volonté, madame."

Je n'apercevais pas le vieux soldat, mais ne pensais pas que cela fût bon signe.

"Allons-y !"

Et Ker et moi nous enfonçâmes dans la forêt. Il y faisait très sombre et les arbres étaient tous inquiétants. D'étranges bruits résonnaient sans cesse autour de nous. J'avais un peu peur mais étais surtout inquiète. Je demandai à Ker :

"Avez-vous aperçu des hommes du vieux soldat ?"

Il parut inquiet.

"Non, pas de trace des hommes de Rao. Mais je doute qu'ils soient notre plus grand souci ici."

"Qu'y a-t-il ?"

"Nous risquons de tomber sur ce qui aurait tué les hommes si vous les aviez empoisonnés."

La forêt devenait de plus en plus sombre et je demandais à Ker.

"Comment allons-nous faire pour rentrer ?"

Il me répondit :

"Les gardes allumeront un feu dans quatre heures au camp. Cela nous laissera le temps de discuter avec Dahra."

J'étais intrigué.

"Comment saurez-vous où elle est ?"

Ker me répondit.

"Des chemins ont été creusés dans ces forêts par on ne sait qui. Si vous regardiez au sol, vous pourriez remarquer que celui-ci est plus lisse par là où nous allons."

C'était vrai.

"Et comment savez-vous quel chemin prendre ?"

"Quand j'ai vu Dahra avant le massacre, elle m'avait prévenue qu'elle risquait d'être obligée de s'enfuir précipitamment et m'a dit que, pour la trouver, nous devions toujours tourner à droite."

Soudain, nous entendîmes un bruit. nous nous arrêtâmes pour écouter. Il me semblait entendre des pas humains. Ils venaient de derrière nous. Nous nous retournâmes brusquement  vers l'origine du bruit. Et aperçûmes un éclair brillant entre les arbres.

"Quelle est cette bête ?"

Le visage de Ker devint dur et celui-ci dit :

"Ce n'est pas une bête."

Puis il s'immobilisa et se mit à courir vers une direction fixe. Pour y découvrir un soldat, caché par un grand arbre.

"Pourquoi nous suis-tu ?"

"Ce sont mes ordres." répondit-il d'une voix tremblante.

Ker lui répondit violemment :

"Qui te les a donnés ? Qui ?"

"C'est le v...vieux R...Rao."

Ker lui rétorqua :

"Oui, c'est ça ! Allez, je sais comment retourner au camp à partir de là. C'est ce qu'on va voir ! Madame, vous sentez-vous en état de continuer toute seule ?"

Je compris ce qu'il tentait de faire et lui répondis en conséquence :

"Bien sûr ! Je trouverai cette démone. De votre côté, Ker, vérifiez les dires de ce soldat et préparez-vous à accueillir cette meurtrière quand je la rabattrai vers vous."

Le soldat hurla.

"Je vous ai entendus ! Je vous ai entendu dire que vous aviez un rendez-vous avec elle !"

Ker lui répondit, convaincant :

"Stupide soldat ! Nous lui avons tendu un piège ! Madame, allez et accomplissez ce que nous avons prévu !"

J'acquiescai puis me détournai et m'enfonçai dans la forêt obscure. Je regardais sans cesse le sol pour ne pas manquer de croisement. Ma peur s'accroissait en même temps que la longueur de ma route.

Pourquoi t'es-tu installée si loin dans cette forêt, Dahra ? me désespérais-je. A moins que j'aie manqué un croisement et que Dahra fût derrière moi. Non ! Je ne devais pas flancher ; Dahra et Ker comptaient sur moi !

Un croisement, puis un autre, cela paraissait sans fin. Je ne voyais désormais plus à plus de dix mètres devant moi. Comment Dahra et moi allions nous pouvoir nous repérer dans cette obscurité ?

Et au bout d'un énième chemin, la silhouette svelte de Dahra se dressa devant moi.

"Tu en as mis du temps ! Qu'est-ce qui t'as pris autant de temps pour arriver ici ? Et pourquoi Ker n'est pas avec toi ?"

Je fus soulagée d'enfin l'apercevoir.

"Le camp est loin et nous avons croisé un soldat sur le chemin nous espionnant. Ker a dû me laisser pour le ramener au camp. Et toi, pourquoi les as-tu tués, tous ces soldats ?"

Elle sourit.

"Que croyez-vous qu'ils auraient fait en arrivant au sud ? Croyez-vous qu'ils ne vous auraient pas dénoncée ? Si oui, quittez ce monde, car vous n'y survivrez pas une semaine de plus."

Je me sentis coupable de l'avoir réprimandée.

"Excusez-moi de vous avoir réprimandée."

Ses lèvres s'étirèrent.

"Ce n'est pas le moment pour ce genre de choses. Je voulais juste vous prévenir avant de partir."

Je m'attendais à tout sauf à ça.

"Tu pars. Après tout ce que tu as fait pour moi, tu me laisses toute seule."

"Je n'ai pas fini. Je pars pour vous sauver la vie une fois de plus. Je commence à avoir peur que nous nous soyons trompées dans le fait d'aller vers le Nord. J'hésitais à ce que vous m'accompagniez, maintenant qu'ils sont prévenus du danger mais je préfère garder cela comme une solution de secours au cas où la situation dégénère."

"Mais où partez-vous donc ?!"

"Je vais retrouver mes maîtres afin qu'ils nous donnent asile en cas de problème."

"Qui sont-ils ?"

"Ils sont célèbres dans toutes les Terres Divisées. Leur nom est craint par toute personne ayant une tête ou un cœur."

Ma patience commençait à s'amenuiser.

"Et quel est-il, ce nom ?"

"Les Assassins."

Note : merci à tous d'avoir lu jusque-là cette histoire. Il n'y aura pas de chapitres Ella pendant au moins quatre groupes de chapitres. Je vais alterner entre Alwin et Dahra ces temps-ci. Si je le fais, c'est surtout pour vous éviter les nouveaux personnages et de vous ennuyer. J'espère que vous appréciez cette histoire !