Thala redescend et se réinstalle à table. Toute la famille la fixe. Ils veulent tous savoir ce qui arrive à Quinn. Mais Thala ne dit rien. Elle ne sait pas comment leur dire et surtout, si elle en a le droit. Cela aurait d'énormes conséquences s'ils savaient que Quinn est amoureuse d'Einin Pearl. Ils ne comprendraient pas. Ils lui interdiraient tout contact avec elle. Et alors, Quinn irait encore plus mal, même si Einin a dû elle-même lui interdire de l'approcher.

— Thala ?

La jeune femme tourne la tête vers son père. Elle sait très bien ce qu'il veut mais elle ne peut malheureusement pas le satisfaire. Il y a encore quelques mois, elle lui aurait tout dit. Mais depuis qu'elle est avec Kaleb et qu'elle cache cette vérité constamment, elle a compris que certaines choses doivent rester secrètes bien qu'elle respecte et aime profondément son père. Elle ne peut pas trahir Quinn. Celle-ci la tuerait ainsi qu'Olivia puisque la jeune rousse semble beaucoup apprécier Einin alors qu'elle ne lui a parlé que quelques fois.

— Thala ? demande une nouvelle fois Paul.

Celui-ci voit d'ailleurs que sa fille est gênée et c'est bien la première fois qu'elle est comme ça. Mais il a besoin de savoir ce qu'a Quinn.

— Elle ne veut pas en parler, lui répond-t-elle. Elle m'a bien fait comprendre qu'elle ne dirait rien. Et vu l'état dans lequel elle était, j'ai pas insisté.

Bien sûr, c'est ce qui s'est passé cependant Thala omet de dire qu'elle sait pourquoi Quinn est comme ça. Certes, la blonde ne lui a pas dit clairement, mais cela ne peut être qu'à cause d'Einin. Thala croise alors le regard d'Olivia. Inquiète et curieuse, la rousse doit se douter de la raison. Elle est tellement observatrice. Thala sait très bien qu'Olivia va l'interroger. Son attention revient sur son père qui soupire, mais il semble accepter ce qu'elle dit.

— J'irai la voir tout à l'heure, déclare-t-il.

— Non, s'exclame Olivia. Tu vas encore plus la braquer. Tu connais Quinn Papa, ajoute-t-elle.

Paul réfléchit puis acquiesce, signe qu'il est d'accord avec sa plus jeune fille. Celle-ci est soulagée. Elle aura le temps de parler avec Thala.

Je me réveille doucement. Mes yeux sont gonflés et doivent être rouges. J'ai mal à la tête. Je réalise alors, que j'ai dormi sur le sol, dans l'entrée de la maison. Soudain, je me souviens de ce qu'il s'est passé. De Quinn, de la façon dont je l'ai rejetée et de la souffrance qui est apparue après. Mais ensuite, c'est le noir. Je me relève. J'ai mal partout d'avoir dormi par terre. Quelle heure est-il ? Ai-je raté le début des cours ? Je regarde l'horloge de la cuisine. Il est plus de dix heures. Je ne m'affole même pas. Je n'ai pas envie d'aller en cours. J'aimerais rester ici ou fuir loin. Oublier Quinn. Est-ce possible ? Est-il possible d'effacer les sentiments que j'ai pour elle ? Je n'ai pas envie d'aller au lycée, car je sais que je vais la croiser. Je me résigne donc à rester à la maison aujourd'hui. De toute façon, je suis en week-end, ce soir.

— Quinn ! Debout ! crie Lumia à travers la porte.

Ladite Quinn grogne.

— J'ai dit debout, s'énerve Lumia.

— J'arrive !

Quinn a la voix éraillée d'avoir trop pleuré. Elle ne veut pas aller au lycée. Elle ne veut pas voir Einin. A cette pensée, ses yeux s'embuent. Pourquoi est-elle amoureuse d'elle ? Pourquoi a-t-elle autant mal ? Les larmes font leur apparition. Elle se sent faible et vide. Elle va mal et elle est incapable de se lever.
Quelques minutes plus tard, Olivia toque à la porte. Lumia est de plus en plus énervée et ne va pas tarder à venir sortir Quinn du lit. L'adolescente rentre doucement dans la chambre qui est plongée dans le noir. Les volets sont fermés et peu de lumière passe à travers. Elle s'approche du lit de sa sœur. Elle s'assoit près d'elle. Cependant, elle ne fait aucun geste envers la blonde qui n'aimerait pas. Celle-ci ouvre doucement les yeux. Ces yeux violets injectés de sang.

— Quinn...

Celle-ci referme les yeux quelques secondes.

— Ne m'oblige pas à me lever, murmure-t-elle.

Olivia soupire.

— Maman ne te laissera jamais rester à la maison, lui fait remarquer Olivia.

— Olivia, s'il te plaît...

Celle-ci fixe Quinn quelques secondes avant de soupirer.

— Je peux toujours essayer de convaincre papa, se résigne Olivia.

Olivia réussit à convaincre leur père, au grand désespoir de sa femme. Quinn restera à la maison aujourd'hui. Et Olivia va en profiter pour parler avec Thala. Celle-ci les emmène au lycée avec sa voiture et la jeune rousse monte à l'avant, laissant Nathan seul derrière. Thala regarde Olivia faire, résignée. Elle sent qu'Olivia est impatiente. A peine, ont-ils démarré que la jeune rousse débute son interrogatoire.

— C'est à cause d'Einin ? 

— Olivia... soupire Nathan à l'arrière.

Le jeune homme sait très bien que sa grande sœur est loin d'avoir sa patience. S'il supporte très bien sa petite amie, sa sœur s'agace rapidement. Mais Olivia fait comme si elle n'avait rien entendu et continue de fixer Thala. L'aînée se contente d'acquiescer. Olivia sourit tristement.

— Elle l'a rejetée ? s'enquit-elle.

— Si tu veux des détails, demande à Quinn ! réplique Thala en posant, quelques secondes, son regard noir sur Olivia.

— Elle ne dira rien, s'exaspère cette dernière.

— Peut-être parce que ça ne te regarde pas, s'énerve Thala.

— Mais je me fais du souci pour elle. Et toi aussi !

Les mains de Thala serrent un peu plus le volant.

— Quinn ne veut pas qu'on l'aide.

— On ne peut pas la laisser comme ça, s'indigne Olivia.

— Je te le répète, elle ne veut pas d'aide, comme moi, je n'en ai pas voulu ! 

— Mais...

— Olivia, stop ! la coupe Nathan.

La jeune fille se retourne. Le jeune homme n'a pas l'habitude de s'opposer à elle, sauf quand elle va trop loin. Il est plutôt calme et discret contrairement à elle. Elle le regarde quelques instants et il lui fait comprendre qu'elle n'a pas intérêt à pousser Thala à bout. Olivia soupire, mais accepte de se taire et reporte son attention sur la route. Thala, quant à elle, est crispée et énervée. Elle se rappelle du début de sa relation avec Kaleb. Des moments de doutes, des crises d'énervement, car elle ne pouvait pas contrôler son attirance pour lui, des pleurs alors qu'elle réalisait qu'elle l'aimait et des crises d'angoisse qu'elle avait quand elle pensait aux conséquences que cette relation aurait si quelqu'un la découvrait. A l'époque, Quinn s'était inquiétée, son père, son frère et Olivia aussi. Mais elle n'avait rien dit, elle avait tout gardé pour elle. Et elle avait fini par céder à cet amour. Elle ne regrette pas. Elle l'avait dit à Quinn, quelques temps plus tard. Puis, Nathan et Olivia l'avaient découvert, parce que personne ne peut cacher quelque chose à Olivia. Son comportement était redevenu plus normal et son père avait paru soulagé. Cependant, contrairement à Quinn, elle peut se cacher. Thala espère vraiment que Quinn va réussir à oublier Einin.

Je me réveille en pleine nuit, en hurlant. J'ai chaud et je suis en sueur. Je ne me souviens pas très bien de mon cauchemar. C'est flou et sombre. Mais je me rappelle de ma terreur et de Quinn. Je m'entends hurler son nom. Mon cœur bat vite comme si je venais de faire un marathon. Je me lève doucement. Je vais prendre une douche. La chaleur me détend un peu. Mes muscles contractés se relâchent. Les battements de mon cœur ralentissent et il reprend un rythme normal. Je sors de la douche et vais me changer. J'aperçois mon dos dans un miroir. J'évite toujours de le regarder. Ça me fait mal de voir les deux grandes cicatrices. Je détourne rapidement la tête et vais enfiler un nouveau pyjama même si je sais que ne me rendormirai pas. Je décide de descendre. Je m'installe au piano mais rien ne vient. Alors que je pose mes doigts sur les touches, je me rends compte que je n'ai pas envie de jouer. Et cette constatation m'horrifie. J'adore jouer, depuis longtemps. Mais cette nuit, aucune mélodie ne me vient à l'esprit alors que j'en connais des centaines. J'appuie doucement sur les touches et le son qui sort du piano est fade. Je m'affole. J'essaie alors de jouer la première musique qui me vient lentement à l'esprit. Je constate rapidement que je ne ressens rien. C'est un morceau qui est pourtant joyeux. Mais la musique me parait ennuyeuse. Cette observation m'angoisse et je mets à pleurer. La vie perd ses couleurs. La joie s'éloigne et fait place à la tristesse. C'est douloureux de constater que seul Quinn peut me procurer un semblant de bonheur, dans ce monde auquel je n'appartiens pas. Cette vérité ne me soulage pas, au contraire, elle m'effraie. J'essaie de résister à cette attirance mais ces sentiments vont finir par me faire craquer. Je semble dépendante de Quinn, ce qui m'alarme encore plus. Je semble avoir besoin d'elle. J'ai déjà été égoïste et je sais que pour mon bonheur, je pourrai l'être de nouveau.

Paul a écouté sa fille Olivia et attend vendredi soir pour parler à Quinn. Lumia n'est pas là quand il rentre du lycée. De même, aucun de ses enfants n'est à la maison, à part Quinn. Paul monte au premier étage et se dirige vers la chambre de sa fille. Il toque puis pénètre dans la pièce. Les volets sont ouverts. Il peut donc voir sa fille. Elle est recroquevillée dans son lit. La tête sur les genoux et les yeux dans le vide. Il s'assied sur le lit, face à elle. Elle semble l'entendre et tourne la tête vers lui. Elle essaie bien sûr de se constituer un visage neutre et normal, mais Paul n'est pas dupe et voit qu'elle ne va pas bien. Elle est ailleurs et triste.

— Est-ce que tu vas bien ? commence doucement Paul, même s'il connait déjà la réponse.

Pourtant, il voit que sa fille hésite. Veut-elle lui mentir ? Cependant, elle décide de lui dire la vérité. Elle secoue la tête de droite à gauche. Puis, elle détourne le regard, comme si cet aveu lui coutait.

— Est-ce que tu crois que ça va aller ? 

Quinn hausse les épaules. Est-ce qu'elle va aller mieux ? Est-ce qu'elle va réussir à oublier Einin ? Est-ce qu'elle va réussir à effacer ses sentiments ? Elle veut qu'on arrête de la questionner.

— Est-ce à cause d'Einin Pearl ? 

La blonde essaie de ne pas se tendre, de peur que son père le sente. Mais elle n'est pas assez discrète et l'homme remarque le changement. Cependant, sa fille ne semble pas vouloir parler.

— Réponds-moi ! ordonne-t-il.

Quinn est obligée de le faire. C'est instinctif. Paul est son père mais c'est aussi son alpha. Elle est obligée de lui obéir.

— Oui, murmure-t-elle, honteusement.

Paul accepte la réponse de sa fille, impassible. Pourtant, intérieurement, il réfléchit. Quelles sont la nature et l'étendue des sentiments de Quinn pour Einin ? Paul est inquiet pour sa famille.

— Quinn, tu ne peux pas continuer, dit-il fermement.

Celle-ci acquiesce, bien consciente des risques qu'elle prend. Mais elle ne peut s'empêcher de vouloir approcher Einin. Elle n'est pas assez forte pour lutter contre ses sentiments. Paul observe sa fille qui semble pensive.

— Tu vas devoir rester loin d'elle. Je t'ai déjà prévenue une fois. Aujourd'hui sera la dernière fois que je le fais.

Quinn acquiesce de nouveau mais ne dit toujours rien. Paul commence à s'agacer. L'adolescente n'a pas l'habitude d'être si calme et passive.

— Quinn ?

Son ton est cassant, mais la jeune femme fixe toujours le vide.

— J'ai compris, finit-elle par dire, d'un ton absent.

Je suis restée chez moi, ce week-end. Assise derrière mon piano, les mains sur les genoux. Je suis restée là, à ne rien faire. Je ne suis pas sortie. Je ne mange pas beaucoup, je grignote seulement quelques gâteaux. Mais je dois me reprendre. Je ne peux pas rester comme ça. Je suis un ancien ange. Je ne suis pas faible !

Je trouve donc le courage d'aller au lycée le lundi matin, au risque de croiser Quinn. Je prends mon sac et descends de ma voiture. Je sais où ils sont mais j'évite de les regarder, de peur de craquer. Est-elle là ? Je ne veux pas le savoir. J'entre rapidement dans le bâtiment et vais à mon premier cours.

Le déjeuner arrive lentement et je n'ai pas trop faim. Je décide de sauter le repas. Je m'installe dans un couloir désert et sort un livre. Cependant, je n'ai pas le temps de lire une page entière, qu'une jeune louve rousse m'interrompt. Olivia s'assoit à mes côtés. Je stoppe ma lecture mais ne lève pas les yeux. J'attends qu'elle prenne la parole.

— Elle ne va pas bien, m'informe-t-elle.

Je ne réponds rien. J'aurais préféré ne pas savoir. Je ne veux pas savoir que mon rejet la fait souffrir. Mes yeux se perdent dans les mots de la page.

— Et notre père lui a demandé de ne plus t'approcher, ajoute-t-elle.

— C'est mieux ainsi.

J'essaie de paraître détachée alors qu'Olivia m'observe attentivement, comme pour chercher à savoir ce que je ressens vraiment. Mais je ne peux pas me permettre de la laisser deviner mes sentiments. Elle continue de me fixer alors que je détourne les yeux.

— Tu ne devrais pas te mêler de ça, ajouté-je froidement.

— Thala m'a dit la même chose.

J'ai l'impression qu'elle ne lâchera rien et qu'elle attend patiemment que je craque. Seulement, je suis aussi patiente qu'elle, voire plus. Après tout, j'ai quelques centaines d'années.

— Je sais que tu es amoureuse d'elle, m'informe-t-elle.

— Faux, je mens. Je ne le suis pas. Pourquoi le serais-je ?

Je me tourne vers elle alors qu'elle esquisse un sourire.

— C'est un truc qui ne se commande pas, dit-elle en secouant la tête comme si je disais des choses absurdes. Regarde Thala et Kaleb.

Je ne trouve rien à redire, prouvant enfin à Olivia qu'elle a raison. Celle-ci semble satisfaite d'elle.

— Faut pas que vous restiez comme ça.

— Et tu veux qu'on fasse quoi ?

Olivia veut nous aider mais elle m'énerve. Elle ne peut pas tout comprendre. Elle ne peut pas savoir à quel point cette situation est compliquée. Elle ne comprendra jamais tout ce que cela implique. Je me lève brusquement pour m'éloigner d'Olivia. Il faut que la conversation s'arrête maintenant. La jeune rousse met quelques secondes à réagir, mais elle se lève à son tour. Je récupère mes affaires et lui tourne le dos. Mais à peine ai-je fait un pas, qu'elle attrape mon poignet. Je me dégage et me retourne.

— Ton père n'acceptera jamais que nous soyons ensemble. Je suis un danger potentiel pour vous et votre famille aurait des problèmes. Et je ne veux causer aucun mal.

Olivia me regarde. Elle semble confuse. Elle ne comprend pas pourquoi je pourrais causer autant de soucis. Mais je ne lui expliquerai rien. Tout est déjà assez compliqué à gérer, alors que je ne veux pas qu'elle s'en mêle. Elle s'apprête à ouvrir la bouche mais elle est stoppée.

— Tu te mêles de choses qui ne te regardent pas Olivia. Je croyais que Thala t'avait demandé de rester en dehors de ça.

Quinn se trouve derrière moi et je vois Olivia la fixer. Mais il ne faut pas que je me retourne. Je ne veux pas souffrir davantage. Je me décale donc de la jeune fille et m'enfuis, laissant les deux sœurs dans le couloir.

La semaine passe lentement. Je sens souvent le regard d'Olivia sur moi. Et parfois, j'intercepte même celui de Thala. J'évite de regarder Quinn, je pense déjà trop à elle. Ça me tue de l'intérieur. En me condamnant à cette vie sur Terre, le conseil espérait-il que je souffre autant ? Est-ce pour ça, qu'ils m'ont arraché mes ailes et qu'ils m'ont condamnée à cette immortalité ? Est-ce le prix à payer pour ce que j'ai fait ? Aucune souffrance physique ne sera jamais pire que celle que j'ai ressentie ce jour-là. Pourtant, la douleur mentale, psychologique que je ressens peut facilement l'égaler.
J'ai l'impression que la douleur anesthésie les autres sentiments. Le piano ne me procure plus aucune joie, je ne suis plus émerveillée quand je réussis un nouveau dessin. La musique en générale ne me transporte plus et les livres ne m'intéressent plus. Comment un seul être a-t-il pu bouleverser à ce point mon existence ? Est-ce pour cela, que chez les anges, l'amour n'est pas un sentiment ? Nous serions trop dépendants les uns des autres.

Le professeur Ravens s'attarde un instant sur moi quand il fait l'appel. Son regard noir me scrute pendant de longues secondes, sans que les autres ne s'en rendent compte. Les lycéens sont trop occupés à bavarder gaiement pour remarquer l'attitude de leur professeur. Seul, Quinn, Thala et Kaleb se sont tu et observent le professeur Ravens. Que peut-il remarquer ? Que j'ai maigri ou que mon regard est plus terne ? Il finit par détourner le regard et reprend l'appel calmement.

Je ne suis pas très attentive durant ce cours. Je suis distraite et pensive comme je l'ai été toute cette semaine. Les autres élèves ne veulent même plus jouer avec moi, ce qui ne me dérange pas plus que ça. Je vais donc m'asseoir et attends que la séance se termine. Le professeur remarque que je ne joue pas mais ne dit rien. Il m'interpelle à la fin du cours, après que nous ayons rangé l'équipement. 

— Vous n'étiez pas concentrée aujourd'hui. Cela ne vous ressemble pas.

Je hausse des épaules. Je n'ai pas à me justifier, même s'il est mon professeur. Cela ne le regarde pas et de toute façon, il doit déjà savoir pourquoi.

— Pourtant vous êtes une bonne joueuse, m'affirme-t-il.

Avoir été un ange a des avantages puisque j'ai une meilleure condition physique que la plupart des humains.

— Le bac approche, continue-t-il.

— Je ne vois pas en quoi ça vous regarde, lui répliqué-je froidement.

Un éclat de surprise traverse ses yeux mais il conserve un visage calme. Il ne doit pas avoir l'habitude qu'une de ses élèves lui réponde comme cela, mais je ne suis pas n'importe qui, et nous le savons très bien tous les deux.

— Certes mais pour vous, il vaudrait mieux que vous vous repreniez.

— Peu importe comment je suis, ça ne change pas grand-chose pour vous.

— Je suis votre professeur et tout ce que je veux, c'est que vous réussissiez, essaie-t-il de se justifier.

Je laisse alors échapper un petit rire.

— Vous ne faites pas ça parce que je suis votre élève, relevé-je.

Paul Ravens se tend. J'ai donc trouvé le problème. Quinn est dans le même état que moi. Elle souffre et le professeur Ravens semble touché par cela. Mais paradoxalement, il lui a interdit de me revoir. Même si je sais très bien qu'elle pourrait aller contre cet ordre, je suppose qu'elle a trop peur que je la rejette une nouvelle fois.

— Vous sentiriez-vous coupable ? demandé-je, ironique.

Il me foudroie du regard. Mais je ne lui laisse pas le temps de répliquer.

— Sachez que vous n'avez pas de soucis à vous faire. Je resterai loin d'elle. Cependant, comprenez bien que l'amour, ça ne s'efface pas en un claquement de doigts.

Paul a du mal à se remettre de sa discussion avec Einin. Il ne pensait pas que la situation allait jusque-là. Il croyait juste que Quinn était intriguée par la jeune fille, au pire qu'elle voulait l'espionner. Mais jamais, il n'aurait imaginé que sa fille puisse être amoureuse. Il n'a rien remarqué. Certes, il n'est pas très proche de ses enfants, son rôle d'alpha prenant souvent le dessus sur son rôle de père, mais il aurait dû se douter de quelque chose. Sa fille a un tempérament colérique mais jamais, elle ne s'était emportée autant. Jamais elle n'avait été si affectée par quelque chose ou quelqu'un.

— Papa ? 

Celui-ci sursaute en entendant la voix de son fils. Nathan le regarde, étonné. Jamais il n'a vu son père si pensif, presque perdu. 

— Qu'est-ce qu'il y a ? demande Paul.

Nathan se reprend.

— La voiture de Cassiopée ne démarre pas mais Logan ne trouve pas pourquoi, explique-t-il.

— J'arrive.

Nathan repart et Paul sort de la cuisine. Il passe par le salon où se trouve tous ses enfants, à part ses deux aînés qui sont dehors. Il regarde Nathan s'asseoir à côté d'Olivia qui tient une manette de jeu. Sur un des fauteuils, Thala en tient une autre. Les deux jeunes femmes ont le regard rivé sur l'écran de télévision. Paul observe cette scène de quotidien avec un petit sourire. Mais il le perd en voyant Quinn. D'habitude, la blonde jouerait avec ses sœurs. Mais pas aujourd'hui. Elle est assise au sol, adossée au canapé où se trouvent Olivia et Nathan. Son regard fixe le carrelage froid au lieu de regarder la télévision avec intérêt. Ses yeux violets sont perdus dans le vide. Comme ceux d'Einin, Paul remarque qu'ils ne sont plus aussi éclatants. Et cette constatation lui fait du mal. Il peut être le méchant alpha quand ses enfants ne lui obéissent pas mais c'est aussi un père. Il ne peut pas toujours obliger ses enfants à se plier à ce qu'il veut. Et même si Quinn n'est pas sa fille biologique, il ne veut pas la voir souffrir comme ça. Il doit faire quelque chose.

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Voici le chapitre 9, j'espère qu'il vous a plu. Est-ce que vous avez aimé Olivia et Paul ? La première ne lâche jamais rien et le deuxième réalise enfin la situation. Je sais que la discussion entre Einin et Paul n'est pas franchement réaliste mais je pense qu'elle est nécessaire. 

A + !